Une brève histoire de France : Avant Charlemagne
Enfermé dans sa prison de Rome, Vercingétorix va y passer quelques années avant d’être exhibé lors du Triomphe de César. Il ne va rien voir de la lente transformation de la Gaule car après le cortège, l’ancien guerrier gaulois est exécuté et son corps jeté dans une fosse commune.
Son souvenir va perdurer un peu chez les Arvernes dont il était issu mais pour l’essentiel, son combat ne va laisser aucune trace marquante avant sa récupération par Napoléon III. Rares seront ceux qui tenteront de reprendre son flambeau dans les décennies qui vont suivre car dans leur immense majorité, les Gaulois se font très bien à l’arrivée de Rome qui les protègent des guerriers germains qu’ils craignent par dessus tout.
Les cités gauloises ne connaissent pas de grands chamboulements avec l’arrivée des administrateurs romains car l’essentiel de leurs lois étaient favorables déjà au nouveau maître des Gaules. Mais il va y avoir une caste qui va en être la victime directe : le druidisme va disparaitre au fil des deux siècles suivants.
Diplomates, devins, médecins, enseignants, conseillers et parfois ministres, les druides formaient l’élite de la religion gauloise. Ayant rejeté l’écriture, le druide doit passer en moyenne 20 ans en formation orale auprès des maîtres afin que se perpétue la tradition venue sans doute de ce qui est aujourd’hui l’Angleterre. C’est ironiquement un druide, Diviciac, qui convainc César d’intervenir en Gaule pour empêcher la migration Helvète afin de sécuriser les Gaules et le territoire Eduen dont il était issu. Devenu vergobret de sa tribu, Diviciac disparait des sources romaines après le retour de César à Rome mais selon Cicéron il est mort un peu de temps avant César de façon inconnue.
L’opposition des druides à la présence romaine grandit en même temps que leur influence politique diminue, étant supplantés par les administrateurs romains qui prennent peu à peu le pouvoir sur les tribus gauloises. Ils sont aussi très réfractaires à l’introduction de l’écriture car pour eux, la parole écrite meurt. De façon plus prosaïque, un enseignement oral est plus sûr pour éviter une trop grande diffusion des connaissances qui ne ferait qu’affaiblir leur autorité. Si le peuple gaulois n’a aucun problème à voir ses dieux romanisés, les druides, qui ont une conception radicalement différente de la religion par rapport aux romains, ne peuvent pas accepter la remise en cause des fondamentaux de leurs croyances.
Réduit aux îles britanniques, le druidisme disparait complètement avant de connaître une renaissance au XXè siècle sous une forme assez caricaturale.
Rome s’est toujours vantée d’avoir une grande tolérance religieuses, grecs et égyptiens pouvant en faire foi. Mais l’empire n’hésite pas non plus à pourchasser les croyances qui sont fondamentalement incompatibles avec la Virtus romaine. Ainsi, le christianisme naissant est-il perçu comme étant une menace pour la société et pourchassé. Au Ier siècle, l’empereur Claude met le druidisme au ban de l’empire et les druides doivent soit se cacher, ce qui les empêchent de professer à la nouvelle génération, soit s’exiler en Grande Bretagne.
Entre un empire qui faisait dresser des monuments faits pour défier le temps et une religion pour qui le caractère éphémère des choses ne justifiait rien de tout cela, cela ne pouvait pas fonctionner. Isolé au delà de la Manche, le druidisme va survivre le temps pour le Christianisme d’arriver et d’en éliminer les derniers adeptes au IVè siècle.
Entre Rhin et Pyrénées, peu de choses changent pour le commun des mortels. Les taxes et les impôts pour rémunérer les légions romaines établies ne sont pas considérées comme étant de l’argent perdu. C’est même le contraire car l’économie est stimulée par les échanges plus nombreux avec Rome. Les gaulois se romanisent de plus en plus et les romains complètent leurs arts et techniques avec le savoir-faire gaulois. Si les fermes gauloises sont toujours faites de bois et de torchis, matériaux très bien adaptés aux rudes hivers locaux, les plans se modifient et imitent désormais celui des Villa romaines qui se multiplient avec l’établissement des vétérans comme colons.
Désirant voir leurs enfants réussir dans la vie, les parents qui sont au contact des marchants et des administrateurs romains diffusent le latin dans leurs milieux et aussi auprès du bas peuple. Le latin va jouer le rôle de langue commune mais déjà les pratiques vont faire évoluer la langue qui va donner naissance aux premières langues romanes qui elles-mêmes évolueront par la suite pour donner les langues latines actuelles. Les langues gauloises, elles, vont se dissoudre presque complètement, accentuant la perte des cultures ancestrales. On estime ainsi que désormais, le Français ne comporte que moins de deux cents mots d’origine gauloise. Son caractère de langues uniquement orales aura été fatale aux dernières langues celtes.
Les troubles politiques que vivent les Gaules lors des 200 années suivantes sont plus du fait de Rome que d’une volonté de secouer un joug imaginaire : les gaulois romanisés se portent très bien sous l’aigle impérial, mais ils sont parfois les victimes des nombreuses guerres civiles qui secouent l’empire au moment des successions impériales.
Car c’est ainsi : le poste est prestigieux mais mortel. Presque tous les empereurs romains sont morts assassinés ou dans des circonstances étranges. N’ayant pas de règle de succession établie, il n’est pas rare de voir des généraux de légions se proclamer Imperator et d’user de leurs troupes pour faire pression sur le Sénat romain pour qu’il avalise le coup d’Etat. La plupart du temps cependant, c’est l’échec et le candidat est exécuté. Malheur alors à la tribu ou à la ville qui lui aura prêté main forte : elle peut perdre tout prestige et pire, tous ses droits et privilèges passés.
Cette instabilité politique chronique ne va pas aider les Gaules quand le pays va devoir faire face, à partir de la fin du IIè siècle, aux grandes migrations qui s’amorcent et que l’on a appelé de façon très incorrecte les Invasions Barbares.
L'année des 4 empereurs voit se succéder Galba, Othon et Vitellius en quelques semaines avant que Vespasien n'offre une des rares époques de règne calme à Rome. Galba est assassiné, Othon se suicide et Vitellus est lapidé par la foule.
Face à l’instabilité impériale chronique ( qui voit 64 empereurs se succéder en moins de 50 ans ), les généraux romains prennent les choses en main et assument par eux-même la défense des frontières en se proclamant empereur. Pendant 15 ans, la Gaule et l’Hispanie vont avoir leur propre « empereur » différent de celui qui siège à Rome. Ces derniers sont trop occupés à essayer de survivre pour pouvoir lutter efficacement contre les usurpateurs. Il ne faut pourtant pas y voir une velléité d’indépendance face à Rome : ces « empereurs » ne se considèrent pas comme des Gaulois mais bien comme des romains qui usent de leur prestige de défenseurs pour briguer la pourpre impériale mais comme les empereurs à Rome, ils sont trop occupés par les combats aux frontières pour pouvoir investir pour de bon la capitale impériale.
A Rome, Aurélien parvient à se maintenir sur le trône et en vie, ce qui lui donne l’occasion de mettre fin à la sécession. C’est alors Tétricus, un ancien sénateur romain devenu général qui est à la tête des Gaules. Il est assez intelligent et fin politique pour comprendre qu’il ne fera pas le poids face à Aurélien, aussi négocie t-il une forme de reddition : après une bataille ou il sera fait prisonnier, Tétricus est renvoyé à Rome. Après le Triomphe d’ Aurélien, il reprendra sa place au Sénat ou il y continuera sa carrière. On est loin du destin de l’Arverne.
Cette réunification a cependant un prix très élevé : les frontières du nord-est sont désormais à nu, 15 ans de combats ayant durement éprouvé les légions de part et d’autre.
A ce moment là, l’empire romain a connu son extension maximale mais Rome se heurte désormais à des obstacles infranchissables : l’Atlantique, le Sahara au sud et à l’ouest. Rome s’est emparé de la majeure partie de la Grande Bretagne mais les Scots et les Pictes résistent et leurs pays pauvres en ressources ne justifient pas d’un nouvelle invasion massive : ils seront confinés derrière des murs. Les forêts de Germanie empêchent les légions de manoeuvrer de façon efficace et au sud-est l’empire Parthe est trop puissant pour pouvoir être combattu. C’est toute l’économie romaine qui va lentement être affectée car elle ne reposait que sur une expansion régulière et l’approvisionnement régulier en esclaves. De plus, à ce moment là, le climat se modifie légèrement mais assez pour chasser les Goths de leur Scandinavie natale et les pousser vers la Vistule et l’Ukraine actuelle.
Les frontières sont longues, trop longues car les citoyens romains toujours plus nombreux rechignent à accomplir le service militaire. Rome a d’ailleurs besoin d’eux sur ses terres pour ses cultures.
Le problème se résout avec les premiers mouvements de tribus germaniques. Loin d’une invasion menés au fil de l’épée, le plus souvent, les tribus quittent des terres devenues moins favorables pour migrer vers le sud et s’établir sur les marches de l’empire sur des terrains encore vides. Les administrateurs rencontrent les chefs et trouvent vite un accord profitable aux deux parties : la tribu reste mais s’engage en échange à fournir des soldats et à garder la frontière pour empêcher les suivants de passer. C’est le système du foedus : les tribus sont indépendantes et gardent leurs lois mais elles acceptent la tutelle économique et militaire de Rome dont elles participent à la protection.
Ce système parait équilibré mais il porte en germe la fin de l’empire : au fil du temps, le pouvoir central va s’affaiblir à cause de la faiblesse de plus en plus patente de l’institution impériale. Les tribus vont gagner peu à peu en autonomie jusqu’à rompre les liens politiques et de vassalité, établissant les premiers Etats barbares aux marches de l’Empire.
La situation empire au IVè siècle : la dégradation climatique continue et les récoltes sont de plus en plus mauvaises. La population fait face à des épidémies et la démographie fléchit : les villes se dépeuplent et se réduisent en taille. Pour se protéger des incursions, elle se sont entourées de remparts, détruisant par là même la plupart des systèmes d’adduction d’eau, ce qui condamne des quartiers entiers.
Loin à l’est, ce qui est aujourd’hui le Kazakhstan devient un désert. Les peuples nomades, dont font partie les Huns, n’ont d’autre choix que de partir, la plupart vers l’ouest ou ils vont chasser en cascade les peuples déjà établis : c’est la seconde grande migration, qui cette fois ne concerne plus des petites tribus isolées, mais des peuples entiers.
A ce moment là, l’empire est scindé en deux pour une meilleure administration et protection des frontières. La partie orientale, mieux défendue et plus riche, soudoie les Goths et les autres pour aller plus à l’Ouest. Ces derniers ne se font pas prier et s’ installent en Aquitaine, en Hispanie et en Afrique du Nord. Toujours sous le statut du Foedus mais l’empereur est trop faible désormais pour vraiment faire appliquer son autorité : les migrants y fondent de véritables royaumes qui ne sont vassaux que sur le papier, établissant leurs lois, leurs réseaux économiques et privant l’empire d’occident de ses anciennes richesses, poussant Rome vers une spirale infernale qui va la mener en 476 à la déposition de Romulus Augustule, le dernier empereur d’occident.
La fragmentation de l’ empire se voit sur le réseau routier : en Gaule, Rome a élargi un système pré-existant de routes gauloises pour les intégrer à son réseau. Le repli des régions sur elles-mêmes met un terme au commerce international. Devenues inutiles, les routes se dégradent alors que se développe un réseau secondaire et tertiaire plus à même d’acheminer les denrées agricoles sur de courtes distances. Dès lors, la dégradation des voies est telle que la voie fluviale devient la meilleure option pour relier les différents royaumes entre eux.
Un autre phénomène naturel va avoir des conséquences inattendues : depuis le début du Ier siècle, la montée du niveau des océans a commencé à envahir un antique lac d’eau douce batave, le Flevo. Sur ses rives, vivaient de nombreuses tribus germaniques. Cette lente élévation du niveau des mers chasse ces tribus qui se répartissent sur les rives du Rhin. Certaines se fédèrent pour avoir plus de sécurité entre elles et plusieurs groupes prennent le nom de Francs : ce terme n’ a pas à l’époque le sens de « libre » que nous lui connaissons.
Il s’agirait d’une variation d’un terme signifiant « féroce » ou « lance » : leur réputation de guerrier n’ est déjà plus à faire…
Ne pouvant aller vers l’ Est, les Francs dits Saliens vont vers le sud ou ils se taillent sur les ruines de l’autorité romaine de vastes domaines qu’ils contrôlent officiellement au nom de Rome : afin de s’assurer de la collaboration des locaux et de faciliter leur installation après la chute de l’empire des Gaules, les Francs jouent le jeu du Foedus.
En revanche, sur le plan du droit et des lois, leurs apports supplantent plus fortement les écrits romains jusqu’alors en vigueur : par tradition, ces peuples usaient plus des coutumes et des traditions pour la gestion des biens plutôt que d’un corpus de lois. Ce transfert va durablement marquer le territoire car jusqu’à la Révolution Française, le nord de la France sera plus sous le domaine du droit coutumier alors que le Sud aura gardé plus de lois issues du Droit écrit.
Plus au sud, l’empire d’occident n’est plus. Justinien, l’empereur d’Orient, tente de réunifier les anciennes terres de l’empire et regagne le contrôle de l’ Italie et d’une partie de l’ Hispanie. Cet effort trop tardif et trop fugace va affaiblir l’empire d’ Orient qui dès lors va connaitre une lente agonie de 1000 ans.
Les Gaules sont elles désormais divisées : l’ Aquitaine est une partie du royaume Wisigoth, un royaume burgonde domine la vallée du Rhone. La Provence elle est une partie du petit royaume des Ostrogoths.
Au nord, les francs saliens se sont installés sur ce qui est aujourd’hui la Belgique, le nord de la Rhénanie et les Hauts de France pour simplifier. Entre la Seine et la Loire, subsiste la dernière province gauloise toujours sous l’autorité directe de Rome mais la poussée des Francs aura bientôt raison de la région.
Au départ, les Francs ont gardé leur foi païenne mais le développement du christianisme pousse les chefs barbares à se convertir pour bénéficier de la puissance naissante de l’Eglise. Cependant, la plupart ne deviennent pas chrétiens mais se tournent vers l’arianisme, un courant chrétien qui nie l’égalité du Fils avec le Père. Ceci parce que cette variante chrétienne leur permet de conserver une part de leur ancien pouvoir dévolu par les divinités païennes en prenant la tête de l’Eglise locale, ce que fera Henry VIII dix siècles plus tard en Angleterre.
Païen, Clovis va le rester une grande partie de sa vie. Il nait au milieu du Vè siècle et sa vie ne nous est connue que par les écrits de Grégoire de Tours qui ne l’a jamais connu, cette biographie étant parfois plus une hagiographie écrite pour édifier les croyants que pour donner un aperçu neutre et objectif.
Il n'existe aucun portrait tracé du vivant de Clovis. La plupart des portraits illustrant les mérovingiens et les premiers capétiens ont été peints au XIXè siècle.
Devenu roi à la mort de son père, Clovis est loin d’être un exemple chrétien : les traditions germaniques veulent qu’à la mort du chef son territoire soit partagé entre ses héritiers. Clovis étant fils unique, il n’a pas eu à partager mais comme il tient à ce que seuls ses fils héritent de ses biens en ces temps ou la mortalité infantile, les guerres, les épidémies et plus encore les assassinats et les vendettas font des ravages, il prend les devants en faisant éliminer ses cousins proches et leurs enfants en guise d’anticipation de futurs problèmes. Par la suite, il fera de même avec les souverains qu’il aura renversé lors de ses conquêtes militaires.
D’une princesse rhénane dont l’histoire n’a pas retenu le nom, Clovis a eu un premier fils. Redevenu célibataire (après répudiation ou veuvage, nul ne le sait), sa nouvelle puissance lui permet d’épouser Clotilde, la fille du roi Burgonde, qui est chrétienne. Cette union officialise l’émergence au premier plan de son royaume sur les cendres des Gaules et lui donne trois fils supplémentaires ainsi que des filles qui lui permettront d’assurer par mariage de bonnes alliances politiques.
Selon les sources, Clovis est à ce moment là très apprécié du peuple autant que des élites gallo-romaines ainsi que du clergé naissant. Païen, il assiste au développement du christianisme. Il apprécie Rémi, l’évêque de Reims qui semble devenir son conseiller favori mais il hésite à se convertir bien qu’il en saurait tirer d’énormes avantages : pour un guerrier germain, la légitimité du roi tient dans ses victoires et donc son soutien des Dieux. Se convertir le couperait de cette légitimité mais le faire lui assurerait le soutien de l’élite locale déjà christianisée.
Selon Grégoire de Tours, c’est au cours de la bataille de Tolbiac, en Rhénanie actuelle en 496 que Clovis, influencé par sa femme, promet de se faire baptiser s’il remporte un combat qu’il est sur le point de perdre. Il gagne et tient sa promesse, une large part de ses troupes se faisant baptiser en même temps afin de bénéficier de la nouvelle protection divine.
Las, l’histoire est trop belle. Déjà, le récit plagie complètement l’histoire de la conversion de Constantin près de deux siècles auparavant. Ensuite, il est établi désormais que la bataille de Tolbiac n’a pas eu lieu en 496, mais en 506. On ignore l’année du baptême de Clovis, mais c’est très probablement entre 499 et 501. La conversion est un pari politique autant qu’une opération diplomatique : Clovis a à ses frontières les ariens wisigoths au sud et les Bretons chrétiens à l’Ouest. Sa conversion serait le résultat d’un accord diplomatique visant à sécuriser son flanc ouest pour lui permettre de fondre sur les Wisigoths en toute tranquillité et de s’assurer la fidélité des gallo-romains déjà chrétiens. Clovis inaugure une alliance intime entre le monarque et le divin qui va marquer l’histoire de la royauté française jusqu’en 1789. On peut donc le considérer, non pas comme le fondateur de la France car l’idée même de ce pays n’existe pas encore, mais comme un pas important entre la transition qui relie l’Antiquité et le Moyen-Age.
Cet accession ne rompt pas encore les liens avec l’Empire qui perdure en Orient : Clovis est ainsi officiellement un Proconsul des Gaules sous l’autorité (de plus en plus théorique…) de l’empereur installé désormais à Constantinople, mais tous les signes de l’ascension sont là : issu d’un alliance de tribus franques, Clovis se dote, comme les empereurs, d’ancêtres mythiques.
César disait que sa famille descendait en droite ligne de la déesse Vénus. Les usurpateurs des Gaules ont fait de même, se dotant d’une ascendance divine ou semi-divine pour justifier leurs candidatures au poste suprême. Le grand-père de Clovis, Mérovée, est dit être né de l’union de la femme de Clodion, son père, et d’un monstre marin le jour ou cette dernière, enceinte, s’est baignée dans l’océan, les deux enfants à naître se mêlant l’un à l’autre avant la naissance.
Cette mythologie, ainsi qu’un talent certain pour les armes et une diplomatie pragmatique vont aider Clovis à unifier les Gaules : quand il meurt en 511, seules la Provence, sous domination ostrogothe, et la Bretagne manquent à l’ensemble.
L’ unification du territoire permet une certaine renaissance économique mais les traditions germaniques bien ancrées dans les moeurs mérovingiennes ne vont pas permettre à l’ ensemble de perdurer. Le royaume est partagé entre ses 4 fils qui vont chacun adopter la stratégie du père : éliminer la descendance adverse pour assurer à la sienne de perdurer et reprendre les portions du royaume dévolues à d’autres.
Stratégie simple mais efficace comme celle de Clovis : pour garantir son territoire, Clovis faisait alliance avec d’autres petits royaumes mais au moment du partage, il faisait éliminer ses alliés ( et leurs enfants… ) et gardait le tout, royaumes alliés inclus.
Ses fils vont reprendre la même tactique : quand un frère meurt, les autres s’empressent de faire tuer leurs neveux et cousins pour reprendre l’ascendant sur les frères survivants. Si on y ajoute le droit coutumier à la vengeance dont leurs épouses vont user et abuser, on comprend pourquoi 50 ans après la mort de Clovis, ses descendants passent plus de temps à s’entretuer qu’ à penser à gérer les royaumes dont la direction est dévolu à un haut-administrateur qui prends le nom de Maire du Palais.
De temps à autre, un survivant se dégage et reprends la tête de tous les territoires Francs mais en général il meurt peu de temps après et le nouveau partage produit les mêmes effets. Ce qui permet au territoire franc de perdurer, c’est l’idée, au sein des élites et de la population, d’une même appartenance malgré les souverains différents à un seul ensemble. Ce qui aide aussi, c’est que le climat redevient quelque peu favorable, mettant fin aux grandes migrations : même les Huns, nomades à l’origine, ont fini par se fixer et devenir sédentaires dans ce qui est aujourd’hui la Hongrie.
Les habitants des Gaules ont donc vu le monde politique être chamboulé en l’espace de 300 ans : à la sécurité de l’empire a suivi une période d’évolution forcée et le monde gallo-romain s’est enrichi de nouvelles lois et de nouvelles traditions venues du Nord, au prix d’un morcellement géographique qui va appauvrir le pays avant qu’un retour à l’unité ne permette un nouvel essor économique.
Sur le plan religieux, le paganisme des premiers temps a été remplacé par le christianisme venu d’ Orient et la vision romaine de cette religion va supplanter l’arianisme et les autres courants qualifiés d’hérétiques comme le nestorisme. Le nouveau clergé va aider les nouveaux monarques à affermir leurs pouvoir et en échange, ces derniers vont offrir des conditions matérielles et fiscales très avantageuses pour la gestion de leurs domaines.
Le peuple, lui, voit sa condition changer et pas forcément en mieux : les citadins sont moins nombreux. Les épidémies et les guerres ont réduit la taille des villes qui sont désormais derrière des remparts, ce qui aggrave les conditions d’hygiène qui régnaient à l’époque.
Rattachés à la terre qu'ils cultivent, les serfs diffèrent des esclaves dans le sens ou contrairement à ces derniers, ils ne sont pas des choses mais possèdent une personnalité juridique. Mais c'est bien le seul avantage et certains esclaves préfèrent le rester plutot que d'être affranchis et de devenir des serfs.
Celles et ceux qui vivaient à la campagne constituaient l’immense majorité des habitants des royaumes francs. Colons romains et fermiers gaulois ont dû se réunir auprès de riches propriétaires terriens abrités derrière les murs plus solides de leurs villas. L’instabilité politique et militaire des II à IVè siècle va marquer les territoires : les anciens propriétaires de petites exploitations se voient attribuer des terres à cultiver pour le compte du plus puissant. Ils ne sont pas esclaves mais en échange de sa protection armée il ne peuvent plus quitter les terres qui leurs sont assignées : c’est le début du servage et l’origine de la féodalité, une organisation sociale qui va durer plus de 1000 ans.
Si le front nord est désormais calme, l’ancienne Gaule n’est pas pour autant à l’abri des changements car c’est désormais du sud que vont venir des troubles qui vont renforcer la monarchie franque et faire pour un temps de la petite Aix-la-Chapelle l’égale de Constantinople.
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