Comment vaincre Macron et son monde ?
Personne ne peut prétendre avoir une stratégie, au sens d’une feuille de route qu’il suffirait d’appliquer scrupuleusement pour parvenir à la victoire du mouvement social. Mais cela ne doit pas nous empêcher de réfléchir à nos objectifs et aux moyens pour y parvenir.
Information préliminaire : le dessin illustrant cet article est dû à un dessinateur talentueux que j'ai découvert récemment : Mykolas. Pour plus d'informations, cf. sa page Facebook ou son site web :
https://www.facebook.com/mykolas.dessinateur
Pas de stratégie a priori
Pour vaincre Macron et son monde, suffit-il de mettre en œuvre une méthode prédéfinie ?
Cette idée me paraît fausse pour deux raisons. La première, c’est qu’il est vain de vouloir soumettre la pratique à une théorie, aussi sophistiquée soit-elle : il y a toujours des facteurs que la théorie n’avait pas pris en compte, si bien qu’on ne peut être efficace qu’en modifiant la stratégie au fur et à mesure des événements.
Mais si je rejette cette idée, c’est aussi parce qu’elle est profondément antidémocratique. En effet, un mouvement social ne peut triompher que s’il réussit à fédérer de larges pans de la société. Si cette unité est accomplie, la victoire n’est plus loin. « El pueblo unido jamás será vencido. » En attendant que cette unité se fasse, il est clair que tous les groupes sociaux n’ont pas la même idée sur les objectifs à atteindre ni sur les moyens pour y parvenir. Dès lors, si quelqu’un prétend avoir déjà la solution clé en main, cela veut dire qu’il pense faire partie d’une minorité éclairée qui doit conduire le peuple ignorant sur le chemin de son émancipation. Tel fut le péché originel du marxisme-léninisme (cf. la note à la fin de ce billet).
La fin et les moyens
En écrivant ce billet, je ne prétends donc pas donner une méthode qu’il suffirait d’appliquer scrupuleusement pour parvenir à la victoire du mouvement social. Ce serait prétentieux et antidémocratique. En revanche, rien ne m’interdit de proposer quelques idées générales, forcément discutables et insuffisantes. La première, que j’ai déjà évoquée plus haut, c’est qu’il n’y a pas de séparation entre la fin et les moyens.
Quel est l’objectif des personnes qui se mobilisent actuellement ? Pour une bonne part d’entre elles, le but n’est pas seulement de s’opposer à une loi particulièrement injuste sur le système de retraites. Il s’agit aussi de défendre la démocratie contre la tyrannie de la finance, des élites auto-proclamées, d’un gouvernement liberticide, d’une police brutale et d’un régime politique qui s’apparente de plus en plus à une monarchie absolue. Il s’agit encore de défendre une solidarité sociale déjà très mutilée, et menacée de disparaître par un capitalisme décomplexé et débridé. Le but, au fond, c’est la liberté, l’égalité et la fraternité. On peut voir dans ce mouvement un effort de la société pour s’unifier contre tous les séparatismes qui la menacent, à commencer par le séparatisme des riches, celui dont Macron s’abstient en général de parler. Et cette unification n’est pas fondée sur la désignation de boucs émissaires : personnes étrangères ou perçues comme telles à cause de la couleur de leur peau, de leur religion ou des origines de leur famille, personnes sans emploi, « ultra-gauche », « wokistes », « islamo-gauchistes »… L'unification voulue par l'extrême droite (de Le Pen à Zemmour en passant par Darmanin) ne serait d’ailleurs qu’illusoire : la stigmatisation d’une minorité, loin d’être un facteur d’unité, est l’une des pires formes de séparatisme. L’unité de la société, telle qu’elle est désirée par les acteurs du mouvement social, ne semble pas non plus fondée sur l’autorité d’un chef – qu’il s’appelle Jupiter, Marine, Gérald, Fabien ou autrement – ni sur une militarisation de la société (par l’entremise d’un Service National Universel, par exemple). Pas de fraternité véritable sans liberté ni égalité.
Si mon hypothèse est correcte, si l’objectif consiste à démocratiser la société, à l’unifier sur la base d’une libre association de personnes égales et non par la soumission à des groupes dominants, alors il est facile de comprendre qu’il n’y a pas de séparation entre la fin et les moyens. La libre unification de la société est à la fois le but, mais c’est aussi le moyen : plus nous serons nombreuses et nombreux à nous unir contre la tyrannie, plus nous aurons des chances de gagner.
J’ajouterai que l’unification doit aussi s’effectuer à l’intérieur de nous. Les rapports de domination n’impliquent pas seulement des tensions entre groupes sociaux : ils sont intériorisés par chaque personne. Nous sommes toutes et tous déchirés par des tendances opposées. D’un côté, nous souhaitons être libres et accomplir des objectifs qui nous sont propres, et de l’autre nous avons le sentiment de devoir nous soumettre à des règles arbitraires pour éviter d’être punis par la société et par nos supérieurs hiérarchiques. Et cela vaut même lorsqu’on est privilégié : on est tenu de se plier à des contraintes externes, de tenir son rang, de jouer un rôle conforme à son statut social, à sa couleur de peau ou à son genre. Un homme, par exemple, ne doit pas se montrer trop « féminin » (trop doux, trop sensible, trop empathique….) sous peine d’être dévalorisé, voire violenté. Pour sortir de ces contradictions, je crois que nous devons à la fois changer les structures sociales, par des luttes collectives, mais aussi travailler sur nous-mêmes. La méditation de pleine conscience, que je pratique depuis quelques années, peut être un moyen d’accéder à une certaine sérénité, de faire la paix avec soi-même et de se libérer de l’aliénation sociale. Il serait à mon avis absurde d’opposer les luttes des groupes opprimée à des pratiques plus individuelles, sous prétexte qu’elles sont aujourd’hui l’apanage d’une bourgeoisie égoïste, repliée sur elle-même. Ce serait aussi stupide que de rejeter en bloc la science, la littérature et la philosophie qu’on enseigne dans les lycées et les universités, sous prétexte que ce sont des produits d’une culture bourgeoise ou aristocratique.
Pourquoi la guerre sociale est inévitable
J’ai essayé de montrer que l’unité, la paix, la réconciliation, constituent à la fois le but et le moyen du mouvement social actuel. Et pourtant, ce mouvement s’inscrit dans une sorte de guerre. Il y a là une contradiction, au moins apparente. Comment peut-on prôner à la fois la paix et le conflit, l’unité de la société et la lutte contre une fraction de celle-ci ? Est-il cohérent de dénoncer la stigmatisation des boucs émissaires tout en désignant les « élites » dirigeantes comme des adversaires à combattre ? Il me semble que cette objection n’est pas insurmontable. Les luttes sociales (lutte des classes, luttes féministes ou écologistes, luttes contre le racisme, la transphobie ou l’homophobie….) ne sont qu’une réponse à un système injuste, permettant l’oppression de certaines personnes par des groupes dominants. Elles sont d’abord provoquées par une agression venue d’en-haut. « Macron nous fait la guerre », comme dit une chanson entendue dans des manifestations. Au-delà de Macron, il y a des fractions de la société qui, non contentes de vouloir conserver leurs privilèges, veulent les augmenter sans cesse. Parmi les privilégiés, certaines personnes sont raisonnables, parfois même ralliées à la cause des opprimés. Mais il y a aussi des gens imperméables au dialogue, parce qu’ils sont enfermées dans leurs préjugés, liés par leurs intérêts de classe et intoxiqués par leur addiction à la richesse et au pouvoir. Macron incarne à merveille cette arrogance et cette avidité insensées, mais il est loin d’être un cas isolé, hélas ! Comme l’explique le philosophe et économiste Frédéric Lordon, les caractéristiques psycho-pathologiques de nos dirigeants ne sont pas dues au hasard : elles sont en phase avec un système capitaliste de plus en plus violent et décomplexé. Et ce système politique, social, économique, médiatique, éducatif, en plus de façonner ces caractéristiques psychiques, donne de plus en plus de pouvoir et de richesses à une grande bourgeoisie dont la suffisance croît en raison inverse de sa légitimité déclinante. Face à de telles personnes, face à un tel système, même la CFDT commence à comprendre qu’un combat est nécessaire.
Cela ne veut pas dire que le combat doit seulement cibler une infime minorité, la grande bourgeoisie qui dirige le monde. L’exploitation des travailleurs, qu’elle soit légale ou illégale, existe aussi dans de petites entreprises, dirigées par des patrons qui ne roulent pas tous sur l’or. Le racisme, la stigmatisation des « assistés », le sexisme, l’homophobie ou la transphobie sont des maux qui pourrissent toutes les couches de la société. D’où un problème de taille : comment faire pour rassembler dans un même combat des personnes qui sont à certains égards des adversaires ? On peut très bien être opprimé par la grande bourgeoisie tout en étant sexiste, raciste, ou hostile à l’écologie politique. On peut être à la fois privilégié socialement et opprimé en tant que femme, non-blanc-he, homosexuel-le ou transgenre. « Nous sommes les 99 % », disaient les militants du mouvement Occupy Wall Street. C’était à la fois vrai et faux. Une fraction de ces 99 % avait effectivement le désir et la conscience de former un « nous » avec l’immense majorité de la société, mais cette dernière était divisée par de profondes inégalités économiques, raciales et culturelles. On le voit, la fameuse convergence des luttes n’est pas une partie de plaisir, même si les divisions sociales sont probablement moins profondes en France qu’aux États-Unis.
Convergence des luttes
Comment les luttes peuvent-elles converger ? Il n’y a évidemment pas de recette miracle, sinon ça se saurait. La tâche est d’autant plus difficile que les dirigeants politiques et économiques font tout ce qu’ils peuvent pour diviser les opprimés afin de les affaiblir. D’un autre côté, il ne faut pas non plus surestimer leur pouvoir de nuisance. Macron et ses amis sont devenus tellement impopulaires, ils se sont tellement discrédités par leurs mensonges, leur mépris et leur violence, qu’ils ont réussi sans le vouloir à unir contre eux une grande part de la population.
Par ailleurs, des rapprochements peuvent s’opérer par des rencontres. Pour lutter contre les préjugés et la méfiance qui divisent les groupes sociaux, rien ne peut remplacer des discussions avec des personnes qu’on n’a pas l’habitude de fréquenter. Les manifestations ou les actions militantes (blocages divers, grèves, diffusion de tracts…) peuvent être l’occasion de telles rencontres. Mais, dans une période d’effervescence politique et sociale, il est aussi possible de discuter spontanément avec des inconnus dans la rue, dans des cafés, dans des trains, etc. Tout cela peut contribuer à construire des liens sociaux.
Enfin, la convergence des luttes est une tâche à mener sur le plan intellectuel. Il existe des arguments forts pour justifier l’idée que les opprimés ont tout intérêt à s’unir, dans le respect mutuel, sans qu’aucun groupe ne prétende diriger la lutte sous prétexte que sa cause serait plus essentielle que les autres. La lutte des classes a autant d’importance – ni plus, ni moins – que le féminisme, l’antiracisme ou le mouvement écologiste. Dans la mesure du possible, il s’agit de penser tous ces combats ensemble, afin qu’ils se renforcent mutuellement.
Prenons deux exemples. La lutte contre la domination masculine est le point commun entre les divers mouvements féministes. Elle peut également, me semble-t-il, être reprise à son compte par des mouvements homosexuels ou transgenres, car l’une des causes principales de l’homophobie et de la transphobie est la volonté de préserver un ordre social machiste, où la frontière entre le masculin et le féminin est considérée comme évidente, immuable, « naturelle ». Mais la lutte contre la domination masculine peut également profiter à des hommes opprimés par le système capitaliste. En effet, remettre en question la culture machiste, c’est critiquer l’idée que le désir de domination et les pulsions guerrières seraient des vertus, et des vertus naturelles, propres à une partie de l’humanité (celle qui est pourvue de testicules). Critiquer la domination masculine, cela implique de critiquer la domination tout court : celle qui est subie par les femmes, bien sûr, mais aussi celle que certains hommes (les prétendus « mâles alpha ») font subir à d’autres hommes. Le féminisme ne peut se résumer à l’éloge d’une minorité de « femmes puissantes » : si j’ai bien compris, c’est un combat pour l’avènement d’une société où la coopération et le respect mutuel l’emportent sur la violence et l’oppression. Au fond, n’est-ce pas le souhait de toute personne qui s’oppose à la tyrannie capitaliste ? Réciproquement, le féminisme a tout intérêt à s’intéresser aux rouages du capitalisme, car les femmes sont les premières victimes de l’exploitation économique. Ainsi, la convergence entre le féminisme et la lutte des classes est possible sur le plan intellectuel, mais aussi sur le plan affectif, émotionnel, car le capitalisme et la domination masculine font souffrir tous les opprimés, quel que soit leur genre.
Un deuxième exemple, c’est celui de la convergence entre les mouvements écologistes et la lutte des classes. Là encore, tout le monde a intérêt à articuler ces deux combats. Les travailleurs des classes populaires sont souvent les premières victimes du productivisme industriel, non seulement parce qu’ils sont plus exposés à des environnements pollués et qu’ils n’ont guère les moyens de s’acheter de la nourriture bio, mais aussi parce que le productivisme et la société de consommation constituent un obstacle à la diminution du temps de travail. Les écologistes ont tout intérêt, pour faire triompher leurs idées, à s’attaquer d’abord au mode de vie des plus riches et à ne pas exiger des sacrifices de la part de ceux qui ont déjà du mal à survivre. « Fin du monde, fin du mois, même combat. » Les écologistes, d’un point de vue plus radical, ont aussi intérêt à lutter contre le capitalisme, un système qui a été conçu pour permettre une accumulation indéfinie de richesses par tous les moyens, y compris un gaspillage et une pollution éhontés, au prix de la destruction des écosystèmes. Il est d’ailleurs frappant que certains écologistes, dans les manifestations, entonnent des slogans anticapitalistes, se montrant ainsi plus audacieux que la CGT ou la France Insoumise.
Convergence des styles de lutte
Qu’en est-il maintenant des moyens d’action ? Faut-il agir de manière légale ou illégale ? Faut-il agir de manière violente ou non-violente ? Ces deux questions sont différentes, comme on va le voir très bientôt. Il se pourrait aussi qu’elles soient mal posées, dans la mesure où elles sous-entendent qu’il y aurait une incompatibilité absolue entre deux types d’action qui sont peut-être indissociables. J’irai assez rapidement sur l’opposition entre ce qui est légal et illégal. Il me semble raisonnable que certaines organisations – comme la ligue des droits de l’homme ou les syndicats, par exemple – respectent strictement le cadre de la légalité. Cela leur donne une légitimité pour porter le combat sur un terrain juridique, lorsque cela s’avère utile. Mais l’expérience semble montrer que les actions légales ont des limites. C’est particulièrement le cas en France, où les systèmes social et scolaire se conjuguent avec une constitution antidémocratique pour maintenir l’ordre établi. Je me demande donc si, pour renverser ou fragiliser cet ordre établi, un certain illégalisme n’est pas nécessaire. Face à un pouvoir politique et économique qui refuse tout dialogue, il s’agit de modifier le rapport de force, de manière à ce que la peur change de camp. La désobéissance civile, prônée notamment par certains mouvements écologistes, pourrait contribuer à cela.
Reste à parler de la violence. J’avais écrit à ce sujet un article il y a quelques années. Ici, je me contenterai de quelques idées succinctes. La première, c’est qu’il ne faut pas confondre « violent » et « illégal ». La désobéissance civile, en principe, est non violente ou fort peu violente. Refuser d’obéir à la police lorsqu’elle ordonne à des manifestants de quitter une place, ce n’est pas très violent. Décrocher le portrait de Macron dans une mairie, ce n’est pas excessivement brutal. Mais c’est illégal. Inversement, il y a des violences légales, et pas seulement du côté de la police. Faisons une comparaison très simple. La grève est généralement légale. Le droit de grève est même garanti par la constitution, et c’est tant mieux. Briser la vitrine d’une banque, dans une manifestation, c’est évidemment illégal. Maintenant, quelle action est la plus violente : la grève ou le vandalisme de certains manifestants ? La réponse est moins évidente qu’elle n’y paraît. Si le ou la vandale a pris soin de vérifier que personne ne se trouvait trop près de la vitrine, la violence de son acte concerne surtout des biens matériels. Si les grévistes travaillent dans le secteur de la santé ou des transports, leur action est susceptible de mettre en danger des vies humaines. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles tant de travailleurs hésitent à se mettre en grève : ils sont très attachés à l’intérêt général, notamment lorsqu’ils travaillent dans des services publics. Et, d’une manière très cynique, les gouvernements exploitent cette noble conscience professionnelle et civique pour saccager ces mêmes services publics.
Deuxième remarque : au sens large du terme, la violence existe lorsqu’une personne subit de la part de quelqu’un d’autre un traitement qu’elle n’a pas voulue. Faire violence à quelqu’un, c’est agir contre son gré. En ce sens très général, tout ce qui déplaît à Macron est une forme de violence, même si cette dernière est à la fois très légère et parfaitement légale. Exemple : un concert de casseroles. La question n’est donc pas de savoir si la violence doit être tolérée ou pas : à partir du moment où des individus ont des désirs opposés, elle est inévitable. Le vrai problème est plutôt de savoir quel type de violence peut se justifier.
Troisième remarque : comme je le disais plus haut, ce sont d’abord les dominants qui font la guerre aux opprimés. Comme le disait Warren Buffett, à l’époque où il détenait la deuxième fortune mondiale : « Il y a une guerre des classes, c'est un fait, mais c'est ma classe, la classe des riches, qui la mène, et nous sommes en train de la gagner » (le New York Times du 26 novembre 2006). Source : cet article du Monde. La violence est donc déjà là, elle est structurelle, incrustée dans le fonctionnement ordinaire des sociétés actuelles, qui sont toutes plus ou moins capitalistes, machistes, racistes, xénophobes, hétéronormées, antidémocratiques. Ne rien faire, c’est être complice de cette violence. S’opposer à elle, c’est d’une certaine manière faire violence aux puissants, même si la résistance se fait de manière extrêmement pacifique. C’est aussi prendre le risque de déchaîner un surcroît de violence de la part du pouvoir en place. On n’échappe donc pas à la violence. Reste qu’il est toujours préférable, dans l’absolu, de s’attaquer à des biens matériels plutôt qu’à des personnes. On peut également penser que l’insurrection de vingt millions de personnes calmes et déterminées serait à la fois plus efficace et plus acceptable moralement que les combats de quelques milliers d'autonomes contre la police. Mais que faire si on ne parvient pas à faire descendre durablement vingt millions de personnes dans la rue ? Et que faire si le pouvoir en place répond par la violence à cette insurrection massive ? Ces deux questions restent ouvertes.
De manière générale, on l’aura compris, toutes ces réflexions stratégiques visent moins à fournir une solution qu’à alimenter le débat public sur le but et les moyens du mouvement social.
Note
Lénine et ses épigones se sont assis sur l’une des idées les plus importantes de Marx et, plus généralement, de la première internationale : « L'émancipation des travailleurs doit être l'œuvre des travailleurs eux-mêmes ». Contre ce principe, une certaine bourgeoisie intellectuelle a prétendu savoir mieux que le prolétariat ce que voulait le prolétariat et elle a imposé partout où elle a pu une variante moderne du despotisme éclairé. Elle a cru – ou feint de croire – que la fin justifiait n’importe quel moyen, et qu’on pourrait utiliser l’oppression pour faire germer la liberté, et la constitution d’une nouvelle bourgeoisie, la nomenklatura, pour faire advenir la société sans classes. Contre cette imposture, il s’agit de se méfier de tous les théoriciens « progressistes » – y compris de l’auteur de ce billet : tout doit pouvoir être discuté collectivement, aucune parole n’est sacrée, et surtout pas celle des gens qui croient savoir mieux que tout le monde sous prétexte qu’ils sont « éduqués » (vocable répugnant qui sert aux gens très diplômés à se désigner eux-mêmes).
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