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Accueil du site > Tribune Libre > A quoi sert Wikipédia en latin ?

A quoi sert Wikipédia en latin ?

Il y a dans le monde contemporain certains détails auxquels peu de gens prêtent attention, et qui sont néanmoins intrigants quant à la signification qu’on peut bien leur trouver. J’étais l’autre jour sur la page Wikipédia de Shigeru Miyamoto, le célèbre concepteur de jeux vidéo, le père de Donkey Kong, de Super Mario et de Zelda. Comme Miyamoto est une véritable légende dans ce domaine, la page qui lui est consacrée est traduite dans à peu près toutes les langues imaginables. Je savais qu’il y avait sur Wikipédia un certain nombre de pages traduites en latin, notamment sur les sujets historiques. Par curiosité, j’ai regardé si c’était le cas pour celle de Miyamoto. Effectivement, le lien « latina » se trouvait bien là, et après avoir cliqué dessus, j’ai lu ceci : « Shigeru Miyamoto est formator, productor, directorque ludorum televisificorum ». Moment de flottement. « Eh bien, me suis-je dit, il y a quelque part des gens qui ont vraiment foi en la langue latine. » Décidant d’approfondir un peu la chose, je suis allé voir d’autres articles de Wikipédia rédigés en latin, notamment ceux de Iacobus Chirac, de Gulielmus Clinton, ou encore d’Arnoldus Scharzenegger, dont on apprend qu’il a tourné dans « Praedator  » en 1986 et qu’il vit actuellement à Angelopolis, très grande ville de Californie.

Tout cela donne tout de même à réfléchir. On ne peut s’empêcher, en voyant toutes ces pages consacrées aux sujets les plus divers – de Michael Jackson à la guerre de Cent Ans, d’Albert Einstein à la console NES – de se demander à quoi peut bien servir Wikipédia en latin.

La première réponse qui s’impose, c’est : à rien. Plus personne n’a aujourd’hui le latin pour langue maternelle, plus personne n’utilise le latin pour s’informer. La traduction de Wikipédia en latin est donc l’entreprise, sympathique, confidentielle et complètement vaine, de quelques amateurs éclairés, qui cultivent l’expression latine comme d’autres la philatélie ou la botanique.

Deuxième hypothèse : il y a là une subtile intention humoristique. On ne peut en effet s’empêcher de penser que ceux qui ont rédigé en latin les pages consacrées à Lady Gaga (« cantrix, compositrix carminum ») ou aux Dents de la mer (« pellicula aperta anno 1975 et moderata a Stephanus Spielberg ») ont eu assez de recul pour s’apercevoir du côté cocasse de la chose. Après tout, il s’agit là de la définition même de l’humour : la collusion de deux univers normalement totalement étrangers l’un à l’autre.

Quoi qu’il en soit, plutôt que de réfléchir à l’utilité de traduire Wikipédia en latin (« Vicipædia »), il me semble qu’il vaudrait mieux s’interroger sur la signification profonde, bien que sans doute involontaire, de cette démarche. Pendant des siècles, le latin a été la langue scientifique universelle. Discrètement, sans que personne ne s’en émeuve, il vient de le redevenir. Toute la connaissance humaine est de nouveau recouverte par la langue latine, et ce corpus est accessible à tous. Invisible aux yeux de la plupart, cet événement a tout de même une certaine portée si l’on se place à l’échelle de l’histoire de l’humanité, et de sa culture. En ce début de vingt-et-unième siècle, le latin est redevenu une des expressions de la conscience humaine.

Chaque langue porte en elle ses vertus propres, qui se communiquent toujours plus ou moins à ceux qui l’emploient. L’âge du rejet du latin a coïncidé avec celui de la barbarie, des guerres et de l’aveuglement. Gageons que les vieilles vertus de la vieille langue latine – la clarté, l’ordre, la fermeté – se transmettront d’une façon ou d’une autre à notre monde fatigué et lui insuffleront les germes d’une vigueur nouvelle !


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25 réactions à cet article    


  • ZEN ZEN 31 janvier 2013 16:56

    Quae cum ita sint, Wikipedia, perge quo coepisti... smiley


    • paco 31 janvier 2013 17:11

       wouarf ! j’en ai eu fait pendant de longues années de collège et lycée....Des textes insipides avec des profs tout autant. Indigérablum. Par contre, oui, dans la vie de tous les jours, ces putaings de racines latines me servent pour comprendre le sens de mots étrangers.


      • nuance 31 janvier 2013 17:15

        La vrai question serait : Wikipédia en latin nuit-il à quelqu’un ? et la réponse serait : non.


        • al.terre.natif 31 janvier 2013 17:33

          « la clarté, l’ordre, la fermeté » oula, je préfère la barbarie alors si c’est soit l’un soit l’autre ....


          • Scual 31 janvier 2013 17:53

            Ça commençait bien et puis en fait ça fini sur une belle contrevérité bien réactionnaire qui véhicule un message complètement mensonger. Cela a été une gigantesque avancée scientifique qui a suivi l’abandon du latin au profit des langues utilisées par tous dans le domaine des sciences. C’est ça qui a permis à tous d’accéder à un savoir autrefois réservé aux seuls latinistes, c’est à dire à ceux qui avaient reçu l’ « instruction » de l’église.

            Bref qu’il y ait des pages wikipédia en Latin, c’est certainement une excellente chose pour ceux qui étudient le latin. Sauf que cette langue n’a absolument aucun intérêt au delà de l’étude du passé et des langues. Y voir un symbole réactionnaire à la gloire nostalgique de cette dictature totalitaire qu’exerçait le clergé sur la science et la culture, faut peut-être pas pousser, surtout que c’était dans l’unique but de maintenir la population dans la bêtise et l’ignorance afin de préserver un ordre établi injuste et d’une barbarie inouïe.

            Il n’y a pas de meilleure langue pour la science et la culture que celle que l’on parle couramment. La prédominance de la langue anglo-saxonne pose d’ailleurs un gros problème d’accès à ces domaines pour tout ceux qui ne la comprennent pas. Au lieu de traduire l’article sur Lady Gaga en latin, on ferait mieux de traduire les centaines et centaines d’études scientifiques, œuvres littéraires ou articles de Presse anglophones en français... et c’est encore pire pour pour ceux des autres langues que quasiment aucun de nos concitoyens ne parle, et qui constituent autant de savoir qui nous échappe totalement.



              • BlackMatter 31 janvier 2013 21:41

                Je disais, Wikipédia en écriture hiéroglyphique ce serait cool.


              • lulupipistrelle 31 janvier 2013 22:39

                Plus personne ne parle plus latin... même au Vatican ?

                Etiamsi omnes... 

                • Talion Talion 1er février 2013 01:25

                  Hé !... Cette version n’est pas si inutile que ça !...

                  Imaginez par exemple qu’un malheureux citoyen romain ait été la victime d’une faille spatio-temporelle en l’an 50 de notre ère et qu’il se retrouve propulsé à notre époque...

                  Sans la version latine de wikipedia il sera alors complètement largué le pauvre !... Merde, c’est vrai quoi... Soyez charitables pour lui bande d’égoïstes !...


                  • Shawford42 1er février 2013 01:28

                    Cogito Avatar Sum, dirait-il alors, déboulant sur AV en suivant !!


                  • Mmarvinbear Mmarvinbear 1er février 2013 01:51

                    A rien.


                    C’est donc essentiel.



                    • Shawford42 1er février 2013 02:06

                      C’est ça l’étoffe des héros.


                    • ricoxy ricoxy 1er février 2013 08:49

                      Errant qui putant


                      • Pale Rider Pale Rider 1er février 2013 10:16

                        Gratia, o Laconique (vocatif ?). 

                        Articulus tuus festivus et utilis est. Latinum studui per septemmi anni, Sed cuja lenguae multae memoriae perdidi, cum potes videre legereque !
                        Postum escritum cum Gaffiotum et Henri Goelzeri dictionnario gallus-latinus et cum multa pena et multo temporo et multissimis defectionibus !
                                   Amicus tuus, Palidus Eques

                        • ricoxy ricoxy 1er février 2013 16:09

                          Latine dicere verum quid vetat ?


                        • Laconique Laconique 1er février 2013 19:39

                          Vous m’épatez, Pale Rider ! J’aimerais être capable d’écrire en latin aussi bien que vous, en tout cas c’est un plaisir de vous lire dans cette langue... Merci pour le « festivus » et le « utilis », j’ai juste essayé d’être léger et amusant.

                          Vale !


                        • Agoranymous42 1er février 2013 19:44

                          Le laconique pas furtif est il aujourd’hui du genre Platon ou Socrate ? 


                          Je distiçngue pas bien sur le buste smiley

                           smiley ?

                           smiley ?

                        • Aldous Aldous 1er février 2013 10:21

                          Il y a bien wikipedia en grec...


                          • docdory docdory 1er février 2013 12:03

                            @ Aldous 

                            Oui, mais le grec utilisé par Wikipedia en grec est du grec moderne, encore appelé grec démotique, qui est une langue au moins aussi différente du grec ancien que le français moderne ne l’est de celui utilisé dans les lais de Marie de France .
                            Si vous avez étudié au lycée le grec ancien, je crains fort que cette connaissance, même approfondie, ne vous permette absolument pas de vous faire comprendre d’un grec actuel ( par contre, elle vous aidera dans la lecture des panneaux, nettement moins dans celle du journal ! )
                            A noter que, pendant l’époque des colonels, la Grèce vivait dans une bizarre situation de diglossie : la langue officielle était le grec « katharevoussa » ( grec « pur » : une sorte d’intermédiaire entre le grec ancien et le grec actuel ) . Cette variante du grec était utilisée dans les tribunaux, les textes officiels etc...alors que le peuple parlait une autre variante de grec.
                            Si vous allez dans des très vieux bus grecs, cette différence de langue peut se voir sur l’inscription « ne parlez pas au chauffeur ». En grec « katharevoussa », cela se disait « Μην ομείλειτε εις τον οδυγόν » alors qu’en grec moderne ( démotique), ça se dit :« Μνν μιλάτε στον οδυγό » .
                            Cette situation de diglossie était très mal vécue par les grecs, et à certainement concouru à la chute de la dictature des colonels ( après quoi le grec démotique devint langue officielle ) .

                          • docdory docdory 1er février 2013 13:16

                            A noter qu’il existe en Grèce, dans l’enseignement secondaire, un enseignement du grec ancien qui est l’équivalent de l’enseignement du latin en France !


                          • Shawford42 1er février 2013 13:33

                            C’est les touffes des zéros smiley


                            (étouffe des Ères O pour les Experts, nouvel upgrade bientôt disponible en Nintendo)

                          • Agoranymous42 1er février 2013 15:16

                            Qu’est-ce qui bouge le cul des Andalouses ?
                            C’est l’humour.
                            Qu’est-ce qu’on trouve en cherchant sous ta blouse ?
                            C’est l’humour.


                             smiley smiley

                          • docdory docdory 1er février 2013 14:11

                            @ Laconique

                            Le latin n’est pas une langue tout à fait morte puisqu’il reste une des quatre langues officielles de l’état du Vatican, avec l’italien, en compagnie du français et de l’allemand ( à cause des gardes suisses ! ).
                            Les distributeurs automatiques de billets localisés au Vatican ont leurs instructions libellées en latin.
                            S’agissant d’une langue officielle, il existe un « comité théodule » du Vatican chargé de moderniser la terminologie, comme on le voit sur ce lexique italien-latin moderne ( apparemment, la version française n’est pas disponible ).
                            Je pense que l’enseignement du latin fait partie de l’instruction de base des candidats au clergé catholique, ce qui fait que les prêtres catholiques, d’où qu’ils viennent, peuvent communiquer entre eux.
                            A titre personnel, je me rappelle d’une anecdote qui m’est arrivée peu avant la chute du rideau de fer. Un de mes patients d’origine polonaise avait demandé à son médecin de lui envoyer un résumé de son dossier pour que je puisse en prendre connaissance.
                            Malheureusement, ce résumé de dossier envoyé par mon confrère polonais était écrit en latin ! Or, il ne s’agissait pas du latin facile à comprendre que l’on peut lire sur Wikipedia en latin, dont j’arrive à comprendre environ 80% des phrases, mais d’un latin médical fort complexe ! 
                            Lorsque je révélais à mon patient que je ne maîtrisais presque pas le latin, il fut scandalisé : apparemment , en Pologne à cette époque, on ne pouvait entreprendre des études de médecine sans maîtriser le latin, et ce Polonais ne pouvait pas concevoir qu’il n’en fût pas de même en France ou dans n’importe quel autre pays du monde ! Mon prestige professionnel auprès de ce patient en prit un très sale coup ...
                            Par ailleurs, lorsqu’il a fallu que je fasse ma thèse , j’eus à traduire en français plusieurs articles médicaux rédigés en roumain et qui avaient une grande importance dans ma bibliographie. Je n’aurais pas pu mener à bien cette tâche aussi facilement si je n’avais pas appris le latin au collège.( le roumain est , comme son nom l’indique, une langue romane ). ( NB en 1985, « google traduction » n’existait pas encore ! )
                            Bon, moi j’aime bien cette idée de faire survivre une langue en voie d’extinction. Après tout, Alan Stivell a fait le même genre de chose pour le breton. Et puis c’est ma prof de latin qui, en quatrième, m’a donné la meilleure appréciation que j’ai jamais eue sur un bulletin scolaire « charmant fumiste, borgne au royaume des aveugles ! » . Elle mérite bien que je lui rende hommage en lisant de temps en temps wikipedia en latin !...

                            • Traroth Traroth 1er février 2013 15:12

                              Pourquoi limiter votre question au latin ?


                              A quoi servent les Wikipédia dans d’autres langues que les grandes langues véhiculaires ? Avec des Wikipédia en anglais, français, espagnol, allemand, portugais, espagnol, russe, chinois, japonais, arabe et hindi, on doit toucher potentiellement plus de 90% de la population mondiale.

                              A quoi sert la Wikipédia en espéranto ? Tous les locuteurs parlent une autre langue !

                              Le présupposé de votre article, c’est qu’il est suffisant de proposer à chacun une Wikipédia dans une langue qu’il comprenne, et que donc ça devrait être l’objectif de Wikipédia. Ce point de vue n’est pas forcément unanimement partagé.

                              Parce que, en dehors de ça, on peut imaginer bien d’autres objectifs. Par exemple, si on considère une langue comme un patrimoine, Wikipédia aide à sa sauvegarde. Ou tout simplement, dans le cas du latin, propose du contenu aux latinistes pour leur permettre de pratiquer leur langue...

                              • docdory docdory 1er février 2013 16:29

                                @ Laconique

                                L’argument utilitariste « ça ne sert à rien » que d’aucuns aimeraient opposer au Wikipédia en latin pourrait tout aussi bien être opposé à l’enseignement généralisé de l’anglais au collège, au lycée, et maintenant dans les écoles primaires.
                                En effet, sur ces 100 % ou presque de jeunes français qui apprendront l’anglais, à raison de 3 heures par semaine pendant 7 ans de scolarité secondaire, seul 10 % atteindront un niveau suffisant pour réussir à demander leur chemin en Angleterre, comprendre le menu d’un restaurant d’outre-Manche ou d’outre-Atlantique ou exposer leur éventuels ennuis de santé à un médecin anglais.
                                Pour 90% de ces jeunes français, l’apprentissage de l’anglais aura été totalement inutile, tout simplement parce qu’ils n’en auront pas besoin dans leur vie professionnelle et parce qu’ils ne voyagent pas. Ma coiffeuse ne se servira pas de l’anglais ( à part pour le mot « brushing », qui, si ça se trouve, n’est même pas utilisé par les coiffeurs anglais ), mon plombier, mon couvreur et mon garagiste non plus, ma boulangère, mes caissières de super marché non plus, la plupart de mes confrères non plus ( sauf ceux qui, comme moi, exercent dans des zones d’intérêt touristique, et pour lesquels cette connaissance est indispensable et d’usage quotidien ) . Les baby-sitters et les « techniciens de surface » non plus, etc, etc ...
                                La plupart de ces catégories socio-professionnelles, de nos jours, compte tenu de la réduction massive du niveau de vie, ne gagneront de toutes façons jamais assez d’argent pour voyager à l’étranger, ou s’ils y vont, iront dans la plupart des cas dans un « club-hôtel » où ils n’auront pas besoin de parler anglais ... ( moi-même, ça fait plus de quinze ans que je n’ai pas eu le temps ni les moyens de prendre des vacances à l’étranger ! )
                                En résumé, pour l’immense majorité des gens, l’apprentissage de l’anglais n’aura pas eu, dans leur vie, plus d’utilité que n’en a le wikipédia en latin !

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