Conclure puis introduire
J'ai appris beaucoup de choses au cours de ces presque quatre ans d'oppression mais des choses qu'il n'est pas utile de savoir si l'on est engagé dans un processus d'individuation.
Apprendre par les faits et de la bouche de son propre avocat que la Cour d'Appel n'existe que pour doubler les peines servies en première instance, même si l'on apporte les preuves de son innocence, n'est pas un apprentissage qui nous grandit ; au contraire, du même ordre que quelques mois pour ne pas dire quelques années en prison vous poussent à l'extrémisme , ce genre de savoir vous pousse à la marginalité.
Apprendre que la Justice ne table pas sur les lois mais se laisse convaincre par les dires d'un pervers narcissique, non plus.
Apprendre à ses dépends que seule la justice de classe opère, non plus. Et si je parle de classe sociale, je ne parle pas de nantis ou de gens de pouvoir face au péquin, ça tout le monde le sait depuis longtemps, mais d'une classe d'asservis, de dociles opposée à des hommes libres ! Ce qui pourtant figure, on nous le rappelle volontiers, aux frontons de nos établissements. Car il est bien évident que toute cette affaire , qui n'avait aucun lieu d'être, n'est que le fruit d'une haine et d'un mépris social de la part d'une personne classée « petit homme » par Wilhem Reich, qui n'a pas supporté qu'une pauvre ne se couche pas sous son autorité, qu'une pauvre lui tienne tête et ne soit pas impressionnée par ses menaces, qu'une pauvre possède la même maison qu'elle !! La souffrance que cette réalité lui a infligée, l'a contrainte à toutes ces démarches pendant toutes ces années ; c'est dire si cela lui était intolérable.
Du déni à me reconnaître propriétaire aux yeux des autres et m'appeler toujours locataire, de ses tentatives piteuses de décrire sa maison comme plus grande que la mienne, même à la barre, en affirmant que j'en convenais, et que, du coup, elle méritait « plus de cour » en dépit de tous les actes de propriété, à toutes ses plaintes larmoyantes et mensongères à propos de son impossibilité d'y vivre en pareilles circonstances, Christine T. offrait la vérité à la tribune, sans que celle-ci y soit décryptée, par des ignorants.
L'ignorance ; l'ignorance de la loi du Code Civil chez un juge au pénal ; l'ignorance de toutes les lois dirigeant les relations humaines, l'ignorance des névroses, des psychoses, des situations pourtant banales, l'ignorance alliée à la mauvaise volonté, la mauvaise foi, l'incompétence, la désinvolture ont fait de ce procès un concentré, une caricature de justice.
Tous ces acquis sur les dessous d'une administration qui a bonne mine mais qui cache la plus vulgaire médiocrité alors qu'elle n'affiche pas des coutumes de corruption n'est d'aucun apport si on n'y peut rien.
Tout est à revoir, en commençant par l'éducation et la formation des magistrats. Le corporatisme. Le pouvoir et ses abus, même involontaires. La négligence par omission acquise de la moindre trace d'humanité. Le travail fait à la va vite- fait que l'on retrouve également en médecine allopathique- sur des cas jugés inintéressants, banals, bénins.
Le grande souffrance de milliers de nos concitoyens, souffrance non seulement anonyme mais délibérément tue, occultée parce que méprisée, niée, que l'on ne daigne même pas entendre ni bien sûr reconnaître, est un fait de société jamais pris en compte. De l'innocent incarcéré sur dénonciation calomnieuse qui, des années plus tard libéré sur aveu de l'accusateur – souvent accusatrice d'ailleurs, surtout dans les cas de viol – qui voit la personne cause de son anéantissement s'en tirer à bon compte , au petit vieux qui s'est rendu malade d'être harcelé par un voisin, un patron, les désastres sont infinis, jamais dévoilés parce qu'ils ne sont pas photogéniques. On ne parle que de crimes grandioses de monstruosité ou de complexité, on ne parle que de sommes détournées, d'usages de faux, d'abus de confiance... dans les hautes sphères de la société où tout se règle par chèque, sans souffrance aucune ; ce sont des usines à scandales, pour vendre du papier et s'exclamer les commères.
C'est un temps volé d'abord, dont il ne reste rien, des années prises, en vol, comme ça, pour rien car s'il est long à vivre à force d'être douloureux , il est vidé de sens, ne s'inscrit nulle part, ne participe plus de la destinée, s'étiole, se retire, et, se retournant des années plus tard, il ne reste que des cheveux blanchis mais rien, parce que la torture a tout mangé. Et selon qui l'on est, le mal écorche à vif, ronge ou tanne un cuir épais. Alors la moindre familiarité avec l'histoire ravive, se perd ou rebondit. A fabriquer la chimie pour faire semblant encore, le corps s'épuise, la vie se happe dans un effort désespéré.
Le fait pourtant incontournable que l'on rend violent et haineux un être que l'on a brisé, qu'il devient prêt à tout s'il a l'énergie, n'empêche d'aucune manière les magistrats et toute leur machinerie de casser à tour de bras. Et que ceux que l'on mène au bout du rouleau plus vite que la nature, ceux-là sont si misérables qu'il vaut mieux les cacher. Il ne font même pas honte ni pitié, ils font horreur ; image répulsion de toute sa misère en l'homme, d'une fragilité tombée en quenouille et qui ne rappelle à l'ordre l'homme ordinaire qui fuit les repoussoirs que pour se mirer, lui, de pied en cap, dans des tains déformants.
Ils sont laissés pour compte ces milliers de gens qui sont devenus gris et secs dans leur cœur, victimes d'autres cinglés qui manipulent pour exister. L'éternelle roue du bourreau et de la victime, du maître et du serviteur, de l'innocent et du coupable, tout ça déchiqueté en sortant de l'essoreuse que de prétentieux prélats activent en bavardant.
Je me demande pourquoi il n'y a pas d'attentats contre les Palais de Justice, pourtant belles cibles ; ils n'ont vraiment rien dans la tête les terroristes. Car ce qui se niche dans le ventricule gauche d'un cœur d'injustifié, c'est la haine. La haine sociale, à tout va à la cantonade, non même plus la méfiance mais le rejet. Plus aucune tendresse n'est à espérer, plus de compassion, plus de générosité ni de disponibilité, tant que la blessure ne sera pas guérie. Il se refermera puis sera oublié, les autres ayant d'autres chats à fouetter que d'essayer de décoincer un aigri plein de piquants. En société il faut aller bien ou faire bonne apparence, le fond n'intéresse personne, le fond est toujours de miasmes et de pourriture rempli.
Et puis, cette espèce de souffrance ne se partage pas, elle est indicible ; l'homme brisé, même revenu de camps, ne trouve guère d'oreille pour l'entendre, du reste il n'a rien à dire et c'est ce qui étonne et c'est ce qui effraie.
Dans la souffrance ordinaire causée par la jalousie et la volonté destructrice, amplifiée par l'indifférence, celle des hommes de bois, tout aussi indicible, issue de la même veine, moins la menace de mort plus la solitude, les autres préfèrent s'en tenir à un silence qui ne cacherait rien, l'être comme avant ; qui n'a pas ses soucis ?
Alors bien sûr, il y a une autre voie.
Je ne prétends pas ici représenter tous ceux qui ont été victimes de la justice et qui se sont tus ; peut-être ceux qui se sont marginalisés par impossibilité morale de s'intégrer, de jouer le jeu absurde et mortifère que nous impose la société, ou par une incapacité psychique, une trop grande sensibilité, une fragilité, de celle que l'on a reçue dans son berceau par manque d'amour, par abandon ou tout autre traumatisme déterminant.
Se marginaliser n'est pas un choix dont les conséquences sont incluses ; comme pour tout le monde, les aléas de la vie, s'accumulant au fil du temps, nous obligent à y faire face, avec ce que l'on est. Depuis toujours la société, en ceci très proche de n'importe quelle organisation sociale dans le règne animal, exclue la différence, malgré une apparente bonne volonté de vouloir protéger la liberté de chacun et protéger les plus faibles. En réalité, il n'en est rien : les plus faibles sont laminés, et c'est bien normal ! La loi de la facilité est une des lois fondamentales de la Nature où l'on ne s'attaque aux forts que si on l'est soi-même et qu'on en revendique le statut. Depuis tous temps donc, la sorcière fut brûlée, et il faut voir que la sorcière ne fut pas cette femme maléfique et impie mais bien une femme libre, proche de sa nature sauvage, proche de la Nature et qui connaissait les plantes, les remèdes, dont le savoir et la puissance ne pouvaient être détruits que par la violence, le châtiment, la mort.
Quand Reich parle du « Meurtre du Christ », il ne dit pas autre chose que l'assassinat de la vie par les « Petit(s) Homme(s) » ; la cuirasse du petit homme qui l'étouffe et donne toute sa place à la mort en lui, ne supporte pas la lumière qui l'agresse.
Clarissa Pinkola Estes ne dit pas autre chose non plus quand elle écrit :
« Bon, dit le Diable, si je te dépouille de ta couche de civilisation, je vais peut-être pouvoir m'emparer à jamais de ta vie. »
elle continue :
« Par ces proscriptions, il tente de l'affaiblir, de l'avilir. Il croit qu'en faisant d'elle une personne sale, il va la dépouiller d'elle-même. Mais c'est le contraire qui se passe, car la femme de boue est aimée de la Femme Sauvage et bénéficie de sa protection. Apparemment, le prédateur ne comprend pas que ses interdictions ne font que la rendre plus proche de sa nature sauvage, avec toute sa puissance. »
Le mythe du Vampire n'est rien d'autre lui aussi : se nourrir de l'autre en le tuant. Pour nous éloigner de sa signification profonde, on le relègue au genre « science-fiction », oublieux au passage que la fiction est un produit de l'Homme et que son imaginaire en la matière reste inchangé, tandis qu'imager et personnifier le mythe nous protégera de ses leçons.
Partie intégrante de la psyché humaine, cette rengaine nous est chantée depuis la nuit des temps ; ce qui n'ôte en rien la force destructrice du Diable, mais qui donne dans le même temps le chemin qui le détourne. Seulement, il faut accepter la leçon, il faut accepter d'aller au bout de soi-même et comme l'explique Jung dans sa « Psychologie et Alchimie », la transmutation- le processus d'individuation- ne se fait jamais sans souffrance. Notre naissance elle-même passe par cette épreuve initiatique ; du reste, le fait de vouloir l'effacer de nos jours, avec des produits chimiques, n'est, j'en suis sûre, pas exempte de terribles conséquences.
Il n'y a donc rien d'étonnant ni de neuf dans cette volonté destructrice de certains, ni dans l'accompagnement, l'aide, que lui porte le pouvoir social. Hier l'Église, aujourd'hui la Loi séculière et ses serviteurs qui n'ont rien d'autre à faire, eux-mêmes enlisés dans ce cercle vicieux.
Ainsi, se replaçant dans des horizons plus ouverts, la victime traitée de coupable par le pouvoir séculier, a toutes les chances de comprendre le processus, en dénouer les fils et s'en libérer.
La Nature elle-même fait mourir les végétaux, puis pourrir puis geler avant qu'un autre cycle puisse recommencer. Rien ne peut grandir sans cette mutation, cette transmutation, la Mort, la Renaissance, prises au pied de la lettre pendant deux mille ans, faisant miroiter que l'abandon de soi à sa condition terrestre ouvrirait les portes d'un paradis, imaginaire.
Chez l'être humain, le dépouillement d'un état ancien rend possible la pénétration de la Vie dans son âme ainsi libérée. Une cuirasse trop épaisse de complexes ou de peur rend, naturellement, ce processus difficile, impossible parfois ; alors il y a névrose, psychose ou somatisation. Aucune des maladies qui nous atteint actuellement n'a une autre origine.
Le Diable lui-même, dans sa prison, ne s'en sortira pas ; le Vampire qui pompe le suc d'un vivant ne ressuscitera pas : le progrès vient de soi, toujours.
Aussi, l'être ainsi sollicité par cette douloureuse destruction de son apparence, de sa cuirasse, doit accepter cette aubaine qui lui est offerte et poursuivre son chemin.
C'est pourquoi l'injustice rend quiconque agressif et violent mais seulement s'il reste à la surface des choses, sur la part émergée de l'iceberg il se débattra, s'éloignant toujours davantage de la Vérité de Soi.
S'il accepte le défi, s'il plonge, alors il ouvrira les portes de sa libération.
Tous les contes nous le disent, tous les Mythes et toutes les histoires qui nous suivent, depuis la nuit des temps.
À nous de les déchiffrer.
Il était notable pour moi que toute cette période fut dépourvue de rêves ; mes résistances à cette plongée rendait obsessionnels les tracas et bloquaient toutes les issues. J'aurais gagné mon procès que je n'aurais sans doute jamais rien compris ! Certains prennent les leçons plus facilement ; d'autres ignorent jusqu'au fait qu'il y a des leçons à prendre de la vie. Je ne saurais développer ni comprendre, à l'instant, tous les méandres qui en sont la cause.
Mais il est clair qu'aucun secours n'est à attendre, aucun accompagnement : l'Homme est seul face à lui-même et c'est seul qu'il entendra, comprendra, dans les mots, les attitudes d'un autre, les résonances en lui qui fraieront une sortie vers la lumière.
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