Sexy Sixtine !

Sexy Sixtine !
Révélation !
J'ai eu besoin de trois visites, dans ma vie, pour voir et comprendre.
Le plafond de la chapelle Sixtine, ce chef-d'oeuvre de l'âme et de l'art, est un hymne lyrique offert à l'homosexualité.
On ne va plus dire que nos églises sont pudibondes comparées aux temples hindhous !
Une floraison de croupes cambrées, de fesses rebondies, de cuisses ouvertes, de visages androgynes, de sexes enfantins, de muscles puissants jusqu'à la démesure. La beauté la plus sublime, virile, seule, même quand les sybilles sont des femmes et les visages féminins, les corps sont masculins.
Si on ne le dit pas, on est aveugle.
Un "coma visuel" comme l'écrit Michel Masson.
Vingt mille personnes , tous les jours visitent ce haut lieu de l'art religieux. Ils courbent le cou, ils lèvent les yeux vers Dieu, la création du monde, les saints, les anges et les prophètes, le Jugement dernier. Ils sont au ceur du Vatican, la matrice de l'Eglise. On ne parle pas, on ne photographie pas, on respire à peine, on tremble en entrant dans le Saint des Saints.
Troupeaux d'aveugles...
Dieu vole en robe rose, les fesses nues à travers l'échancrure d'une étoffe..Il crée la nature en montrant la chute de ses reins.
Certains diront : "Je me fiche totalement que Michelange soit homosexuel.La seule chose qui importe à mes yeux, c'est son oeuvre. Une des plus grandes de l'histoire de l'humanité. Les détails de sa vie, qui restent d'ailleurs mystérieux, il a tout de même été amoureux d'une femme, ne regardent que lui." (Michelange a en effet été amoureux de Vittoria Colonna à qui il a envoyé plus de trois cents sonnets. En fait Vittoria était Tomaso. C'est le petit neveu de Michel-Ange qui, publiant ses sonnets en 1623, a changé tous les "il" en "elle".) Ce que j'aime dans cette anecdote c'est le chiffre : 300 sonnets ! Splendides d'ailleurs.
"Mon désir ne réside qu'en votre vouloir
Mes pensées ne se forgent que dans votre coeur,
Mes paroles ne naissent que dans votre souffle..."
Quel passionné, notre Michel-Ange, le nez brisé d'un coup de poing, si fou, si laid, si coléreux...
La question fondamentale est donc la suivante : saisi dans le flot d'une admiration qui nous fait battre le sang, allons-nous tirer un trait sur l'homosexualité de Michel-Ange ? Allons-nous simplement dire : " Je perçois cette oeuvre comme une oeuvre sacrée. Elle est dans un lieu sacré. Les nudités sont le signe d'une époque qui redécouvre l'art antique. L'ensemble dégage une puissance, un génie, qui échappe à tout autre définition. Et surtout à celle d'homosexualité. Trop particulière. "
Mais c'est impossible. Ce serait malhonnête. C'est cette homosexualité qui est la racine du génie.
On touche ici au sublime parce qu'un homme fou de l'amour des hommes, en un temps où cet amour était condamné, un homme au génie surnaturel, employé par une Eglise qui le niait , a joui de sa révolte et de sa liberté pendant deux ans de sa vie, debout et couché sur un échaffaudage, seul, ayant renvoyé des aides dont il n'était pas satisfait, ne gardant que quelqu'un qui préparait les couleurs, le corps et le visage ruisselants de peinture, rêvant, touchant, buvant ce monde platonicien de la beauté idéale masculine.
"Monde platonicien"...Des mots...La vraie philosophie n'est que la chair goûtée.
La beauté absolue de Socrate s'appelait Alcibiade.
Plus que Socrate, Platon et l'éternité , Michelange aimait les hommes de son temps. Il aimait l'amour. Il aimait sublimer l'amour. Une grande oeuvre est une jouissance. Il jouissait plus, c'est évident, en peignant les "Ignudi", que le péché originel et la tentation du serpent. Là le sujet le laisse sec. Le tableau est fade. il s'amuse un peu, quand même, en mettant la bouche d'Eve à dix centimètres du sexe d'Adam.
C'est dans la création d'Adam qu'il atteint au chef-d'oeuvre. La beauté d'Adam, abandonné, alangui, l'élégance infinie des deux mains qui s'effleurent. "Elégance", ce mot défunt, qui ne va plus à rien, de nos jours. Ah ! ces deux mains, ces regards, ce désir, ce choix, cet accord ! Dieu est porté par des anges. L'un d'eux, aux fesses musclées, est sous lui. Pourquoi Dieu crée-t-il un homme beau, si ce n'est pour l'aimer ?
Et Michelange créa les "Ignudi".Les Nus. Ils sont vingt. Des splendeurs, fils de la peinture et la sculpture. Ils tiennent des guirlandes de soie et des bouquets de chêne, symbole de la maison papale. Des bouquets de glands qui ressemblent à s'y méprendre à... Joueur, Michelangelo !
Toutes ces nudités ont évidemment fait scandale. La pape Adrien IV a traité la Sixtine de "pot au feu de corps nus". A la mort de Michel-Ange, on a demandé à Daniele di Volterra, dit "Braghettone", d'en rhabiller quelques-uns. Même lors de la grande restauration de 1989, la plupart des petits voiles qui traînent entre les cuisses n'ont pas été enlevés. On comprend mieux pourquoi l'éclat des couleurs primitives a été critiqué, plus sensuel, succédant à des ombres de suie conventionnelles.
Mais Michel-Ange a gagné.
Contre la toute-puissance de l'Eglise, imposant son Art, sa fierté d'artiste , sa sensibilité homosexuelle, sa furia poétique qui nous fait encore trembler.
Cette oeuvre est immense parce qu'elle est libre. Puissante. Possédée par le désir. Parce qu'elle est amoureuse. Irradiante.
Il suffit de comparer le plafond de la Sixtine avec le Jugement dernier, autre chef-d'oeuvre bien sûr, pour voir le glissement vers un monde moins riche, plus raide, arraché à l'éblouissement de la pure beauté des corps. Même les élus sont tristes. Aussi tristes que le visage de la Vénus de Botticelli.
Vénus sortant de l'onde cache sa nudité sous ses longs cheveux. Des femmes volent vers elle, portant des vêtements. L'innocence est finie. Celle des Ignudi. La faute originelle qui entraîne la honte est passée par là. Avoir honte de son corps... Sombre punition. Quelle pensée abjecte, cette idée, qu'un Dieu crée un homme pour le punir, pour le sauver, pour poser des conditions. On joue à quoi ?
Voilà pourquoi l'insolence de Michel-Ange qui claironne dans un faste de couleurs radieuses que l'amour de l'homme pour la vie est le seul Dieu, donne à cette voûte humainement céleste, son intouchable richesse. Comme Proust, Michel-Ange est trop varié pour qu'on puisse le retenir et l'apprendre. Il nous survole et nous anime, nous donnant , sous ses doigts, le frisson de la jouissance divine.
Je finirai par une modernité. Changement de registre .
Berlusconi se vante d'être un mec, un vrai. Pas un homo.
Va à la Sixtine, Berlusconi !
Va voir ce que c'est qu'un homo !
Fais fermer la chapelle !
Fais fermer le Vatican !
Enlève la Pietà !
Triste comparaison entre le grand Art et la petitesse de nos affaires publiques.
Du moins une chose est certaine. Michel-Ange n'aurait pas pris Berlusconi pour modèle...Ah ! Si ! pour un damné...Peut-être...Et encore...Même les damnés chez lui ont une plastique non plastifiée et surtout, une conscience de leurs fautes.
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