Passant, va dire à Sparte ...
le 21 mars sort en France un film attendu par les fans de culture comics. Après « Sin City », « 300 », une adaptation du « roman graphique » de Franck Miller vient poursuivre la mise en images de l’oeuvre de cet auteur majeur de la culture de la bande dessinée américaine.
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Dans la culture comics/ geek, on connaît Frank Miller depuis longtemps. Ses albums sur Batman, le chevalier noir, sont entrés dans la légende. Frank Miller a repris pour DC Comics ce personnage légendaire qui se mourrait d’une agonie graphique et scénaristique interminable. Plongeant le héros masqué dans un chaudron de violence, de paranoïa, il en ressort le côté obscur, maléfique, presque "vadorien". Le succès fut phénoménal.
Miller a aussi profondément transformé le caractère et l’univers d’un autre héros des comics américains : Daredevil. Moins connu en France qu’aux USA, le justicier sans peur, aveugle suite à un accident radioactif, avocat le jour, justicier la nuit, a vu sa vie bouleversée, transformée, explosée par le passage du créateur Miller. Là aussi, mais sans aller aussi loin qu’avec Batman, Miller réussit le tour de force de donner de la profondeur et de l’humanité au héros en dévoilant ses doutes, ses peurs, ses haines. La mort d’Elektra, personnage créé puis assassiné sous la plume de Miller, reste un tournant incontournable de l’univers de Daredevil.
Mais l’histoire qui est adaptée cette fois-ci au cinéma n’a rien à voir avec le monde des héros de comics américains, se battant dans des villes tentaculaires, sauvant le monde à coup de superpouvoirs. Dans 300, Frank Miller a décidé de nous remettre en mémoire une histoire mythique, une histoire grecque, une histoire de volonté, de courage, de trahison. Une histoire de bataille éternelle.
Au centre de la Grèce contemporaine, aux abords d’une voie de circulation importante, vous pouvez voir, lorsque vous passez entre mer et montagne, un curieux monument. Le style en est un peu pompier. Un guerrier grec, avec casque à cimier, lance et bouclier rond, nu, brave les passants. A ses pieds, une frise de bas-reliefs relie deux hommes gisants.
Vous êtes à l’emplacement du défilé des Thermopyles. Ici a eu lieu une bataille entrée dans la légende. Une bataille où des hommes, des Grecs, des Spartiates, se sacrifièrent jusqu’au dernier pour bloquer une immense armée d’invasion perse. Léonidas, roi de Sparte, et ses quelques milliers d’hommes, bloquèrent les forces innombrables de l’empereur perse, Xèrxès.
300 raconte ce fait d’armes dont nous avons tous entendu parler, à un moment où à un autre. La bataille des Thermopyles reste en effet comme l’archétype de la résistance désespérée, la lutte à mort pour priver un ennemi de la victoire qui était à portée de sa main.
Miller, bien sûr, en romance le canevas. Dans son style incisif, pointu, presque scalpélien, il dissèque les principaux personnages, les débarrasse des oripeaux inutiles, pousse même jusqu’à la caricature pour mettre en place un affrontement entre les Grecs et les Perses, l’Orient et l’Occident, les mâles contre l’empereur efféminé. Le bien contre le mal.
300 est une oeuvre bouleversante. Le dessin est incroyable, précis. Enfermé dans des cases nettes, carrées ou rectangulaires, la structure des pages de Miller crée d’emblée une tension, encore augmentée par la concision des dialogues. Vous êtes en terre spartiate, vos personnages ne peuvent être que laconiques.
La peinture des personnages ne vous laisse pas indifférent non plus. Les gGrecs sont brossés comme de purs guerriers, presques nus, ne portant que leurs armes, une cape rouge, un pagne, leur casque ; Xèrxès, sophistiqué, couvert de bijoux, presque efféminé sur son trône digne de Cléopatre, symbole de l’Orient infini ; son armée comme la masse innombrable de tous les peuples de la Terre, asservis par le tyran, promis à une mort certaine sous les coups des "hommes" de Grèce.
On a accusé Miller de racisme dans cet album. Pointant du doigt le graphisme, certains ont fait ce cette oeuvre une apologie de la race blanche contre les autres nations. Rien de plus faux. Derrière le roi de Sparte, Miller dresse sans complaisance le spectre du fanatique oublieux de toutes les règles, le panégéryste de la fin qui justifie tous les moyens. A l’avidité des Perses répond la rigidité des Grecs, leur besoin de pureté, leur incapacité à concevoir autre chose que la force.
Mais, oubliez les polémiques. Oubliez les batailles stériles.
Je vous invite à aller voir, dès le 21 mars, un film qui va vous raconter, une nouvelle fois, une légende. Replongez-vous dans l’un des mythes fondateurs de notre culture. La Grèce antique nous a laissé un héritage fantastique, des histoires éternelles, des personnages immenses. Je ne peux qu’espérer que le film sera à la hauteur du livre et de l’Histoire.
Puis, quand vous sortirez de la salle de cinéma, allez en librairie et prenez le temps de découvrir le travail de Frank Miller. Dans son genre, c’est un artiste majeur de notre temps. Il n’est pas peintre "classique" mais son oeuvre est magistrale.
Et enfin, si un jour vous passez aux Thermopyles, sur cette terre de Grèce rocailleuse et rude, mais si belle que, de tout temps, des hommes sont morts. pour elle, arrêtez-vous devant le monument. Ayez une pensée pour ceux qui, tout près de là, devinrent immortels par le sang versé. Puis descendez au sud, vers les ruines quasi invisibles de ce qui fut l’une des plus puissantes cités hellénistiques. Et obéissez à cette injonction, cette phrase mythique, cet ordre qui résonne dans le temps.
"Passant, va dire à Sparte que nous sommes morts pour obéir à ses lois."
Manuel Atréide.
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