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Accueil du site > Culture & Loisirs > Étonnant > Saint-Flour : des jambons dans la cathédrale

Saint-Flour : des jambons dans la cathédrale

On pourrait croire qu’il s’agit d’une plaisanterie. Or, la chose est très sérieuse : de superbes jambons sont en effet suspendus depuis des années dans la tour nord de la vénérable cathédrale gothique de Saint-Flour (Cantal). Une initiative étonnante qui, fait insigne, a eu le lundi 13 janvier l’honneur de la « Une » du New York Times...

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La ville de Saint-Flour, dominée par les tours de sa cathédrale

Perchée sur un spectaculaire socle de basalte complété par des vestiges de remparts médiévaux à l’extrémité est de la planèze éponyme, la ville haute de Saint-Flour s’enorgueillit principalement, non de ses orgues minéraux, mais de sa cathédrale gothique, implantée sur une place d’Armes où l’on peut également admirer la Maison du gouverneur, un très bel édifice des 14e et 15e siècles. Comme cette demeure et de nombreux autres bâtisses égrenées au long des rues et des ruelles de la sous-préfecture cantalienne, l’imposante cathédrale Saint-Pierre, achevée au 15e siècle, est un monument de basalte auquel la couleur grise de la roche volcanique* et la sobriété architecturale d’une façade flanquée de deux tours carrées massives confèrent une allure souvent qualifiée d’« austère ».

Austère à l’extérieur, la cathédrale l’est tout autant à l’intérieur. Mais si l’on s’émerveille de la présence surprenante d’un Christ en croix noir**, il faut se rendre à l’évidence : nul jambon n’est visible dans l’une des cinq nefs de cette cathédrale dépourvue de transept. Ce qui ne manque pas de décevoir les visiteurs venus là pour admirer des morceaux de cochon suspendus dans l’édifice à la manière des bateaux ex-voto dans les églises des ports de pêche. Rien de tel à Saint-Flour. Et pour cause : les jambons – au nombre d’une cinquantaine – sont entreposés dans la tour nord de la cathédrale où, suspendus aux poutres, ils suivent un processus de maturation naturelle sous l’action des vents de la Planèze et de la Margeride qui s’immiscent par les ouvertures et circulent dans la tour. 

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Bénédiction des jambons (photo La Montagne)

C’est le recteur de la cathédrale Saint-Pierre, Philippe Boyer, qui a pris cette initiative en 2019, année où il a également fait installer des ruches sur les terrasses de l’édifice. Tout cela avec la bénédiction – le lieu s’y prête – de l’évêque, ravi par ce biais de « renforcer les liens avec la ruralité », confiait-il il y a quelques mois aux journalistes de La Montagne. Une initiative née des échanges entre le recteur et Didier Boussaroque, président du Groupe Altitude, désireux de pouvoir utiliser les remarquables capacités de séchage des jambons de sa coopérative au sein de la plus haute cathédrale d’Europe***. Baptisés Florus Solatium, ces jambons d’exception, labellisés IGP, sont régulièrement servis à leurs clients par des chefs étoilés Michelin et paraissent même, dit-on, à la table du palais de l’Élysée.

Hélas ! il s’est trouvé un empêcheur de sécher la couenne, désireux d’interdire cette pratique, au motif que des gouttes de gras s’écouleraient sur le plancher, ce qui n’a, semble-t-il, pas été démontré : l’architecte des Bâtiments de France. Cela n’a pas manqué d’engendrer une polémique, en raison du soutien apporté au séchage dans la cathédrale, notamment par Philippe Delort, le maire de Saint-Flour, et Bruno Faure, le président du Conseil départemental. L’affaire est montée jusqu’à Paris où la ministre de la Culture Rachida Dati, saisie pour arbitrer le litige, s’est prononcée en faveur de la poursuite de ce projet insolite le 30 octobre 2024. Une excellente chose pour l’abbé Boyer : grâce à la part des ventes versée à l'église, près de 15 000 euros ont, à ce jour, pu être affectés à la rénovation de l’orgue.

Cette affaire aux accents clochemerlesques aurait normalement dû en rester là si, à la stupéfaction générale, un rédacteur du New York Times ne s’en était saisi le 13 janvier. Et pas pour publier n’importe où dans les colonnes du journal : à la « Une » du célèbre quotidien de la « Gosse pomme », sous le titre A Cathedral’s Savory Savior : Hams Hanging in the Belfry ! C’est ainsi que les jambons Florus Solatium qui sèchent dans la tour nord de la cathédrale ont été amenés à côtoyer à la « Une » les dramatiques incendies qui ravagent la Californie et des massacres perpétrés au Mozambique. Les producteurs de fromage berrichons savent ce qu’il leur reste à faire : passer un accord avec le clergé local pour affiner les chabichous dans les tours de cathédrale Saint-Pierre de Poitiers !

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Cathédrale de Saint-Flour

* Par temps de pluie, l’effet est encore accentué : la pierre devient alors presque noire.

** Daté du 12e siècle, ce très beau Christ, sculpté dans du noyer, mesure 1,90. À l’origine en bois polychrome, il a été peint en noir au 19e siècle, à l’image de plusieurs représentations régionales de la Vierge.

*** Le parvis de la cathédrale est à 892 m d’altitude.


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33 réactions à cet article    


  • babelouest babelouest 17 janvier 10:33

    Dommage, le commentaire est lesté d’une erreur géographique : le chabichou est une spécialité du sud du Poitou, pas du Berry !

      Lire les 4 réponses ▼ (de Fergus, Jason)

    • Et hop ! Et hop ! 17 janvier 21:11

      «  Une excellente chose pour l’abbé Boyer : grâce à la part des ventes versée à l’église »

      Si je comprends bien, le recteur loue l’usage d’une partie des clochers à un charcutier qui y affinent des jambons contre un loyer. Rien ne l’interdit, ni le droit canon, ni le statut d’usufruitier de l’évêché. Les clochers tours au Moyen-Âge étaient conçus pour servir de réserves de grains et de vivres en cas de guerre ou de disette.


      Ce n’est pas l’architecte des bâtiments de France qui peut s’en formaliser si ces installations sont visibles, mais l’architecte en chef des monuments historique chargé de la conservation de cette cathédrale si il pense qu’il y a des risques pour la sécurité des personnes et la pérennité des ouvrages.


      • Fergus Fergus 17 janvier 23:21

        Bonsoir, Et hop !

        Le revenu perçu par les gestionnaires de la cathédrale est peut-être un loyer, mais il peut également prendre la forme d’un pourcentage sur les ventes. Je n’en sais pas plus sur ce point.

        Rien là de choquant en effet, le séchage des jambons dans la cathédrale rejoignant, comme vous le soulignez, le fait que les églises ont très longtemps et très souvent servi à entreposer des graines et parfois des aliments dans les parties non affectées au culte.

        Il va de soi qu’il n’y a là aucun « risque pour la sécurité des personnes et la pérennité des ouvrages ».


      • Astrolabe Astrolabe 18 janvier 10:44

            

        J’me demande si les cryptes de nos églises ne feraient pas de bonne cave à vin, pardon, à sang du christ ?

        Avec le jambon et quelques hosties en apéro, ca pourrait le faire smiley


        • Fergus Fergus 18 janvier 11:40

          Bonjour, Astrolabe

          Sans doute. Mais la plupart des cryptes sont également des chapelles ou des lieux de sépulture incompatibles aux yeux des croyants avec la conservation du vin, fût-il destiné à devenir le potentiel « sang du Christ ». smiley
           


        • Astrolabe Astrolabe 18 janvier 11:44

          @Fergus
                  
          Certes mais comme je préfère le vin d’ici à l’au-delà .. c’est pour ça smiley


        • Fergus Fergus 18 janvier 11:45

          « Avec le jambon et quelques hosties en apéro, ca pourrait le faire »

          D’autant plus que certains prêtres sont exigeants dans le choix des crus.

          Hélas ! cela ne me conviendrait pas : je ne bois que du blanc (parfois du rosé), jamais de rouge. Difficile de faire passer du sancerre ou du riesling pour le « sang du Christ » ! smiley

            Lire les 18 réponses ▼ (de Gollum, Laconique, Fergus, Astrolabe, Jason)

          • Astrolabe Astrolabe 18 janvier 17:18

                  

            ’ Le seul mystère, c’est qu’il y ait des gens pour penser au mystère ’.


            Fernando Pessoa.

            C’est-à-dire Personne ;)


            • Astrolabe Astrolabe 18 janvier 17:28

              (@Laconique)


            • Jason Jason 18 janvier 17:36

              Il y a très longtemps, visitant une cave dans le Var, on nous fit déguster du vin rosé que je n’appréciais guère. A côté de nous un des voisins dégustateurs fit cette réflexion : ça n’est pas mauvais, mais je préfère le vin. Je n’étais pas loin de partager son avis ;



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