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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > L’inéluctable départ …

L’inéluctable départ …

Une histoire si banale

Quand le nid se vide.

Nous avons construit un nid douillet, un nid plein d'oisillons qui ne demandaient qu'à prendre leur envol. Ils nous ont enchantés par leurs premiers coups d'ailes. Leurs premiers pas, leurs premières dents, leurs premières journées à la crèche, à la maternelle, en primaire, au collège, au lycée.

Nous avons eu, bien sûr, de jolis coups de becs, des ailes froissées, des tempêtes et des tourments : des maladies infantiles, des hospitalisations inquiétantes, des problèmes chroniques avec lesquels il faut s'adapter. Chaque étape fut bonheur et heurts ; des difficultés scolaires pour des parents jamais contents, de belles réussites aussi ! Chaque jour avait son lot de sourires et de dents qui grincent.

L'éducation est un long chemin parsemé de fleurs et d'autant de cailloux. Il faut suivre son chemin vaille que vaille, on se trompe souvent, nul ne le parcourt en ligne droite. On s'égare, on se perd, on se retrouve. Les enfants grandissent, ils tracent de plus en plus souvent leur propre itinéraire mais finissent toujours par revenir au nid.

La table demeure un long moment le temps des retrouvailles. Puis au fil du temps, le nombre d'assiettes varie. Parfois elles sont plus nombreuses, des amis, un petit copain, une bande joyeuse, un jour anniversaire. D'autre fois, il en manque un à l'appel, une invitation, une envie d'ailleurs, l'indépendance qui pointe son nez.

Puis trop souvent il n'y a plus que deux assiettes. Il faut vivre avec ces absences, se faire à l'idée que la maison aussi se videra de leurs présences. Cela vient aussi, entre allers-retours et aller sans retour ! La faculté, l'école, les premiers stages, les premières vacances sans les parents, les premiers déménagements provisoires.

Le provisoire prend petit à petit des allures définitives. Les armoires se vident des traces de leur passage. Seule, encore un temps, la machine à laver se souvient qu'ils existent. Puis même ce coté si matériel disparaît ; les oiseaux ont quitté le nid !

Mais ils sont encore à portée d'aile. Un coup de fil, ils rappliquent sur l'heure. Ils gravitent dans le coin, ils n'ont pas encore effectué cette migration redoutée. Ils passent au hasard d'un besoin, d'un événement ou d'une envie. On les sait proches, on s'en contente. On les voit passer en coup de vent, on s'en accommode.

Puis le vrai déménagement arrive. Un changement de région, une distance qui s'impose à tous. Un vide qui n'est pas que celui d'un lit, d'une assiette ou d'une armoire. Il faut s'y préparer, il faut accepter ce choix pour un autre, un voleur de fille qui a le mauvais goût d'habiter bien loin ! On fait semblant de lui en vouloir, au fond on savait que cela allait advenir.

Et cela va venir. Bientôt, trop bientôt, elle sera partie, elle vivra sa vie bien loin de ses parents. C'est là-bas qu'elle construira son nid. La vie continue, le relais est passé, nous ne serons plus que les témoins lointains de cette autre nichée qui ne manquera pas d'arriver. C'est du moins ce qui nous permet d'accepter cette évidence.

Il faut alors vivre en tête à tête le reste de notre âge jusqu'à ce la camarde vienne faire sa terrible besogne. Il faut supporter le vide. Le tumulte ne sera bientôt qu'une exception rare. Nous serons un jour, invités chez l'un ou l'autre. Nous ferons à notre tour des allers-retours tant que l'on voudra bien de nous.

Cette histoire est banale, elle est le lot de tous. Elle n'en demeure pas moins un tournant capital, un virage pour la dernière ligne droite. On l'espère longue et paisible, mais de ça, rien n'est moins sûr. Seule l'issue est connue. Bonne route à toi ma fille !

Nidificationnement leur


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23 réactions à cet article    


  • jako jako 2 octobre 2013 10:33

    Beau texte Nabum, merci à vous ( encore)


    • C'est Nabum C’est Nabum 2 octobre 2013 12:22

      jako


      Merci à vous aussi 

      Sans vous ce texte n’est qu’un exercice personnel. Avec des lecteurs, il devient partage ! 

    • migosh migosh 2 octobre 2013 12:09

      Ou l’on découvre qu’on a pas fait des enfants pour notre plaisir ,et qu’on se doit de les offrir au monde et à leur destinée .

      Attachement ,détachement ,c’est la regle . 

      • C'est Nabum C’est Nabum 2 octobre 2013 12:25

         migosh


        Bien sur ... 

        Mais ne peut-on pas en parler avec un peu plus de sensibilité ?

      • migosh migosh 2 octobre 2013 12:59

        Bah... je préfère cultiver la joie plutôt que la nostalgie ,c’est dangereux la nostalgie ,ce n’est pas anodin....la nostalgie. Ma sensibilité je préfère l’appliquer dans l’action plutôt que dans mes pensées .Quand on a vécu des trucs « durs » dans sa vie , on se méfie du « jardin » que l’on cultive suite aux épreuves , la nostalgie est un réflexe ,magnifiée par l’époque romantique , mais il ne faut pas en abuser.


      • C'est Nabum C’est Nabum 2 octobre 2013 17:20

         migosh


        Agissez homme de la modernité !

        Je comprends que la nostalgie n’a rien d’utile à vos yeux. La poésie non plus d’ailleurs.

      • migosh migosh 3 octobre 2013 16:12

        Ho la !!,pas si vite , je suis musicien et je partage souvent ma vie avec des poètes et des fous ,je pense même qu’ils ( elles ) sont les seul hominidés dignes d’être côtoyés au milieu de ce fatras de conformisme et de bien-pensance généralisée .Mais on sait en tant que musicien qu’il est beaucoup plus facile de faire verser la larmichette avec une petite mélodie en mineur que l’inverse .A trop jouer de blues on finit par l’attraper ,vous voyez ce que je veux dire ? 


      • tf1Goupie 2 octobre 2013 14:32

        Emouvant.
        Je suis juste au début de vivre cela (3 fois normalement).


        • C'est Nabum C’est Nabum 2 octobre 2013 17:21

          TF1Goupie


          Venant de vous, ça me touche énormément.

          Merci beaucoup. 

        • cevennevive cevennevive 2 octobre 2013 18:00

          Bonjour Nabum,


          Et puis, ce sera le tour des petits enfants qui iront « faire leur vie » très loin...

          Les armoires de ma vieille et grande maison sont pleines de souvenirs, de mes parents, de mes enfants, de ma petite fille (partie hier pour l’Australie), de mes jeunes années, etc. Resteront-elles après moi ces choses inutiles ?

          Que de nostalgie ! Merci Nabum pour ce moment doux-amer.

          • C'est Nabum C’est Nabum 2 octobre 2013 18:05

            cevennevive


            J’ai aimé écrire ce texte et j’ai grand plaisir à le partager

            Parfois, il est utile de livrer ses émotions ! 

          • Mauvaisens 3 octobre 2013 01:39

            Franchement

            Bon débarras, enfin plus aucune responsabilité. Ca c’est pour la première

            Et cela sera pareil pour la deuxième.

            La paix, la liberté, le devoir accompli, le suicide possible sans remords.

            Vous ne voyez jamais les bons côtés ?

            Cela ne veut pas dire qu’on ne les aiment pas, mais c’est du boulot l’élevage.


            • C'est Nabum C’est Nabum 3 octobre 2013 05:54

              Mauvaisens


              La dérision ayant remplacée l’humour et l’ironie vous êtes terriblement tendance.

              Inscrivez-vous chez Ruquier !

            • C'est Nabum C’est Nabum 3 octobre 2013 07:27

              Hervépasgrav


              Bien loin d emoi cette pensée mortifaire ...

              Mais si vous l’avez ressenti, c’est que je me suis mal exprimé

              Merci

            • C'est Nabum C’est Nabum 3 octobre 2013 11:59

              morvandiau


              Le pire n’est jamais certain ?

              Auriez-vous le secret de la vie éternelle ?

            • C'est Nabum C’est Nabum 3 octobre 2013 12:08

              Morvandiau


              Il faut mettre de la distance entre les écrits et la vraie vie

              Merci 

            • Col J.H. Smith 3 octobre 2013 10:49

              Très beau texte Nabum.

              Ils partent, ils partent, comme nous l’avons fait.

              La maison se vide, et devient grande, si grande, trop grande, et nous plus vieux, toutes ces chambres vides, on s’y perdrait presque. Peut-être pour de vrai si Alzheimer nous rend visite prochainement.

              Que faire de toutes ces choses, ces meubles, ces bibelots, ces jouets. On ose y toucher, même pour faire les poussières, des fois qu’ils veuillent en récupérer pour leur propres enfants, un jour... « mais non papa, c’est Has Been tout ça ! ». On regarde la poubelle en bas dans la cour... « mais non, c’est impossible, cette peluche au poil rappé est plus chargée d’histoire que tout ! ». Alors les choses demeures, et on referme les portes.

              Soupir...

              Peut-être, a t’on l’espoir, que les petits enfants auront un autre avis sur la question, et qu’ils partiront tout heureux serrant contre eux la relique à coté de laquelle maman ou papa s’endormaient.

              Les départs on commencés, le temps se fige peu à peu dans les pièces inoccupées, et quand partira mon dernier. Nous n’auront plus qu’une pendule à remonter, la notre, égrenant ce qu’il nous restera.

              Si la nostalgie est dangereuse, elle réchauffe aussi nos âmes en ravivant la petite flamme du souvenir lorsque personne n’est plus là pour le faire. Elle est à notre image cette nostalgie, proportionnelle à notre histoire, on ne peut y puiser que ce qu’on y a versé, elle ne nous surprend pas, c’est juste un capital souvenir, un soin palliatif en automédication qui nous aide à supporter le manque jusqu’à la fin.

              Parfois bien sûr, comme tout remède, le dosage n’est pas bon. Alors oui, la nostalgie est dangereuse. Mais je ne connais pas de spécialistes en nostalgie.

              Il nous faut tâtonner, trouver le bon dosage, profiter qu’ils ne sont pas encore tout à fait partit, pour faire des essais, un week-end chez les copains, des vacances en colo, tout est bon pour tester.

              « Quinze jours c’est long tu ne trouves pas ? Je me demande si tout va bien pour lui... », et pour nous ?

              La nostalgie, c’est pas gagné...


              • cevennevive cevennevive 3 octobre 2013 10:59

                Col, bonjour,


                Votre commentaire est très beau, très vrai... Merci à vous.

                Les peluches, les poupées, les livres d’enfant, les premiers petits souliers de vernis, tout cela voisine dans mes armoires. C’est encore vivant puisque cela me parle et me raconte des histoires de naguère.

                Bien à vous.

              • C'est Nabum C’est Nabum 3 octobre 2013 12:01

                Col J.H. Smith


                Voilà un commentaire qui se place au niveau de ce que j’ai voulu décrire. Je vous en remercie, car ici, il est question d’un partage qui joue sur quelques cordes sensibles.
                Pas de fausse pudeur, des émotions à nue ...

                Encore merci

              • Loatse Loatse 3 octobre 2013 12:45

                Il est vrai, C’est Nabum, qu’on ne peut faire l’impasse sur ces moments qui bousculent notre quotidien plutôt animé... Ces pièces vides qu’on s’empresse de transformer en bureau ou bien en salle de repassage ou de sport, car ce vide a quelque chose d’obcène : Il tend à nous faire croire que notre rôle de parent s’arrête là...

                Ce qui n’est qu’illusion bien entendu, la deuxième partie se présente.. plus délicate, plus prenante parfois lorsque l’enfant se retrouve confronté à certains écueils de sa vie d’adulte... professionnels, sentimentaux, culinaires (dis moi, combien de temps ca cuit, un rôti de veau ? je le met au four ou à la cocotte ?)...

                Effectivement, ils pourraient se débrouiller tous seuls.. ils en ont les capacités mais voilà, ils ne le font pas toujours, et c’est dans ces moments là que vous sentez que ce lien est plus fort que jamais, il s’exprime par la confiance qu’ils nous portent...

                Puis viennent les petits enfants, ces petits bouts de choux qui comptent bien que vous assumiez votre rôle de grand parent sans se douter que, se faisant, nous recevons énormément...chacun participant à l’évolution de l’autre..

                Le tout sans s’oublier, car c’est aussi l’occasion d’aller à la découverte de soi même, de renouer avec ces passions, ces projets mis de côté.. il y a tant de choses à voir, tant à faire et encore à partager..

                Evidemment, sur le coup de l’émotion, on ne les voit pas ces petites routes perdues dans la brume de notre nostalgie... Puis petit à petit elles se révèlent et l’on quitte sans même sans apercevoir cette « large route droite qui mène à la camarde » pour musarder à deux ou en solo là ou il y a de la vie, de la couleur et du bonheur...


                • C'est Nabum C’est Nabum 3 octobre 2013 16:37

                  Loatse


                  Je vous remercie pour ce commentaire si chaleureux, ouvert sur l’espoir !

                  Ça fait du bien

                • leon et paulette leon et paulette 3 octobre 2013 19:45

                  Sacrée lettre d’amour d’un père à sa fille ... Ne le répétez pas mais j’en ai les larmes aux yeux.


                  Merci C’est Nabum de ce si tendre partage et douce vie à vos oisillons.

                  Paulette

                  • C'est Nabum C’est Nabum 3 octobre 2013 20:05

                    Paulette


                    Il se dit parfois que mes billets intimes émeuvent et circulent ainsi dans quelques familles qui se les approprient.

                    J’en suis très heureux Je crois simplement que la sincérité n’est pas une vaine valeur. Même si elle n’assure en rien le succès médiatique, mais celui-ci a-t-il une quelconque valeur ?

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