Béatification de Raoul Follereau : Lettre ouverte aux évêques de France
En 2009 était fondé le Mouvement pour la glorification de Raoul et Madeleine Follereau dans le but d'obtenir la béatification, puis la canonisation de Raoul et Madeleine Follereau.
Or, en fait de modèle à suivre, Raoul Follereau fut un maurrassien, mussolinien et pétainiste.
Cette lettre ouverte demande à l'Eglise de France si une telle procédure de béatification mérite d'être suivie, a fortiori lorsque l'on apprend qu'André Récipon, actuel président d'honneur de la Fondation Raoul Follereau, n'hésite pas à professer dans divers livres et articles récents, sa fidélité aux idéaux de la Révolution Nationale du régime de Vichy.
LETTRE OUVERTE
AUX CARDINAUX, ARCHEVÊQUES ET ÉVÊQUES DE FRANCE
Nous signalons que cette lettre a préalablement été adressée par mail, à titre d’information,
aux principaux responsables de la Fondation Raoul Follereau le 29 août 2011.
Éminences, Messeigneurs,
Si nous nous permettons de vous écrire cette lettre, c'est afin d'attirer votre attention et votre vigilance sur un dossier qui revêt, pour les catholiques romains que nous sommes et pour l'Église en général, la plus haute importance.
Sans doute connaissez-vous Raoul Follereau.
Sans doute avez-vous entendu parler de ses nombreuses actions en faveur des lépreux.
Sans doute avez-vous appris l'existence d'une association intitulée Mouvement pour la glorification de Raoul et Madeleine Follereau créée dans le but de « promouvoir et donner en exemple la vie, l’œuvre et la pensée de Raoul et Madeleine Follereau » et, à cet effet, d’entreprendre « les démarches nécessaires à l’ouverture d’une enquête en vue d’une procédure en canonisation de Raoul et Madeleine Follereau ».
Vous n’êtes pas sans savoir ce qu’une telle procédure impliquerait pour l’Église et pour les fidèles si elle devait aboutir favorablement.
C’est pourquoi, convaincus d’obéir à notre devoir de catholique et à notre conscience, habités par le souci de préserver la crédibilité de notre Église et de contribuer à sa défense contre toutes les agressions, d’où qu’elles proviennent, y compris de ses propres rangs, nous portons devant vous nos réserves les plus vives quant à la légitimité d’une béatification ou d’une canonisation de Raoul et Madeleine Follereau.
Il est certain et nous en convenons aisément que Raoul Follereau a marqué la période de 1950 jusqu’à sa mort, en 1977, par ses initiatives en faveur des lépreux. Cependant, entre reconnaître à Raoul Follereau certains mérites précisément énoncés et délimités dans le temps et considérer son couple comme vertueux aux yeux de l’Église catholique, il existe un fossé qui nous semble dépasser très largement les limites de ce qui peut être accepté. Car la recherche de la reconnaissance des vertus du couple Follereau n’échappera pas à l’examen attentif et impartial de la vie, de la pensée et de l’œuvre Raoul Follereau.
Pour Raoul Follereau, l’Église est au service de la Patrie, héritière de l’esprit latin
Pour bien saisir la pensée, la doctrine et l’œuvre de Raoul Follereau, il convient de remonter au milieu des années 1920 lorsqu’il fonde La Ligue d’Union latine, et son journal, L’Œuvre latine. Cette doctrine et pensée, conceptualisée dans deux conférences qu’il réitérera à de très nombreuses reprises, Faudra-t-il arracher les cordes de la lyre ?, Le sourire de la France et dans un livre La Trahison de l’intelligence, doctrine jamais reniée par la suite, s’inspire très largement des conceptions politiques développées sous l’égide de l’école de L’Action française de Charles Maurras, le « nationalisme intégral ». Or, vous n’êtes pas sans savoir que cette doctrine qui vise à se servir d’une « Église vidée de l’Évangile » (la formule est de Mgr Ricard, Évêque de Nice, La Croix, 23 septembre 1927) fut condamnée par le Vatican dès 1914 puis, plus formellement, en 1926 par un décret du Saint-Siège.
Ouvrons une parenthèse pour rappeler que Raoul Follereau refusa de se soumettre aux interdictions pontificales de l’époque, ce qui signifie, nous semble-t-il, qu’il encourait de ce fait l’excommunication latae sententiae. Par conséquent, béatifier Raoul Follereau ne reviendrait-il pas à désavouer Pie XI ainsi que la plupart de vos prédécesseurs de l’époque qui, obéissant au Saint-Siège, ont relayé et expliqué aux fidèles catholiques la décision du successeur de Saint Pierre ? Rappelons également que la doctrine de L’Action française de Charles Maurras est toujours officiellement condamnée car si Charles Maurras et ses comparses obtinrent en 1939 la levée de leur excommunication, ce ne fut qu’en contrepartie de la reconnaissance formelle de leurs fautes, de leur entière soumission et de leur engagement solennel de ne plus réitérer leurs erreurs passées. Or, les similitudes sont nombreuses entre la doctrine maurrassienne condamnée par Rome et celle développée par Raoul Follereau.
Ainsi, Raoul Follereau procédait-il abondamment, dans ses écrits et ses conférences, à l’apologie de l'institution ecclésiale française et des religieux catholiques français. Néanmoins, derrière ces éloquents et flamboyants discours, la finalité véritablement poursuivie par Raoul Follereau était la promotion d’une organisation sociale et politique de la Patrie, organisation fondée sur une interprétation toute maurrassienne de la culture gréco-latine dont les principales caractéristiques étaient, selon Raoul Follereau, « l'ordre, la discipline et la clarté ».
Ainsi, lorsque Raoul Follereau partit en croisade, au début des années trente, contre les lois de laïcité et de séparation avec ses conférences « Les lois antireligieuses de 1904 trahissent la France », c’était avant tout pour défendre une vision de l’État dans laquelle le catholicisme, en tant que religion d’État, joue un rôle de ciment social, garant d’une cohésion nationale.
Ainsi, chez Raoul Follereau, Dieu n’est pas une vérité surnaturelle mais un outil mis au service d’une idéologie politique. Cette position doctrinale est le fruit direct du positivisme maurrassien. Ainsi, affirmait-il, par exemple, que « Dieu est une nécessité philosophique » sans le secours duquel « la société est incapable de maitriser l’individu » : en soutenant l’Église de France et la religion catholique, Raoul Follereau ne professe pas sa Foi personnelle, il recherche un régulateur des masses populaires.
Autrement dit, dans sa doctrine, Raoul Follereau instrumentalise la Foi catholique et l’Église de France à des fins partisanes. Ses initiatives apparemment altruistes consistent en réalité à monétiser la pratique de la Charité chrétienne par les fidèles catholiques et à la détourner au profit d’un idéal nationaliste hypertrophié marqué par son ethnocentrisme, ce qui fera dire en 1945 à Louis Massignon, le célèbre islamologue, que Raoul Follereau est un « marchand du temple » de la mémoire de Charles de Foucauld.
Dans ce cadre, Raoul Follereau mena un véritable « combat politico-chrétien » (dixit André Récipon) d’une grande violence intellectuelle dans lequel se multiplient les anathèmes à l'égard de tout ce qui ne correspond pas à sa définition du « pays réel » et de sa perception de ce que devrait être « la vraie France » : si les bolcheviques et les francs-maçons constituaient la cible principale de ses attaques, les étrangers, les protestants, les socialistes, les libéraux, les catholiques modérés ou ralliés à la République n’étaient guère épargnés : « admettre Luther, c’est attendre Lénine » ou « Les bien-pensants sont devenus des rien-pensants. Au lieu d’être charitables, ils sont devenus modérés, libéraux, comme si la vérité supportait un marchandage, un compromis ou une atténuation. Sous prétexte de concilier, ils ont déserté, ils ont renié. » ou encore, à propos de Freud, « il est étranger et dangereux en tant que tel ».
Et c’est seulement pour mémoire que nous ne faisons que mentionner le mépris de Raoul Follereau pour les autres formes d’expression artistique ou culturelle que la sienne : il rejette catégoriquement tout ce qu’il estime être étranger au « génie français » et donc dangereux pour la suprématie de « l’esprit latin ».
Cette doctrine de Raoul Follereau, que nous n’hésitons pas à qualifier d'extrême droite nationale-catholique, l’amena à consacrer toute la période 1926 – 1939 à la promotion d'un projet nationaliste aux forts relents fascistoïdes. Et c’est donc en toute logique que Raoul Follereau soutint ou adhéra à la plupart des mouvements dits nationaux d’Europe et d’Amérique du sud de l’époque : activisme intensif au profit du régime fasciste italien et du franquisme espagnol, convergences avec le salazarisme portugais et l’austro-fascisme de l’autrichien Dolfuss, participation au Comitati d’Azione per l’Universalita di Roma dite Internationale fasciste et bien d’autres encore.
Signalons en outre que Raoul Follereau n'échappa pas à l'hystérie antisémite qui caractérisa une importante partie de l'extrême droite française de l'entre-deux-guerres. Ainsi avons-nous démontré que Raoul Follereau écrivit et tint des propos antisémites qui s’inscrivaient dans le droit fil du complot judéo-bolchevique de l’époque : « Lénine, ce Moïse rouge », « ces oiseaux de proie venus s’abattre sur la France, (…) ces financiers internationaux qui sont de partout et de nulle part et dont le porte-monnaie remplace le cœur et qui forment la Société Le Komintern », « [les juifs] race toute puissante », « Le bolchevisme n’est que la hyène qui achève l’agonisant pour se repaître du cadavre. Les assassins de l’Homme sont de plus ancienne lignée ». En outre, il côtoya sans scrupules ni gêne les pires références de l'antisémitisme radical : article élogieux sur Henri Béraud, conférences organisées par ou avec le soutien des mouvements dits nationaux au cours desquelles il partage la tribune avec Philippe Henriot, Roger de Saivres, Henry Coston, Henri-Robert Petit, Jacques Ditte, Louis Darquier de Pellepoix, ou les milieux antisémites et fascisants des départements d'Algérie, et bien d’autres.
Enfin, et nous nous arrêterons là, nous rappelons que Raoul Follereau fut et demeura un fervent pétainiste, sillonnant la France pour y tenir des conférences de soutien à la politique de « redressement national » du Maréchal entre 1940 et 1944 (notamment Ce que le monde doit à la France) et faire la promotion des « principes moraux de la Révolution Nationale » du régime de Vichy.
À partir de 1945, Raoul Follereau assiste à la déroute de ses idées politiques. Il prendra soin, dorénavant, de ne plus en faire part publiquement et ne se montrera plus que sous son jour le plus favorable, quitte à travestir son passé en se faisant passer pour l’homme qui a consacré toute sa vie pour les lépreux (cf. son livre 1927 – 1977, Cinquante années au service des lépreux, cinquante souvenirs) alors que sa première action effective pour les lépreux ne remonte qu’au 15 avril 1943 et qu’il n’embrasse réellement cette cause qu’au début des années 1950.
En 1977, tel un ultime clin d’œil donnant le sens réel de ce que fut sa vie, c’est une citation de Charles Maurras que Raoul Follereau fit graver sur sa tombe.
Telle est, entre autres caractéristiques nauséabondes, une facette des vérités sur « la vie, l’œuvre et la pensée » de Raoul Follereau que certains voudront dissimuler ou réinterpréter à leur façon.
Le 30 août 1997, les évêques de France faisaient courageusement acte de repentance et confessaient les fautes de l'Église sous le régime de Vichy. Il serait paradoxal, et pour le moins déconcertant, que, quelques années plus tard, les mêmes princes de l’Église laissassent prospérer une démarche de canonisation d'un homme qui fut le promoteur hyperactif du Maréchal Pétain, du régime de Vichy et de leurs sous-jacents idéologiques maurrassiens et fascisants.
Un risque d’instrumentalisation de l’Église.
Notre exposé serait incomplet si nous omettions de dire que le successeur choisi par Raoul Follereau, André Récipon, actuel président d'honneur du Conseil de Surveillance de la Fondation Raoul Follereau dont dépend l’association dont nous parlons, professa, il y a une dizaine d'années, des convictions marquées par l'antisémitisme, la xénophobie, la tentation du révisionnisme ou la hantise du complot judéo-bolchevique, sans compter quelques marques d'allégeance ou de courtoisie au pétainisme et à la Révolution Nationale. Il est malheureusement à noter que Michel Récipon, son fils, président du Directoire de cette même Fondation Raoul Follereau, n'a jamais pris de distance avec ces propos.
Nous vous invitons à la plus grande prudence et à réfléchir sereinement pour débusquer quelle pourrait être, pour des disciples de Charles Maurras selon lequel l’adage « Politique d’abord ! » rimait avec « Par tous les moyens ! », la ou plutôt les significations exactes d’un dossier de béatification pour une vie conjugale supposée exemplaire du couple Follereau.
Il serait incomplet également de ne pas souligner que le libellé même des statuts de l’association Mouvement pour la glorification de Raoul et Madeleine Follereau n’est pas sans rappeler le mercantilisme que nous reprochons à Raoul Follereau puisque la démarche de canonisation est explicitement présentée comme le moyen de promouvoir « les œuvres dont il a suscité la création », autrement dit la Fondation Raoul Follereau qu’André Récipon revendique comme un héritage familial.
Dans ce contexte, il nous revient en tête les paroles du cardinal Andrieu qui, parlant de Charles Maurras et de l’Action française, écrivait en 1926 : « Catholiques par calcul et non par conviction, les dirigeants de l’Action française se servent de l’Église, ou du moins ils espèrent s’en servir ».
Cardinaux, archevêques, évêques, éclairez vos fidèles !
Pour l’ensemble de ces raisons, et toutes celles, non exposées dans cette présente lettre mais que nous exposons dans notre contre-enquête disponible sur internet, il est grand temps, nous semble-t-il, d’amener la lumière sur une entreprise de glorification qui se prétend catholique, notamment auprès de certains bénévoles et donateurs, mais qui prétend, en réalité, promouvoir un homme dont toute une partie de la vie, de la pensée et de la doctrine fut consacrée à des idéaux plus que contestables.
C'est pourquoi nous vous implorons humblement d’apporter une réponse claire à nos réserves et à nos interrogations : si nos arguments devaient être publiquement désavoués par l’Église, qu’ils le soient formellement et nous nous inclinerons.
Dans le cas contraire, énoncez-le tout aussi clairement afin que cesse ce qu’il conviendrait alors d’appeler une imposture.
Dans cette espérance, et vous souhaitant bonne réception des présentes, nous vous remercions pour votre attention et vous prions d'agréer, Éminences, Messeigneurs, l'expression de nos sentiments filiaux les plus respectueux.
Romain Gallaud
http://follereau-entre-ombre-et-lumiere.over-blog.com/
Plus d’information et tous les détails
dans notre livre Fondation Raoul Follereau, la contre-enquête
disponible gratuitement sur internet à l’adresse suivante :
http://fr.calameo.com/read/0006650043623cd491ca7
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