Cuba. Faillite ou succès ?
Le 16 avril 2011 marque le 50e anniversaire de la tentative avortée d’invasion de Cuba par les mercenaires à la solde des USA et du ralliement du régime castriste au clan socialiste. Il est symbolique que débute aussi ce même jour le 6e Congrès du Parti communiste de Cuba. Il y a des bilans à faire, des leçons à en tirer et des virages à prendre : le monde n’est plus ce qu’il était.
Les médias occidentaux veulent naturellement présenter tout changement au modèle cubain comme un acte de repentance et la preuve d’une reconnaissance de la supériorité de la vision du monde made in USA. Rien n’est plus faux.
La plus grossière fausseté est de faire abstraction du processus démocratique qui a présidé à élaboration des changements proposés. J’étais présent a Cuba de novembre 2010 à février 2011 pendant que s’y déroulait un processus de consultation populaire quasi référendaire, avec 8 000 000 d’opinions diverses émises sur des centaines de sujets touchant tous les aspects du fonctionnement de l’État. Aucun exercice de cette nature ni de cette envergure n’a été tenté aux USA ni dans aucun pays occidental.
Ce qui va changer à Cuba sera ce que la population souhaite qu’il soit changé. La part sera faite plus belle à l’entreprise privée et donc à l’initiative, sans sacrifier la sécurité, ce qui me réjouit : il y a trente ans que je dis que l’avenir ne sera ni capitaliste ni socialiste, mais sous le signe de l’entrepreneuriat, avec comme filet sous le trapèze un régime de travail-revenu garanti. Cuba n’y arrivera pas demain, mais prend la bonne direction… ce qui n’est pas le cas de nos régime dits « démocratiques », avec des inégalités qui augmentent et un processus électoral si manipulé et corrompu qu’il ne vaut plus qu’on y participe.
L’autre grand mensonge est celui de la « faillite » de l’expérience cubaine, laquelle au contraire, malgré l’incessant sabotage de son économie par l’embargo américain et le lavage de cerveau de sa population par une propagande incessante, a marqué des points de match dans les cinq (5) dossiers qui sont aujourd’hui les grands défis des sociétés contemporaines.
1. LA NUTRITION – 2. L’EDUCATION – 3. LA SANTÉ – 4. L’HABITAT – 5. LA SÉCURITÉ
1. Depuis que le régime castriste a pris le pouvoir, une rationnement et des centres de distributions des produits essentiels à prix subsidiés ont vu à ce que tous puissent manger. Aujourd’hui le problème est si résolu que ces mesures sont devenues désuètes et que l’un des changements proposés est qu’elles soient supprimées
2. Tous les Cubains ont accès à une éducation gratuite à la mesure de leur talent et de leur ambition. Le taux d’alphabétisation est plus élevé qu’aux USA et la moindre conversation avec qui que ce soit, dans n’importe quel village de l’Ile. indique que le citoyen moyen y a une culture plus large et une compréhension du monde incomparablement supérieure à cette de l’Américain moyen.
3. J’ai eu quelques problèmes de santé à Cuba. Je témoigne que l’accès a un spécialiste comme à un omnipraticien, pour un diagnostic ou des traitements, y est infiniment plus rapide qu’au Québec et j’ai vérifié discrètement qu’un Cubain décrivant les mêmes symptômes était reçu dans les mêmes délais – 24 heures – qui m’avaient été fixés comme étranger. Les soins reçus étaient de première qualité, tel que l’ont constaté des médecins québécois qui en ont fait le suivi a mon retour. Cela n’a rien de surprenant, si on comprend que ses ressources médicales, éducatives et d’ingénierie sont pour Cuba UN PRODUIT D’EXPORTATION. L’apport de Cuba à l’éducation et a la santé du Venezuela ne sont pas sans liens avec le pétrole que Cuba reçoit du gouvernement Chavez.
4. Il n’y a pas d’itinérants à Cuba. Cela ne veut pas dire que la question du logement soit résolue : on trouverait preneurs pour 100 000 logements à Cuba et quiconque investirait quelques milliards de dollars à en bâtir ferait une extraordinaire affaire. Mais jouer la carte de la solidarité a permis d’éviter le pire : personne ne dort sous les ponts … alors que le pire est la réalité quotidienne dans TOUS les autres pays d’Amérique … incluant depuis la crise financière les USA eux-mêmes où depuis des mois des familles vivent ….dans leur voiture !
5. J’ai déambulé systématiquement dans tous les quartiers de La Havane, non seulement sans être agressé, mais sans même y éprouver la moindre crainte. Il y a des pickpockets à Cuba et je ne laisserais pas mes valises sans surveillance comme on peut souvent le faire au Japon, mais le crime de violence est rarissime, même si la présence policière est discrète et en fait, invisible. Pour une comparaison avec le El Salvador, le Mexique ou le Honduras où j’ai aussi résidé, lisez quelques journaux…
La vérité, c’est que les cinq problèmes les plus graves qui confrontent le tiers-monde ont trouvé une solution à Cuba. Il faut donc remettre en perspective la « pauvreté » de Cuba… Je suis loin d’être convaincu que, connaissant les faits réels, une majorité des latino-américains ne préfèreraient pas une société « à la cubaine » à celle qu’on leur a créée, avec une démocratie qui n’est qu’un leurre, des projets de société qui sont des pièges à cons et une dislocation sociale qui ne peut qu’aller de mal en pis. En fermant la porte et ses volets sur Cuba, il semble bien que ce soit sa propre turpitude que l’Amérique veuille cacher.
Cuba n’est pas une société idéale ; il y manque l’initiative. Mais si l’on considère toutes les variables, il serait plus facile et bien plus rapide de bâtir un monde meilleur en corrigeant les imperfections du modèle cubain qu’en cherchant à rafistoler le nôtre.
Pierre JC Allard
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