Commentaires et correctifs à l’enquête sur les vaccinations
La publication de l’enquête a suscité diverses réactions, positives ou négatives comme on pouvait s’y attendre. Merci à tous de leurs commentaires. Les positifs parce qu’ils nous encouragent, les négatifs parce qu’ils vont nous permettre soit de préciser notre pensée, soit de rectifier erreurs ou lacunes.
Cette nouvelle forme de journalisme a ceci de particulier et de très intéressant à notre sens, c’est que chacun peut avoir une vue globale de la question (opinions enquête réactions) et entendre les arguments des uns et des autres dans le même média : c’est là une grande originalité et la grande force de cette démarche. Ajoutons que les acteurs concernés (institutions ou autres) peuvent à tout moment apporter des compléments ou des rectifications à l’enquête.
Avant de répondre point par point à certains “posts” significatifs, nous insistons sur l’angle de l’enquête qui répond à la question : « L’obligation vaccinale est-elle encore justifiée ? » [1]. Notre réponse est négative. En aucun cas, cela ne signifie une négation de l’intérêt de la vaccination. Notre article signale simplement que l’obligation vaccinale ne fait pas l’unanimité, qu’elle est contestée ou reconnue aujourd’hui moins utile, que les conditions sont peut-être réunies pour qu’elle puisse être levée. Dans ce contexte, la sévérisation des sanctions paraît aller à contresens. Plutôt que lever le bâton pour effrayer le réfractaire, nous pensons qu’il serait plus judicieux de susciter l’adhésion par l’explication et l’information, donc par le débat contradictoire. Bref, par la confiance.
Pour expliquer pourquoi ce durcissement des sanctions nous semble contestable, nous avons été obligés, dans l’enquête, de relativiser (non de nier) les bienfaits des vaccinations. Nous n’avions pas d’autre moyen pour contrer l’affirmation excessive que les vaccins sont les seuls moyens de lutte contre les maladies infectieuses et qu’ils n’ont pas d’effets secondaires. Ou si peu que leur bénéfice s’impose de toute évidence. Cette évidence n’apparaissant pas, au vu des nombreuses réactions sur Agoravox, à tous, il nous fallait dire pourquoi [2].
Un internaute écrit après la publication : « Le caractère obligatoire d’un vaccin doit faire débat, il faut cependant être prêt à l’accepter si c’est la meilleure chose pour la communauté ». On est bien d’accord. Au vu des positions extrêmes exprimées sur Agoravox, il nous a semblé précisément qu’il y avait déficit de débat sur ce thème.
Un autre internaute dit, un peu dans le même sens : « Si je suis favorable à une meilleure information des patients sur les risques, je suis défavorable à un choix "individuel" pour ce qui est des maladies contagieuses, hautement infectieuses et dangereuses, qui nuirait évidemment à la politique de protection de la collectivité. L’obligation ne peut-être enlevée que pour des maladies pour lesquelles le risque pour la collectivité est très faible ». Nous sommes d’accord.
Mais trois questions se posent :
Comment faire pour laisser aussi une chance à l’organisme de réagir puisqu’il est capable, dans un grand nombre de cas, de traiter et de résorber lui-même une infection ? Il y a aussi une autre balance bénéfice/risque à étudier : aucun effet secondaire dû à un vaccin contre combien de risques de maladies aujourd’hui ? De plus, rien ne prouve que la levée de l’obligation conduise à une réduction de la couverture vaccinale...
Aujourd’hui, les risques de DTP sont-ils suffisamment bas pour imaginer lever l’obligation ?
Sommes-nous vraiment sûrs que la contrainte soit meilleure que la pédagogie et le débat pour obtenir une couverture élevée (comme cela se fait dans beaucoup d’autres pays) ?
La principale leçon que nous tirons de notre étude est le constat d’une carence dans le dialogue démocratique à ce sujet (et non que les vaccins sont inutiles ou nocifs).
- Internaute : « Au vu des éléments
(incomplets et uniquement "à charge") présentés,
l’auteur aurait pu utiliser un certain nombre de données pour demander un réexamen
légitime des méthodes de vaccination et des suivis des patients en fonction des
vaccins. En s’aventurant sur le terrain d’une remise en question globale des
politiques de vaccinations actuelles sans éléments épidémiologiques, il a
malheureusement déconsidéré son enquête. Comme plusieurs commentaires l’ont
rappelé, une politique de vaccination ne peut prendre en compte le seul intérêt
individuel, mais doit aussi examiner l’intérêt collectif. Il me semble inutile
de reprendre les arguments déjà développés lors de la présentation de l’enquête,
notamment par des médecins spécialistes, mais il est dommage que l’auteur n’ait
pas tenu compte de ces avertissements ».
► Commentaire de l’auteur : C’est le cœur du problème. Il existe malheureusement peu d’informations épidémiologiques synthétiques. Nous n’avons pas non plus une vision de leur évolution dans le temps. Nous avons demandé à l’Afssaps de nous communiquer ces éléments précis et nous les communiquerons dès qu’ils seront en notre possession. Par ailleurs, le fonctionnement actuel de la vaccinovigilance n’est pratiquement jamais l’objet d’enquête ni de débat dans nos médias. Il nous a semblé que c’était pourtant, démocratiquement parlant, un point sensible et important.
- Internaute : « L’auteur a déjà une petite idée sur la
question avant de démarrer l’enquête ; son travail laisse à penser qu’il
souhaite se documenter plus amplement (normal pour un
journaliste...). Il faut dire que l’intitulé des questions est souvent de nature
à amener des réponses "partisanes". Mais le résultat et la conclusion
que j’ai retenus sont qu’une étude objective et transparente s’impose. Qui va
payer cette étude, sachant que, comme les médias le proclament ces temps-ci en
se disant l’écho du gouvernement, l’Etat est surendetté, donc inféodé à ses
prêteurs de deniers ? Sachant que (comme je l’ai entendu dans les dîners et lu
dans les livres), le CNRS et l’Université sont de plus en plus financés par les
entreprises privées ».
► Commentaire de l’auteur : Nous sommes partis avec le constat qu’il n’y avait manifestement pas consensus sur la politique vaccinale et que les objections des réfractaires étaient insuffisamment prises en compte. C’est donc surtout, effectivement, à partir de ces contestations que nos questions ont été élaborées. Ce qui a donné l’impression que nous étions orientés contre les vaccinations, ce qui n’est pas le cas. Peut-être avons-nous été maladroits en procédant de la sorte, en choquant ceux pour qui la politique de vaccination ne mérite pas tant de critiques. Notre souhait est uniquement que ces critiques aident à ce qu’un vrai débat transparent, rigoureux et pluraliste puisse s’engager.
- Internaute : « Certaines des conclusions de votre enquête
sont indiscutables et bienvenues, comme une plus large information, clairement
séparée de la communication des fabricants, et une réévaluation des bénéfices
et des risques. En revanche, la conclusion préconisant de rendre facultative la vaccination des enfants
est basée sur des méthodes parfois contestables.
Citons par exemple :
• p. 33 il est cité à l’appui de cette vision un texte non daté, d’origine
et de destination inconnues ;
• pp. 36 à 40 deux interviews seulement sont reproduites, de personnes
d’une opinion voisine, toujours dans la même ligne ;
• p. 41 on suppose que de nouvelles maladies pourraient nécessiter de
nouvelles et nombreuses vaccinations, alors que rien ne permet de le dire. »
► Commentaire de l’auteur :
« Texte non daté, d’origine et de destination inconnues » : ce fut effectivement une erreur de notre part. Nous l’avons donc supprimé dans notre 2e édition de l’enquête qui comporte quelques autres modifications et précisions.
Les deux interviews : Si ces deux personnes ont parlé dans le même sens, ce fut pour nous un surprenant hasard ! Car, en allant les voir, nous nous serions plutôt attendus à voir mis en cause notre supposition que l’obligation vaccinale n’était plus forcément indiquée aujourd’hui. Nous rappelons que le Comité technique des vaccinations est l’instance scientifique qui conseille le gouvernement sur ces questions. Son président a parlé à titre personnel. Mais cette question n’est pas absente des débats au sein des instances gouvernementales.
De nombreuses maladies ou dysfonctionnements sont aujourd’hui l’objet de recherche de vaccins, du sida au cancer en passant par l’obésité. Si l’on ne peut que se réjouir de trouver des moyens d’éviter des maladies, ne faudrait-il pas aussi, beaucoup plus qu’aujourd’hui, s’interroger et agir sur leurs causes ? La prévention est la parente pauvre des systèmes de santé (environ 5 % des financements publics).
- Internaute : « Votre article passe totalement sous silence un aspect pourtant important de la vaccination : la prévention professionnelle, pour laquelle la problématique est radicalement différente, tant du point de vue du vacciné, que de celui du médecin (du travail en l’occurrence) ou encore des enjeux de santé. Il suit par contre à la virgule près le discours ambiant ».
► Commentaire de l’auteur : La prévention professionnelle est effectivement peu traitée dans notre article, sauf en quelques passages où nous parlons précisément de l’attitude du corps médical concernant les vaccinations sur lui-même. On peut penser que c’est une faiblesse du dossier. Ce fut notre choix de nous adresser surtout aux questions touchant le grand public.
- Internaute : « Résultat décevant mais prévisible. L’épidémiologie est un sujet trop complexe pour être traité par petites annonces. Si l’on veut des "enquêtes citoyennes", il faut poser des questions auxquelles le citoyen sans compétence dédiée peut répondre.
Je vous suggère par exemple une enquête quantitative sur le droit du travail dans la grande distribution. Il y aurait des biais aussi, mais moindres, et les réponses pourraient rester factuelles. Ou, si vous tenez à rester dans le médical, une enquête sur la prescription, la vente et le prix de médicaments génériques ».
► Commentaire de l’auteur : Nous sommes nous aussi un peu déçus par notre propre enquête. Nous aurions aimé pouvoir aller un peu plus loin, sur les données épidémiologiques notamment. Nous n’avons pas encore eu toutes les réponses à nos demandes. D’un autre côté, cet aspect épidémiologique mériterait certainement plus qu’une enquête journalistique, qu’elle soit ou non participative. C’est pourquoi nous pensons aujourd’hui nécessaire la tenue de grands débats publics et d’études indépendantes nous permettant d’y voir plus clair.
Pour les autres sujets que vous proposez, nous comptons
inviter prochainement les internautes à nous dire leurs souhaits.
[1] Précision, suite à la remarque d’un internaute : il est vrai que cette question n’a pas été aussi clairement formulée au départ. Nous avions cependant pris soin, pour justifier notre choix, de commencer en citant l’actualité (la loi du 5 mars dernier, la loi n° 2007-293 réformant la protection de l’enfance et durcissant les peines contre l’insoumission vaccinale).
[2] A ce propos,
il ne faut pas confondre le message et son messager. En tant que journaliste,
je rapporte les objections que je suis prêt à abandonner sur démonstration
contraire. C’est pourquoi, logiquement, j’ai interrogé, entre autres, le
président du Comité technique des vaccinations et l’Afssaps. Mais je ne suis
dans cette affaire que médiateur et non représentant des opposants aux
vaccinations.
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