Adresse aux musulmanes modérées portant le hijab
La question redondante sur l’interdiction du port du voile en France sème le trouble chez nos politiques comme chez beaucoup de Français. Faut-il légiférer au risque de mettre de l’huile sur le feu ou légiférer pour rendre plus cohérente cette loi concernant l’école ? J’avais envie d’interpeler les musulmans et les musulmanes non salafistes qui portent le voile malgré les débats que cela provoque et des agressions auxquelles elles font face très régulièrement.
Il est vrai que le sujet est garni de chausse-trappes comme tout objet symbolique à connotation religieuse. Comme toutes les religions, l’Islam a ses sectes et ses obédiences, ses courants et ses mouvements. Á chacun d’eux correspond une interprétation du Coran, celle-ci étant guidée par les hadîts, qui sont une communication orale du prophète de l'islam Mahomet et, par extension, un recueil qui comprend l'ensemble des traditions relatives aux actes et aux paroles de Mahomet et de ses compagnons. Ils sont à peu près 900 et ont été classés "sacrés", "élevés", "arrêtés" ou "coupés". D’où des désaccords parfois violents entre certains courants, les plus connus étant les chiites et les sunnites. Et, depuis 150 ans environs, les salafistes se sont ajoutés, prétendant revenir aux pratiques en vigueur dans la communauté musulmane à l'époque du prophète Mahomet et de ses premiers disciples, n’hésitant pas à user du terrorisme pour parvenir à leurs fins.
Cela veut dire que lorsqu’on parle du voile chez les musulmans, nombreux sont les désaccords entre eux.
Voyons l’analyse[1] de Mohammed Chirani[2] qui a suivi des études en islamologie.
Concernant le verset du « dévoilement » transformé en verset du voilement (Coran 33.59) : « « Ô Prophète ! Dis à tes épouses, à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles : elles en seront plus vite reconnues et éviteront d'être offensées. Dieu est Pardonneur et Miséricordieux ».
Mohammed Chirani dit ceci : « Premièrement, Il faut qu’elles soient reconnues, d’où la nécessité que le visage soit reconnaissable. Deuxièmement, le but de cette injonction est d’éviter l’agression. On comprend donc qu’il y a des agressions de femmes voilées et que pour éviter l’agression il faut qu’elles soient reconnaissables afin de ne pas être agressées. La finalité du verset donc est de protéger la femme de l’agression. Ce verset est d’actualité car il dit aux femmes voilées qui subissent des offenses, agressions et exclusion de baisser leur voile des cheveux afin de ne plus subir de pressions. »
Puis, le verset 33.60 du Coran : « Certes, si les hypocrites, les malades du cœur (les pervers), et les semeurs de troubles à Médine ne cessent pas, Nous t’inciterons contre eux, et alors, ils n’y resteront que peu de temps en ton voisinage ». Il commente ainsi : « Nous comprenons de ce verset qu’il s’agit là des trois catégories de personnes qui harcelaient les femmes à Médine : les hypocrites, les pervers et les fauteurs de troubles. L’obligation de se vêtir d’une certaine manière, « afin que les femmes soient reconnues pour ne pas être offensées », s’explique par la présence de ces « voyous » dans la ville. Le principe général à dégager de ce verset est « la protection de la femme » et nullement une façon de s’habiller. Il en résulte que le port du voile, tel que porté aujourd’hui, n’est ni un commandement divin, ni un critère d’islamité. Conclusion : conformément au dessein global de Dieu, l’application de ce verset dans notre époque signifie que les jeunes femmes musulmanes sont incitées à s’habiller normalement afin qu’elles soient protégées contre la pression, la marginalisation, la discrimination et l’exclusion.
Enfin, le verset 24.31 du Coran : « Dis aux croyantes de baisser les yeux et de contenir leur sexe ; de ne pas faire montre de leurs agréments (atours ou parures), sauf ce qui en émerge, de rabattre leur fichu sur les échancrures de leur vêtement. Elles ne laisseront voir leurs agréments (cachés ou intimes) qu’à leur mari, à leurs enfants, à leurs pères, beaux-pères, fils, beaux-fils, frères, neveux de frères ou de sœurs.. ». M. Chirani dit ceci : « Nous comprenons de ce verset que Dieu laisse à la femme la liberté de faire apparaître ce qui fait partie de sa personnalité « ce qui émerge » (dont évidemment le visage et les cheveux), en évitant seulement l’exhibition provocante. Nous sommes loin des interprétations orthodoxes des salafistes. Il n’y ait nullement question de voiler la tête, il n’y a aucune allusion aux cheveux.
Puis, il explique que le voile relevait d’une tradition Perse antérieure à l’Islam : « En effet, le voile couvrant les cheveux et même parfois le visage est une coutume répandu dans l’empire Perse. C’est Cyrus le Grand qui, dix siècles avant l’Islam, a établi la coutume de couvrir les femmes afin de protéger leur chasteté. Par le biais des invasions arabes, il se répand ensuite au travers du monde musulman. L’Empire abbasside qui s’installe sur les décombres de l’ancienne civilisation babylonienne absorbe d’anciennes coutumes perses dont le voile ou le jilbab. Durant cette période du XIIIème et IXème siècle, les hadîth (dits du prophète) sont collectés et on voit apparaître les écoles juridiques de l’islam. Nombreux sont les théologiens d’origine perse, qui sont influencés par leur culture dont ils ont du mal à se détacher (Abou Hanifa, Al-Boukhari, Al-Tirmidhi, An-Nasaai, At-Tabari, etc). Afin de comprendre le contexte de révélation de ce verset, il faudrait avoir une idée claire des coutumes des femmes à l’époque du prophète. Il suffit donc de parcourir les poèmes arabes avant l’avènement de l’islam pour se rendre compte que les femmes portaient des parures sur des parties intimes de leurs corps et se donnaient à des exhibitions provocantes. Le verset est donc une incitation à la pudeur. »
En France, la majorité de musulmanes ne portent pas le voile. Alors, pourquoi donc, certaines le portent ? Effet de mode ? Lien spirituel avec Allah ? Marque volontaire de fidélité au mari ? Soumission au mari ? Soumission à Daesh ? Complicité avec Daesh ? Pour les non musulmans, il est difficile, voire impossible, de ne pas penser aux trois dernières hypothèses au vu du nombre de morts dans les attentats et de la menace permanente et diffuse qui règne dans le pays et dans le monde. Ne regarder que les premières hypothèses relève, à mon sens, d'un optimisme naïf, voire irresponsable. D’autant qu’il est avéré que les salafistes sont actifs dans les mosquées de notre pays et qu’ils sont en guerre contre l'Occident et particulièrement contre la laïcité française. Leur volonté est d’imposer leur vision de l’Islam et, notamment, de celle de la femme et de l'homme. C'est à ce titre là que le voile est très compliqué à accepter. Parce que les islamistes s'en servent comme outil de soumission et de prosélytisme.
Bien entendu, nombre de musulmanes portent le voile d'elles mêmes et n'ont pas l'impression d'être des femmes soumises. Mais, quand on sait que les salafistes font plus de morts chez les musulmans que chez les « infidèles », je suis perplexe devant l'obstination de certaines musulmanes non salafistes à porter le voile. Cette attitude ne fait qu'embrouiller les choses. Car, il ne faut pas être naïf : les salafistes se satisfont des femmes qui portent le voile pour des motifs autres que religieux car ils savent que pour un grand nombre de Français et de musulmans, le voile signifie un ralliement au salafisme. Donc, quand on sait que les islamistes jubilent d'avoir de telles alliées involontaires et / ou naïves, on peut se demander comment ces femmes perçoivent leur responsabilité sociétale ? Comment se positionnent-elles vis-à-vis de la volonté des islamistes de faire du prosélytisme par tous les moyens, y compris le port du voile ?
D'autant que si on lit les explications de Mohammed Chirani, l'évocation du voile dans le Coran correspond à protéger la femme. Or, en portant le voile en France, la femme prend le risque de se faire agresser.
[1] On peut trouver le texte ici http://www.parlemoidislam.com/le-voile-est-il-une-obligation-religieuse/
[2] Mohammed Chirani a suivi des études en islamologie. Il a été délégué du préfet pour les quartiers sensibles de la Seine-Saint-Denis de 2009 à 2013 et il a participé aux travaux du réseau européen de déradicalisation, le RAN.
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