Attentats : on refusait les vagues, on a le tsunami
On n’avait jamais vu une telle détermination. En trois jours la police française procède à des centaines de perquisitions, des dizaines d’arrestations et d’assignations à résidence. Elle trouve des armes, fait éclater des réseaux associés au terrorisme.
C’était connu
Une telle efficacité suggère que les lieux, les personnes, les informations étaient déjà connues. On n’invente pas cette liste à partir de rien, du jour au lendemain. La police savait beaucoup de choses. Mais elle était bridée.
Hier soir les invités de C dans l’air, dont un policier et un ancien des renseignements, confirmaient l’enlisement des forces de sécurité en France. La démocratie a ceci d’essentiel que le politique commande à la police et à l’armée. C’est la garantie d’un minimum de liberté. Le sécuritaire agit sur injonction politique et encadré par des juges ou des députés. En principe, pas de perquisition sans mandat. C’est le droit contre l’arbitraire.
Dans un pays comme la France une grande partie des citoyens est viscéralement allergique à la politique sécuritaire. Principalement à gauche mais à droite aussi. C’est presque une idéologie, tant les postures sont ancrées et disposent d’arguments ou d’épouvantails et de réseaux pour justifier la chasse au tout sécuritaire.
En vingt-quatre heures, samedi, le ton a changé. L’état d’urgence est proclamé. La police peut agir sans mandat de juge. Il aura fallu 129 morts, un mur de morts auquel s’adosser, pour enfin légitimer une politique sécuritaire nécessaire. Ce n’est certes pas sans risques mais en même temps on n’est pas en régime totalitaire.
En France on ne voulait pas faire de vagues. SOS Racisme et d’autres veillaient à la police du langage. La polémique récente sur la race blanche l’a encore démontré : le camp du bien autoproclamé veillait à ce que les sujets qui fâchent soient écartés du débat.
On voit aujourd'hui ce qui tombe avec les corps. Le déni français était devenu une sorte d’art surréaliste. On refusait les contrôles d’identité au faciès. Pourtant ce sont principalement des faciès qui tuent et piétinent la liberté ou attaquent des commissariats.
Le tabou du faciès est tombé. Le tabou de la sécurité, thème honni à gauche, est tombé. On aurait pu, disent les policiers, agir plus tôt, dès 2012, et encore après les attentats de janvier. Mais le politique ne voulait pas faire de vagues.
Dans de nombreuses villes la police était tenue en laisse par injonction ministérielle ou locale. On ne voulait pas de problèmes. On laissait brûler quelques voitures et attaquer des commissariats sans bouger. On laissait les Roms brûler un centre ville sans mettre la force du côté de l’État. « Pas de vagues » était la doctrine. Résultat de ces années de laxisme sécuritaire : ce n’est pas une vague, c’est un tsunami d’horreur qui noie la France et l’Europe.
Laxisme, oui, car il n’y a pas eu le courage d’agir, de contrer, de rétablir l’autorité de l’État là où elle était raillée. Il est certes facile d’accuser après coup. Mais ici le constat est partagé à de nombreux niveaux : on pouvait agir plus tôt. Cette analyse préexistait d’ailleurs aux derniers attentats.
La gauche porte bien sûr une grosse part de responsabilité. Elle est dépositaire de cette posture laxiste qui interdit aux politiques, même de droite, d’oser affronter la réalité. A gauche l’immigré est le nouveau prolétaire, instrument électoraliste à long terme. Manuel Valls change de cap : il a récemment écarté le projet de droit de vote des étrangers aux élections locales.
Encore un tabou qui tombe : l’étranger – de nationalité ou de culture – redevient l’étranger et doit se faire accepter progressivement. Mais la droite a aussi accepté la dictature des minorités et des moralistes à une face façon Harlem Désir. C’est donc tous aujourd’hui qui sont en cause, du moins leur politiques successives.
Dans un pays si épidermique sur la notion de liberté, l’inversion du laxisme ambiant n’était pas facile. Le laxisme est plus qu’une stigmatisation ou qu’un laisser-aller : c’est une idéologie active. Il aura fallu 129 corps qui tombent pour que les tabous tombent aussi.
Personne aujourd’hui ne danse dans la rue en criant « Pas d’amalgame ». Nous savons tous que la majorité des musulmans ne peut adhérer à Daech. Mais eux savent aussi que les tueurs viennent de leurs propres rangs, de leurs familles. Ils ne peuvent plus faire l’économie d’une révision déchirante. Du moins on l’espère.
Manuel Valls a déjà désigné les imams salafistes qui quitteront la France, pour cause de discours trop radical. Il était temps de faire le ménage. Il aurait pu, aurait dû être fait il y a longtemps. Les prières de rues et les violentes diatribes anti-françaises quelles occasionnaient étaient des symptômes. Le rap anti-français a assez duré. A chaque fois qu’on entendra : « Je nique la France », on pensera au Bataclan, à Charonne, aux victimes du 13 novembre.
Il y a du travail de redressement pour des années, car Daech, ou d’autres, ne lâcheront pas prise rapidement. L’islam intégriste s’est développé depuis des décennies pour atteindre ce haut niveau de violence, il s’est renforcé du point de vue idéologique, il a convaincu des jeunes. La mise à pied sans solde des cadres de Saddam Hussein par une décision américaine erronée, a produit en partie cette armée du désert.
Aujourd’hui il faut affronter, être inflexible. Oser enfin parler. 129 morts tombés, des dizaines de blessés graves et pour certains touchés à vie, un choc sans précédent, font taire les moralistes creux. Ceux qui disaient où était la bonne pensée : dans le pardon permanent envers ceux qui sapaient la société, et sur lesquels on fermait les yeux en accusant leur anciens maîtres. Dans l’interdit des mots qui dérangent.
Cette fête-là est finie. Une partie de l’héritage de Mai 68 vient d’être rogné, en un jour, à gauche comme à droite. L’autorité revient. L’État revient. Et personne ne va s’en plaindre, cette fois. Ainsi va l’Histoire. La nouvelle révolution culturelle que j’ai déjà suggérée est peut-être en marche. La gauche a fini de penser l’Histoire et de désigner les ennemis. A qui maintenant de reprendre le flambeau ?
L’émotion passée je gage que certains tenteront de rétablir les mécanismes intellectuels du laxisme. Ils protégeront à nouveau des criminels. Ils traiteront de fascistes ceux qui disent que l’on ne peut faire confiance sans vérifier, que l’amour du prochain n’est pas synonyme d’aveuglement et que les vieux principes de la limite et de l’apprivoisement mutuels étaient valables. Peu importe. Le backlashde l’autorité est nécessaire. Une autorité repensée, délimitée. La litanie des moralistes creux sera désormais sans effets. Car une chose est sûre : il est inacceptable de boire tranquillement un verre à une terrasse de café et d’y mourir la tête éclatée, trouée de balles. Le 13 novembre à Paris montre que l’État est encore nécessaire comme garant de cette liberté. A Paris, comme à Molenbeek, le multiculturalisme est en échec.
Un proverbe arabe dit : Crois en Dieu mais attache ton chameau. Fais confiance mais surveille tes biens. Il est temps que la France (et l’Europe) attache son chameau.
Image 1 : Prière de rue à Paris ; image 3 : Luis Royo ; image 4 : Houria Bouteldja ; image 5 : Terrasse, par Céline Conate.
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