Ne cachez plus ce sexe que je ne saurais voir !
Ironie du sort ou de l’histoire, on vient d’apprendre la mort de Sylvia Kristel, éternelle Emmanuelle (treize ans quand même à l’affiche sur les Champs-Elysées) le jour même ou tous les médias se gaussent du succès attendu de « Cinquante nuances de Grey » (dommage que le titre passe mal dans la langue de Molière) le roman érotico-sado-maso soft qui vient de battre en France un record de vente historique : 40 000 exemplaires en deux jours à peine, heureuse auteur !
Le record « Twilight » est en passe d’être battu. Pas étonnant : si les aventures vampiresques ne peuvent séduire à priori qu’un cercle restreint d’afficionados de l’hémoglobine (quoique… un certain érotisme torride y ait affleuré en sous-main), le sexe a l’avantage commercial de concerner tout le monde, chacun de nous en possédant au moins un !
(Ca me rappelle mon neveu de 14 ans qui, me demandant des conseils pour créer un compte Facebook, s’est écrié, à la lecture de l’injonction « Afficher votre sexe sur le profil » : « Mais comment je fais ??? »).
Des millions, donc, de lecteurs potentiels. Des millions, également, de détracteurs putatifs : pudibonderie, hypocrisie, religion mal digérée, zapping obligatoire « dans l’intérêt des familles », celles-ci ayant la sale habitude d’oublier d’où elles sont toutes forcément issues, pas le la cuisse de Jupiter ni de la bienheureuse Marie toujours Vierge, mais de la rencontre obligatoire de deux sexes opposés – comme le chantait Béart.
Si le 19ème siècle a inventé le romantisme psychorigide, en mettant en exergue l’amour platonique et la cristallisation Stendhalienne dans le but de contrer les débordements des Fêtes Galantes, l’érotisme redécouvert dans les Années Folles reste l’anti-pornographie : cette dernière, sans états d’âme ni fantaisie, n’est qu’une simple affaire de fric, alors que l’érotisme a contrario représente la grande aventure de toute existence, et l’origine du monde des créations artistiques – quelles qu’elles soient…
Evidemment, les littérateurs puristes ricanent et crient à l’Harlequinade. Evidemment, on est loin de Miller et de son Anaïs, loin aussi d’ « Histoire d’Ô » et de Régine Desforges. Mais on reste quand même largement au-dessus des élucubrations plates et laborieuses de « La Musardine ».
Il y a une histoire, qui se tient, et un style, simple et sans chichis, qui en vaut bien un autre. L’important, c’est d’aimer… Et l’important, c’est de lire, au lieu de se laver le cerveau avec la télé… Que demande le peuple ? Au moins, pendant ce temps-là, on ne fait pas la guerre à son voisin !
Pour ceux qui se sentiraient coupables de trahison académique, je recommande de redécouvrir, en parallèle, l’exceptionnel ouvrage de Pascal Quignard « Le sexe et l’effroi » qui plonge dans les racines antiques de la sexualité humaine et analyse ce moment où l’érotisme joyeux, anthropomorphe et précis des Grecs se transforma en mélancolie effrayée sous l’Empire Romain, puis en panique et en cauchemar dans la chrétienté, la peur du désir aboutissant aux grandes images de l’Enfer.
L’un dans l’autre, si j’ose dire, chacun y trouvera ainsi son plaisir !
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