Attentats : s’habituer à la mort ?
Morts assis à une terrasse de café rue de Charonne, au Bataclan, ou ailleurs, ils n’ont pas de nom. Il n’est plus temps d’être Charlie ni personne. Charlie est riche aujourd’hui. Qui donnera pour ceux-ci ? Pour leurs familles ?
Impuissance
120 morts au bilan ce matin. Rien ne le laissait prévoir. Prévoir au niveau du pays, oui. Les autorités ont arrêté quelques pieds nickelés, trop peu organisés pour être très dangereux. Mais pas au niveau individuel.
Les pieds nickelés servaient-ils de paravent pour attirer la police sur des pistes secondaires pendant que le gros des troupes se préparait ? La sécurité française disposait-elle de renseignements fiables ? Et même, à moins d’arrêter préventivement tous les suspects potentiels, qu’aurait-elle pu faire ? En État de droit il faut des preuves pour arrêter une personne.
La mesure annoncée il y a une semaine, soit le rétablissement du contrôle aux frontières, semble dérisoire. Pourquoi l’avoir annoncé une semaine avant ? Soit des terroristes ont eu le temps de venir, soit ils étaient déjà présents en France.
Ces attentats terribles révèlent l’impuissance des politiques. La première intervention télévisuelle de François Hollande le montre avec cruauté. Une voix terne, sans relief et sans énergie, comme à l’habitude, des phrases convenues, et cette manière de lécher-frotter sa lèvre inférieure comme s’il était sous médicaments. Aucune envolée, aucun réel propos assez fort pour donner du courage aux français.
Il avait été exfiltré du Stade de France dès la première explosion. Il a raté l’occasionde son quinquennat : rester sur place, debout, fendre la foule et descendre sur le terrain, droit comme un roc, comme les grandes figures du passé en temps de crise. Ça passe ou ça casse. Il aurait galvanisé les personnes présentes. Il aurait fait crier « Non ! » à la terreur. Il se serait montré solidaire des milliers de spectateurs restés dans les tribunes et sur la pelouse, il aurait enfin gagné une stature.
L’occasion manquée. Comment un homme qui fuit, laissant les milliers d’autres à leur sort, peut-il prétendre insuffler du courage et de l’espoir ? Comment entendre encore le capitaine quand il vient de quitter le navire et qu’il parle depuis les salons feutrés et barricadés de sa forteresse ? Nous avons encore besoin de modèles courageux.
Pour le reste, le bilan est très lourd. Il doit nous rappeler que la mort n’est jamais loin. Ne vivons pas avec la peur. Ce qui doit arriver arrivera. Soyons prêts, vivons debout dans nos rêves et avec ceux que nous aimons. Si nous partons le matin, et si nous ne revenons pas le soir parce que nous gisons dans notre sang sur le Boulevard Voltaire, que ceux-ci ne se rappellent que d’une chose : que nous les aimions.
Un autre aspect encore : c’est la guerre. Pas la même qu’en 39-45. Pas la même qu’en Syrie. Mais c’est la guerre. Il faut vivre avec cela. Pour l’instant aucune revendication n’a été faite, aucune suggestion de la part des autorités. Des témoins ont entendu crier Allah Akbar, et C’est pour la Syrie. Difficile de penser qu’ils viennent d’ailleurs ou agissent pour une autre cause.
Le Proche-Orient montre sa puissance, tient de grandes armées du monde en échec, est parcouru de convulsions de manière chronique, en veut à mort à l’occident. Certains sont prêts à tout avec la détermination de ceux qui détiennent la vérité finale. Ils sont forts, et nous sommes faibles. Voilà la vérité : ils meurent pour quelque chose, nous mourons pour plus rien. Ou pour eux.
Adieu Douce France, déjà abandonnée par des décennies de manque de courage politique, de parole bridée, de vains combats internes. L’Histoire n’est pas finie, elle continue à s’écrire dans le sang.
Nous ne sommes rien. Ni Charlie, ni les inconnus du 13 novembre. Nous ne sommes que nous-mêmes, confiants en la vie, prêts à mourir dans une heure sous les balles d’une armée de l’ombre.
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