Coke en stock (XLVII) : les intrigues françaises
Les français un peu trop curieux à Tarkint, à côté de l'endroit où on a retrouvé l'épave du Boeing calciné ? Un des nœuds du problème, en fait, avec un maire ambitieux prêt à se faire aider par USAID, dont on sait la proportion d'espions noyés dans le flot humanitaire, et des coreligionnaires prêts eux à recevoir les retombées de l'intense trafic de drogue qui a lieu sous leurs fenêtres. Des français encore avec l'équipe de TF1 interdite de séjour sur les lieux. Des français encore avec un Président qui n'a pas tout à fait la même attitude selon la nature de l'otage français retenu par des islamistes. Ou plutôt embarqués par des mafieux locaux qui les revendent aux islamistes : une activité fort lucrative pour les deux. Bref, au Mali, la France, comme aux plus belles heures de la république gaullienne montre que la Françafrique est bel et bien toujours là, et que ses compatriotes sont sa priorité. Le développement du pays attendra.
Très vite, dans l'enquête, on s'était dirigé vers Tarkint, on l'a vu, la ville du chameau-roi. Et son maire, Baba Ould Choueckh (*), qui semblait n'avoir rien entendu le soir de l'arrivée de l'avion en plein désert. Et pour cause. Cela, je l'avais écrit dès le 9 octobre 2010 sur Cent Papiers, avant de l'écrire ici-même : "durant l’enquête qui suit le crash, quelques uns ont remarqué une chose : le rôle trouble du maire de Tarkint, où s’est écrasé l’avion. « L’accident remonte t-il à bien avant le 2 novembre comme semblent le penser certains ? Possible. Le fait est que la découverte officielle de l’épave date du 2 novembre. » Mieux encore :« l’incontournable arabe (le maire de Tarkint) connaît le désert comme sa poche et a été de toutes les négociations pour les libérations d’otages gardés dans le Nord malien, de 2003 avec les otages allemands à 2008 avec les otages canadiens. Il agira toujours avec discrétion et tact et ne laissera transparaître sa déception qu’une fois avec l’affaire des Canadiens révélée, il y a un trimestre par le Mail and Guardian »… l’homme qui a négocié la rançon des otages en servant d’intermédiaire est celui qui aurait retardé l’information sur le crash ? Le même quihabitait à deux pas de l’épave ? A Tarkint, les jeunes du coin en savent bien davantage, visiblement…" Le même maire, qui aidera beaucoup, on l'a vu, à faire libérer ... Pierre Camatte ? Tarkint, donc, son maire et un de ses administrés, qui finit un an et demi après les événements par avouer son implication à la police malienne. "Mohamed Ould Awenat, originaire de Tarkint, n’était qu’un moribond patron d’une entreprise de BTP jusqu’à la veille de cette sulfureuse affaire. Tout d’un coup, les chiffres s’affolent dans les caisses de sa trésorerie. La croissance exponentielle de ses ressources, lui interdit toute modestie. La moutarde lui monte au nez au point qu’il se prévaut d’un titre « d’officier des renseignements maliens ». Voilà que les mêmes services lui imposent une cure d’amaigrissement en le cueillant frais. M. Awenat, serait tombé dans le filet des barbouzes pour son implication présumée dans la transaction des 10 tonnes de cocaïne du cargo calciné dans les sables du désert. Sa mission était simple. Aménager la piste d’accueil du mystérieux avion. Son témoignage sera donc capital dans l’évolution du dossier. En tout cas, il a été soumis pendant de longues heures à un interrogatoire musclé le week-end dernier". Un responsable en bâtiment pour "aménager la piste", avouez que c'est à la fois cocasse et imparable : mais travaillait-il de nuit ou de jour pour masquer ce qu'il préparait ? Sous le regard vigilant de Camatte ? La France, si présente en Afrique, pèse-t-elle aussi au Mali (quelle superbe brochette d'individus dans le reportage !!!) ?
Une piste aménagée surveillée de près par qui, en effet ? C'est Bernard Bajolet, le très officiel Coordinateur national du renseignement à la Présidence de la république qui finit par l'avouer aussi, lors d'une audition anodine à l'Assemblée : "ce jour-là, en fin d’audition, Bajolet est en effet interrogé très timidement par le député socialiste Guillaume Garot sur « les informations qu’il pouvait transmettre sur les agents des services retenus en otage ». Et M. Espionnage, tout à sa tâche d’information des parlementaires d’annoncer que huit français étaient alors prisonniers à l’étranger : « quatre au Soudan, un en Somalie, deux en Afghanistan », énumère-t-il et de préciser « un au Mali, Pierre Camatte ». Camatte, retenu alors à Ménaka, on l'apprendra plus tard. Bakchich se verra infligé un ajout, à cet article, affirmant que c'était une "erreur", de la part de Bajolet, mais une mise au point qui ne trompera personne.
Un endroit où, justement, avait choisi de se rendre TF1 (plutôt bien informé sur ce coup-là !) dès décembre 2009 pour enquêter, nous rappele Afribone. Et s'en faire vertement dissuader par les autorités françaises, très susceptibles, visiblement, sur le sujet : "arrivé le mardi 9 décembre à Bamako, l’équipe de la première chaine de télévision française, conduite par le grand reporter Michel Scott, a été accueillie par notre confrère Salif Sanogo, leur répondant au Mali. Naturellement, depuis Paris, ils avaient pu coordonner leur mission avec lui, car ils devaient se rendre à Gao, Menaka et Tarkint. Toutes les dispositions sécuritaires avaient été prises et les autorités maliennes n’avaient posé aucun problème à ce que l’équipe puisse se rendre sur le terrain afin de pouvoir mener ses investigations. Mais coup de théâtre, le mercredi matin, dès leur départ pour Gao, les tractations ont commencé côté français pour les empêcher d’arriver à destination. De nombreux coups de fil ont été échangés entre Bamako et Paris, entre l’Ambassade et le Quai d’Orsay, entre la direction de TF1 et d’autres instances". Décidément, le cas de Camatte était... bien top secret ! Pourquoi cette sollicitude à vouloir à tout prix cacher ce qui se relie à tout ce qui concerne cette épave d'avion perdue au milieu du désert ? Car Michel Scott comptait bien s'y rendre, à l'endroit du crash supposé ! Comment ? Peut-être bien par le biais de cette sidérante publicité pour... Bourem.
A l'année 2010, l'enquête sur le Boeing avance toujours lentement, mais des bribes d'informations commencent à sortir sur l'implication française : en haut lieu, ça n'a pas l'heur de plaire, ce genre de révélations. Il faut vite fabriquer un contre-feu : il est vite trouvé avec une rumeur qui sort en juillet 2010 et qui est reprise benoîtement par les candides habituels. L'otage Michel Germaneau, passionné devenu habitué du village nigérien d'I-n-Abanghaghit est mort, très certainement de maladie, faute de soins, et il faut détourner l'attention du grand public sur sa fin, où la encore le fameux maire de Tarkint (Ménaka est à 150 km de la frontière du Niger) avait joué les bons offices avec les ravisseurs (lire ici une partie de l'affaire). L'idée est alors d'en remettre une couche sur les "islamistes", histoire de détourner les journalistes des mafieux. Qui lance l'info ? Difficile à dire, tant elle est... grotesque, mais qui enfonce le clou comme quoi la France serait prête à perdre dix de ses troupes pour sauver un de ses otages !
C'est l'ineffable Michel Garroté qui va s'y coller, en reprenant telle quelle l'info, un fake évident pourtant : "le très sérieux MEMRI informe qu’un forum djihadiste fait état de neuf victimes françaises dans une opération contre Al-Qaïda au Maghreb islamique au Mali. Un membre du forum djihadiste Al-Falloudja a publié les noms de neuf commandos français de la DGSE qui auraient été tués au cours d'une opération contre Al-Qaïda au Maghreb islamique." Tout le monde aura noté le début de l'article "le très sérieux MEMRI "(celui qui avait annoncé la capture d'une figurine GI Joe !)... Un Garroté qui poursuit sans broncher que "la France a reconnu que des soldats français avaient participé à une opération de l'armée mauritanienne contre un camp d'AQMI au Mali le 22 juillet 2010, mais n'a pas fait état de victimes françaises lors de ce raid. Divers médias ont rapporté que le véritable objectif de l'opération était de libérer l'otage français Michel Germaneau, qui ne se trouvait finalement pas sur le lieu du raid". Un Garrotté mené en bateau décidément jusqu'au bout : "le membre du forum djihadiste ayant mis en ligne une liste des victimes françaises a pour nom d'utilisateur "Karim Al-Maghribi" ("le Marocain"). Il fréquente assidûment le forum Al-Falloudja, premier forum djihadiste sur Internet ; l'une de ses principales activités consiste à traduire des rapports de médias espagnols et français en arabe, activité qui en a fait un "traducteur officiel" du forum. Karim Al-Maghribi a d'abord menacé de publier les noms des victimes françaises dans la nuit du 23 juillet. Dans ce post, il affirme que des médias occidentaux, sans préciser lesquels, auraient fait état de la mort de neuf commandos français lors du raid. Il précise ensuite que le ministère français de la Défense a déclaré que la France avait fourni une aide d'ordre exclusivement technique et logistique à ce qu'elle considère comme une opération mauritanienne réussie. Réagissant à cette déclaration, Karim Al-Maghribi lance un "défi" au ministère français de la Défense : reconnaître la participation de commandos français au raid, et son échec, sous peine de le voir publier la liste des neuf soldats français "tués par les lions du djihad au cours de l'opération". Il accorde 24 heures au ministère de la Défense pour obtempérer." Bien entendu jamais de liste du gouvernement français ne paraîtra, et Garroté, proprement ridiculisé, ne fera jamais de mise au point pour avouer qu'il s'était fait mener par le bout du nez par son MEMRI tant aimé. Dans le Figaro, un dénommé "Yossi du Neguev" arborant le logo de Tsahal continuait le travail du MEMRI... en ajoutant "al quaida annonçe avoir exécuté l'otage français dénommé Michel Germaneau !!!". Le "Karim Al-Maghribi" sévissant bien sur le net, mais à cette adresse... si Garotté avait seulement tapé son pseudo, il aurait vite compris que l'on manipulait encore une fois une menace islamiste virtuelle.
Pendant que l'ineffable Garroté se fait pour la énième fois manipuler par ceux qui voulaient l'emmener sur ses propres territoires haineuses, on commence (enfin) savoir ce qui s'est passé. Grâce à l'entrepreneur en bâtiment qui s'était occupé de la piste d'atterrissage, qui a enfin parlé, mais grâce aussi à d'autres documents : des bandes enregistrées issues de la tour de contrôle de Gao.... "Par ailleurs, l’enregistrement sonore des conversations entre le Français Eric Vernay et la tour de contrôle ne laisserait aucune place au doute quant à sa présumée implication active dans le dossier. M. Vernay était certainement le point focal de la terrible camorra. Il avait certainement recouru aux services de deux autres Cargo Cessna Caravan immatriculés en Guinée Bissau dans les mêmes conditions que le cargo de la cocaïne. Mal lui en a pris, car les services secrets maliens ont réussi à immobiliser les appareils d’appui logistique destinés au déchargement. Un détail important attire l’attention : tous ces cargos appartiennent à la même société A.A.A (African Aéro Air Service) et travaillaient au compte de « Go Voyage ». Qui avait ou prévenir les Guinéens qui eux-mêmes avaient prévenus les sénégalais ? On l'a vu, tout simplement le zèle d'un gendarme... et non les français ! Ces fameux Cessna, de l'entrepreneur français, nous y reviendrons également.
En fait, en France, il avait fallu attendre l'excellent article du 24 novembre 2009 du correspondant de RFI, mis à jour le 14 décembre, pour avoir une vue claire de ce qui s'était passé. Un article qui ne demande plus qu'a être complété aujourd'hui, grâce à Frédéric Couteau, toujours de RFI, le 5 janvier 2011, avec ce qu'on a appris entre temps. Tout de suite, à sa lecture, on avait eu le sentiment qu'on avait affaire à un "coup énorme", mettant en cause pas mal de personnes et de complicités. « C’est un dossier chaud, qui va faire des vagues, je ne dirai pas plus, attendez-vous, dans plusieurs jours, à un communiqué », prévient de son côté, un diplomate en poste à Bamako" avait déjà noté Serge Daniel, en précisant que "c’est de Dakar, tout juste après la presse malienne, qu’un diplomate onusien donnera des détails : « L’avion viendrait du Venezuela, il aurait déchargé de la cocaïne et autres produits illicites dans le nord du Mali, et il se serait écrasé au décollage ». De Dakar, déjà, où enquêtait visisblement le représentant de l'ONU, déjà au fait de renseignements sur l'affaire en cours ! Un Couteau qui notait surtout l'apparente inertie du pouvoir malien : "notons enfin que dans son éditorial daté de ce jour, Le Républicain revient une nouvelle fois sur l’affaire du Boeing de la drogue, avec de nouveaux éléments, émanant toujours du site WikiLeaks, des éléments qui tendraient encore à prouver que l’aviation civile malienne avait été prévenue, notamment par le Nigeria et les Etats-Unis, des rotations de ce Boeing entre la Colombie et le Mali. Mais qu’elle n’avait rien fait, en l’absence d’ordre formel de sa hiérarchie, c’est-à-dire l’Etat malien. L’ordre d’enquêter étant tombé finalement trois semaines après la découverte de la carcasse de l’appareil…" Un des commentateurs du 24 novembre 2009 note : "le sahara suscite un grand interet pour les américains et les européens ces derniers temps et je ne sais pas pour quelles raisons.Mais ce qui est sûr le circuit du Mali n'est pas le plus facile pour amener la marchandises à de bonnes fins en Europe. Il y a lieu d'approfondir la recherche". Ce qui laisse entrevoir en effet toute une organisation, pour remonter ce lot effarant de drogue vers l'Europe : le Maroc semblent la destination finale africaine, avant l'arrivée dans cette Europe.
Car Serge Daniel nous en avait déjà donné beaucoup de renseignements, dès cet article extrémement complet, avec notamment la présence sur place d'un Piper Comanche de repérage. "Pour reconstituer les faits, il faut remonter au 15, voire au 16 octobre 2009. Un PA32, petit coucou d’une dizaine de places, ronronne dans le ciel du désert. La tour de contrôle de Gao repère rapidement l’appareil. Il se dit en « détresse », et « se débrouille » pour atterrir sur une piste de fortune. L’avion était, en fait, en repérage". Un Piper que l'on pourrait à un appareil vu ses dernières années dans la région et immatriculé F-BCJJ (nous reviendrons plus loin en détail sur son cas, lui aussi très paticulier). Mais qui pourrait aussi être un PA30 "Twin Comanche", plutôt, appartenant à Vernay, comme nous allons le voir plus en avant, un appareil acheté à la hâte pour la raison que ses autres avions étaient déjà interdits de vol..
En tout cas, le premier reportage consistant sur le Boeing effectué par le reporter de RFI nous avait déjà trouvé un "préparareur de piste", celui-là même aujourd'hui inculpé. "Début novembre, cinq véhicules 4X4 s’enfoncent dans le désert malien. Nous sommes à plus de 200 kilomètres au nord de Gao. Une route solide sur laquelle on peut faire un bout de rallye a été sommairement aménagée. Des cailloux bordent cette « piste » de moins de 1 500 mètres. L’ingénieur en chef de l’ouvrage est connu. Il revient à peine d’un voyage en Mauritanie. « Demandez-lui de vous trouver une centaine de crocodiles dans le désert où il n’y a pas d’eau, il le fera », explique un fin connaisseur du nord du Mali. Celui-là, on possède son nom désormais : Mohamed Ould Awenat, dont les finances déclinantes avaient fait un bond soudain.... avec les préparations de pistes d'atterrissage en plein désert. L'homme est désormais sous les verrous.
Des gens l'avaient vu arriver, pourtant, ce Boeing : "Le soleil éclaire paresseusement la zone. Un avion, sans pavillon déterminé, d’un blanc sale descend dangereusement, comme s’il allait s’écraser, au milieu de nulle part. Mais en réalité, il se pose sur « la piste ». Jeu d’enfant. Là, les versions divergent. En deux heures selon une source, des colis sont transbordés dans les véhicules 4X4 pré-positionnés. A la fin de l’opération, le feu est mis à l’appareil. Deuxième version : au départ, la stratégie aurait été de larguer d’abord « la marchandise » et d’atterrir ensuite. Si cette option n’a pas fonctionné, c’est que l’appareil n’aurait pas eu assez de fuel pour « faire son numéro » dans le ciel malien." "D'un blanc sale" : ce ne serait donc pas celui que j'avais déterminé, chose qui devient évidente avec un autre cliché surpris en décembre 2009 (et cet autre datant du 5 mars 2011) au même endroit où j'avais déterminé l'appareil : au Caire, encore plus couvert de sable...C'est donc la piste de Bahrain qu'il fallait suivre, et celle des avions qu' Eric Vernay avait effectivement acheté au Bahrain. En deux exemplaires, donc, dont un "destroyed", comme expliqué hier également.
"Par ailleurs, des documents rédigés par une source indépendante affirment que le terminus de l’avion était bel et bien le Mali. N’aurait-il pas alors déchargé tout ou partie de sa précieuse marchandise dans un autre pays avant l’ultime étape du Mali ? En tout cas, la même source signale que des bidons d’essence auraient été découverts à proximité de l’avion calciné. Le document relève aussi que les véhicules signalés sur place auraient été immatriculés au Niger. Ils auraient été chargés de la marchandise en toute quiétude, car la piste d’atterrissage de fortune est située entre deux dunes de sable. C’est aussi en toute quiétude que les pilotes de l’appareil seraient repartis de l’aéroport d’un pays de la sous-région." Des pilotes qui seront annoncés comme n'étant pas africains, comme nous allons le voir, mais des habitués des pistes africaines venus d'Europe... (et même certains habitués des caméras !) comme nous le verrons. Et des bidons éparpillés, le scénario déjà vu moult fois autour des avions de taille inférieure ayant atterrit sur les côtes africaines en invasion de sauterelles à cocaïne. En Afrique comme à Belize, le procédé est le même.
En tout cas, le manège étrange du gros porteur au dessus du désert avait eu des témoins sur place : "C’est un jeune commerçant arabe qui appelle au secours de son appareil Turaya (téléphone satellite qui pullule dans le désert, comme ailleurs les téléphones portables). Un petit groupe d’habitants accoure, stupéfait. Gao, le chef lieu de la région administrative du même nom est informé. Les premiers officiels maliens qui débarquent sur les lieux, sont des éléments des services de renseignements maliens, la fameuse Sécurité d’Etat, dirigée par Mamy Coulibaly, un colonel plutôt rigoureux." Rigoureux ? en mars 2011, où décidément les informations se sont bousculées, il a été limogé par le président ATT : il venait de laisser échapper l'auteur de l'attentat contre l'ambassade de France, Béchir Sinoun qui avait tenté, le 5 janvier 2010, d'y faire exploser une bonbonne de gaz : on possède bien là la confirmation d'un étonnant laxisme chez les militaires maliens (une cavale de peu de jours pour Sinoun, capturé à Gao à nouveau dès le 2 février). La haute hiérarchie militaire du pays aurait-elle versé façon Guinée Bissau, rongée par les rivalités issus du commerce de la coke ? Les faits penchent pour la chose !
Nous sommes alors le 16 ou le 17 octobre, et l'avion à ce moment là, vient tout juste d'être incendié, et ce sont les hommes de Coulibaly qui, justement, sont les premiers relevés. "Le corps de l’appareil est toujours chaud. Il sent le brûlé. La Sécurité d’Etat relève des références de l’avion. Un gros carnet à moitié brûlé aurait également été retrouvé sur place. Ces documents distribués à des chancelleries ici à Bamako parlent : l’avion est immatriculé en Amérique du sud. Mais un pays africain, important pétrolier, pourrait avoir été le premier propriétaire de l’appareil, avant de le vendre ou de le céder à un tiers." Le pays "masqué" est donc bien l'émirat de Bahhrain d'où venaient les avions de Vernay, et la maîtrise d'œuvre de l'opération désigne clairement le Sénégal et non le Mali. Voilà donc qui nécessite, pour la résolution de l'affaire, un intense ballet diplomatique, puisqu'au moins deux pays sont mêlés à l'histoire (et trois avec la Guinée Bissau où Vernay enregistrait ses appareils) !
On en apprenait quelques jours après un peu plus encore : "quelques jours après, (ATT, le président du Mali ) reçoit les premiers éléments. En fait, un résumé de tous les éléments fournis par diplomates, services de sécurité, experts maliens et étrangers. Ainsi, on apprend que l’appareil est un Boeing 727. Le terminus de ce triréacteur était le désert malien. Exit donc l’information de départ selon laquelle l’appareil s’est crashé en voulant repartir, une fois son ventre vidé. « C’est simple ! Vous achetez une bouteille de Coca Cola. Quand vous buvez le liquide, vous jetez la bouteille », explique un connaisseur. Puis d’autres renchérissent en expliquant qu’il s’agissait d’un avion « cimetière », d’un « avion jetable », tel un objet dont on se débarrasse après usage. Et, c’est en guise de funérailles, qu’il a été brûlé. Par ailleurs un expert en aéronautique explique que, techniquement, l’avion ne pouvait pas redécoller, puisqu’il n’avait plus de kérosène". Le coup du réservoir souple, ou même de simples bidons reliés entre eux comme pour les petits porteurs vus jusqu'ici, permettait la traversée, mais pas plus en effet ! Un autre lecteur très averti des choses de l'aviation m'en avait fait aussi la remarque ici-même..
Et comme visiblement le président malien ne comprend pas ce qui s'est passé, il demande l'aide internationale en assistance : "Pour faire avancer l’enquête, l’aide des Etats-Unis sera précieuse. Les faits ont coïncidé avec l’arrivée dans la région de Gao, d’instructeurs américains chargés de former les soldats maliens dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.« Ils (les américains) sont venus comme d’habitude avec leurs appareils sophistiqués, et ils étaient en rapport avec leur base. Je crois que depuis quatre jours, ils ont de nouveaux éléments précis sur l’affaire », ose une source malienne. Les Américains, les Européens, mais aussi les Libyens, sont sur les dents. Tripoli a dépêché une équipe de sept personnes, dont un pilote de chasse sur les lieux de l’épave. L’enjeu est connu : la drogue qui passe par le désert commun à plusieurs pays, est une bombe qui peut détruire toute la région." Bref, à en croire Daniel, beaucoup de monde sait pertinemment d'où venait l'avion... les USA, la France et la Lybie ! Des USA, qui dénoncent via Wikileaks l'emprise française sur l'enquête, freinée de toutes parts par le Quai d'Orsay et la DGSE ! Qui entraînent tant qu'ils peuvent les médias sur la piste islamiste, alors qu'elle est purement mafieuse, de A à Z !
Le langues locales se déliant, on apprend également qu'il y a eu répétition préalable, et que l'engin n'en n'aurait donc pas été à son coup d'essai : « Ce n’est pas la première fois que la marchandise emprunte ce chemin. C’est plutôt le moyen de transport, qui surprend », analyse Taofik Touré, sociologue malien, et originaire du nord. « Je ne partage pas du tout ce point de vue. Ce qu’il faut dire, c’est que c’est la première fois qu’une affaire de ce type, éclate dans le désert ». « Mais ça n’a pas commencé aujourd’hui, seulement cette fois-ci, l’affaire a éclaté, c’est tout », rétorque une source sécuritaire, originaire d’un pays voisin du Mali, qui insiste sur la bonne collaboration qui existe entre les services de sécurité du Mali et ceux de pays voisins. Profitant de cette distribution de bonnes notes entre services, un agent rajoute de manière catégorique : « Ces derniers mois, il y a eu au moins quatre atterrissages clandestins d’avion dans le désert commun à plusieurs pays de la zone ». Les gros et les petits avions ayant les mêmes envoyeurs et les mêmes commanditaires !
Reste en effet à faire remonter le chargement vers son point de destination final : l'Europe. "Après l’étape malienne, les véhicules lourdement chargés, s’enfoncent dans le désert nigérien. Très peu de personnes rencontrées. Les complicités locales font le reste, en guidant comme un radar, les trafiquants. Ils passent comme une lettre à la poste. Chaque convoi, généralement composé de dix véhicules bourrés de drogue, pénètre soit au Tchad, soit plus généralement sur le territoire libyen. La traversée par le pays du colonel Kadhafi est à la fois facile et difficile. Pour les plus chanceux tout peut bien se passer, sinon c’est la catastrophe. Les services libyens ont un traitement expéditif lorsqu’ils découvrent l’affaire : ils détruisent à l’arme lourde, les véhicules, la drogue et les transporteurs. Bref, lorsque la marchandise franchit le cap du sud de la Libye elle se retrouve en Egypte, dernière étape avant la remontée vers l’Europe. La cargaison de l’avion brûlé au nord du Mali empruntera, selon toute vraisemblance, cet itinéraire. Mais un doute plane sur son transfert. Selon nos dernières informations, les auteurs et complices du coup ne se seraient pas entendus pour une question de partage de butin. La marchandise serait alors et pour le moment bloquée quelque part entre le Mali et le Niger."
En fait, ce qui intrigue le plus depuis le début, dans cette histoire, c'est bien davantage le comportement des français, à savoir de leurs agents secrets... et de leur Président., qui a dépensé beaucoup d'énergie en la matière : presqu'autant que celle qu'il avait dépensé pour l'affaire de Karachi. Si on revient un peu en arrière, notre ami Nicolas avait déjà eu des relations plutôt glaciales avec les autorités maliennes, avant même de devenir président : le ministre de l'intérieur perpétuellement en campagne électorale s'était en effet invité dans le pays pour soi-disant faire le point sur.... l'immigration, sur laquelle il venait de sortir des phrases à l'emporte pièce dont il a le secret. L'accueil sur place de la part des autorités, et d'Ousmane Issoufi Maiga, Premier ministre malien, avait été.... glacial, et franchement hostile de la part des populationsn dans les rues de Bamako. Bref, le candidat président n'avait laissé un bon souvenir à personne. Aussi quand on apprend, alors qu'il est entre temps devenu Président des français, qu'un ressortissant français a été pris en otage, on se méfie de sa réaction. Ce ressortissant, c'est Michel Germaneau, que le pouvoir élyséen va pour ainsi dire laisser tomber, tout en tenant à l'extérieur le même discours de fermeté que lors du voyage précédent.
Le pauvre Michel Germaneau, qui aimait tant l'Afrique, sérieusement malade, va mourir un peu après spn enlèvement, faute de soins, on le sait aujourd'hui : mais pour redorer le blason d'un pays accusé de l'avoir abandonné, on montrera l'attaque d'un camp de terroristes où il aurait été détenu (or le maire de Tarkint sait où, lui !) dans laquelle l'équipe du COS français serait intervenu. Bref, l'honneur du pays était sauf., comme voulait le signifier avec insistance N. Sarkozy le 25 juillet 2010. Et le COS rodé à un exercice qu'il recommencera un peu plus tard lors de l'affaire des jeunes otages du Niger. A regarder le 4x4 et les impacts autour de la zone de l'attaque, on se dit aujourd'hui que les interventions du COS ne font pas dans la dentelle ; et qu'elles mettent en doute, par leur brutalité, la thèse de la recherche avant tout de l'intégrité des otages. Et le 10 janvier 2011, l'hebdomadaire, qui ne fait que reprendre Secret Défense, lance son pavé dans la mare : "Michel Germaneau, le Français détenu au printemps par AQMI (Al-Qaida au Maghreb islamique), est selon toute vraisemblance mort de maladie, bien avant l'opération militaire franco-mauritanienne du 22 juillet 2010. Il n'a donc pas été éxécuté dans les heures qui ont suivi, comme l'expliquait alors le président Nicolas Sarkozy. Selon de nouvelles informations en notre possession, nous pouvons aujourd'hui reconstituer le fil des événements, alors que l'enlèvement et la mort de deux jeunes Français viennent nous rappeler que le font terroriste du Sahel reste toujours très actif." Nous mentirait-on tout le temps sur ce qui se passe dans le secteur ?
En revanche, changement de décor et d'attitude quand il s'agît de Pierre Camatte (appelé "Karmat" au Mali), c'est la volte-face complète, à l'Elysée : à peine sa prise d'otage connue, le président français est en contact direct avec le président malien, pour négocier auprès des ravisseurs sa sortie : tous le discours inverse du cas précédent ! Une attitude qui va aller loin, car après avoir toujours clamé qu'on ne négociait pas avec les preneurs d'otage (Sarkozy avait commencé sa carrière sécuritaire "grand public" avec une prise d'otages, ne l'oublions jamais !) ; là, tout à coup, on demandait au président du Mali de libérer quatre terroristes, ceux réclamés par les preneurs d'otages ! Ce qui sera fait ! Mieux encore : à peine l'annonce de sa libération faite, Sarkozy fait détourner son avion pour se rendre auprès du libéré et nous servir un show comme il sait le faire. Deux heures à Bamako, où il remercie ATT, et il repart., ayant montré, par forces regards appuyés, qu'il tenait beaucoup à la vie de son ... ressortissant-espion. Venu officieusement s'occuper des "bases arrières de l'Aqmi" comme le dit la presse, presque pas orientée (façon piège à Garroté) et non pour s'occuper du cas d'un Boeing atterri à deux pas de son hôtel de Menaka où il s'est fait prendre par des mafieux locaux qui l'ont revendu à Aqmi. Sarkozy, ennemi juré des terroristes, toujours prêt à prendre la poste d'un Bush européen qui en fait libérer quatre d'un coup pour récupérer un obscur expatrié ayant un projet confus de développer l'armoise là-bas pour soigner les maliens ? Quelque chose cloche, dans ce revirement d'opinion !
Mais au Mali, à Bamako, où est installé Eric Vernay, on l'a vu, début 2010, tout va alors basculer avec l'inculpation du pilote français... A partit de là tout va aller très vite, tout va s'affoler, dans les annonces... qui vont se succéder, jusqu'au coup de marteau final de juin, où le gang responsable de tous le processus va commettre une bévue gigantesque, qui va permettre de remonter jusqu'au cœur du réseau. Et de permettre la découverte de son principal responsable, un chef de gang qui fait tomber des nues.
(*) Un maire qui souhaite faire évoluer sa ville et sa région avec ce plan de développement de Tarkint, évalué à 1 628 100 000 Fcfa "élaboré́ avec l’appui technique et financier de l’USAID-Mali à travers le projet d’appui au CSA, le PROMISAM" et signé par le maire en 2005. Avec USAID, le nid d'espions US déguisé en humanitaires.
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