Complots, comploteurs et complotistes
“Moi, je dis qu’il existe une société secrète avec des ramifications dans le monde entier, qui complote pour répandre la rumeur qu‘il existe un complot universel.” - Umberto Eco / Le Pendule de Foucault
Certains événements historiques sont considérés comme des complots par des chroniqueurs au-dessus de tout soupçon de « séparatisme » ou de sédition. Normalement, cette « validation » universitaire devrait permettre de discerner où se situe le clivage entre « complot » et « théorie du complot ». Or la difficulté d’argumentation pour les historiographes eux-mêmes tient au fait qu’il est d’autant plus difficile de mettre au jour une machination que les calculs peuvent échouer, les complicité nécessaires faillir, et les complots ne pas aboutir. Ce n’est pas pour autant qu’ils n’ont pas existé mais, dans ce cas, l’enquêteur risque de voir son discours qualifié de « délire paranoïaque », puisque, par définition, un complot est de nature secrète et que les comploteurs ont tout fait pour ne pas laisser de traces, comme pour un « crime parfait ». D’ailleurs, comme pour ces derniers, les faits historiques présentés comme des complots ne sont jamais « démontrés » par les historiens puisqu’ils ne sont pas attesté pas des traces tangibles, objets ou documents, et encore moins par des actes officiels, traités ou chartes ! Il ne s’agit « que » de manœuvres destinées à changer le cours de l’histoire, qui se sont traduites par des événements causant la disparition ou la mort opportunes de personnalités importantes et faisant souvent de nombreuses victimes collatérales, dont la réalité se résume à un « faisceau de présomptions » livrées au grand jury du public pour qu’il se fasse son propre jugement, « en son âme et conscience ».
Quand il s’agit d’aller dans le sens du vent, de grands événements historiques, souvent meurtriers, peuvent être présentés officiellement comme le résultat de l’activité d’un groupe occulte, sinon clandestin : pour les forces d’occupation et les « collabos » de la seconde guerre mondiale, les résistants étaient des « comploteurs » et ils sont pour nous des « héros ». Il ne s’agit plus de « rumeurs », mais de récits cohérents montrant sans la démontrer l’existence de l’action « d’un petit groupe de personnes efficaces qui se coordonnaient pour planifier et entreprendre une action illégale affectant le cours des événements. La reconstitution cinématographique, le plus souvent romancée, et la rédaction de mémoires par les acteurs ou les témoins plus ou moins directs tiennent alors lieu de documents.
Pour séparer les « bons complots » des « délires », les « ayatollahs » et « inquisiteurs » des idéologies dominantes ont compris très tôt qu’il suffisait d’enfermer les curieux dans leurs contradictions pour les neutraliser en les accusant à leur tour d’échafauder des « théories du complot », en fabriquant les mots de « complotisme » et de « conspirationnisme », et en leur appliquant ces nouvelles qualifications pour stigmatiser autant de délits intellectuels.
Pour discréditer les conclusions d’une investigation indésirable, il suffit de les classer dans cette catégorie des « théories du complot », qui seraient des montages fictifs de soi-disant complots destinés à tromper la population, et qualifiés de « fake news » ou « intox » par les autorités en place. Cette manipulation est d’autant plus facile que les enquêteurs ne peuvent pas se risquer à livrer l’identité de « comploteurs » puissants, même s’ils les ont identifiés, sous peine de lourdes sanctions pénales. Du coup, ce sont eux qui sont considérés comme « complotistes ».
Le travail de l’historien qui consiste à confronter des textes divergents et croiser des témoignages contradictoires pour tenter de reconstituer des faits et dégager un sens à l’évolution des événements s’apparente à celui de l’enquête policière. D’ailleurs, le mot « histoire » a pour origine le titre de l’ouvrage d’hérodote « Enquêtes » (Ἱστορίαι / Historíai en grec). Il s’agit d’une variante du mot ἵστωρ, hístōr signifiant « témoin » ou « juge » qui dériverait de la racine indo-européenne *wid- (voir, ou savoir pour avoir vu). Et, en effet, de la même façon que Colombo peut avoir besoin des légistes et de la « police scientifique », l’historien peut avoir recours à l’archéologie pour confirmer ou infirmer le récit de plusieurs générations d’idéologues. Par exemple, il arrive que le travail de l’INRAP, pour la période celtique de notre histoire nationale, ne concorde ni avec la version de la « Guerre des Gaules » de Jules César, ni avec les manuels scolaires édités par le Second Empire, revus et corrigés par les hussards noirs de la Troisième République. On peut alors espérer que la confrontation des thèses aboutisse à un consensus.
Or, le côté masqué, secret, occulte, des complots qui constitue la condition-même de leur réussite rend difficile la tâche de l’enquêteur. Le paradoxe est que les complots ratés parce qu’ils ont été éventés, jugés et condamnés sont plus faciles à documenter que les complots réussis, la « justice » étant passée par là. Mais, même éventé, déjoué avant d’avoir pu se concrétiser, un complot conserve une part d’énigme : Catilina, le conjuré romain dont Cicéron a dénoncé les projets avant qu’il ne passe à l’action n’a jamais reconnu les faits et on pourrait accuser Cicéron de « fake news ».
Certains complots présentés comme tels par des auteurs dignes de foi ne sont toujours pas avérés et il subsiste des partisans de la thèse officielle, comme celle du « tireur isolé », seul responsable de l’assassinant de Kennedy, pour ne pas évoquer d'autres sujets qui fâchent et tombent sous le coup du "patriot act".
Aujourd’hui, la « grande réinitialisation » (great reset) est devenue un terme à la mode dans les cercles de penseurs du complot et du complotisme. Pour certains, il fait référence aux élites financières mondiales et aux dirigeants mondiaux qui auraient planifié la pandémie, lâchant délibérément un virus de synthèse pour provoquer des conditions qui permettraient une restructuration de l'économie, du système financier, de la politique et, finalement, de la société elle-même. Ils qualifient la pandémie de « plan-démie ». Pour d'autres, comme votre serviteur, il ne s’agit pas d’élucider l’origine de la pandémie mais de contater que les « élites » profitent de la situation et d'en tirer les conclusions qui s’imposent si on admet l’adage « Cui bono ? ».
Il est logique que la population s’interroge sur les mesures draconiennes, coordonnées et/ou dissonantes, souvent contradictoires, prises par de nombreux états pour arrêter la pandémie. Le virus est sans doute plus létal que celui la grippe « annuelle », mais les ravages causés n’ont rien à voir avec ceux résultant d’Ebola. Pour certains aspects, le remède semble même pire que le mal. Les mesures de confinement provoquent des stress physiques et psychologiques sévères à la suite de la perte d’emplois ou de faillites. Les gouvernements s'endettent et endettent leurs ressortissants dans des proportions jamais atteintes jusqu’alors. Les pires évaluations considèrent même que le nombre de vies détruites par les mesures de confinement est supérieur à celui des vies sauvées selon les estimations officielles.
Beaucoup ont donc commencé à penser qu'il existait un dessein invisible derrière tout ça, un projet souterrain élaboré et mis en œuvre par les puissances transnationales via le Forum économique mondial de Davos, fondé et toujours animé par Klaus Schwab (82 ans) il y a 50 ans, et dont l'influence sur les affaires mondiales est largement surestimée. Le World Economic Forum ( WEF) ne contrôle pas ses membres et participants, même s’il les soutient et leur sert de « medium » pour le greenwashing, cette panacée miraculeuse personnifiée par la petite Greta, permettant d’escamoter les inégalités sociales en instrumentalisant les changements climatiques, présentés comme étant beaucoup plus urgents à traiter que la condition humaine.
Schwab et Thierry Malleret ont co-écrit un livre publié en juillet 2020 intitulé `` Covid-19 : The Great Reset ''. Pour éviter que « les crises climatiques et sociales ne s'aggravent et que les mesures prises pour contenir le virus ne laissent le monde encore moins durable, moins égalitaire et plus fragile », les auteurs appellent la « communauté mondiale » (sic) à mettre en œuvre une grande réinitialisation : « Il s'agit de rendre le monde moins conflictuel, moins polluant, moins destructeur, plus inclusif, plus équitable et plus juste que nous ne l'avions laissé à l'époque pré-pandémique ». Rien de bien nouveau, un refrain seriné depuis une vingtaine d’années en changeant parfois l’orchestration pour plaire au public et céder à la mode.
D’ailleurs, Naomi Klein, qui est sans doute la plus crédible des pourfendeurs du WEF, décrit « The Great Reset » comme "un changement de style sur le thème du coronavirus de tout ce que Davos fait depuis toujours, aujourd’hui reconditionné à la hâte en planification pour relancer l'économie mondiale après la pandémie en recherchant une meilleure forme de capitalisme . » A y regarder de plus près, d’ailleurs, les aspirations exprimées dans le livre, sont la reprise des « objectifs de développement durable » des Nations Unies (ONU) qui ont été fixés en 2015 et sont supposés être atteints en 2030.
Le slogan « Building Back Better » (reconstruire en mieux ) qui a été utilisé dans la campagne électorale de Joe Biden et dans les discours de Boris Johnson, de Justin Trudeau et d'autres hommes d’états ne sort pas de cette publication mais fait partie du vocabulaire de l'ONU depuis au moins 15 ans. Il était à l'origine utilisé dans le cadre de l'aide apportée aux pays frappés par des catastrophes naturelles telles que les ouragans et les tsunamis. Pour rendre ces pays moins vulnérables à d’autres catastrophes éventuelles, l'ONU les a aidés à reconstruire une infrastructure plus résistante.
Il ne s’agit donc pas d’un complot en cours au WEF de Davos dans le sens où un virus aurait été introduit délibérément, mais c'est un fait connu qu'à l’occasion de cette « crise sanitaire » qui masque une crise économique plutôt qu’elle ne l’a provoquée, les riches s'enrichissent et les pauvres s'appauvrissent, comme à chaque « crise ».
L'ONG Oxfam a indiqué que "les 1 000 personnes les plus riches de la planète ont récupéré leurs pertes de COVID-19 en neuf mois seulement, alors que cela pourrait prendre plus d'une décennie aux plus pauvres du monde pour se remettre des impacts économiques de la pandémie." S’ils s’en remette, serait-on tenté d’ajouter.
De riches « opérateurs » (type état profond) ont-ils profité du coronavirus pour pousser les gouvernements à prendre des mesures draconiennes qui provoqueraient un éclatement de la bulle financière ? On ne peut que faire le constat du fait que les gouvernements occidentaux dans leur ensemble ont pris une série de mesures de restriction de la liberté sans précédent en temps de paix. Les questions qui se posent aujourd’hui sont de savoir s’ils rendront la vaccination obligatoire et, pourquoi pas, s’ils réeront ou pas des camps d'isolement pour les personnes qui refusent le vaccin ? En Allemagne, quatre « länder » ont déclaré avoir l'intention de regrouper les réfractaires à la quarantaine dans des installations qui étaient autrefois des centres de détention ou des centres de réfugiés. Mais, pour obliger les gens à se faire vacciner, les gouvernements n'ont même pas besoin de les rendre obligatoires : ils peuvent simplement exclure les personnes qui ne sont pas vaccinées de certaines activités comme les voyages, ou de l’accès à certains lieux publics et privés collectifs. De telles mesures sont déjà en préparation, et plus il y aura de personnes vaccinées, plus il deviendra difficile aux « réfractaires » de résister.
Pour mettre en place le cauchemar éveillé qu’est devenue notre vie quotidienne, aucun complot n’a été nécessaire. Il a suffi que l’OMS déclenche une alerte pour que les dirigeant des pays les plus riches fassent le concours du plus zélé parmi les gouverneurs régionaux de l’empire et leurs émules. La peur a fait le reste et les victimes ont été touchées plus gravement pas le syndrome du larbin que par la pandémie.
Un complot sanitaire ? Sûrement pas, pas plus que de « comploteurs » à la Docteur Mabuse. Mais pas davantage de « complotistes » s’il s’agit de désigner par là les investigateurs qui cherchent à élucider les contradictions et à dévoiler les mensonges.
Une stratégie globale de contrôle social par les états et de contrôle économique par ce que Naomi Klein appelle « corporates » dans son livre « La Stratégie du choc : la montée d'un capitalisme du désastre » ? Alors là, certainement ! Mais ce livre ne date pas de février 2020. Il a été publié en 2007.
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