Pourquoi y a-t-il si peu de fêtes à Paris ?
En descendant la Rue Mouffetard à 23h30 un mercredi soir, j’ai traversé une rue vide, sans vie. Les bars étaient vides, la rue silencieuse. Pourtant c’est une des rues où l’on fait le plus la fête : il y a de nombreux bars, et des milliers d’étudiants dans les rues avoisinantes (Sorbonne, Assas, Henri-4, LLG, St-Louis, Faculté de médecine).
On fait peu la fête à Paris. C’est l’impression qui ressort de tous les étudiants et jeunes employés que je fréquente. Mon avis n’est pas représentatif de toute la population, mais il reflète une réalité évidente. Il y a moins d’opportunités de sortie pour les jeunes à Paris que dans ses villes sœurs : Londres, New York, Madrid ou Barcelone.
« Les étudiants parisiens sont bosseurs, sérieux, et font peu la fête » : on entend souvent cela d’étudiants étrangers en échange à Paris. Que ce soient les étudiants britanniques, allemands ou espagnols en échange en école de commerce, que ce soient les Erasmus ou les américains en échange à la Sorbonne ; qu’ils soient eux-mêmes fétards ou polards, sérieux ou non, ils font tous ce même constat : il y a moins de fêtes et moins d’énergie chez les jeunes à Paris que dans leurs écoles et villes respectives.
La culture est conditionnée par les moyens de transport. Dans Théâtres en capitales. Naissance de la société du spectacle à Paris, Berlin, Londres et Vienne, l’historien Christophe Charle donne une explication intéressante pour expliquer pourquoi Londres dépasse Paris en tant que capitale du théâtre européen à partir de 1850. Les moyens de transport à Londres sont bien plus développés. Le réseau de transport ferré est dense, les trains nombreux. De nombreux banlieusards prennent le train, vont au théâtre, et rentrent le soir convenablement tôt.
Le même constat est à faire pour Paris, aujourd’hui. Les moyens de transport y sont limités. J’habite Versailles. J’aimerais pouvoir sortir plus à Paris, mais je ne peux pas. Le dernier RER pour rentrer est à minuit. Je peux rarement inviter des amis de Paris chez moi le soir, à moins qu’ils n’aient une voiture. À Paris, le métro est très bien développé, mais les autres moyens de transport sont mauvais et limite les possibilités de vie nocturne. Pratiquement tout jeune à Paris a connu ce sentiment de défaite : après avoir attendu 30 minutes et s’être fait snobé par trois taxis, vides mais refusant de le prendre, de traverser la ville à pied pour rentrer chez soi. La plupart des jeunes habitent en périphérie ou en banlieue parisienne. Mieux vaut rentrer tôt chez soi que de devoir attendre 5h du matin pour pouvoir prendre le premier métro ou RER. Le manque de taxis, un RER qui s’arrête tôt, un métro fermé la nuit : tout cela empêche que l’on fasse plus de fêtes à Paris.
Seuls échappent à ces contraintes ceux qui ont une voiture. Or, obtenir le permis de conduite est laborieux (délais très longs, exigences à l’examen trop élevées) et les places de parking sont peu nombreuses.
En comparaison, New York est une fête. Les étudiants et jeunes employés font souvent la fête. Le métro est ouvert toute la nuit, et prendre un taxi pour traverser Manhattan est facile, ne dure que 15 minutes et ne coûte que 15 dollars. Ce n’est pas qu’une question d’argent. On y rencontre beaucoup de jeunes désargentés qui limitent leurs consommations aux bars et cherchent les plans de sortie les moins chers.
À côté de cela, les écoles de commerce et d’ingénieurs sont des paradis fêtards. À HEC par exemple, 95% des élèves de première et de deuxième année habitent sur le campus. Les fêtes hebdomadaires réunissent beaucoup d’élèves et entretiennent un haut niveau d’énergie et de camaraderie qui manque souvent aux élèves à la fac. Mais ces élèves sont une minorité, et restent entre élèves de la même école.
Ces problèmes qui rendent la vie nocturne terne pour les étudiants et les jeunes à Paris peuvent être résolus. Il faut faire pression sur les pouvoirs politiques.
Le problème des taxis doit être résolu par le gouvernement. Le système des licences doit être abandonné et libéralisé, comme cela est le cas à New York. Payer 50 à 200 000 € le droit d’exercer le métier de taxi est trop cher. Baisser ce prix sera bénéfique pour l’ensemble de la population (qui pourra se déplacer plus facilement) et aux taxis (qui seront plus nombreux à vivre de leur commerce).
Le problème des transports doit être résolu par les villes et la région. Or cela fait 20 ans que le RER souffre d’un manque d’investissement. Hommes et femmes politiques de droite comme de gauche en sont coupables.
Le climat politique actuel est favorable à ces changements. La relance à la keynésienne adoptée par le gouvernement (et celui des Etats-Unis et autres pays européens) permet de financer de vastes projets par la dette. Mobilisons-nous pour exiger un meilleur système de transport dans la région parisienne qui soit ouvert toute la nuit, ainsi qu’une libéralisation des licences de taxi.
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