La Marseillaise de Mozart
Il doit se retourner dans sa tombe, le génial compositeur, en découvrant que c’est à Rouget de Lisle que l’hymne national a toujours été attribué… et pourtant...
Décidément cet hymne national n’a pas fini de nous étonner…
Qui sait que l’on doit d’abord à Hector Berlioz la popularisation de ce morceau ?
Claude Joseph Rouget De Lisle l’avait d’abord intitulé « l’hymne des marseillais », et c’est en 1830 qu’Hector Berlioz en a réalisé l’orchestration, (pour deux chœurs et masse instrumentale ») juste pendant les Trois journées de 1830, puis il proposera une nouvelle version en 1848, afin de fêter la République (pour solistes, chœur et piano)…
Découvrons le récit qu’il en fit...car finalement, on connaît assez mal l’origine de cette musique, ni par quels chemins plus ou moins scabreux elle est devenue ce qu’elle est aujourd’hui.
Dans ce bouillonnement des années 1830, qui voyait s’unir les « masses populaires » et les artistes... Franz Liszt rêvait d’une symphonie révolutionnaire, pendant qu’Eugène Delacroix peignait son célèbre « la liberté défendant les barricades »...
Au même moment, Victor Hugo écrivait les poèmes des « chants du crépuscule », écrivant en prélude : « le poète, en ses chants où l’amertume abonde, reflétait, écho triste et calme cependant , tout ce que l’âme rêve et tout ce que le monde chante, bégaie ou dit dans l’ombre, en attendant »... et le poète Auguste Barbier faisant un parallèle entre le soulèvement du peuple et les résurgences de La Marseillaise alors interdite, écrivait : « le peuple soulevé grondait et qu’au lugubre accent des vieux canons de fonte, La Marseillaise répondait... ». lien
En effet, il nous faut réaliser que les canons en question, étaient les canons de l’armée de Thiers, et que les insurgés faisaient face non à un ennemi venu d’outre-frontières, mais bel et bien à l’armée française, épaulée il est vrai par les 800 000 Prussiens que Thiers avait appelé à son secours, n’ayant sous la main que 40 000 soldats français pour mater la colère des Communards, forts de 170 000 membres de la garde nationale des communards...dont seulement 30 000 étaient expérimentés...lien
En même temps, voyant le danger, Bismarck libérait 60 000 prisonniers afin de grossir les rangs de l’armée de Thiers.
Revenu de son exil, Hugo avait alors clamé : « les prussiens sont 800 000, vous êtes 40 millions d’hommes, dressez-vous et soufflez sur eux ». lien
La Marseillaise que les insurgés de La Commune clament, c’est donc bien face aux soldats français de Thiers, et à leurs alliés Prussiens…
Mais continuons le récit de ces journées, afin de découvrir une autre « étrangeté » concernant les paroles chantées là par le baryton Marcel Vannaud...il ne dit pas « marchons, marchons... » mais bien « marchez, marchez.. »...lien
La différence est notable, car c’est bien un gradé qui ordonne à ses troupes de « marcher, marcher... »...ordre auquel les insurgés répondent « marchons, marchons »…
Et les « féroces soldats » ne sont pas uniquement les Prussiens de Bismarck, mais bien les soldats français de Thiers…
le sang impur que les communards veulent voir couler, c’est bien le sang des soldats français de Thiers...lesquels sont « dans la campagne venus égorger nos fils et nos compagnes »… ce qui change tout !
Le jeune Berlioz, qui revient tout juste orné du prix de Rome, et il s’est glissé dans les rangs de communards pour vivre de l’intérieur ce soulèvement musical et politique.
Il raconte ces moments : « une mercière dont le magasin s’ouvrait sous la rotonde vitrée de la galerie Colbert (…) nous offre de monter au premier étage de la maison, d’où nous pouvions, sans courir le risque d’être étouffés, verser des torrents d’harmonie sur nos ardents admirateurs (…)
Nous commençons La Marseillaise. Aux premières mesures, la bruyante cohue qui s’agitait sous nos pieds s’arrête et se tait (…) âpres le second couplet, on se tait encore, après le troisième, même silence. Ce n’était pas mon compte ! »
Et là, il réalise qu’il avait écrit sur la tablature de la partition « tout ce qui a une voix, un cœur et du sang dans les veines (doit chanter), et non pas uniquement les ténors et les basses ».
il n’en peut plus devant le silence de la foule, et il s’écrie à la 4ème strophe : « eh ! Sacredieu ! Chantez donc !!! »...c’est alors que les 4 ou 5000 personnes qui s’étaient entassées dans ce lieu sonore et fermé chantèrent « aux armes, citoyens » avec l’ensemble et l’énergie d’un chœur exercé...et il ajoute, « on imaginera peut-être quel fut l’effet de ce foudroyant refrain ! Pour moi (…) je tombai à terre, et notre petite troupe, épouvantée par l’explosion (de ces milliers de voix) fut frappée d’un mutisme absolu, comme les oiseaux après un éclat de tonnerre ». lien
Mais revenons à Mozart...qui semble bien avoir été l’inspirateur de Rouget de Lisle...
En effet, si vous écoutez attentivement le concerto pour piano n°25 en UT majeur, Koechel 503, vous découvrirez facilement que la partie la plus reconnaissable de La Marseillaise, les 7 premières notes, sont l’argument principal du concerto du grand compositeur. (curseur vers 7’30’’) et que le thème de la future marseillaise revient régulièrement tout au long du concerto.
Pour d’autres, c’est au contraire un certain Ignace Joseph Pleyel, futur fondateur des pianos du même nom, et élève de Haydn qui serait à l’origine de la mélodie. Ce contemporain de Mozart, était d’ailleurs franc-maçon tout comme lui. lien
On comprend peut-être un peu mieux les réticences des uns et des autres à chanter cet hymne révolutionnaire, interdit, comme écrit plus haut, surtout par Thiers, (N.D.L.R : on comprend pourquoi !), d'utant qu'il argumentait : « elle était hors la loi, car elle servait probablement de prétexte à des réunions et banquets politiques »...lien
D’ailleurs, elle fut aussi interdite lors de La Restauration, et celui qui dérogeait risquait la prison. Lien (chapitre IV)
Plus tard, sous Napoléon III, l’historien républicain A.Morel s’en moque en écrivant : « composition douceâtre et fade, imprégnée des senteurs de la pommade du boudoir ».
Ça ne l’empêche pas d’être devenu aujourd’hui, le moment obligé de toutes les cérémonies, même sportives, que certains chantent du bout des lèvres...voire se refusent à la chanter…pour différentes raisons...pour certains parce que ce chant appelle à faire la guerre…
Pour d’autres, on souhaiteraient qu’ils l’évitent, tant ils chantent faux...lien
Le grand Gainsbourg avait réalisé l’énorme provocation avec son « aux armes, et coetera... » même si, à Strasbourg devant un parterre de parachutistes bien décidés à en découdre, il avait pris la tangente. lien
Comme dit mon vieil ami africain : « l’oiseau chante, même si la branche sur laquelle il est perché, craque, car il sait qu’il a des ailes ».
Le dessin illustrant l’article est d’après Cabu
Merci aux internautes pour leur aide précieuse.
Olivier Cabanel
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