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Peindre l’Histoire par Didier Le Fur

Didier ABED Franck

Notre découverte de Didier Le Fur s’est produite, il y a quelques mois, en lisant son ouvrage « Et ils mirent Dieu à la retraite », que nous avions grandement apprécié. Avec ce nouvel opus intitulé « Peindre L’Histoire », l’historien, éditeur et essayiste revient sur les rapports étroits qui existent entre ces admirables disciplines que sont la peinture et l’Histoire. Nous constatons que nous sommes en présence d’un livre magnifique, à mettre dans les mains du plus grand nombre, spécialement des adolescents. En effet, il convient d’habituer les plus jeunes au Beau car nous vivons dans un monde ou la laideur et le médiocre sont, hélas, souvent mis en avant.

Traditionnellement, beaucoup considèrent que «  l’Histoire se lit dans les livres  », et nous sommes bien placés pour le savoir : nous aimons lire encore et toujours. Cependant, la visite de musées, de châteaux pour regarder, admirer les belles peintures - et les merveilleuses sculptures - constitue également l’une de nos activités favorites. En conséquence, et à la suite d’un auteur particulièrement intéressant sur le plan de ses recherches historiques, nous répétons que « l’Histoire peut se vivre par les images  ».

Dans sa très pertinente introduction, Le Fur explique, avec la pédagogie que nous lui connaissons, les liens très forts qui perdurent à travers les âges entre les arts et l’Histoire, en précisant que tous les régimes politiques, récents ou anciens, se sont toujours servis des arts pour défendre leur légitimité ou pour parler aux peuples. L’auteur énonce sobrement et à raison que « l’Eglise utilisa la représentation iconographique pour enseigner à ses fidèles les Evangiles et la vie des saints. Le pouvoir royal l’imita  ». 

Il prend le soin d’ajouter qu’au « XIXème siècle, le genre faisait toujours fureur : la peinture d’histoire contribuait alors à la glorification d’un passé que l’on voulait commun aux Français ». Après plusieurs révolutions - 1789, 1830, 1848 - divisant profondément les Français, il devenait nécessaire et surtout urgent de sauvegarder l’unité nationale, plus encore après la défaite de Sedan.

Cette brillante étude de Le Fur explore exclusivement différentes peintures du XIXème siècle. Elles mettent en scène huit personnages historiques - Clovis, Vercingétorix, Geneviève Charlemagne, Saint Louis, Jeanne d’Arc, Henri IV, François Ier - et racontent des événements importants ou fondateurs de notre plaisante et longue histoire, comme le baptême de Clovis, la reddition de Vercingétorix, ou la justice rendue par Saint Louis sous le chêne de Vincennes.

L’observation des tableaux pour comprendre l’Histoire la dévoile d’une autre manière, non moins captivante que le plaisir de la lecture. Les œuvres analysées sont, malheureusement, pour la plupart oubliées ou méconnues. Nous soutenons l’auteur dans sa volonté louable de les rendre accessibles à tous.

Pour chaque tableau, Le Fur explique le contexte de sa création et ses principales caractéristiques artistiques. Il s’avère en outre fondamental, surtout en histoire, de ne jamais oublier le contexte et de ne pas commettre le crime de l’anachronisme. Nous voyons cependant que souvent les peintres, tout comme certains historiens ou des romanciers chez qui cela semble moins répréhensible, prennent des libertés avec la réalité historique. 

Effectivement, certaines peintures montrent des choses surprenantes, indépendamment de la beauté qu’elles expriment. Par exemple, pour le tableau de François-Louis Dejuinne intitulé Baptême de Clovis à Reims le 25 décembre 496, Le Fur rappelle « que les incohérences sont nombreuses : Clovis porte une armure romaine, une cotte de maille du XIIème siècle et un casque romain, sans parler de l’accoutrement de l’évêque et de ses attributs, qui n’étaient pas encore inventés  ».

Ce livre ouvre donc des perspectives intellectuelles intéressantes. Elles permettent de bien saisir que très souvent - nous pouvons véritablement le déplorer mais c’est ainsi - l’étude historique peut se définir comme une (re)construction des périodes précédentes. C’est d’autant plus frappant quand des peintres de la même époque peignent exactement le même événement avec des résultats différents, aussi bien sur la forme que sur le fond, notamment au sujet du message véhiculé. C’est particulièrement vrai pour les tableaux évoquant le baptême de Clovis ou pour les portraits de Jeanne d’Arc.

Nous remarquons le même phénomène pour François Ier armé chevalier par Bayard. Jean-Louis Ducis et Alexandre-Evariste Fragonard déploient leur virtuosité pour peindre cette scène mémorable de l’histoire de France, tout en la rendant de façon extrêmement différente. Le premier insiste sur le côté guerrier du vainqueur de Marignan, alors que le deuxième révèle en priorité un roi lettré et empli de sagesse. D’un côté, le roi est à genoux, en armure, épée à la main, de l’autre, il apparaît debout, habillé en civil, la main droite posée sur un livre ouvert… 

Toutefois, cette véritable mise en scène théâtrale des événements ne nous éloigne nullement de l’Histoire, pas plus qu’elle n’éprouve ou ne renforce la naïveté. Nous savons pertinemment que les personnages « sont réduits à des acteurs auxquels on prête des émotions qu’ils n’avaient sans doute jamais éprouvées, ils prenaient dans ces compositions des rôles déterminants qu’ils n’avaient parfois pas tenus ». Tout l’art de la présentation que propose Le Fur est justement de démêler le vrai du faux dans les créations picturales, et de comprendre comment les évènements étaient perçus à certaines époques. C’est réellement passionnant et enthousiasmant !

En conclusion, nous estimons que les toiles proposées parlent à l’âme et au cœur. Il est certain que nous rouvrirons régulièrement cet ouvrage, pour à la fois admirer l’art et revisiter avec délectation des faits marquants pour notre pays. Ces belles et agréables peintures nous donnent également le droit rêver et de penser à un passé glorieux que certains prennent plaisir à occulter…

 

Franck ABED

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4 réactions à cet article    


  • Gollum Gollum 11 mai 2020 09:11

    L’auteur énonce sobrement et à raison que « l’Eglise utilisa la représentation iconographique pour enseigner à ses fidèles les Evangiles et la vie des saints. Le pouvoir royal l’imita  ». 


    Euh... C’est en effet très sobre comme façon de présenter les choses....


    Car la réalité ne fut pas tout à fait celle-ci. C’est en fait en observant les nouvelles populations converties, de force la plupart du temps, et anciennement païennes qui avaient donc l’habitude de représentations concrètes divines, que l’Église, tout d’abord iconoclaste dans la pure tradition de l’AT, fut contrainte de lâcher du lest et d’autoriser un art dit sacré avec représentation picturale et sculpturale..


    Voilà. C’est plus dans le vrai fil de l’Histoire dit comme ça. smiley


    Quant à cet art sacré et académique, qui a duré près longtemps, personnellement je lui préfère largement les tableaux modernes de l’impressionnisme, du surréalisme, du symbolisme...


    Après cela s’est effectivement gâté avec un art devenu proche de l’escroquerie et où d’ailleurs l’argent donne le la.


    • velosolex velosolex 11 mai 2020 13:01

      Diable, pourquoi parlez vous à la première personne du pluriel ?...C’est singulier. 

      La référence, évidemment, en matière de roman historique, c’est « Le nom de la rose », d’Umberto Ecco. J’envie ceux qui ont à découvrir ce roman. 

      J’ai lu avec délice aussi les romans historiques et policiers du juge Ti, de Van Gulik, dans la chine des ming. 

      Ceux d’Upfield, sur le bush Australien, avec son inspecteur médis, au nom de « Napoléon Bonaparte », Extraordinaire, et déjà écologique, bien qu’écrits entre les années 30 et 60

      Sur le moyen âge, les petits chefs de d’œuvre de Paul Doherty, avec l’enquêteur Sir Corbett. Doherty s’est attaqué avec le même bonheur à l’Egypte ancienne. 

      J’espère donc que monsieur Le fur est à la hauteur de ces grands ainés. Mis à part Upfield, qui était un aventurier ayant fait tous les métiers, mais faisant œuvre d’ethnologie du continent australien, puisque chacun de ses romans se situe dans un état, et souvent aborde l’environnement, et les animaux, les autres auteurs sont des historiens. 


      • Franck ABED Franck ABED 11 mai 2020 14:15

        @velosolex
        Demain vous pourrez lire ma chronique consacrée au livre Le Nom de la rose...


      • velosolex velosolex 11 mai 2020 17:33

        @Franck ABED
        Et bien bravo. Puissiez vous donner envie de lire ce roman qui appartient à tous les genres, qui donne envie le lire les philosophes grecs, et propulse le rire comme la meilleure des thérapies et comme moyen de lutte contre l’obscurantisme

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