Bilan (provisoire) de la « France d’après »
Quel bilan provisoire de la "France d’après" - ce modèle présenté comme idéal aux électeurs de 2007 - pourrions-nous tirer alors que nous ne sommes qu’à la première mi-temps d’un quinquennat ? Certes, il serait incomplet. Mais, à la lecture des résultats connus aujourd’hui, on peut déjà affirmer qu’un tel bilan comporterait une colonne positive plus réduite que la colonne négative.
Pour aider le lecteur à tirer lui-même un bilan (provisoire) de la France d’après, différents points sont énumérés ici sans conclure tout à fait. Point de vue d’un militant du Mouvement Démocrate.
- Pouvoir d’achat : pour le président de la République, promesse tenue ! Il s’est auto-attribué une augmentation de salaire de 300 % ! Pour l’oligarchie financière qu’il représente aussi : il a fait don du paquet fiscal à cette petite minorité de Français richissimes. Il a tout de même libéré les heures supplémentaires et instauré le RSA qui permettra de tirer une partie des pauvres de leur engluement dans la précarité et de leur accorder un revenu supplémentaire. Mais, ce revenu supplémentaire sera financé par la seule "solidarité active" des classes moyennes. Mais, de façon générale, le pouvoir d’achat souffre comme jamais et aucune embellie en vue. Les Français (non riches) le ressentent bien dans leur vie quotidienne.
- Sécurité : les peines planchers ont été adoptées et elles sont le plus souvent appliquées. La rétention de sûreté a été votée non sans un vif débat sur l’atteinte à la liberté qu’elle suppose. Les chiffres de la délinquance ne pourront qu’être bons puisqu’ils sont donnés avec dix mois d’avance par la ministre de l’Intérieur ! (Mediapart) A noter toutefois des résultats très encourageants en matière de délinquance routière du fait d’un effort soutenu de plusieurs gouvernements successifs et, reconnaissons-le, les mesures prises par Sarkozy. A déplorer néanmoins la tendance dangereuse au fichage des citoyens. La collecte étendue d’empreintes ADN et, récemment, l’adoption par décret du fichier Edvige font craindre une dérive sécuritaire. La Cnil n’est pas la dernière à s’en émouvoir mais que peut-elle ? Et l’Opposition (PS, MoDem et Cap21) a saisi le Conseil d’Etat. Même les élus de la majorité présidentielle (UMP, Nouveau Centre), pourtant exhortés à l’unité, s’émeuvent.
- L’état des finances : par le vote de la loi TEPA et de son fameux bouclier fiscal, la France s’est privée des dernières marges de manœuvre budgétaires encore possibles et le gouvernement a dû, par la voix de son Premier ministre, François Fillon, déclarer l’Etat en faillite. Acculé à recourir à l’accroissement de l’imposition (une douzaine de nouvelles taxes) pour répondre à des besoins nouveaux, le gouvernement a tiré un trait sur la promesse de modération fiscale du candidat Sarkozy.
- Politique étrangère : le président Sarkozy a clairement choisi le camp de l’administration Bush en se rendant aux Etats-Unis dans un but de réconciliation et en déclamant un discours qui donna, hélas, trop de place à la flatterie. La France est désormais complètement dans l’Otan. La renonciation à son esprit indépendant la range, aux yeux des Russes et des talibans (entre autres), clairement dans le camp ennemi. Le président du MoDem a stigmatisé l’attitude du chef d’Etat français dans l’affaire géorgienne : "Il n’y a pas de doute que la reconnaissance d’indépendance du Kosovo, réalisée sous influence américaine d’abord, l’affirmation par Nicolas Sarkozy du droit pour la Russie de « défendre les Russophones », l’absence de référence dans « l’accord » en six points proposé par la France à l’intégrité territoriale de la Georgie, ont donné matière au coup de force russe."
Quant au volet "droits de l’homme" de la politique étrangère de la France, est-il nécessaire de rappeler l’accueil fastueux de Khadafi, l’oubli de la question du Tibet au profit du bon déroulement des JO et des contrats avec la Chine ?
- Justice : la carte judiciaire est en route et il est trop tôt pour déclarer si les effets seront bons ou mauvais. Néanmoins, on ne peut pas tirer grande gloire de notre justice suprême bafouée par une commission arbitrale mise en place par le gouvernement dans le seul but de favoriser un ami du président. François Bayrou s’est dit choqué, que l’Etat, "qui n’a plus un sou", ait permis à Bernard Tapie de s’enrichir "aux frais du contribuable" ! A propos de justice des amis, le renvoi sec de Rossi sur coup de fil de l’acteur Christian Clavier, ami du président, n’est pas non plus un modèle de bonne pratique. "Le président de la République agit comme si le pouvoir n’avait de comptes à rendre à personne, car tel est son bon plaisir", en déduit Bayrou.
- République : "La Constitution dit : ’La République est démocratique, laïque et sociale’. Mais, en France, la République est de moins en moins démocratique, de moins en moins laïque et de moins en moins sociale, donc de moins en moins République !", déclare François Bayrou dans son discours de clôture de l’université du MoDem le 7 septembre. Difficile de lui donner tort quand on se remémore les propos du chanoine Sarkozy sur la supposée supériorité du clerc sur le laïc, sur la nécessité de la religion. Certes, les institutions ont fait l’objet d’une réforme, mais bien timide dit l’opposition. Or, elles avaient besoin d’un sérieux coup de jeune pour créer une République plus moderne, plus démocratique. La France a raté le coche de la "VIe République".
Si l’on passait en revue les autres domaines, on trouverait difficilement de grandes réformes à mettre au crédit de Sarkozy. La culture ? Elle doit être rentable et populaire ! C’est un marché comme un autre et d’ailleurs on offre celui de la pub aux amis des chaînes privées ! L’éducation ? Elle doit être édifiante : lecture de la lettre de Guy Môquet et (mais cela ne passa pas) partage par chaque élève de la mémoire d’une victime de la Shoah ! Les effectifs d’enseignants ont été réduits de façon drastique avec çà et là des effets désastreux. Même s’il faut attendre pour évaluer sur l’année scolaire, on peut craindre le pire avec les nombreuses autres suppressions de postes déjà programmées pour la rentrée 2009. La santé ? Elle doit être financée par les plus souffrants (franchises médicales pour financer d’autres malades dans le cadre du plan Alzheimer) ! La protection de l’environnement ? Des mesures tapageuses et peu efficaces, encore financées par de nouvelles taxes ! Et que dire de l’opacité qui règne sur les risques nucléaires et les incidents nombreux passés sous silence.
Difficile donc de conclure que la "France d’après" est un modèle qui a échoué, mais de nombreux signes témoignent d’un échec prévisible...
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