Clearstream : Point De Vue Du Spectateur
Facile, mais pourquoi s’en priver, n’est-ce pas, considérons que si le procureur de la République de Paris, le dénommé Jean-Claude Marin, interjette appel de la décision du tribunal de grande instance de Paris, c’est qu’il considère, qu’il est convaincu, que Dominique de Villepin a monté un énorme bateau.
Et l’on ne saurait avoir le pied plus marin que Jean-Claude.
Bien.
Toutes ces personnes se sont portées “partie civile”. Vrai ? …. Jusque là, on comprend. Ton nom se retrouve sur un “faux”, calomnies ! tu portes plainte ! ... Et alors ? ..
Eh bien alors, au final, nous nous retrouvons avec non plus une affaire dite “Clearstream” mais avec un affrontement Sarkozy/Villepin ! .. Nonobstant le fait que ces deux personnages se haïssent ce qui, d’un point de vue médiatique, est – comme l’on dit - bankable, hyper-vendeur quoi, réduire le procès à ce duel ne nous éloigne-t-il pas de l’essentiel ?
C’est pourquoi j’évoquais le terme : détournement.
Certes, on peut dire qu’il est dû, en partie, ce “détournement”, aux deux protagonistes, ne serait-ce que par leurs déclarations publiques (“Je suis là par la volonté d’un homme, je suis là par l’acharnement d’un homme : Nicolas Sarkozy !” – Dominique De Villepin) ou soit-disant privées (le fameux “croc de boucher”) oui, ils ont contribué, d’une certaine façon, c’est indéniable, à focaliser l’attention sur eux. Que les médias les suivent sur ce terrain, ma foi, ça n’étonne guère, mais jusqu’à en oublier l’essentiel, ça, c’est fâcheux. A mon sens.
L’essentiel, et toujours du point de vue du spectateur, c’est quoi ?
N’est-ce pas, par exemple, espérer que du procès, sortira, à défaut de la vérité toute crue, au moins une explication quant aux listings. A quelles fins ont-ils été établis ?
Or, nous n’en savons toujours rien !
Sinon, que M. Gergorin en serait l’instigateur et M. Lahoud, l’exécutant. Mais, et encore une fois, quel était le but poursuivi ? N’est-ce pas cela qui nous intéresse ? Et qui devrait intéresser TOUTES les parties civiles ?
En tous les cas, jeudi 28 janvier 2010, ça n’avait pas l’air d’intéresser (ou pas plus que ça) le monde médiatique qui se concentrait sur la relaxe de M. de Villepin, sur son éventuelle candidature à la présidentielle 2012 (ce dont on se fout, c’est pas l’heure, c’est pas le moment, sans compter qu’en deux ans, il peut se passer tant d’imprévus) mais pire encore, aucun journaliste, aucun intervenant, sur aucun plateau radio ou télé ne considéraient comme plausible, ou plutôt raisonnable, tenable, une interjection en appel du Parquet ! “Trop risqué !” disaient certains. “Ce serait perçu comme de l’acharnement (sous-entendu de la part de Nicolas Sarkozy)” avançaient d’autres. Mais le pompon, c’est l’ami Cayrol qui l’a tiré, dans l’émission C Dans L’Air, quand il nous expliqua, mine complice, que M. Sarkozy avait, quelque part, envoyé un message au Parquet en signifiant son intention de ne pas faire appel de la décision du tribunal. Par la même, Roland Cayrol nous a suggérés, que le Parquet était “aux ordres”, ou tout au moins, susceptible de suivre l’avis du président de la République, bref, qu’il n’était pas souverain, indépendant, et tout le bataclan.
Eh bien, Jean-Claude Marin vient de prouver le contraire.
Oh oui, je sais, j’entends déjà, les intelligents, les suspicieux, les “faut pas nous prendre pour des cons” dire, mais bien sûr, tout ça c’est que vaste comédie, orchestre et compagnie, y’en a un qu’épluche les oignons, l’autre qui pleure, c’est juste une façon, plutôt habile, pour Nicolas Sarkozy de dire qu’il n’en est plus, que ce n’est plus son affaire, c’est pas moi, j’y suis pour rien, la preuve, j’ai dit que je ne souhaitais pas faire appel …
Ce qui m’amuse, c’est que ceux, innombrables, qui saluaient, jeudi, l’indépendance de la justice, sont quasiment les mêmes, qui, le lendemain, émettent des doutes quant à celle du procureur de la République de Paris qui, pourtant, n’a pas suivi le soi-disant appel du pied (selon, donc, Cayrol) du chef de l’Etat. Etonnant, non ?
Certes, Jean-Claude Marin est convaincu de la culpabilité de M. de Villepin. Il l’a dit. Et répété. Il a, en outre, réclamé sa condamnation. Mais, quel rapport avec Nicolas Sarkozy ? Je veux dire : en quoi la personne de Nicolas Sarkozy entre-t-elle en ligne de compte dans l’intime conviction de M. Marin ?
Si on prend le temps d’écouter attentivement le procureur de la République de Paris, lors de l’entretien qu’il accorda ce vendredi 29 janvier sur Europe 1, on entend quoi [*] ?
Qu’il estime que “tout n’a pas été dit dans cette affaire”. Et il précise bien (retour aux fondamentaux) que l’affaire en question, c’est Clearstream. Et non pas l’affaire Villepin, ou l’affaire Sarkozy/Villepin.
Si nous en revenons au point de vue du spectateur, n’avons-nous pas le même sentiment ? Que tout n’a pas été dit ? A commencer par l’essentiel : dans quel but, à quelles fins, ces listings ont-il été établis ? En rappelant que, sur lesdits listings, ne figurent pas QUE le nom de M. Sarkozy.
D’autre part, et parce qu’il a l’intime conviction que “tout n’a pas été dit”, en quoi sa décision d’interjeter appel - ce qui est son droit, de surcroît - est-elle sujette à suspicions ? Ou, pourrait être qualifiée d’”acharnement” ? Ne peut-on pas considérer que si “acharnement” y’a, c’est celui de (connaître) la vérité. De la faire émerger. Un peu plus. Parce que, oui, décidément, il manque quelque chose. L’essentiel.
Après, je sais, on peut tout imaginer, élucubrer, se faire plaisir, au nom, que sais-je, d’un anti-sarkozysme primaire, secondaire, tertiaire, bref, au nom d’une aversion qui finit par ressembler à un autre procès, aveugle et quotidien, lassant et contre-productif, et je le dis d’autant plus librement que je ne suis pas le dernier à m’y vautrer, et avec délice ; oui, quoi qu’on pense de Nicolas Sarkozy, de sa politique, de sa façon d’exercer le pouvoir, et quoi qu’on pense, également, de Dominique de Villepin, il est un fait : de l’affaire Clearstream on ne sait toujours rien, ou pas grand chose, ni le pourquoi du comment ; Gergorin, Lahoud, et pis c’est tout ! que des noms, mais des motivations, queue dalle ! Et ça, je trouve que ça mérite d’y revenir. Ça justifie l’appel. Point de vue d’un simple spectateur. D’un citoyen lambda. Qui se fout royalement de la haine qui anime deux personnages de la République. Car là, n’est pas la question. Ni l’essentiel.
[*] A noter que Jean-Claude Marin précise, et comme c’est important, qu’effectivement, il pourrait recevoir “des instructions” (du Garde des Sceaux, de l’Elysée) mais dans ce cas, elles devraient être “écrites”, “motivées”, et il devrait “les produire dans le dossier”.
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