Bouffer de la télé, pour beaucoup c’est tout ce qu’il leur reste !
Quelle est donc la finalité de l'économie dans une société organisée ? Satisfaire les besoins élémentaires de tous ceux qui la composent et permettre à chacun de ses membres de jouir des fruits de son travail tout en participant activement à la vie sociale de la collectivité, ou distraire par tous les moyens possibles la majorité de ses membres, les abrutir et les anesthésier, pendant qu'une petite oligarchie s'accapare de la plupart des richesses produites ? Avoir les moyens de se nourrir sainement et d'y prendre plaisir, jouir d'un logement confortable, avoir accès aux soins et à l'éducation, se préserver au mieux des catastrophes et être assuré d'être défendu contre toute agression, prendre soin de son environnement et ne pas dilapider les ressources terrestres, tout cela devrait être banal et accessible à tous. Mais le capitalisme mâtiné d'ultra libéralisme et dopé à la finance n'a pas fait siens ces objectifs élémentaires. Depuis une dizaine d’années tout se déglingue, mais Les craquements du naufrage sont couverts par le tintamarre médiatique.
QUAND 1% DE LA POPULATION S'ACCAPARE TOUTE LA RICHESSE CREEE...
Il faut le répéter. La richesse se concentre de plus en plus et de plus en plus vite et seulement 1 % de la population ressort gagnante de cette dernière décennie. Personne ne remet plus en doute cette affirmation et nombreux sont les articles qui révèlent le bilan d'un système économique inique et profondément injuste.( lien ) Le succès du livre de Thomas Piketti : "Le capital au XXI ème siècle " est révélateur de cette prise de conscience, en particulier aux Etats-Unis. L'OCDE dans un dernier rapport alerte aussi à ce sujet. (OCDE :"Les hauts revenus captent une part croissante du revenu total dans de nombreux pays" ) ;
"Ces trente dernières années, la part des 1 % les plus riches dans le total des revenus avant impôts a progressé dans la plupart des pays de l'OCDE. Sur cette période, les 1 % de la population aux revenus les plus élevés ont en effet capté une part disproportionnée de la progression globale des revenus : jusqu’à 37 % au Canada et 47 % aux États-unis."
...ET ILS FINISSENT PAR FAIRE LES POCHES DES PLUS PAUVRES !
Aux Etats-Unis : les 1 % les plus riches ont confisqué 95 % de la croissance post-crise financière depuis 2009, tandis que les 90 % les moins riches se sont appauvris.
Plus fort encore, Olivier Berruyer sur son blog "les crises" montre que dans ce pays, la part de la richesse créée, captée par les 1 % croît à chaque période de reprise ou d'expansion : 45 % de 1993-99, 65 % de 2002 à 2006, et 121 % de 2009 à 2011 !. Ainsi non seulement les 1 % ont capté toute la richesse créée pendant cette dernière période, ils ont en plus prélevé une part des revenus des 99%. Non contents de s'enrichir, ils appauvrissent aussi le reste de la population.
En France, en 10 ans ( de 2001 à 2011) le niveau de vie après impôts et prestations sociales a augmenté de 0,9%, soit de 70 € pour les 10 % les plus pauvres,et de 16,4 % soit de 8115 € pour les 10 % les plus riches.
Selon l'observatoire des inégalités, depuis la crise, l'évolution entre les 10 % les plus pauvres et les 10 % les plus riches diverge. Non seulement les revenus des catégories aisées progressent, mais ceux des plus démunis diminuent. Entre 2008 et 2011, le niveau de vie moyen annuel des 10 % les plus riches a augmenté de 1 795 euros, alors que celui des 10 % les plus pauvres a baissé de 360 euros (voir l' article 2008-2011 : inégalités en hausse, revenus en baisse pour les plus modestes). Et, la situation s’est probablement dégradée depuis 2011 du fait de la progression du chômage." On passe d’un régime de progrès mal partagé à un régime au sein duquel les différentes catégories sociales s’éloignent les unes des autres. Ceci est très différent et constitue un moteur majeur des tensions sociales".
Cette perte de revenus pour la majorité la plus pauvre est aggravée aussi par une inflation différenciée suivant les produits.
BOUFFER DE LA TELE C'EST TOUT CE QU'IL LEUR RESTE.
L'article du journal Le Monde du 03/05/2014 : "En dix ans, quels prix ont le plus augmenté ?" révèlent comment, suivant les postes de consommation, les prix ont évolué au cours de ces dix dernières années.
Si en moyenne l'inflation en France a été entre 2004 et 2014 de 18 % selon l'INSEE, la baisse a été de :
- 72 % pour les téléviseurs,
- 66% pour l'informatique,
- 28 % pour les téléphones portables,
- 12 % pour les jeux et jouets.
En revanche la hausse a été de :
- 42 % pour la maintenance automobiles,
- 38% pour le logement, l'eau et l'électricité,
- 34 % pour la protection sociale,
- 15 % pour l'alimentation
- 6% pour l'achat d'un véhicule.
Ainsi pour tous ceux dont les revenus baissent ou stagnent, l’essentiel des besoins élémentaires devient inaccessible quand le futile est à la portée de tous.
Le Financial Times fait la même analyse pour le Royaume-Uni. De manière similaire, les biens de consommation y ont baissé drastiquement alors que dans le même temps les dépenses d'énergie, de maintenance ou de santé ne cessent d'augmenter. Le coût de l'enseignement y a augmenté de plus de 74 % depuis 2004.
Par le jeu de l’obsolescence programmée et la baisse continuelle des prix, ce système économique a réussi le tour de force de mettre à la disposition de tous, à vil prix, grâce à la mondialisation, à l’automatisation des processus de fabrication et à l’exploitation d’une main d’oeuvre asiatique sous payée, des outils de la communication et du divertissement ( médias télévisuels, smart phones et moyens numériques ) toujours de plus en plus performants. En connectant de plus en plus d’individus entr’eux et avec de plus en plus de sources de contenus, en donnant à bouffer de la télé avec un choix infini de distractions, toutes aussi abrutissantes les unes que les autres, le système s’assure le pouvoir d’influencer, de manipuler et de contrôler le plus grand nombre, maintenant ainsi une forme de paix sociale (1). Mais cette acquisition en masse de tous ces biens électroniques et numériques, se fait aujourd’hui, pour les plus démunis, aux dépens de la satisfaction des besoins élémentaires ( nourriture, santé, logement, chauffage, éducation ) dont le coût pour les familles ne cesse de croître. Les conséquences sur les plus fragiles commencent à se manifester : obésité et maladies chroniques dues à la mal bouffe, difficultés d’accès aux soins, mal logement et ghettoïsation à la périphérie, abandon des études et acceptation de la précarité, chômage.
Ce sont ces maux, de plus en plus fréquents, qui finissent par marginaliser et exclure des pans significatifs de la population. Soumis à la violence des images, à l’exacerbation des pulsions, et à des frustrations répétées, nombreux sont ceux qui succombent alors aux addictions et à la violence. Présentés comme émancipateurs, ces médias sont devenus des instruments de nouvelles oppressions et de régressions.
Ce système fondé sur l’exploitation et la dévalorisation par tous les moyens possibles du travail humain, sur l’appropriation et la surexploitation des ressources terrestres, qui déjoue sans cesse tous les dispositifs publiques de régulation et de redistribution et qui s’affranchit de tout principe moral ou philosophique, ne satisfait plus que les intérêts d’une minorité, toujours de plus en plus faible, d’individus. Il conduit à la ségrégation et à l’exclusion d’un nombre de plus en plus grand de personnes. En anéantissant toute velléité de construire une société capable d’intégrer et de distribuer équitablement les fruits de toute la richesse créée, cette société duale ne peut qu’exacerber les tensions entre le petit groupe des gagnants et la majorité des perdants, pour conduire à terme à l’effondrement de cette civilisation fondée essentiellement sur le développement continu et le partage des progrès scientifiques et techniques. La cupidité, la voracité et la démesure d’un petit nombre de nos semblables nous rapprochent chaque jour plus de ce fatal dénouement.
Distraits que nous sommes par le flot ininterrompu des images, déversé par nos téléviseurs à écran plat, nous risquons de nous réveiller alors qu’il sera trop tard.
_________________________
(1) Déjà en septembre 1995, sous l’égide de la fondation Gorbatchev, « cinq cents hommes politiques, leaders économiques et scientifiques de premier plan » se sont réunis à l’hôtel Fairmont à San Francisco. L’assemblée commença par reconnaître une évidence indiscutable - que « dans le siècle à venir (21° siècle), deux dixièmes de la population active suffiraient à maintenir l’activité de l’économie mondiale » Alors que faire pour gouverner les 80 % d’humanité surnuméraire dont l’inutilité a été programmée par la logique libérale ? La solution qui, au terme du débat, s’imposa, fut celle proposée par Zbigniew Brzezinski (ancien conseiller de Jimmy Carter ) sous le nom de tittytainment. Il s’agissait de définir un « cocktail de divertissement abrutissant et d’alimentation suffisante permettant de maintenir de bonne humeur la population frustrée de la planète » - « L’enseignement de l’ignorance » Jean Claude Michéa Editions Climats Pages41-42
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