Tennis : une criante inégalité hommes-femmes
C’est parti pour la grande quinzaine de la terre battue à Roland-Garros ! Et comme dans les trois autres tournois majeurs du circuit professionnel, nous allons assister, dans la mythique enceinte de la Porte d’Auteuil, à l’une des plus criantes inégalités hommes-femmes du monde sportif...

Les épreuves majeures du tennis mondial, communément désignées comme « tournois du Grand Chelem » sur le circuit pro, sont organisées sous le contrôle de l’International Tennis Federation (IFT). Elles sont au nombre de quatre : l’Open d’Australie (Melbourne), les Internationaux de France (Paris – Roland Garros), le tournoi de Wimbledon (Londres) et l’US Open (New York). Ce sont évidemment ces tournois que tous les champions et toutes les championnes de tennis rêvent, dès leur accession aux compétitions professionnelles, d’accrocher un jour à leur palmarès pour entrer dans la galaxie très fermée des plus grands noms de leur sport.
Outre l’immense satisfaction sportive et la fierté de faire partie d’un cercle très fermé de champions et championnes d’exception, les vainqueurs d’un tournoi du Grand Chelem se voient attribuer un prix de nature à attiser les ambitions. On serait motivé à moins : cette année à Roland Garros, le gagnant du tournoi des hommes touchera un chèque de 1,65 million d’euros contre la modique somme de 825 000 euros au malheureux finaliste. Quant à la triomphatrice du tournoi féminin, elle ne sera pas en reste puisqu’elle touchera exactement le même chèque que son homologue masculin.
La parité des gains existe à Roland Garros et Wimbledon depuis 2007, mais elle avait déjà été imposée à Melbourne en l’an 2000 et à l’US Open dès... 1973 ! Cette mesure de parité abolissait la discrimination qui prévalait jusque-là dans la rémunération des champions relativement aux championnes. Qui pourrait s’en plaindre ? La discrimination des sexes en matière de rémunération étant l’un des travers les plus choquants de la société, on ne peut que se réjouir d’avoir vu les organisateurs de tournoi évoluer vers une parité qui aurait dû s’imposer d’elle-même beaucoup plus tôt.
Tout serait donc parfait s’il n’y avait un petit problème d’éthique à la clé : du fait de cette avancée sociale, les femmes se trouvent désormais beaucoup mieux rémunérées que les hommes, à temps égal passé sur les courts. Et cela pour une raison simple : comme dans les autres tournois du circuit, elles continuent, en Grand Chelem, de jouer leurs matches en 2 manches gagnantes (autrement dit en 3 sets maximum) alors que les hommes disputent des rencontres en 3 manches gagnantes (autrement dit en 5 sets maximum). Or, cela fait une énorme différence, le temps passé par les hommes sur le court dépassant celui des femmes de 1 heure à 1 heure 30 dans la plupart des cas.
La logique élémentaire et la morale sociale voudraient donc que l’on aligne les femmes sur les hommes en les faisant jouer en 3 manches gagnantes. Mais des voix s’élèvent ici et là pour souligner le surcroît de dépense physique pour des femmes réputées moins résistantes. Oui à la rémunération égale, non aux efforts égaux ! Or, cet argument de moindre résistance n’a pas la moindre valeur : les femmes sont tout aussi résistantes que les hommes à l’effort sportif, comme le démontrent les marathoniennes, les triathlètes, les navigatrices en solitaire ou les alpinistes de l’extrême.
Il semble donc, pour suivre la même voie que les autres sports, que le temps soit venu d’harmoniser les tableaux masculin et féminin des tournois du Grand Chelem. Stacey Allaster, la présidente de la WTA (fédération internationale des joueuses) est d‘ailleurs persuadée que les matches en 5 manches ne poseraient pas de problème aux championnes, comme elle l’a confié lors d’une conférence de presse en septembre 2013 à Singapour. Elle est donc prête, et tant que dirigeante internationale, à assumer cette mutation. À l’image de l’Américaine Serena Williams ou de la Russe Maria Sharapova, les meilleures joueuses y sont elles aussi plutôt favorables. Il n’y a donc plus qu’à sauter le pas pour renouer avec une expérience qui avait déjà été tentée au Masters féminin de 1984 à 1998, le premier match de l’histoire en 5 sets ayant été remporté par Monica Seles face à Gabriela Sabatini en 1990.
Encore faudrait-il lever un obstacle majeur : l’opposition des organisateurs de tournoi qui devraient faire face à des durées de compétition significativement allongées et, le cas échéant, à des casse-tête, tant en matière d’occupation des courts qu’en matière de retransmission télévisée.
On en est là. Faut-il renforcer l’intérêt des tournois féminins en passant aux matches en 5 sets ? Ou y renoncer définitivement pour répondre à des questions pratiques de boutiquiers ? Mais alors, ne faudrait-il pas, par équité sportive, ramener les tournois masculins du Grand Chelem à des matches en 3 sets ? Ou par équité économique, en revenir à des rémunérations différenciées ? Le bon sens de chacun permet de répondre de manière évidente à ces questions. La parité n’est en effet pas un concept à géométrie variable !
Précédent article sur le même sujet : Quand l’égalité hommes-femmes crée de la... discrimination (juin 2011)
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