Au pays du mensonge (2)
Une base de drones américains située en plein territoire pakistanais, c’est la révélation que tout le monde attendait. On sait depuis 2001 au moins que le Pakistan est intimement mêlé à la politique américaine, dans un enjeu économique (le passage d’un pipe-line) et diplomatique (avec les voisins encombrants que sont l’Iran, mais aussi l’Inde. Les récents attentats de Mumbaï, venus du pakistan, on en est sûr aujourd’hui, ont démontré que le pays joue un rôle trouble de destabilisateur régional. D’autres opérations du même genre sont prévisibles. A savoir qui tire les ficelles dans ce pays de dupes : l’ISI, la CIA, les forces spéciales US infiltrées, le gouvernement falot du mari de Benazir ou les anciens maîtres de guerre que sont Hamid Gul ou Qari Ziaur Rahman et bien d’autres encore ? Nul ne sait vraiment ce qui s’y trame, dans ce pays, visité très souvent par de mystérieux émirs, venus répandre leur manne financière en l’échange d’on ne sait quoi...
Shamsi, alias Bandari, pour y revenir, est en effet également le lieu idéal pour lancer des drones vers les pays voisins... tels que l’Iran. Il est évident, vu sa localisation, que la surveillance du ciel Iranien passe par obligation par cette base, comme il est évident que pour y parvenir il faut une coopération complète entre l’aviation américaine et l’aviation pakistanaise. Ne serait-ce que pour éviter aux drones de se faire abattre par l’aviation pakistanaise. Mais pas que pour l’aviation : nous vous avons déjà parlé d’une autre base secrète américaine en plein territoire Pakistanais, découverte lors de l’attentat contre l’hôtel Marriott. Là encore, de sérieux doutes avaient émergé sur le rôle exact des américains à cet endroit. A Tarbela, l’Asian times s’était posé de sérieuses questions : "now, the US has bought a huge plot of land at Tarbela, several square kilometers, according to sources directly handling the project. Recently, 20 large containers arrived at the facility. They were handled by the Americans, who did not allow any Pakistani officials to inspect them. Given the size of the containers, it is believed they contain special arms and ammunition and even tanks and armored vehicles - and certainly have nothing to do with any training program." Selon certains, c’est simple : les américains ont "acheté" Tarbela. Tarbela, avec son barrage hydroélectrique est l’emplacement rêvé pour construire un second Tora Bora."With a volume of 142,000,000 cubic meters, the Tarbela Dam is the largest earth and rock fill dam in the world and stands 147 meters above the Indus riverbed. Its reservoir occupies an area of 37 square kilometers".Gul lui-même ne peut croire qu’à Tarbela on ne fasse que de l’entraînement... Aslam Beg non plus.
De sérieux doutes, ravivés lors des attentats de Mumbaï, dont nous vous avons entretenu, en vous expliquant que le matériel saisi sur les terroristes était strictement le même que celui utilisé par Blackwater en plein Irak : même réseau satellitaire Thuraya d’Arabie Saoudite, sur base de satellites Boeing, et jusqu’aux téléphones Hughes, rigoureusement les mêmes. Dès le début du trajet des terroristes pakistanais, avant même qu’ils ne mettent le pied en Inde, leurs conversations et leur localisation étaient sûrement connues des américains. Obligatoirement, plutôt même. On le voit, le jeu politique tortueux découvert par la révélation d’une photo cruciale est éminemment complexe. Tout se passe comme si une frange de la CIA manigance depuis toujours une forme de contre-pouvoir américain, et déroule un tapis rouge large comme une avenue à ceux qui voudraient attaquer ces mêmes USA, aidés en cela par l’ISI et ses ramifications allant jusqu’à d’anciens généraux douteux, parfaitement décrits ici-même. Il est quand même fort étrange d’entendre en ce moment des neo-cons nous parler soit d’une attaque par bombe nucléaire sur le sol américain (Dick Cheney, à quatre reprises) soit d’une attaque de type Mumbaï sur ce même sol (Robert Mueller du FBI, repris par John Bolton, autre neo-con avéré et dangereux). Sans oublier le rôle obscur des émirats, chargés de financer les opérations. D’anciens de l’ISI ayant menacé également l’Inde d’opérations type Mumbaï. Des attentats dont on a vous a décrit ici même l’importance du matériel de l’ISI dans leurs préparatifs et leur réalisation.
Une CIA à l’inititiative même de la naissance d’AlQaida, une CIA alliée objective de l’ISI dans un rôle de déstabilisation du pouvoir de l’état américain. Une CIA tortueuse et devenue folle ou incontrôlable, qui expliquerait l’existence d’un contre pouvoir aux Etats-Unis, tenus par des individus qui ont depuis longtemps perdu tout sens moral. Parmi eux figure au premier chef Richard Perle, qui dans une conférence fort récente est arrivé à un point qui le rapproche davantage de la folie qu’autre chose, ou du déni absolu de toute responsabilité pour son rôle de conseiller de la Maison Blanche, ce qu’il a pourtant été. L’architecte de l’invasion irakienne, le partisan absolu de la frappe préemptive, qui, hier encore, est allé jusqu’à nier l’existence des neo-conservateurs dont il fait pourtant parti au premier chef. Bush parti, les rats quittent son navire et ne veulent plus rien avoir à faire avec. Crainderaient-ils tant que ça la possibilité d’être un jour jugé responsables de leurs actes meurtriers ? Perle, aujourd’hui, s’enfonce dans la lâcheté la plus totale, allant jusqu’à nier sa signature au bas de documents pourtant connus et répertoriés : "So what about the 1996 report he co-authored that is widely seen as the cornerstone of neoconservative foreign policy ? "My name was on it because I signed up for the study group," Perle explained. "I didn’t approve it. I didn’t read it." Incroyable lâcheté d’un homme qui avait eu tout faux, en prédisant pour l’Irak une guerre rapide avec fort peu d’hommes "He had been a leading cheerleader for the Iraq war, predicting that the effort would take few troops and last only a few days, and that Iraq would pay for its own reconstruction." Perle, visiblement, ne veut pas assumer son héritage et sa responsabilité. Selon lui, c’est simple : on ne peut rien prouver car il n’y a pas de texte existant sur la doctrine : "There’s no documentation !" he argued. "I can’t find a single example of a neoconservative supposed to have influence over the Bush administration arguing that we should impose democracy by force." C’est oublier le célèbre New Pearl Harbor dont on vous a déjà parlé ici-même, proposé par tous ceux qu’il a côtoyé au même moment : Wolfowitz, Kristol, Kagan, Libby, Cambone, Dov Zakheim ! La fuite en avant de Perle ressemble surtout à l’attitude de personnes qui craignent d’être jugés un jour. Le seront-ils ?
La révélation de la présence d’une base US de drones tueurs en plein territoire pakistanais est aussi une catastrophe pour le fragile gouvernement pakistanais en place, qui risque fort de ne pas s’en remettre, comme le font déjà remarquer certains : "President Zardari and Prime Minister Gilani continue to deceive the nation by denying that they are facilitating these attacks. It is manifestly clear that in private the Pakistan regime is fully behind President Obama’s policies and betrays its own people by providing full logistical support to the American killing machine. Not only has it provided bases inside Pakistan but it continues to permit the transportation of American and NATO weaponry - used to kill its own citizens - through Karachi port while supplying 80% of the fuel for the American war machine from Pakistani oil refineries". En permettant le ravitaillement des troupes de l’Otan via Karachi, pour attaquer l’Afghanistan ou en autorisant les bombardements sur son propre territoire, le gouvernement pakistanais vient de jouer gros, et risque surtout de perdre sa légitimité auprès de sa population. Le lâchage cette semaine d’une concession de dernière minute, à savoir l’application de la charia dans les zones tribales, ressemble davantage à du lest largué pour faire taire les impatients...
On songe aussi en ce cas à un pouvoir américain qui a souhaité avoir mieux encore que Musharraf, déjà bien emberlificoté dans un double discours évident, en se choisissant un homme qui ne pouvait qu’être un homme-lige, à la botte du pouvoir Bushien. En l’occurrence le mari de l’icône pakistanaise qui avait un jour annoncé à la télévision américaine que Ben Laden était sûrement mort. Comme avait pu le faire avant elle un dénommé... Musharraf. Une campagne ignoble sur la santé mentale de Zardari, émanant d’un psychiatre américain, comme quoi le nouveau président était un indécis perpétuel au bord du suicide, avait tout de suite dû calmer les vélléités d’indépendance de ce même Zardari, rabaissé au rang de véritable malade mental pouvant un jour lancer le feu nucléaire. Un Zardari en tout cas plus qu’embarrassé aujourd’hui avec la découverte de drones US sur son territoire, et incapable d’expliquer la situation autrement qu’en mentant lui aussi, ouvertement, via son porte-parole : "Farhatullah Babar, a spokesman for the President of Pakistan, Asif Ali Zardari, said that he did not know anything about the airfield. However, Major General Athar Abbas, the chief military spokesman, confirmed that US forces were using Shamsi. "The airfield is being used only for logistics," he said, without elaborating". "Logistisque", mon oeil.
Non, décidément, le Pakistan joue un très mauvais jeu depuis longtemps maintenant, et son pouvoir actuel, par sa versatilité et son aventurisme électoral, celui d’un simple pion souhaité et manipulé par les USA, maintenu en servilité par tous les moyens existants, y compris la calomnie, jouent avec le feu dans cette région du monde transformable en quelques instants en poudrière nucléaire. En ce sens, le mari de Benazir, aussi corrompu qu’un Karzaï, sinon davantage (c’est difficile, reconnaissons-le) était moins dangereux que sa propre femme, voilà pourquoi c’est lui sans doute qui a hérité du poste. Le meurtre de Benazir Bhutto ne risque pas d’avoir un responsable un jour. Alliée devenue trop gênante, on s’en est débarrassé, et comme on vient de le décrire, plusieurs personnes y avaient tout intérêt. Et les américains, qui ont fait mine de la présenter comme dernier rempart contre Musharraf, préféraient c’est une évidence aujourd’hui ce dernier, aussi retors que pouvait l’être John Negroponte, autre âme damnée, le responsable de bien des coups tordus, celui qui a toujours servi d’intermédiaire entre les deux états. Negroponte est depuis amabassadeur en Irak, attendant l’hypothétique inauguration de sa maison-bunker.
Au Pakistan, Obama, pour l’instant, a choisi de suivre son conseiller Robert Gates, nommé par W.Bush, en restant dans la droite ligne d’une politique extérieure dans la région qui n’est visiblement pas la bonne. Les bombardements "ciblés" continuent sous Gates, qui veut encore plus de Predators, quitte à rogner les crédits des F-22 Raptor qu’il n’aime visiblement pas du tout. En continuant également invariablement à faire des victimes civiles en Afghanistan. Les 13 dernières en date sont du 20 février dernier, contre trois talibans avérés. Des bombardements ratés, avec toujours les mêmes mensonges comme explications :" the U.S. military originally said 15 militants were killed Tuesday in a coalition operation in the Gozara district of Herat province, but Afghan officials said six women and two children were among the dead, casting doubt on the U.S. claim. Afghan officials say the group targeted in the airstrikes were living in two tents in a remote area. An ethnic group of Afghans known as Kuchis travel the countryside with livestock and live in tents. Photographs obtained by The Associated Press from the site showed the body of a dead young boy - bloodied and dirtied". Cette fois, on a bombardé des nomades pachtounes n’ayant strictement rien à voir avec les talibans, des nomades qui sont 6 millions sur un pays de 25 millions d’habitants. On attend toujours à cette heure les excuses des officiers américains ayant déclenché le tir. A partir d’un drone ayant décollé du territoire national pakistanais. Avec pareilles bavures Karzaï a de quoi répondre à ceux qui souhaitent l’évincer, dont en premier lieu Barack Obama.
Une révélation fort compromettante, donc, que cette base de drone, que les services de communication de Barack Obama se sont empressés de contrecarrer tout de suite, en affirmant qu’il y avait bien sur le territoire Pakistanais des services spéciaux US, et la CIA, pour prêter main forte à l’arrestation de Talibans. C’est le New-York Times qui s’y est collé fissa le 22 février, avec un article plutôt grotesque doté de photos de mises en scène d’arrestations factices ! "More than 70 United States military advisers and technical specialists are secretly working in Pakistan to help its armed forces battle Al Qaeda and the Taliban in the country’s lawless tribal areas, American military officials said".. Et c’est bien une petite armée : "They make up a secret task force, overseen by the United States Central Command and Special Operations Command." Cela, et l’aide de la CIA apportée à la célèbre Frontier Corps, organisme fort douteux de type paramilitaire : "A new Pakistani commando unit within the Frontier Corps paramilitary force has used information from the Central Intelligence Agency and other sources to kill or capture as many as 60 militants in the past seven months, including at least five high-ranking commanders, a senior Pakistani military official said". On ne lésine pas sur l’efficacité, mais on oublie de dire que ça n’a rien à voir avec l’armée du pays, ce sont bien des mercenaires en uniforme, recrutés sur place. A savoir des troupes... parfois incontrôlables !
Car en 2007, un article assassin paru dans le Los Angeles Times avait parlé d’échec probant de cette stratégie américaine au Pakistan. Ce qui était décrit comme principale erreur était la conduite de l’entraînement de ses fameux gardes frontières : "Despite billions of dollars in U.S. military payments to Pakistan over the last six years, the paramilitary force leading the pursuit of Al Qaeda militants remains underfunded, poorly trained and overwhelmingly outgunned, U.S. military and intelligence officials said". Des hommes sous entraînés et sous équipés "the Frontier Corps, equipped often with little more than “sandals and bolt-action rifles" avait dit d’eux un officiel de l’ouest. Chez Rand Corp, qui publie des rapports pour l’armée US, l’analyse est que le problème est partout le même : la police irakienne, les milices recrutées ou la police afghane sont comme ces paramilitaires des zones tribales qui peuvent toujours, en quelques jours, se retourner contre leurs alliés et passer côté taliban. "Plans to build up the Frontier Corps are not universally supported by U.S. military officials. Loyalties within the corps are thought by many observers to be divided. Members are recruited mainly from Pashtun tribes with long-standing mistrust of outsiders. Most reject militant ideology, and have suffered hundreds of casualties in the fighting. But many also are devoutly religious and feel some degree of sympathy for the Islamists’ cause." Chez Rand, on n’hésite pas à parler de défections, une fois l’équipement obtenu : “There is a push-back among some that the Frontier Corps is not a reliable ally of the United States,” said Seth Jones, a military expert at Rand Corp. “The concern is that you give them additional training and equipment, and they could end up helping militants rather than taking action against them.” Les américains qui arment l’insurrection, on retourne à la case départ que nous dénonçons ici depuis toujours. Des défections, ou carrément des prisonniers vite faits (sans même combattre), comme en août 2007 : "Especially demoralizing was the Aug. 30 capture of about 250 troops, most of them members of the Frontier Corps, who surrendered without a fight. Over the next two months, a few dozen were released but at least three were beheaded. Over the weekend, 211 were freed in exchange for 25 militants held by the army." Au départ, les armes saisies par les Talibans devaient être celles officiellement données par les USA à ces paramilitaires pour combattre... la drogue. "The Pentagon has budgeted $55 million in counter-narcotics funds for the Frontier Corps this year to pay for night-vision equipment and communications gear". C’est exactement le schéma Colombien qui se perpétue. Au prétexte d’éradiquer la drogue, à laquelle on ne touche pas, on surveille le pays pour y traquer ses terroristes. En le faisant faire si possible par de bien pratiques mercenaires. Obama, en augmentant le soutien aux paramilitaires pakistanais s’enfonce sur une pente fort dangereuse.
Il est vrai aussi que c’est ça, pour Barack Obama, ou reconnaître ouvertement que les délires de Richard Perle et de ses amis sont à la base d’une escroquerie gigantesque, fondamentale et inhumaine. D’un mensonge de départ monstrueux. Et cela, il ne peut tout simplement pas se le permettre. L’Amérique n’a pas les moyens en ce moment de reconnaître que ses dirigeants ont été les pires escrocs de la planète. Des dirigeants qui ont menti sur toute la ligne, et qui continuent à mentir plus qu’il n’en faut, embarrassés par l’énorme héritage de falsifications et de destructions de preuves que vient de commettre avant de partir le régime précédent. Ce n’est pas le moment, à savoir maintenant quand ce le sera... c’est une autre question, que nous étudierons bientôt ici-même, bientôt, promis.
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