Colonialisme : l’exigence de vérité !
Le passé colonial de la France ressurgit avec force dans le débat politique et public. Un débat passionné qui conduit à de nombreuses contre-vérités. Un lourd héritage pourrait être assumé plus facilement, si ce débat gagnait en raison. Et ainsi pourraient être appréciés à leur juste mesure les méfaits comme les bienfaits du colonialisme.
L’Assemblée nationale vient de rejeter un texte socialiste qui visait à abroger dans la loi du 23 février 2005 la mention sur le "rôle positif de la présence française", notamment "en Afrique du nord". Les parlementaires ont donc résisté a ce faux procès fait à notre République et qui, depuis quelques années, s’amplifie. Faux procès mené par le lobby des "indigènes de la République" pour qui les inégalités, les discriminations, leur prétendu statut de citoyen de seconde zone seraient la conséquence directe, les séquelles même, de la colonisation. Approche tronquée de notre histoire, et celle du colonialisme, en particulier.
Cependant, s’appuyer sur une loi est mal venu. Comme l’écrit Max Gallo dans un article « Colonisation, la tentation de la pénitence » publié dans les colonnes du quotidien Le Figaro [édition du 30 novembre 2005] : « Pour l’historien, il n’est pas admissible que la représentation nationale dicte « l’histoire correcte, celle qui doit être enseignée ». Trop de lois déjà - bien intentionnées - ont caractérisé tel ou tel événement historique. Et ce sont les tribunaux qui tranchent. Le juge est ainsi conduit à dire l’histoire en fonction de la loi. Mais l’historien, lui, a pour mission de dire l’histoire en fonction des faits. ».
Indéniablement, le colonialisme a eu des effets dévastateurs, à la fois humains, culturels, économiques et écologiques. Il est incontestable que les colonisateurs ont pillé sans vergogne, et autant qu’ils le pouvaient, et aussi vite qu’ils le pouvaient, sachant qu’un jour prendrait fin cette ère de docilité des peuples et de bas prix des ressources. Il est incontestable que les colonisateurs se sont livrés à l’esclavage et à des traitements inhumains à grande échelle des populations locales, à la seule fin de réaliser leurs desseins économiques et industriels nationaux. Peu leur importait que les populations croupissent dans l’extrême misère, tant que leur bonheur et leur progrès social étaient assurés, tel était l’essentiel. Il est incontestable que la fin justifiait tous les moyens. Exploitation des populations, destruction de leur culture et pollution de leur environnement. Autant d’ignominies dénoncées par exemple par Albert Londres, dans son remarquable ouvrage Terre d’Ébène. A cette époque, son récit lui valut des attaques violentes, car il ne faisait pas bon critiquer l’œuvre de l’État colonial. Il y fit face et y répondit courageusement.
Cependant, faire croire, pour autant, par exemple, que l’Afrique était un paradis avant la venue des colonisateurs est une pure chimère, un mensonge délibéré. Faire croire que l’État colonial était le diable incarné, foudroyant des pires fléaux ces peuples purs, sains, touchés par la grâce, c’est travestir une réalité nettement moins angélique. En Afrique, il faut reconnaître que le chaos, la traite des personnes et les guerres tribales battaient leur plein bien avant l’arrivée des puissances coloniales. Des territoires où seule s’exerçait la loi du plus fort. Une loi qui donnait lieu à des guerres et à des affrontements meurtriers sans fin, car chaque vainqueur devait livrer en permanence combat pour défendre son territoire, asseoir son autorité sur les autres, étendre son influence et, surtout, s’accaparer les richesses obtenues par la force. Bref, une histoire faite de sang, de larmes et de cruauté, bien avant l’arrivée des puissances coloniales.
La cupidité, bien souvent la mère nourricière de ces drames humains endurés par les peuples, n’est pas propre à l’homme occidental. Preuve en est ce qui se passe actuellement en République Démocratique du Congo, ex Zaïre, ex Congo Belge. Ses voisins, le Rwanda et l’Ouganda, tels des vautours lors de l’éclatement de la guerre au lendemain de la chute de Mobutu, se sont rués en pâture sur les richesses fabuleuses de ce pays gigantesque. Ils ont pillé allègrement et en toute impunité. Un pillage totalement illégal. Mais a-t-il fait l’objet d’une condamnation par la communauté internationale ? Par les socialistes si prompts à dénoncer le « rôle négatif » de la colonisation française ?
Par ailleurs, dans nombre de pays, les bienfaits de l’action coloniale ne sont pas nuls. Elle s’est, souvent, traduite par la réalisation d’infrastructures (ports, chemin de fer, réseau de routes...) toujours en usage. Un héritage utile, sans conteste ! Ce sont souvent de véritables colonnes vertébrales pour le développement économique et social, car vecteurs de désenclavement de régions isolées. Sans parler de la construction d’écoles et de l’apport de la part de missionnaires d’une éducation réelle pour nombre d’enfants. De là à parler d’œuvre civilisatrice, il faut rester prudent. Bien sûr, la conversion de force et en masse à la foi chrétienne est plus critique, car elle s’est faite souvent en annihilant des cultures, des croyances et des traditions séculaires. Toutefois, de nos jours, les Africains se rendent en masse aux églises. L’ enseignement religieux est intégré et ne souffre plus de contestation de la part des populations locales, en dépit parfois des massacres commis au nom de l’évangélisation des masses « sauvages ». Mais ce n’est pas propre au colonialisme. L’Europe a connu en la matière ses heures noires, comme le massacre de la Saint-Barthélémy ou l’Inquisition.
L’histoire du colonialisme et son implication exigent une approche nuancée et non simpliste, manichéenne. Comme l’écrit Dominique Valès dans son éditorial dans le quotidien La Montagne, « s’en tenir au "rôle positif" de la colonisation, c’est simplifier une réalité beaucoup plus complexe en n’en présentant que l’une des facettes. La France n’a pas à rougir d’avoir eu un empire colonial ». Ce n’est pas en se flagellant que la France parviendra à se réconcilier avec son passé, parfois trouble, avec ses anciennes colonies. Faire croire que le colonialisme est le seul responsable des maux et de l’incapacité à se développer économiquement et à accéder au progrès social, c’est faire preuve de malhonnêteté intellectuelle. Comment expliquer, dans ce cas, cette différence frappante et tangible de développement entre les ex-colonies en Asie du Sud-Est et en Afrique ? Il faudra bien un jour avoir le courage de répondre franchement et sans langue de bois à cette question fondamentale.
Après quarante d’ans d’indépendance, on peut attendre de ces États qu’ils soient mûrs et donc en âge d’assumer pleinement les responsabilités de leur destin. Avoir le sens de l’Histoire pour leur peuple. Voilà probablement une des raisons des échecs d’anciennes colonies. Il est trop facile de réclamer l’indépendance et, ensuite, d’accuser son ancien « tortionnaire » de tous les torts. Les dommages et réparations sont légitimes. Mais pas valables ad vitam aeternam. D’autre part, là ou les pays développés commettent une faute énorme, c’ est dans cette obstination à verser une aide financière massive alors que les résultats sur le terrain ne suivent pas, spécialement en Afrique. La soumission à des objectifs politiques, économiques et sociaux est la clé, et la seule, d’une aide réussie. Quand nos gouvernements comprendront-ils que privilégier la qualité à la quantité est la seule voie gagnante ? Pour nous. Et pour ces pays en demande.
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