Alain Finkielkraut, la justice américaine vaut-elle Polanski ?
J’avais décidé de ne pas parler de l’affaire Polanski, j’ai échoué, voilà mon avis.
Le symbole de la justice est une balance, avec laquelle on pèse les arguments des parties adverses.
Le symbole de la justice est une balance, avec laquelle on pèse les arguments des parties adverses.
Lorsqu’un jeune homme est jugé, pendant son procès, l’avocat de la défense dit si ce jeune homme a trouvé du travail, s’il a fait son service militaire, s’il a des antécédents.
Si l’insertion du jeune homme dans la société est bonne, alors, le juge convient qu’il ne s’agit pas là d’un antéchrist, du diable en personne, le juge devient alors plus clément.
Mais le juge n’est pas clément avec le crime, la faute, il est clément avec l’individu.
Ici on voit que Polanski est un des plus grands réalisateurs de l’histoire du cinéma, je suis personnellement fan de "la neuvième porte et Rosemary’s baby" qui sont deux films fabuleux et qui ne peuvent être conçus que par un esprit puissant.
La puissance de son cinéma n’est pas la définition magnifique d’un humain idéal et saint, mais c’est celle d’un humain complexe, d’un humain animale.
Par exemple, pour le pape, coucher avec une femme avec qui l’on n’est pas marié est un péché, pour Polanski, non.
Je parle du talent et de la modernité de Polanski, pour défendre les qualités indéniable de l’homme, du cinéaste, mais en aucun cas, je ne peux le défendre lorsqu’il décide d’assouvir ses pulsions sexuelles sur une mineure de 13 ans préalablement droguée.
Pourquoi la majorité est définie, en France à 18 ans et aux USA à 21 ans ?
Les juges ont-ils pris un dé à joué en obtenant le chiffre 18 ?
Cela est calculé en fonction de plusieurs critères, la maturité du corps et la maturité de l’intelligence.
Si la justice interdit aux majeurs d’avoir des activités sexuelles avec des mineurs, c’est pour préserver les mineurs, qui n’ont ni la force physique, ni la force intellectuelle de s’opposer, mais qui n’ont pas non plus la maturité de savoir ou se situe le bien et le mal.
Le témoignage des victimes et l’analyse des psychologues, montrent que les mineurs ayant eut des relations sexuelles non consenties avec des majeurs ont par la suite des difficultés à vivre leur sexualité et sont traumatisés par le crime qu’ils ont subi.
Les défenseurs de Polanski mettent en avant cet argument : "Ce n’est pas de la pédophilie mais de l’adophilie".
La justice elle, qui est une académie cruciale et réfléchie, pense que si l’on a moins de 18 ans (ou 21 ans) ont est vulnérable et que donc, la justice se doit de protéger les mineurs, qu’ils soient enfants ou adolescents.
Notons de plus, qu’une femme de 40, 50, 70 ans, peut porter plainte, si vous la faites boire, que vous la droguez et que vous la violez. Par delà l’âge de la victime, il y a dans cette affaire, l’acte criminel commis. Les délits sont multiples.
Un des autres arguments qui revient souvent est le fait que la victime ne souhaite pas ce procès. Notons que ceci ne signifie pas qu’elle pense que Roman Polanski n’est plus coupable. Ceci peut signifier qu’il n’est plus indispensable que Polanski subisse un procès sévère.
Or la justice, dans l’idéal, n’est pas sévère, elle ne pratique pas la thérapie ogresse, mais elle est justement, comme son nom l’indique, juste.
Ce qui est faux lorsque l’on se rend compte que la prison est un lieu ne respectant pas la charte universelle des droits de l’homme, qu’elle n’est que punitive et qu’elle est trop peut thérapeutique.
Ainsi les juges envoient des coupables dans des nids de criminalité. Tel Oroboros, le serpent se mord la queue.
Le procès que va subir Polanski n’est pas celui du cinéaste, mais celui du criminel et en réalité, je trouve salvateur ce procès.
Pour les enfants qui actuellement subissent les actes sexuels d’adultes et qui ont besoin de connaitre la position de la justice et du monde.
Pour les criminels qui eux-mêmes doivent comprendre que la justice est du côté des démunis et des plus faibles et qu’elle est capable, même des années après d’appréhender les criminels, qui qu’ils soient, de les juger et de les condamner.
Mais surtout, en réalité, ce procès est salvateur pour Roman Polanski lui-même. Qui d’entre nous aimerait être un fugitif éternel ? Qui d’entre nous aimerait voir ses pêchés d’hier non jugés ?
La justice n’est pas une académie fasciste, la justice est un des bienfaits de l’humanité.
Polanski, le cinéaste, défend cette justice, Polanski, le criminel d’hier, va enfin avoir le courage d’affronter ses crimes, une sanction peut aussi être salvatrice, elle assainit, elle sépare le bien du mal.
Ici, car Polanski pourrait se passer des juges américains pour faire son mea culpa, une chose est très importante, cruciale, capitale, Polanski entendra les larmes de l’enfant drogué et abusé sexuellement il y a 30 ans, ces petites larmes coulant des yeux d’une très jeune fille fragile ne seront pas celle de la tristesse cachée et du désarroi impuissant, ces petites larmes et cette grande tristesse seront entendus et défendus par le glaive immense de la justice.
On ne juge pas ici, le Polanski d’aujourd’hui, qui (peut-être voire certainement) comprend cette souffrance et sait la communiquer au monde à travers des œuvres cinématographique majeures. On juge le Polanski qui met la drogue dans le verre, la coupe aux lèvres, qui en érection abuse de la jeune fille, qui écoutant ses pulsions devient sourd et n’entend plus la fragilité et la pureté de la jeune fille.
Les erreurs du passé doivent-elles sombrer dans l’oubli ? Non, pas pour la justice, qui pense avec logique, justesse et intelligence ses lois.
D’un point de vue éthique, grâce à cette mémoire, le coupable a lui même l’opportunité de vivre dans un monde juste, ou la justice est reine.
La justice en réalité ne punit pas Polanski, elle lui fait un cadeau, car on n’est jamais suffisamment sévère avec soi-même, il faut une tierce personne juste, un extérieur serein, l’œil d’un maître.
Justement parce que Polanski a eu ses pulsions et qu’il est passé à l’acte, il n’a pas le recul et la pureté que la justice possède.
Puisse cette justice condamner le coupable sans sévérité ni favoritisme, et faire preuve de clémence envers l’homme juste, qui, semble-t-il n’est plus un péril et qui de plus, élève cette humanité à un rang supérieur (c’est un point de vue personnel).
A présent, que va-t-il se passer ?
Roman Polanski, concrètement, risque la prison jusqu’à la fin de sa vie.
Ce qui me semblerait sévère.
Les hommes ayant de telles pulsions verraient que la justice sait punir avec force. Les victimes verraient que la justice les soutient, quelle que soit la puissance du criminel et quelle que soit la date des faits.
Cela ne serait pas un mal que les criminels soient découragés et que les victimes soient confortés. Mais Polanski lui-même.
Et selon moi, c’est seulement à partir de cette longue réflexion que l’on peut prendre parti pour le Roman Polanski d’aujourd’hui.
Lorsque l’on a condamné, la justice à deux vitesses, l’impunité des élites, que l’on a condamné l’adophilie, la pédophilie, que l’on a condamné l’aveuglement des cinéphiles et que l’on a coûte que coûte défendu l’enfant de 13 ans.
Si vous ne pensez pas, nuit et jour, que dans ce monde on crie sans fin, que vous ne savez pas identifier ces cris, alors que votre maison s’écroule, et que vos enfants se détournent de vous.
Savoir entendre les pleurs de la fillette, puis savoir entendre les larmes de la justice américaine réclamant un fugitif et enfin, savoir entendre les larmes d’un ex criminel repenti et soigné, sont une seule et même chose, louable, juste, mais surtout indissociable.
Un autre scénario est possible, Roman Polanski fera 1 ou 11 mois de prison pour l’acte sexuel illicite, payera des millions de dollars à la victime afin que celle-ci puisse améliorer sa vie et comprendre que la justice a entendu ses pleurs d’hier et d’aujourd’hui, Polanski payera une amande pour avoir fui la justice et payera quelques millions pour les associations de défense de l’enfance.
Nous aurons alors à faire ici à une justice équitable et non pas à une justice ogresse et destructrice.
C’est mon point de vue, point de justice dans la cruauté, point de salut dans l’oubli et la fuite.
C’est pourquoi je pense que Polanski devrait voir son arrestation comme un bien salvateur et non comme un mal.
Il y a 30 ans, l’adolescente violée voyait Polanski comme un homme violent, n’a pas pu se défendre comme un oiseau dans les mains d’un ogre. Aujourd’hui Polanski et ses défenseurs voient la justice américaine comme une institution machiavélique.
Laissons la justice américaine nous prouver qu’elle est une académie magnifique, qui sait défendre les plus faibles éternellement et qui sait punir les coupables avec justesse.
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