Capitalisme néolibéral ou le meilleur des mondes
Aucune nation, aucune société structurée ne pourra s´exclure du système économique capitaliste. Vieux système d´échanges de biens et de services, il est, aujourd´hui, dirigé par la main invisible des marchés et imposé par la main implacable de l´état néolibéral. Le seul but du capitalisme aura été, depuis toujours, faire des profits. Il ne se serait jamais imposé sans cet appât. Le profit fut, donc, une pièce essentielle dans l´évolution des sociétés. En effet, tant que les toutes premières communautés se limitèrent à échanger des biens contre des biens, sans la recherche du profit, le monde évolua très peu. Puis, encore dans les sociétés du néolithique, l´échange, stimulé par le profit, devint très vite, un système complexe, capable de répondre à la croissance populationnelle et d´accompagner le développement de la division du travail. L´utilisation de biens-étalons s´imposa, alors, jusqu´à ce que l´objet-monnaie, l´argent, fasse son apparition. Celui-ci finira par permettre le rayonnement de ce qui est, certainement, une des activités humaines les plus importantes pour le rapprochement entre les peuples, le commerce.
Comme les êtres humains sont, en même temps, producteurs et consommateurs de biens et services, le profit devint fondamental au sein des sociétés et, ce qui commença par être un simple schéma stimulateur d´échanges de biens et services finit par se transformer dans un complexe réseau de systèmes indispensables à la pérennité de notre espèce, tel un dieu ou un panthéon de divinités.
Le capitalisme, en devenant le moteur de l´économie, prit une telle importance qu´il participa dans l´éclosion de grandes civilisations. Malheureusement, très vite, il devint une bête affamée de profits. Pour les obtenir il se permit toutes les exactions contre le genre humain et, très souvent, il accepta d´être un partenaire attentif et obséquieux d´un monstre appelé guerre. Pendant des millénaires, paysans et artisans nourrirent et servirent les dynasties impériales, monarchiques ou feodales et en temps de guerre périrent sur les champs de bataille pour la gloire des Puissants et pour la conquête de territoires. La civilisation occidentale, suite aux découvertes maritimes, s´enrichit grâce au pillage des richesses des territoires conquis et à l´esclavage imposée à leurs populations. Les butins des rapines, une fois arrivés en Europe constituèrent la base d´un capital investisseur, moderne, dynamique. Quand les premières grandes unités industrielles virent le jour, il leur fallut de la main-d´œuvre pas chère. Les patrons se hâtèrent de prendre à l´agriculture une grande partie de ses paysans ; ceux-ci, payés avec les croûtes de la misère, soumis à des conditions de travail inhumaines, finirent par s´entasser dans des réserves appropriées, les quartiers construits aux alentours des usines ou dans les premiers bidonvilles de l´histoire humaine. La faim, les maladies, la mortalité infantile, faisaient partie du malheur des tout premiers producteurs de l´ère industrielle.
Parmi tous les systèmes essentiels à l´organisation des sociétés, le capitalisme est celui qui traduit, le mieux, les contradictions de l´esprit humain. Avarice, ambition, soif de pouvoir le désignent comme le système prédateur par excellence. Aujourd´hui, solidement enraciné dans les habitudes de la société de consommation il est irremplaçable, et son utilité est si évidente que toute tentative de le rejeter est une idée ridicule et démagogique.
Rien ne le fera tomber, nous pourrons, néanmoins, le mâter, le dresser, détruire en lui son côté irresponsable et prédateur, l´obliger à servir l´homme et non pas à l´asservir. La prédominance injuste et injustifiée du capital sur son alter ego, le travail, est la cause fondamentale des aberrations du capitalisme. Au long des milliers d´années de son histoire, l´exploitation fut la pièce maîtresse de son organisation. Pourtant, pendant une période de trente ans, entre 1950 et 1975, en deux zones économiques du monde, l´Europe et les États-Unis, le monde du travail fut comblé avec d´assez bonnes conditions de bien-être et de dignité.
À partir de 1947, la reconstruction de l´Europe, dévastée par la deuxième guerre mondiale et l´économie américaine dynamisée par la réouverture des marchés européens avaient besoin de foules de travailleurs pour l´industrie, l´agriculture, les grands travaux publics et le commerce. La richesse créée par la productivité fut distribuée par les travailleurs, avec une certaine « magnanimité », leur permettant, pour la première fois, dans l´histoire, de participer dans la prospérité de leurs nations. Les salaires augmentèrent, des droits furent arrachés coup par coup, les syndicats s´organisèrent et devinrent forts ; horaires de travail, heures supplémentaires, salaire minimum et jours de congé firent, enfin, leur apparition dans les revendications ouvrières. Trente années de stabilité sociale et économique, appelées les « trente glorieuses » suffirent pour montrer aux économistes et politiciens qu´une redistribution plus juste des profits du capital par les travailleurs génère obligatoirement de la croissance.
Dans les années 80, avec l´entrée en scène de la nouvelle modernité occidentale, la mondialisation, revinrent les temps des convulsions sociales. Le puissant secteur financier transnational s´appropria les chasses gardées du vieux capitalisme industriel, devenues insuffisamment rentables, et transforma l´économie dans une dangereuse jungle. En 1994, dans le Business Week, se référant à la nouvelle organisation de commerce, la mondialisation, un journaliste écrivit : “Centaines de millions d´êtres humains ne sentiront aucun avantage dans ce nouvel ordre économique mondial. Il crée, certainement de la richesse, mais, comme il possède une totale liberté de moyens, il ne redistribuera pas ses gains avec équité. »
Vitrine éblouissante du néolibéralisme, la mondialisation s´approprie tous les espaces de l´humain, assujettit les peuples, les exploite à outrance, détruit leurs cultures, leurs traditions et leur identité, saccage les richesses et les ressources naturelles de leurs nations. Dans l´indifférence général ce front guerrier du capitalisme darwinien, désorganisa l´économie de l´Europe en transférant sa production industrielle en Asie et en ouvrant ses frontières à l´immigration sans contrôle. Après avoir appauvri l´ensemble de ses classes moyennes (stagnation des salaires, augmentation des impôts) et, dans le but d´enrayer d´éventuelles révoltes des populations affectées par la dégradation de leurs conditions de vie, il leur fit avaler une de ses couleuvres, le crédit facile et pas cher.
Avec la crise financière, en 2008, refirent surface les situations de brutale inégalité de revenus entre les riches et les pauvres, tout à fait semblables à celles qui conduisirent, en 1929, à la Grande Dépression. Les analogies entre les deux crises, sont plus qu´évidentes, mais une, pourtant, devrait nous faire réfléchir : le long des décennies qui précédèrent ces deux crises, l´extraordinaire accumulation de revenus et de capital dans la poche des élites ne fut pas investie dans l´économie réelle, mais dans la spéculation. Marriner Stoddard Eccles qui fut président de la FED entre 1934 et 1948, écrivit dans ses mémoires : “Si le revenu national avait été mieux distribué avant la Grande Dépression, si toutes les entreprises avaient reparti mieux les profits avec ses travailleurs, les classes plus riches auraient eu moins de revenus, mais les familles plus modestes auraient vécu mieux et l´économie nationale aurait gagné en stabilité. »
Dès la fin des années 70 jusqu´aujourd´hui, le PIB mondial ne cessa de croitre dans une progression constante, atteignant, récemment, une valeur proche de 65.000 milliards de dollars. Jamais l´humanité n´aura produit autant de richesse avec le travail de si peu de gens. Cette extraordinaire augmentation de productivité et de richesse n´empêcha pas une augmentation spectaculaire du chômage, des inégalités et de la pauvreté, en tout le monde. Le capitalisme entra dans l´ère la plus noire de son histoire. Né pour optimiser l´organisation de la production et pour écouler les stocks des biens et services, et par le biais du commerce rendre la vie des populations prospère et harmonieuse, il est en train de se transformer en un piège mortel pour l´humanité.
Contrairement à ce que annonça Fukuyama, le capitalisme néolibéral n´est pas la fin de l´histoire mais le retour aux méthodes d´exploitation et d´oppression des totalitarismes collectivistes du siècle dernier.
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