Le grand cirque de l’histoire
Non rassurez-vous, il ne s’agit pas de plagier le livre de Pierre Clostermann, cette grande gueule aux 33 victoires homologuées disparu en mars de l’année dernière. Un gaulliste, un vrai. Non, nous parlons aujourd’hui des aventures conjugales d’un homme qui s’est auto-proclamé héritier de ce gaullisme aujourd’hui disparu lui aussi (ou c’est tout comme). Un grand cirque médiatique commencé par une balade en pirogue et qui se termine aujourd’hui en queue de poisson. Ah donc notre homme nous a proprement et simplement bernés : certains diront que c’est le propre de l’homme politique, d’autres qu’il fallait s’y attendre, étant donné le nombre d’heures au compteur des promesses jamais tenues par cet éternel candidat à l’élection (même une fois élu).
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Bernés par cette tape inattendue sur la joue de son épouse lors des cérémonies d’investiture : un geste trop appuyé et inutile, à moitié refusé ou évité par l’élue de son cœur, en forme de "n’en fais pas trop quand même". Bernés par ce retour en pirogue qui précédait la campagne électorale, avec force caméras autour pour glorifier le retour en grâce de l’épouse volage. En fait, un passage d’éponge médiatique sur les aventures extra-conjugales en bonne et due forme. Bernés le jour même de l’élection, au second tour, la dame n’ayant même pas daigné participé jusqu’au bout à la mascarade. Bernés enfin par un pseudo-rôle politique de l’épouse de président, dûment partie chercher des infirmières bulgares qui ne doivent que fort peu de choses à l’intervention de la France seule, en définitive.
Pour ce qui est du jour de l’investiture, il y a plein de détails qui ne collaient pas : la robe de la dame, en priorité, plus déguisée en candidate au bal des débutantes qu’en femme de président. Le manque de retenue de toute la petite famille, le pauvre Louis y compris, un manque de savoir-vivre excusable pour cet âge, et qu’ont relevé immédiatement les journalistes à l’affût du sensationnel, comme peut l’être un David Pujadas. Pour lui, c’était à la Kennedy ("Il y a quelque chose de Kennedy dans cette image, me souffle dans l’oreillette Etienne Leinhardt" dit alors en direct Pujadas). Une étrange atmosphère, avec cette famille recomposée au grand complet venue célébrer autre chose semble-t-il que la prise de pouvoir d’un homme politique. Un manque de retenue qui atteint son paroxysme quelques minutes plus tard, dans la salle des fêtes de l’Elysée. Une salle devenue en quelques minutes à peine salle de mariage communale ou paroissiale, comme le relève le même ineffable Pujadas au micro de France2 ("tout cela est extrêmement détendu, on dirait presque une cérémonie de mariage"). Nous avons assisté ce jour-là à la mise en scène de ce que Guy Debord appelait la "Société du spectacle" Pas moins. On aurait mis au plafond de la salle des fêtes de l’Elysée une boule à facettes, et diffusé un air disco, l’illusion aurait été totale. La famille du président, ce jour-là, a furieusement rappelé celle du rocher de Monaco avec des filles blondes et des garçons au look de surfers corses. Bernés donc par un chef d’Etat venu célébrer un second mariage, ou des retrouvailles avec une "ex", davantage qu’effectuer une prise de fonction véritable, qui exige davantage de retenue. Le baiser sur la bouche échangé devant les caméras, ce jour-là, prenait un air d’indécence marqué, et de scène à couper au montage, car ne cadrant pas du tout avec le sujet (plutôt sérieux) du film. Hélas, c’était du direct. D’ailleurs il y avait Pujadas, le nouveau Léon Zitrone national.
Bernés par la mise en scène des vacances, à deux reprises déjà : une fois sur un yacht prêté, cadeau de retour promis à la place de la simple pirogue sans doute, une fois sur un hors-bord américain... où s’est cachée subrepticement Rachida Dati, qui n’avait rien à y faire pour beaucoup d’observateurs. Bernés par les fausses excuses de rendez-vous manqué : l’angine blanche qui tombe à pic, et qui signifiait donc que le dame voulait bien jouer encore quelque temps madame les bons offices, mais sans plus.
Bernés par une dame qui fait ouvertement fi depuis des mois de ces devoirs de première dame de France, en ne respectant même pas le moindre des protocoles, ou de la sécurité vis-à-vis des pays où elle se rend, le plus souvent paraît-il, à l’improviste. Avec elle, en effet, on obtient un paradoxe assez savoureux : un mari droit dans les bottes d’un président américain obnubilé par les terroristes de tout poil, et une épouse qui passe benoîtement les frontières sans même s’annoncer (comme une terroriste). Ben Laden encore vivant (je doute en effet fortement de son existence actuelle, pardonnez-moi) aurait pû en profiter, en kidnappant Cécilia Sarkozy à la frontière suisse. Cela aurait ravi les journaux télévisés, qui nous auraient conté heure par heure la prise d’otage, à coup sûr. Pujadas aurait été ravi, lui qui avait commenté sur France2 le 11-Septembre en direct (en se croyant encore à LCI dans le feu de l’action !).
Bernés encore par un couple qui en 2004, chez Michel Drucker, étalait son mélange de people et de politique : "on a toujours vécu comme ça, on n’a rien décidé de cacher, c’est comme ça", disait alors le ministre de l’Intérieur de l’époque, avec sa manière si particulière de martyriser le bon Français. Trois ans après, la dame se récuse chez Drucker, et chaque intervention du porte-parole de l’élysée se termine par "no comment". Et ce depuis deux semaines maintenant. Depuis le 14 juillet dernier, personne n’a vu le couple ensemble, Nicolas Sarkozy repartant tous les week-ends à la Lanterne, près du château de Versailles, seul, la dame demeurant à la Réserve, hôtel... suisse. En réserve de la République serait-on tenté de dire. Une dame qui a participé à la conquête du pouvoir de son mari, et qui s’est retrouvée instrumentalisée sans avoir de contrepartie politique véritable.
Bernés par l’annonce du choix du lieu de vie du couple présidentiel, abondamment commenté dans la presse : cette fameuse Lanterne, immeuble habituellement réservé au Premier ministre. Un endroit refait à neuf pour rien, si on comprend bien, puisque que c’était semble-t-il le choix de madame avant tout. Une réfection menée darre-darre, et même avec l’aide de travailleurs clandestins.
Bernés toujours par une presse qui sait depuis des semaines et qui se tait, démontrant avec brio l’emprise qu’a obtenu notre nouveau président sur les journalistes ou plutôt leurs patrons de presse. A en être réduite ces derniers jours à évoquer le contenu des conversations "off", après avoir vilipendé ou ignoré les voix de ces "bloggeurs colporteurs de fausses nouvelles". Certains estimaient pourtant avoir retrouvé la trace d’un certain Richard Attias. Voilà qui va sûrement déplaire à Mathilda May, sa nouvelle compagne (les noms changent vite dans le monde du "People"). Pour ce qui est de cette piste, elle semble bien difficile à suivre, rien ne probant ne l’étaye, même les videurs de poubelles la récusent.
Car si on résume, on est en effet devant le résultat d’un pacte passé juste avant les élections, et qui ne pouvait donc se prolonger indéfiniment. La dame revenue de ces aventures extra-conjugales, ce n’était donc qu’une mise en scène destinée à rassurer l’électorat : un divorce juste avant l’élection aurait pu ruiner bien des espoirs, le vote présidentiel étant par définition un vote où les sentiments comptent pour beaucoup (le couple Royal-Hollande naviguant alors dans le même canot). Le hic de l’histoire, c’est le piège constitutionnel dans lequel la dame est tombée. Et la cérémonie d’investiture assez grotesque, en définitive, un épisode supplémentaire de ce pacte : avec ce qui paraît bien aujourd’hui des gestes qui ne trompent pas. Reste le cas des infirmières bulgares, qui pourrait n’être qu’une rebuffade de plus de l’ovni Cécilia s’essayant à un rôle nouveau, celui d’une sœur Theresa en Prada. Du genre, "et pourquoi moi je ne pourrais pas aussi" ? Résultat, c’est Claude Guéant, celui qui cherchait il y a quelques jours quels sont les cas de présidents divorcés (selon Le Canard enchaîné) que l’on a mis dans le même avion pour Tripoli, histoire sans doute de jeter un œil distrait sur l’action ou les propos de la dame. S’il faut chercher le pourquoi de la rupture, c’est peut-être là un des éléments qui ont pu faire sauter le couvercle de la marmite. Revenue, oui, à condition de pouvoir jouer un rôle. Guéant comme poinçonneur des tickets de sortie à l’étranger, ça ne colle pas bien avec un certain esprit d’indépendance dont se targue la première dame de France. Un Claude Guéant bien décidé aujourd’hui à ne pas laisser la situation traîner en l’état (sans mauvais jeu de mot). Le mari de la dame avait promis à cette dernière un "rôle" à définir avant cette rentrée. N’ayant pas su trouver sa place auprès d’un mari-président omniprésent au point d’occulter l’ensemble de son propre ministère, la dame part, mais pas assez vite au goût... du secrétaire de l’Elysée. Quand la lumière est trop forte, les papillons s’envolent plus loin pour éviter de se brûler les ailes. Un papillon attiré jusqu’ici par les ors du palais. Mais pas par les devoirs qui en incombent.
Bref, un grand cirque médiatique qui a commencé le jour du retour en pirogue de Cécilia Sarkozy devant les caméras, et qui se termine aujourd’hui avec l’annonce de sa rupture avec son époux. Mais au final, n’est-ce-pas ce qu’il NOUS avait annoncé, cette fameuse rupture ?
Un époux qui a pensé à tout : juridiquement, la dame est dans de beaux draps, ce qu’elle devait ignorer (on l’espère pour elle) à son retour. Au moins pour cinq ans, en espérant que son ex-mari ne se représente en 2012. Une seule échappatoire, donc, selon les juristes, que ce soit fait par consentement mutuel. Un refus de l’actuel président expliquerait peut-être bien la stratégie actuelle de Cécilia Sarkozy, à qui l’on prête l’intention d’étaler sa rupture (à elle), ou son mal-être, dans la presse, séance de photos à l’appui. Un excellent moyen, sinon le seul, de s’en sortir en cas de refus présidentiel de divorce à l’amiable. Une interview dans la presse (à fort tirage) est en effet la seule porte de sortie possible pour elle pour faire plier la décision présidentielle ou de tenter d’exercer une pression sur elle. Dans le monde de la jet-set, il y a peut être des exemples à suivre, c’est peut-être ce que s’est dit la femme piégée. Chez l’ex-Mme Mac Cartney, on en est à 144 millions de dollars "seulement" de coût du divorce pour le bassiste le plus connu de la planète. En France, la quiétude présidentielle ça ne doit pas avoir de prix, je suppose. Sauf celui de la renommée. On va peut-être (enfin) savoir à quoi servent les fonds spéciaux, qui sait.
Y a des jeudi comme ça, où on se lève avec une tête de cocu. C’en est un semble-t-il. Pour les français, s’entend bien.
PS : tout ceci ne serait pas trop grave si l’homme concerné n’avait pas déjà montré une certaine propension au pathos, comme l’a clairement montré la scène de la lecture de la lettre de Guy Môquet, censée faire pleurer tous les lycéens sur décision présidentielle. Le matin, notre homme visite les abris anti-nucléaires, l’après-midi il reçoit les codes d’accès aux missiles balistiques, le soir même il pleure en entendant la lecture d’une lettre de condamné. Ou notre homme est bon comédien, ou sa fragilité émotionnelle est patente : chez le Dr Folamour, les symtômes étaient les mêmes. Les journalistes qui ont vécu la période Attias (ou la période Fulda qui a suivi) savent que notre homme a bien du mal à cacher ses émotions. A espérer maintenant qu’un départ conjugal n’exercera aucune influence sur la politique française. A voir un président qui se promène au Conseil des ministres avec un mot doux au-dessus de sa pile de décrets, j’en doute fortement. Aujourd’hui où l’on parle divorce, plus personne ne peut plus croire à la version énoncée par une vieille amie de Nicolas Sarkozy, envoyée en renfort de pompier médiatique. C’était bien un homme qui était visé par ce mot doux, et cet homme c’est bel et bien le porteur de la feuille sur la photo. Reste à savoir maintenant quelle est la future première dame de France, à savoir l’auteur véritable de ce billet, qui n’a pas dû franchement plaire à l’actuelle.
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