Coronavirus, dépérissement ultime de la Ve République ?
Au 23ième jour du déconfinement, cette périlleuse idée m’a traversé l’esprit, comme si la fin évidente de notre modèle institutionnel frappait à nos portes, enfin entrebâillées. A Paris, le ciel de mai est d’un bleu azur ; l’air plus pur que jamais : la France sort du confinement. Les morts, eux, se comptent par dizaines de milliers et la relance économique n’est pas pour demain.
La mort se serait-elle irritée de l’excès d’imprévoyance de nos décideurs, elle qui s’en nourrit pourtant sans relâche ? Comment dès lors imaginer faire allégeance à un Etat qui ne saurait plus penser l’avenir, ni même protéger ses citoyens ?
La distanciation sociale pour tout remède dit à elle seule le déphasage de nos institutions d’avec le monde d’après, alors que l’exigence de renouveau se fait ressentir.
La distanciation sociale pour tout remède
Après le scandale des masques, les vacances à l’obéissance. « Soyez bien dociles, si vous voulez partir en vacances », nous a dit en substance le Président Macron, lors de son allocution du 1er mai 2020 ; difficile d’adhérer à une telle gouvernance politique, alors que la crise systémique éclate, après des décennies d’absence de politiques sanitaires. Puisque l’Etat n’a pas su anticiper la crise sanitaire et que les collectivités locales ne parviennent pas à s’émanciper de sa tutelle, ce serait désormais aux citoyens d’accomplir tous les efforts.
La France est mal placée en matière d’anticipation des crises sanitaires, en raison de son déficit ancien de politiques sanitaires et industrielles. La 5ème puissance économique mondiale ne peut pas prendre en charge ses malades ; alors par conséquent, restez confinés chez vous comme au moyen-âge ! Pourtant, la médecine française est l’une des meilleures au monde. La politique industrielle a été démantelée pour faire des économies de bout de chandelle et François Hollande a lui-même pris des décisions en ce sens. Quant à la start-up nation si chère au président Macron, elle n'a pas encore démontré ses capacités à gérer l'innovation institutionnelle. Dans ce contexte, la distanciation sociale fut donc la clef de limitation de propagation du virus.
La capacité d’anticipation des politiques est faible, pris qu’ils sont dans une telle nasse réglementaire qu’elle bloque toute initiative et dissipe les dernières traces de vision stratégique qui subsisteraient en leur engeance. Leur comportement est devenu inintelligible, ressemblant à celui d’un animal pris dans les phares d’une voiture et qui ne saurait plus où donner de la tête, pour ne pas périr. . Le moindre de leurs gestes les exposent à pléthore de critiques acerbes, esclaves des légalistes et de l’opinion publique.
L’impossible mariage du nouveau monde et du monde d’après
Comme le professeur Juvin l’a rappelé « comment qualifier un pays qui n’est pas capable de fournir de simples masques à ses concitoyens qu’autrement que de pays sous-développé ? ». A force de délocalisations et d’absence de circuits courts dans la chaîne de production des médicaments, l’urgence n’est plus gérable. L’économie du « temps réel » permet certes parfois de prévoir ; mais non de réagir face à des événements rares et adverses qui n’auraient pas été intégrés dans les processus. Elle ne favorise pas l’anticipation qui par essence demandent du recul.
L’économie du « juste à temps » n’autorise pas de stock dormant. Cette économie « du temps réel » est ainsi faiblement opérationnelle, lors des crises. Fait extrême, elle a conduit l’économie mondiale à se mettre à l’arrêt.
Notre pays entre dans une période dangereuse, car les semi élites que sont nos décideurs politiques ont montré leur incapacité à gouverner en situation difficile. D’autres bien pires encore ou bien moins avisés n’hésiteront pas à s’affirmer.
Le passage à la VIe République facilitera l’éducation au discernement, car elle ne présagera pas de l’arrivée d’un homme providentiel. Quelques injonctions régaliennes devront s’exercer, afin de garantir notre capacité à fabriquer localement des masques, des médicaments de première nécessité, en cas de fermeture du commerce international et de crise sanitaire, tandis que grâce à la déconcentration, les productions stratégiques seront relocalisées.
En ces temps de crise sanitaire, La peste de Camus est redevenue un best-seller. Souvenons-nous qu’en 1943 son auteur avait lancé un appel au renouveau des élites dans son article intitulé « D’un intellectuel résistant ». Nous aussi, nous sortons de la guerre.
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