Comment expliquer les pénuries et les difficultés économiques au Venezuela ?
Il est évident que la situation économique du Venezuela est catastrophique. Mais au lieu d’accuser trop rapidement un prétendu « socialisme », il est nécessaire d’identifier les facteurs qui ont conduits au marasme actuel, en analysant également le rôle de l’Etat vénézuélien. Avant toute chose, un bref rappel du contexte dans lequel Hugo Chavez est arrivé au pouvoir en 1999 sera fait.
La situation économique avant 1999
En 1989, Carlos Andrés Pérez est élu président de la République du Venezuela et annonce son adhésion au consensus de Washington (dit « neolibéral »).
Au début de la même année les vénézuéliens sortaient massivement dans la rue pour protester, notamment, contre la pauvreté et l’inflation très élevées, la répression a été cruelle et a enregistrée près de 3 000 morts. Cet événement est connu sous le nom de Caracazo. Entre 1990 et 1999 rien ne s’est arrangé, en témoigne les statistiques officielles de l’ONU ; le taux de pauvreté au Venezuela a bondi de 40% à 49,5% alors que le pays est assis sur les plus grandes réserves de pétrole du monde, le pourcentage d’indigents, c’est-à-dire les personnes vivant dans la rue ou dans des bidonvilles avec moins de 1 $ par jour de revenu, passa de 14,6% à 21,7% de la population – compte tenu de l’accroissement démographique entre temps – représente une hausse vertigineuse de quelque 80 % [1], le taux de chômage dépasse 16% en 1999 [2].
Quant à la situation économique, elle se dégrade également, le taux d’inflation oscille entre 80% en 1990, et 110% en 1996 [3], le PIB par habitant déclinait, le secteur non-pétrolier se contractait et à partir de la fin des années 1990 le pays commençait à souffrir d’un fort processus de désindustrialisation… Et sans oublier la crise bancaire intervenue en 1995 qui a affecté une vingtaines de banques et s’est étendue à l’économie.
L’arrivée d’Hugo Chavez
C’est dans ce contexte de désespoir, derrière un programme social-démocrate, que Chavez a accédé à la présidence de l’Etat. Je ne m’étendrais pas sur les actions de Chavez contre la pauvreté, ce n’est pas mon objectif et elles sont suffisamment connues du fait de leurs importances. Mais aujourd’hui les travailleurs qui avaient vu leur niveau de vie augmenter grâce à l’assistanat massif de l’Etat replongent dans la misère, recevant des espoirs d’avenir sans réalité du gouvernement de Maduro.
Dès le début de son mandat la grande bourgeoisie voyait d’un mauvais œil les ambitions de Chavez, sans doute à tort… en avril 2002 l’élite vénézuélienne avec le soutien des USA tente un coup d’Etat et en 2003 a lieu un important sabotage pétrolier de l’opposition qui provoque la récession. Après avoir tenté les moyens explicités et brutaux pour se débarrasser du président, l'élite se lance dans des moyens plus subtils.
Le secteur privé importateur et spéculateur du Venezuela
Au Venezuela, le secteur privé génère environ 3% des devises entrants dans le cadre des exportations, 96% venant du secteur pétrolier et 1% des autres secteurs d’Etat. En 2012 le secteur privé a donc généré 2,7 milliards de dollars de devises par les exportations, dans le même temps le secteur privé importait l’équivalent de 43 milliards de dollars. Il faut donc souligner l’inefficacité radicale du secteur privé vénézuélien, la disproportion entre les devises qu’il génère et les revenus qu’exigent son fonctionnement.
Après le coup d’Etat et le sabotage pétrolier (au cours duquel 28,5 milliards de dollars ont fui le pays), l’Etat a pris le plein contrôle du PDVSA, la principale entreprise pétrolière du pays, et de l’émission des devises en dollars via notamment le CADIVI (Commission de l’administration des devises) afin de juguler la fuite des capitaux. Efficace sur l’immédiat la fuite des capitaux a repris son élan à partir 2004. En effet, le gouvernement a continué à vendre annuellement en moyenne 43 milliards de dollars à la bourgeoisie au prétexte d’importation, ce qui équivaut à 317 milliards de dollars entre 2004 et 2012, vendus au prix préférentiel, alors que sur le marché parallèle il coûtait beaucoup plus plus cher (5 fois en 2012, 9 fois en 2014).
Le Venezuela est le pays d’Amérique Latine qui a subi la plus forte fuite de capitaux dans les années 2000, équivalente à la somme gigantesque de plus de 150 milliards de dollars. A titre de comparaison, ce chiffre correspond à 1,5 fois le plan Marshall (en dollars actualisés de 2000).
La distribution des devises par le gouvernement est devenu le nouveau moyen de la bourgeoisie pour s’approprier des dollars. Selon les calculs de l’économiste vénézuélien Simon Andrés Zuniga, en 2012, sur une rente pétrolière de 59,3 milliards de dollars, le gouvernement vénézuélien a octroyé au secteur privé 36,2 milliards pour les importations. Mais 60% de ce dernier montant, 20 milliards, s’est volatilisé dans des comptes bancaires à l’étranger. Le reste a bien servi aux importations mais ont été surfacturées à l’Etat, par conséquent beaucoup moins de produits ont été importés relativement aux sommes reçus [6]. L’année 2012 cité, loin d’être un cas isolé, est bien représentatif de ces 10 dernières années.
Le motif des importations n’est qu’un prétexte pour s’approprier des dollars, soit pour les placer à l’étranger, soit les revendre sur le marché parallèle (900% de profit selon le taux officieux de 2014…), soit importer de manière avantageuse grâce à un taux de change surévalué, mais pas des machines, des matières premières ou des équipements, mais des produits finis pas cher pour les revendre au Venezuela à un prix nettement plus cher au moyen d’une surfacturation des importations à l’Etat, donc les devises sont consommés plus rapidement sur le papier, par conséquent il y a moins d’importations que prévu avec la somme de devises données, et l’importateur peut ainsi re-demander des devises à l’Etat et ainsi de suite…
Pour l’économiste vénézuélien Manuel Sutherland, qui partage cette analyse : « Le gouvernement a finalement transféré des fortunes au patronat local, qui s’est enrichi comme jamais avec la rente pétrolière. Loin de profiter de la surévaluation du bolivar pour acheter des machines et des équipements, le patronat s’est consacré au cycle : importer des marchandises affinées mais pas chères et les revendre (spéculer) et/ou importer rien du tout, pour s’approprier des dollars US et les revendre sur le marché parallèle beaucoup plus cher. [7] »
Sutherland a pris l’exemple des produits pharmaceutiques, dont leurs importations ont incroyablement augmentés de 1 358% au cours des années 2004-2012 ! L’économiste cite trois facteurs (communs à toute l’économie) qui ont conduits à cette lamentable situation ; la délocalisation d’une partie des usines médicinales, l’appropriation de dollars du CADIVI et la revente sur le marché noir en dégageant des profits très juteux, et le gonflement artificiel des coûts d’importation pour revendre plus cher, éviter les impôts et finalement importer moins par rapport aux devises initiales distribuées et en demander encore.
Par exemple en décembre 2013 un scandale a éclaté à propos d’un trafic avéré de voitures nord-américaines ; des entreprises vénézuéliennes achetaient des voitures nord-américaines et les revendaient 2 à 4 fois plus cher sur le marché noir.
Les énormes profits au Venezuela sont désormais courants grâce à la misère productive dans laquelle la bourgeoisie a plongé le pays et en tenant l’Etat chaviste à sa remorque. Cette bourgeoisie commerciale s’enrichit grâce à une spéculation massive. Elle importe les produits à taux normal pour les revendre à taux plein aux Vénézuéliens victimes des pénuries. Contrairement aux idées reçues, une fois de plus, le Venezuela est le pays d’Amérique Latine avec le plus de millionnaires.
Finalement, entre 2003 et 2012 les importations privées ont augmenté de 454% tandis que les exportations ont progressé de 257% sur la même période. Quant aux importations publiques, elles ont bondis de 896% ! Pour un gouvernement qui se prétend patriote et socialiste, la scandaleuse augmentation de importations montre qu’un plan pour remplacer les importations par la production nationale semble lointaine. L’importation n’a pas donné lieu à une augmentation du poids de l’industrie manufacturière dans le PIB, ce qui aurait pu permettre au Venezuela d’imaginer un avenir dont les revenus ne dépendent pas exclusivement de l’or noir. Le Venezuela est en effet dans un processus de désindustrialisation inquiétant, en 2005 l’activité industrielle hors-pétrole représentait 16,7% du PIB, contre 13,2% en 2013. Une « construction du socialisme » en se désindustrialisant, une première dans l’Histoire !
Pour le sociologue et politologue Heinz Dieterich, inventeur du concept de « socialisme du XXI° siècle » (la référence de Chavez), le seul contrôle de change est incompatible à terme avec la confrontation avec les groupes dominants, et Chavez a préféré acheter la paix interne en laissant collaborer la classe économique dominante avec la classe politique « bolivarienne », qu’on appelle bo-bo (boli-bourgeoisie) au Venezuela. Cette alliance, dit-il, a malheureusement été cachée au peuple derrière un discours fantaisiste de socialisme chrétien et bolivarien, et une large machine de propagande.
La peur des nationalisations et le contrôle des prix qui imposait parfois aux capitalistes de « produire à perte » a découragé la production qui a fait une grève de l’investissement, et les grands programmes sociaux qui ont fait augmenter la demande nationale alors que l’offre capitaliste n’a pas suivie a provoqué l’inflation et la distribution de devises aux capitalistes afin qu’ils importent pour répondre à la nouvelle demande. Chavez a fait preuve d’une naïveté épique, en pensant que les capitalistes allaient gentillement collaborer et sur-estimant la capacité du pétrole à maintenir le pays stable.
En règle générale le contrôle des prix s’accompagnent toujours d’une planification économique car c’est à l’Etat qu’il incombe de guider la production avec pour variable d’ajustement la quantité. Le gouvernement vénézuélien a pratiqué un certain contrôle des prix sans planifier la production nationale, là encore, c’est le manque de socialisme qui entre en jeu.
En effet dans la pratique, après 15 ans de « révolution bolivarienne », toujours rien ne rapproche le Venezuela du socialisme, la part du secteur privé est resté plus ou moins la même depuis 1999. Chavez appelait même les capitalistes à participer à la construction de son modèle, « nous allons nous allier… Mettons-nous corps et âme au développement du pays », « nous avons besoin de vous [les capitalistes] et vous de nous » [8] disait-il.
Le Venezuela est devenu extrêmement dépendant du marché international alors que le pays a largement les moyens d’être auto-suffisant grâce aux revenus du pétrole. Ainsi l’« anti-impérialisme » autoproclamé de Chavez n’est que de façade. Dans les faits le principal fournisseur du Venezuela est les Etats-Unis, qui est également le premier client du Venezuela. Les exportations hors pétrole, qui étaient de 35% du PIB dans les années 90 sont tombé à quelques points en 2012, le Venezuela importe la plupart de ce qui est consommé [9].
La bourgeoisie vénézuélienne est beaucoup plus libre que ce que l’on peut croire à première vue, ajoutons que le taux d’imposition sur les bénéfices du capital a été réduit de 55% à 34% et le secteur bancaire ne paye que 5% d’impôts sur les bénéfices au Venezuela [10]…
Les pénuries et l’inflation
Le gouvernement a beaucoup accusé les entrepreneurs de cacher volontairement une partie de leurs produits afin de créer un climat de plainte et de raz-le-bol, cette position, comme nous le verrons, est partiellement vrai, mais a en réalité une responsabilité minime dans la situation sociale et économique du Venezuela.
En février 2009, l’Indepabis (Intitut national pour la défense de l’accès aux biens et services) révélait que le fameux Polar, le plus grand producteur alimentaire du Venezuela, fonctionnait à la moitié de sa capacité et qu’il ajoutait de l’arôme artificiel dans 90% de sa production de riz pour échapper au contrôle des prix. L’esprit de sabotage était déjà présent. Le gouvernement a inspecté et co-géré l’entreprise pendant plusieurs mois pour tenter de remettre la production à l’endroit [11].
Le 1er mars 2009, inattendu, le responsable de Polar pour les opérations, Jesús Carmona, admettait lors d’une conférence de presse les accusations de Indepabis : usine fonctionnant à capacité partielle et 90% de production artificielle pour le riz, mais se justifie en prétendant que le riz manquait sur le marché et pour des questions de coût concernant le deuxième cas. Mais Indepabis avait trouvait 16 000 tonnes de riz emballés non-modifiés dans l’usine, ce qui était largement suffisant pour assurer un fonctionnement temporel optimal pendant deux mois, et le ministre de l’Agriculture montrait qu’il y avait 300 000 tonnes de riz sur le marché alors que la demande nationale annuelle était de 90 000 tonnes… Pour ce qui est du deuxième cas, il est évident que l’objectif est de contourner le contrôle des prix du riz.
Un commissariat de police dans l’Etat de Zulia (Venezuela), le 17 octobre 2013. Les autorités vénézuéliennes saisissent régulièrement des biens dans des dépôts clandestins ou autres, qui ne sont pas destinés à être vendus afin de provoquer le mécontentement général
Saisi de 80 tonnes d’aliments et divers biens le 15 mai 2013 à Maracaibo (Venezuela)
Mais il est à noter que, contrairement aux déclarations du gouvernement ne voulant pas avoir à faire à la bourgeoisie compradore, seule une petite partie des pénuries sont causées par ces méthodes, l’essentiel venant des phénomènes décrits plus haut. Le Venezuela montre que le capitalisme ne peut être réformé et que toute « troisième voie » est impossible, comme le disait l’écrivain marxiste-léniniste français Vincent Gouysse : « La conception marxiste des sociétés humaines nous apprend que la base matérielle économique d’une société détermine sa superstructure idéologique, juridique et politique. On ne saurait donc très longtemps écarter de l’exercice du pouvoir politique une classe sociale qui détient le pouvoir économique et qui joue un rôle social majeur » (Vincent Gouysse, Impérialisme et anti-impérialisme, 2007).
Des « marchands ambulants » profitent aussi de la situation en raflant tout dans les magasins très tôt le matin et les revendent beaucoup plus cher dans la rue [16], ce qui contribue également à aggraver l’inflation et les photos de rayons vides. C’est pour cette raison, du moins officiellement, que le gouvernement a mis en place une « carte d’approvisionnement assuré » (qui n’est pas obligatoire) depuis le mois d’avril, il s’agit de « lutter contre la contrebande et la spéculation » en limitant le nombre d’achats par personne.
Le contrôle du change en place depuis 10 ans a alimenté un marché noir des devises, aujourd’hui un immense fossé sépare le taux de change officiel du taux officieux.
De ce fait beaucoup de commerçants fixent leur prix selon le taux de change officieux, qui est 9 fois plus élevé que l’officiel aujourd’hui. En effet le journal Le Figaro du 5 décembre 2013, pourtant peu soupçonnable de chavisme écrit : « Personne ne nie que certains commerçants aient exagéré leurs prix, en les fixant par rapport au taux de change officieux et non officiel. Les inspections ont ainsi relevé des marges de plus de 1 000 %. Même le président du syndicat patronal Fedecamaras, Jorge Roig, admet que « des commerçants ont abusé ». [12] »
Gregory Wilpert, rédacteur en chef de Venezuelaanalysis, écrit en novembre 2013 : « Le gouffre de plus en plus profond entre le taux de change officiel et son pendant sur le terrain cause de lourds dégâts dans la société. Il n’est pas rare que les produits subventionnés par l’Etat — principalement des denrées alimentaires — atterrissent en contrebande dans les pays voisins. Les habitants des zones frontalières voient régulièrement défiler des camions remplis de lait, d’huile ou de riz qui vont décharger leur cargaison en Colombie, au Brésil ou au Guyana. Les douaniers ferment les yeux. Entre le prix de ces denrées au Venezuela et les tarifs auxquels elles se négocient de l’autre côté de la frontière, la marge est confortable, et permet aux trafiquants de s’assurer la bienveillance des fonctionnaires. Et tant pis si les pénuries redoublent à l’intérieur du pays. »
Les remèdes
L’« expérience » vénézuélienne nous montre qu’on ne peut pas réformer le capitalisme. En 15 ans on voit bien que la « révolution bolivarienne » n’a aucune ambition de construire une société socialiste, il s’agit toujours du même polissage illusoire du capitalisme.
Selon l’économiste vénézuélien Nadesda Muñoz, au vu des sommes consacrées aux importations alimentaires, il ne devrait pas y avoir de pénuries, ou du moins pas autant. La tragédie est que ces importations ne parviennent pas aux étagères, n’existent pas, sont détournées ou sont totalement frauduleuses. La production agricole, fragmenté en milliers de petits capitalistes, a en effet gravement décliné, ses exportations ont chuté de quelque 90% entre 1999 et 2012. C’est pour cette raison que l’économiste préconise la création de ce qu’il appelle le CENAGRO, organisme d’Etat chargé de centraliser une grande partie de la production agricole et le processus agro-industriel afin de permettre son développement harmonieux et d’y investir d’importantes sommes couplé d’une haute technologie dans le but d’atteindre l’auto-suffisance alimentaire (planification).
Pour Sutherland la première chose à faire « pour arrêter l’hémorragie de devises et la dramatique spirale dévaluation-inflation » est de créer un Centre étatique unique des importations (CEUI) , « qui arrachera le réflexe de spéculation à la bourgeoisie spéculatrice-importatrice. Le gouvernement, avec son contrôle des changes et l’allocation de devises préférentielles (à un prix 5 fois inférieur au marché parallèle) a crée un mécanisme fabuleux pour transférer la rente pétrolière à la bourgeoisie : l’importation de biens avec un taux de change surévalué et sa revente à un prix de monopole. Avec ce mécanisme, les bourgeois ont amassés d’énormes fortunes tandis que le pays a été plongé dans la misère productive. »
Que Maduro ait crée un Centre national du commerce extérieur en novembre 2013 est, pour le Parti communiste du Venezuela (PCV), un bon début qui va dans le bon sens, mais ne constitue pas encore une nationalisation du commerce extérieure. La proposition du PCV, qui touche le fond du problème est la suivante :
« la centralisation par l’État des achats nationaux dont a besoin le pays sur la base d’une hiérarchisation et de priorités pour le développement national, et vendus en bolivar au secteur privé national ».
« Pas un dollar à la bourgeoisie ! » est devenu un slogan au PCV, ce dernier demande également la mise en place d’un plan national d’industrialisation (planification de la production), la nationalisation immédiate du secteur financier et des grandes entreprises, et un impôt fortement progressif couplé de la suppression de la TVA.
« Nous ne pouvons pas suivre une politique économique dont le fondement est de remettre des devises dans les poches pleines des couches spéculatrices et du commerce importateur », a expliqué Pedro Eusse, secrétaire syndical du PCV, ajoutant que cela ne génère aucun développement productif, mais maintient le pays dans un retard de développement et met à mal les finances publiques.
La comparaison avec l’économie vénézuélienne est intéressante. En 1917 la situation de la Russie était comparable dans le sens ou l’état économique était catastrophique et l’objectif des nouveaux dirigeants était d’industrialiser le pays (« Le communisme c’est le pouvoir aux soviets plus l’électrification de tout le pays » (en tant que base pour l’industrialisation) disait Lénine), encore assez féodal, afin d’être indépendant du monde capitaliste menaçant et agressif et construire le socialisme. Comment Staline s’en est-il pris ? Par trois moyens ; par la collectivisation des terres puis la mise en service de ses revenus pour l’industrialisation du pays, deuxièmement en utilisant le moindre excédent du produit du travail industriel dans les investissements productifs et le plus important : le développement prioritaire de l’industrie lourde (industrie mécanique, sidérurgie, production des moyens de production…) qui a permis de mécaniser rapidement l’agriculture et de répandre le progrès technique dans l’industrie, c’était certes réduire la production de biens de consommation à court termes mais c’est l’accroître largement à moyen-long termes. Et ça a marché, sur le graphique ci-dessous on voit que l’URSS atteint des sommets dans les années 1930. Si le Venezuela aurait suivi cette voie dès l’arrivée du PSUV au pouvoir le Venezuela n’en serait évidemment pas là.
« La tâche consistait à faire passer ce pays de la sombre voie médiévale dans la voie de l’industrie moderne et de l’agriculture mécanisée. Tâche sérieuse et difficile, comme vous le voyez. La question se posait ainsi : ou bien nous accomplirons cette tâche dans le plus bref délai et affermirons le socialisme dans notre pays, ou bien nous ne l’accomplirons pas, et alors notre pays, techniquement faible et arriéré au point de vue culturel, perdra son indépendance et deviendra l’enjeu des puissances impérialistes […] Pour cela, il fallait s’imposer des sacrifices et réaliser en toute chose la plus stricte économie ; il fallait économiser et sur l’alimentation, et sur les écoles, et sur les tissus, pour accumuler les fonds nécessaires à la création de l’industrie. Point d’autre voie pour remédier à la pénurie technique […]
Evidemment, les trois milliards de roubles, en devises étrangères, que nous avons amassés grâce à une économie des plus rigoureuses, et dépensés pour créer notre industrie, nous aurions pu les employer à importer des matières premières et à augmenter la fabrication des articles de grande consommation. C’est aussi un « plan » dans son genre. Mais, avec un tel « plan », nous n’aurions ni métallurgie, ni constructions mécaniques, ni tracteurs et automobiles, ni avions et tanks. Nous nous serions trouvés désarmés devant les ennemis du dehors. Nous aurions sapé les fondements du socialisme dans notre pays. Nous nous serions trouvés prisonniers de la bourgeoisie intérieure et extérieure.
Evidemment, il fallait choisir entre les deux plans : entre le plan de retraite [freiner, voir arrêter l’industrialisation], qui menait et devait forcément aboutir à la défaite du socialisme, et le plan d’offensive, qui menait et, comme vous le savez, a déjà abouti à la victoire du socialisme dans notre pays. Nous avons choisi le plan d’offensive et nous sommes allés de l’avant dans la voie léniniste, en refoulant ces camarades qui ne voyaient pas plus loin que leur nez, et qui fermaient les yeux sur le proche avenir de notre pays, sur l’avenir du socialisme chez nous. » [13]
Au Venezuela, alors qu’il y a d’immenses réserves de pétrole, le gouvernement hésite toujours à s’engager dans la bonne voie, celle de l’industrialisation socialiste et de prospérité nationale afin de dépasser la décadence capitaliste, en mai 2014 la compagnie pétrolière publique PDVSA annonce qu’elle émet pour 5 milliards de dollars d’obligations, l’essentiel va être destiné, encore une fois, aux programmes sociaux et non à la production. Le Venezuela s’effondre et l’Etat chaviste se contente de contempler.
Nous voyons donc nettement que contrairement à la logorrhée capitaliste libéral, ce n’est pas un soi-disant « socialisme » qui a produit cette catastrophe économique, mais bien son absence total. Un véritable gouvernement socialiste aurait nationalisé l’ensemble des moyens de production et aurait planifié le développement économique. C’est un système économique contre un autre, celui qui n’a toujours pas été bousculé au Venezuela et qui en train de ruiner le pays.
Et on le voit, le fait que Chavez soit un grand admirateur et lecteur de Trotski et que Maduro disait comme lui que le « socialisme dans un seul pays est impossible » signifie pour le Venezuela « socialisme dans aucun pays » et ruine capitaliste !
Pour aller plus loin :
http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/article-la-nationalisation-du-commerce-exterieur-au-venezuela-une-reponse-aux-manoeuvres-destabilisatrices-d-119184271.html – http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/article-la-revolution-bolivarienne-en-peril-comment-la-bourgeoisie-commerciale-parasitaire-peut-elle-faire-122566146.html – http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/WILPERT/49805 – http://www.alemcifo.org/uploads/3/2/3/7/3237202/art._final_devaluacin_editado_2013_juan-manuel.pdf – http://www.aporrea.org/autores/SAZ
Notes :
[1] : http://www.upr.fr/actualite/monde/le-venezuela-avant-et-apres-hugo-chavez
Pour toutes les données citées :http://www.eclac.cl/publicaciones/xml/4/7924/Capitulo_I_2001.pdf, tableau page 12
[2] : http://www.tradingeconomics.com/charts/venezuela-unemployment-rate.png?s=vnuemthy&d1=19990101&d2=20091231
[3] : http://www.tradingeconomics.com/charts/venezuela-inflation-cpi.png?s=vnvpiyoy&d1=19890101&d2=19971231
[4] : https://www.youtube.com/watch?v=kq_NjLc1s2M ethttp://www.voltairenet.org/article132461.html
[5] : http://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SI.POV.NAHC/countries/VE?display=graph
[6] : http://www.mondialisation.ca/comment-la-droite-venezuelienne-accapare-la-rente-petroliere/5360032
[7] : Aumento del 894% en importación estatal, caída en las reservas y estatización del Comercio Exterior, 1/10/2013, Apporea,http://www.aporrea.org/actualidad/a174465.html
[8] : http://communisme-ouvrier.info/?Chavez-appelle-les-capitalistes-a
[9] : http://www.lemoci.com/011-48080-Presentation-generale-Venezuela.html
[10] : http://solidarite-internationale-pcf.over-blog.net/article-lutte-du-gouvernement-venezuelien-contre-la-speculation-les-communistes-pointent-des-avancees-m-121076070.html
[11] : James Suggett, « Venezuelan Government Takes Control of Rice Plants that Evade Regulated Prices » sur venezuelanalysis.com, 2 mars 2009
[12] : http://www.lefigaro.fr/international/2013/12/04/01003-20131204ARTFIG00529-le-pouvoir-venezuelien-en-guerre-contre-la-bourgeoisie-parasite.php
[13] : Staline, Discours du 4 mai 1935 au Palais du Kremlin
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