Avec un chauffeur virtuel au volant, le voyage peut s’arrêter plus vite que prévu
Témoignage sur les transports en autocar entre la France et le Maroc.

Mon expérience date de l’année 1999 mais à entendre ce qui s’est passé je doute que les choses aient beaucoup changé dans ce domaine particulier des transports par autocar entre la France et le Maroc.
Il s’agissait d’un transport de la région parisienne, Les Mureaux et Clichy vers diverses villes du Maroc, en particulier Rabat et Casablanca. Le car et sa remorque avaient été chargés pendant la nuit d’objets les plus divers allant des inévitables téléviseurs ou machines à laver à des fauteuils pour handicapés ou bicyclettes. Un véritable capharnaüm qui occupait toutes les soutes ainsi que l’arrière du car et l’allée centrale, ne réservant aux passagers que le minimum de sièges. Ils étaient une quarantaine, que des femmes, enfants et personnes âgées.
Inutile de préciser que nous étions en surchage ainsi que la remorque bourrée jusqu’à la galerie. Dans ce genre de voyage, la seule règle qui compte consiste à arriver à destination le plus vite possible. De toute façon, le prix des amendes est prévu dans le budget, sachant que les forces de l’ordre ne peuvent se permettre d’immobiliser un véhicule avec ses 40 passagers au risque de passer pour inhumains et pourquoi pas racistes, étant donné qu’il s’agit exclusivement de passagers marocains.
C’est aux environs de 11 heures que nous avons quitté la région parisienne. Le lendemain à 16 heures nous étions à Algésiras ne nous étant arrêté que trois fois une heure, la première aux environs d’Orléans, le soir dans le pays basque espagnol et le lendemain matin au sud de Madrid.
A cette occasion, j’ai découvert le chauffeur virtuel. Nous n’étions que deux chauffeurs, le patron de la boîte et moi-même. Ce qui pour un tel périple est illégal. Aussi durant les premières heures, c’est le patron qui a conduit sans inscrire de nom sur le tachygraphe... En cas de contrôle, il suffit de plaider un oubli et le tour est joué. Au bout de ses 9 heures de conduite, c’est un faux nom qui a été inscrit sur le tachygraphe et nous mêmes étions supposés avoir relayé ce chauffeur virtuel aux environs de Bordeaux.
Pour le retour, le patron avait ressuscité ce chauffeur virtuel qui avait été supposé conduire une bonne partie de la remontée de l’Espagne.
Dans ce genre de transport, c’est le commanditaire qui, présent tout au long du voyage, impose ses horaires et les conditions de transport. Il s’agissait de sociétés qui disparaissaient aussi vite qu’elles apparaissaient, contrôlées par des Marocains qui travaillaient exclusivement avec des gens du pays.
Si le coût du transport est relativement faible pour les personnes, c’est sur le matériel transporté que le commanditaire réalise sa marge. Au Maroc, ce n’est pas encore l’OMC qui impose ses règles. Avec l’argument de protéger l’économie locale, il existe des droits de douanes élevés sur les marchandises d’importation. Une exception est accordée en principe pour les nationaux qui rapportent au pays leurs biens personnels. Dans la réalité, il s’agit d’une importation déguisée sur laquelle les douaniers ferment les yeux en fonction du bakchich prélevé à la frontière... ce qui explique le nombre relativement faible de passagers et la présence d’une grosse remorque.
D’après ce que j’ai compris aux infos, il semblerait que les commanditaires auraient créé leurs propres entreprises de transport. Il y a fort à parier que les façons de procéder n’ont pas dû connaitre beaucoup de changement. Ce qui est arrivé contre ce pont aurait pu m’arriver. Un drame qui, je pense, aurait pu être évité.
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