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Accueil du site > Tribune Libre > De la crise du coronavirus à la crise de la dette ?

De la crise du coronavirus à la crise de la dette ?

 Eviter la plus grande crise financière de tous les temps.

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I - Des mesures de soutien à l’économie conçues pour le court et le moyen terme

 

On ne reviendra pas ici sur la manière catastrophique dont le gouvernement français a réagi à la crise sanitaire : le nombre de morts, le nombre de malades en réanimation et, en regard, le nombre de lits de réanimation (à peine supérieur en France, compte tenu de la population, à celui du Maroc, et quatre fois inférieur à celui de l’Allemagne) en sont des manifestations éloquentes par les chiffres ; les déclarations absurdes, ridicules ou honteuses de divers représentants du gouvernement en sont des manifestations éloquentes par le verbe.

Les autorités françaises ne pouvant se permettre un échec de la même ampleur sur le terrain économique, elles ont mis en œuvre une série de mesures destinées à aider les particuliers et les entreprises à faire face aux graves conséquences économiques de la crise et, au premier chef, du confinement. Il convient de ne pas exagérer les mérites du gouvernement à cet égard : les mesures prises sont du registre du bon sens, et des mesures du même ordre ont été prises dans la plupart des autres pays développés. Du moins cela a-t-il été fait. Les différentes parties prenantes doivent rester vigilantes pour remédier à certaines situations problématiques, comme en témoignent par exemple les discussions actuelles au sujet des délais de paiement. En tout cas, de telles mesures, par l'ampleur des moyens qu'elles mobilisent (soutien à la demande par l’indemnisation publique du chômage partiel, garantie des crédits bancaires à hauteur de 300 milliards d’euros,…), ne sont conçues que pour un soutien temporaire à l'activité et à la solvabilité des entreprises. Elles répondent à un choc conçu comme brutal mais bref car le confinement, qui est une mesure indispensable en l’absence de masques et de tests, est aussi une mesure ruineuse, qui ne saurait être prolongée trop longtemps.

Ces mesures de soutien à l’économie réelle (celle des biens et des services non financiers, nommée ainsi par les économistes pour la différencier de l’économie financière) sont complétées pour le secteur financier par l’indispensable PEPP (Pandemic emergency purchase programme), programme d’assouplissement quantitatif qui prévoit des achats de titres (dont essentiellement des obligations d’Etats de la zone euro) par la Banque centrale européenne (BCE) et les Banques centrales nationales de la zone euro, à hauteur de 750 milliards d’euros (soit, avec les mesures d’urgence et les mesures prévues avant la crise, un montant total de 1050 milliards d’euros). En outre, dans le cadre de ce programme, la BCE a aboli sa limite aux rachats de dette souveraine, qui était auparavant fixée à 33 % de la dette d'un pays, afin de permettre que les plus grands efforts soient portés sur les Etats les plus endettés. Ces mesures d’ordre financier ont pour leur part vocation à s’appliquer jusqu’à la fin de l’année, soit à moyen terme, car les conséquences financières de la crise sanitaire dureront au-delà de la phase la plus aiguë de celle-ci, qui voit l’arrêt d’une grande partie de l’économie réelle.

 

II - Dès aujourd’hui, les risques de faillite sont bien présents

 

Au sujet des conséquences de cette chute brutale, d'une ampleur inouïe, du PIB, de la production et de l'emploi, on peut distinguer deux scénarios majeurs : celui d’une reprise rapide de l'activité après la fin de la crise sanitaire, et en particulier après la fin du confinement ; celui d’une reprise lente de l’activité. Ce dernier scénario serait bien sûr celui de tous les dangers, car il en résulterait une réduction importante et durable de la croissance et de l’emploi. Le risque de le voir survenir s'accroît d'autant plus que :

- le confinement durera longtemps, fragilisant de plus en plus la solvabilité des entreprises, favorisant donc les faillites et, en fin de compte, la destruction du tissu économique. Il en résulterait des pertes en termes de croissance et d’emploi qui ne seraient réparables que sur le long terme. Le caractère progressif du déconfinement est un impératif de santé publique ; mais il va dans le sens d'une telle fragilisation, même si c'est à un moindre degré que ne le ferait une prolongation pure et simple du confinement. Il est même à craindre que l’économie ne retrouve un fonctionnement tout à fait normal qu’après la découverte d’un vaccin contre le coronavirus ;

- d'éventuelles nouvelles surprises sanitaires (« deuxième vague » du virus dans quelques mois ou l'année prochaine, comme il en est allé pour la grippe espagnole de 1918-1920, qui a d’ailleurs connu trois « vagues », mutation du virus...) rendraient nécessaire un nouveau confinement. Encore une fois, un port généralisé des masques et la généralisation des tests devraient alors permettre de limiter, voire d'éviter un recours à cette mesure destructrice pour l'économie.

 

La crise actuelle est au fond à l'économie ce qu'est le coronavirus au corps humain : un organisme sain surmonte l'épreuve sans difficulté majeure ; un organisme déjà miné peut en sortir profondément affaibli, voire en mourir. L'Histoire foisonne de situations de cet ordre. La crise qui frappe aujourd’hui l’économie réelle est plus ou moins durable. Elle est grave en elle-même, mais un élément l’aggrave considérablement : il s’agit du poids des dettes (dettes privées dans la plupart des pays du monde, dettes publiques également en Europe de l’ouest, en Amérique du nord et au Japon). Ce poids est tel que l’indispensable soutien accordé par les Etats à l’économie à la suite de la crise du coronavirus risque de susciter des interrogations sur la solidité financière de ces Etats eux-mêmes qui, en matière de dette, constituent la garantie ultime, ainsi que la crise actuelle le fait apparaître une nouvelle fois.

 

III - Vers une crise de la dette : jamais, un jour, ou… aujourd’hui ?

 

A) L’Italie est en situation critique

 

Le risque ultime, qui réside ainsi dans les dettes publiques, se fait de plus en plus crucial en Europe du sud (dans laquelle il faut de plus en plus ranger la France), et tout particulièrement en Italie. En effet, on peut certes concevoir qu'un fort rebond de l'activité marchande ait lieu en 2021 (ne fût-ce qu'en raison d'un effet de rattrapage), même après une forte augmentation des faillites en 2020, comme il est probable[1]. Mais on discerne mal, même dans une telle hypothèse et même bien au-delà de 2021, la possibilité d'une quelconque amélioration des ratios de dette publique sur PIB qui, avant la catastrophe sanitaire, étaient déjà très élevés et connaissaient déjà des évolutions problématiques dans toute l'Europe du sud : au nom de quoi ces tendances pourraient-elles s'inverser, si des mesures radicalement nouvelles ne sont pas prises ?

S’il est vain de donner aujourd’hui des prévisions trop précises pour l’année 2020, on peut observer que les observateurs tablent sur un bond spectaculaire de la dette italienne, de 136 % du PIB avant la crise à probablement plus de 150 % – soit un niveau identique à celui atteint par la Grèce en 2010, juste avant la grande crise que ce pays a traversée. C’est en cela que la situation italienne est extrêmement critique, au sein d’une Europe du sud elle-même très fragilisée dans son ensemble. C’est pour cela que je me focalise parfois ici sur le cas italien, étant dit que la plupart des considérations figurant dans cette tribune peuvent s’appliquer à la France – dont, tout particulièrement, les remèdes envisagés dans sa dernière partie.

 

B) Sur le fil du rasoir : le rôle-pivot des agences de notation et les craintes tous azimuts

 

1) De la sévérité à l’égard des entreprises…

Les agences de notation n’ont apparemment guère d’états d’âme en raison de la crise du coronavirus. Début avril, elles ont ainsi dégradé les notes de 300 entreprises[2]. En outre, ces dégradations se sont multipliées, affectant chaque semaine plus de 200 émetteurs dans le monde contre moins d'une dizaine en temps normal[3]. Standard & Poor’s a ainsi revu à la hausse la proportion des défaillances attendues d'ici la fin de l'année de 3,1 % à 3,7 % mais, dans un scénario où la pandémie serait durable, estime que cette proportion pourrait frôler les 10 %.

Moody’s a pour sa part abaissé fin mars la perspective des systèmes bancaires français, italien, espagnol, danois, néerlandais et belge de « stable » à « négative »[4]. Elle a maintenu la perspective « négative » attribuée aux systèmes bancaires allemand et britannique, et la perspective « stable » des systèmes helvétique et suédois. L'agence estime d’autre part que la production perdue au deuxième trimestre ne sera probablement pas rattrapée, en dépit des mesures de soutien annoncées par les États.

Il faut souligner que tout ceci intervient dans un contexte qui s’est fortement dégradé sur le long et le très long terme, avec une raréfaction des bonnes notes et une explosion des mauvaises notes en matière de dette des entreprises. Ainsi, plus de la moitié des dettes classées dans la catégorie investissement relèvent aujourd’hui de la moins bonne note de cette catégorie, contre moins de 20 % en 1990[5]. On peut donc craindre qu’une vague de grande ampleur de dégradations par les agences de notation n’aboutisse, à l’échelle mondiale, au basculement de pans entiers de la dette des entreprises (dette dite corporate) dans la catégorie spéculative, avec tous les risques de krach obligataire sur la dette privée et de paralysie des circuits de financement que cela comporterait.

 

2) … A quel comportement à l’égard des Etats ?

L’attitude des agences de notation au sujet de la dette des Etats sera un point encore plus crucial dans les semaines et les mois à venir.

On peut tout d’abord noter que Standard & Poor’s a maintenu à « AA » sa note sur la dette publique de la France[6]. Observons cependant que cette agence a motivé sa décision en prenant en compte pour notre pays une baisse d’environ 1,7% du PIB et 1 % de la consommation en 2020. Or, les autorités françaises elles-mêmes tablent désormais sur des évolutions beaucoup plus défavorables, et le tableau est encore plus sombre pour l’Italie, aussi bien en termes de baisse du PIB que de déficit public.

Un autre signe important est l’abaissement par Fitch fin mars de la note du Royaume-Uni[7], en raison de la dégradation des finances publiques britanniques liée au coronavirus, mais aussi des incertitudes liées au Brexit.

Le cas de l’Italie est le plus crucial, car la note actuelle des titres publics italiens se situe pour toutes les agences juste au-dessus de la catégorie spéculative, dans laquelle la dette italienne entrerait donc à la moindre dégradation. Il s’agit par conséquent du talon d'Achille de la zone euro : celui d’un surendettement que des années de rigueur (une rigueur que nous, Français, n'avons pas véritablement connue – sauf tout de même en ce qui concerne les budgets de l'armée, de la justice, de la police et de l'hôpital, comme nous en voyons les funestes conséquences) n'ont pas permis de résorber, principalement sans doute en raison de la stagnation provoquée par le taux de change de l’euro, trop élevé pour l'économie italienne. Si la conjonction entre l’effondrement de l'activité et l’explosion des dépenses publiques, à l’occasion de la catastrophe sanitaire, devait faire entrer la dette italienne dans la catégorie spéculative, la plus grande partie des fonds d’investissement et des fonds de pension vendraient leurs portefeuilles de dette italienne, puisqu'ils n'ont statutairement pas le droit de détenir des obligations spéculatives : il en résulterait de façon quasi-certaine un krach obligataire majeur et un défaut de l'Etat italien. Jamais sans doute le dilemme des agences de notation, écartelées entre l’exercice objectif de leur activité et le risque d’allumer l’étincelle de la pire crise financière de tous les temps, n’aura été aussi écrasant.

Standard & Poor’s y a apporté une première réponse ce 24 avril, en maintenant la note de l’Italie mais aussi sa perspective négative, ce qui signifie que l'agence pourrait abaisser cette note dans les mois qui viennent si la situation se détériorait. Standard & Poor’s fonde sa décision essentiellement sur le bas niveau de la dette privée italienne, et observe que la majeure partie de la dette publique italienne créée en 2020 devrait être achetée par la BCE. Quant à Moody's, elle devrait se prononcer le 4 mai.

 

3) Les craintes des marchés et des autorités nationales et européennes

Le 9 avril dernier, l'ESMA, (autorité européenne de supervision des marchés financiers) a appelé les agences de notation à ne pas dégrader trop rapidement les notes des Etats et des entreprises en raison des conséquences de la crise du coronavirus. « Le calendrier des décisions sur les notations doit être soigneusement calibré », a déclaré son Président Steven Maijoor, faisant ainsi allusion à cette alternative que pourrait être le report par les agences du réexamen de leurs notations[8]. A une échelle purement nationale, tel est le choix de la Banque de France qui va reporter ses activités de cotation d’entreprises, pour éviter d’avoir à y intégrer les conséquences financières de la crise du coronavirus.

Les tensions sont en tout cas palpables sur les marchés obligataires. La mise en place du PEPP avait très rapidement résorbé l’important spread (différentiel de taux) de la dette italienne avec la dette allemande, qui s’était effondré de 292 points de base (soit un écart de 2,92 %) le 18 mars dernier[9], jour de l’annonce du programme, à 155 points le 26 mars, soit un spread de l’ordre de ce qui prévalait avant la crise du coronavirus. Or, depuis, le spread a progressé en deux étapes, d’abord dans les derniers jours de mars, puis à partir du 14 avril, pour atteindre 260 points le 21 avril. Cette évolution, probablement due aux perspectives de réexamen de la notation par Standard & Poor’s, est extrêmement préoccupante, parce qu’elle se produit en dépit du soutien pourtant considérable apporté par le PEPP. Il s’agit d’un élément absolument nouveau depuis le lancement effectif des programmes d’assouplissement quantitatif de la BCE, en mars 2015. On peut y voir une crainte des marchés quant à la crédibilité même d’un tel soutien, ceci parce que la détérioration trop importante de la situation de l’Italie conjuguée au poids de son économie, sans aucune mesure avec celui de l’économie grecque, empêcherait la zone euro de lui apporter tout le soutien nécessaire, surtout en cas de requalification de ses obligations dans la catégorie spéculative. En toile de fond demeure le refus par l’Allemagne et le reste de l’Europe du nord de transferts massifs vers l’Europe du sud (transferts que Patrick Artus a évalués, pour l’Allemagne seule, à environ 8 % de son PIB chaque année). De cette attitude constante, le refus par l’Europe du nord des projets d’émission de « coronabonds » constitue la toute nouvelle illustration. Quant à des prêts impliquant une prise en main de la politique budgétaire nationale par la Commission européenne, l’Italie a bien fait savoir, s’agissant d’un appel au Mécanisme européen de solvabilité, qu’elle refuse de se trouver dans une situation analogue à celle qu’a connue la Grèce, totalement mise sous la coupe de ses créanciers et acculée à la tiers-mondisation de toute sa structure économique et sociale.

La BCE, pour conjurer le péril, a décidé le 22 avril d’accepter les dettes high yield – c’est-à-dire celles qui sont classées en catégorie spéculative – en collatéral pour le refinancement des banques. Or, le spread Italie-Allemagne s’est peu réduit durant les deux séances qui ont suivi cette décision majeure de la BCE. On peut y voir le signe que les marchés, plutôt qu’à cette décision en elle-même, accordent un rôle déterminant aux notations des agences et aux risques de ventes en masse par les fonds en cas de dégradation. Cela étant, la décision de la BCE a probablement influencé dans le bon sens la décision de Standard & Poor’s de maintenir la note actuelle de l’Italie. La situation reste donc en l’état pour l’instant, dans l’espoir que Moody’s aura une position identique, ce qui est probable. Il n’en reste pas moins que, si les rachats par la BCE devaient explosent en raison de ventes trop massives d’obligations italiennes, et si l'enveloppe du PEPP en venait à être consommée à un rythme exagéré, l'image donnée aux marchés serait très négative. Des incertitudes demeurent donc.

 

IV – Les remèdes envisageables

 

Si l’on écarte à la fois une solidarité européenne massive et inconditionnelle en faveur de l’Italie, ainsi que la poursuite par celle-ci de politiques de rigueur toujours plus accentuées, le règlement de la dette italienne ne pourra s’effectuer selon des modalités classiques.

Hors de celles-ci donc, si l’on exclut le défaut pur et simple, inenvisageable pour un pays développé soucieux de la qualité de sa signature, les seules issues résident dans l’obtention d’un niveau d’inflation un peu plus élevé qu’avant la crise sanitaire, de sorte à réduire la valeur de la dette, ou dans la poursuite de l'achat massif d'obligations publiques par les banques centrales. La première option est trop aléatoire pour être retenue à titre principal, surtout si la mise en œuvre d’un remède devient urgente : la BCE et l’ensemble des banques centrales de la zone euro ne tentent-elles pas en vain depuis 2015 de susciter une inflation annuelle de 2 % ? La solution la moins douloureuse est donc la poursuite par les banques centrales de leur politique d’achat d’obligations d’Etat. Il est significatif que Jean Tirole[10] ou Dominique Strauss-Kahn[11], économistes du courant dominant (ou mainstream), prônent plus ou moins ouvertement la monétisation de la dette, qui fut longtemps préconisée par des économistes extérieurs à ce courant, dont moi-même.

Encore une politique d’achat de titres ne suffit-elle pas à elle seule, car l’Etat débiteur reste tenu de verser les annuités de sa dette à la banque centrale qui détient ses obligations. Il pourrait être remédié à cette situation par une conversion des obligations détenues par la banque centrale en titres à échéance de cent ans et à intérêt nul ; une telle opération soulèverait bien entendu beaucoup moins de difficulté si l’Etat la concluait avec sa banque centrale nationale, plutôt qu’avec d’autres banques centrales de la zone euro. Les conditions de remboursement des détenteurs privés restant inchangées, l’Etat concerné ne ferait nullement défaut sur sa dette. Mais le service de celle-ci n’en serait pas moins considérablement allégé, puisque la part détenue par sa banque centrale en serait quasi-intégralement annulée.

Un tel rééchelonnement permettrait d’éviter le pire dans l’immédiat. Mais il ne suffirait pas à poser les bases crédibles d’une réorganisation des finances publiques s’il n’était conçu que comme la première d’une série de restructurations à venir, qui résulteraient de l’accumulation de nouveaux et incessants déficits publics annuels pareils à ceux que connaît la France depuis près de cinquante ans.

La politique budgétaire que l’on peut préconiser aujourd’hui dépend de trois grands impératifs simultanés : garantir la société contre les risques majeurs qui, comme la crise actuelle, peuvent l’attaquer de manière brutale et profonde ; réduire la dette publique sans étouffer l’économie ; présenter une politique budgétaire crédible pour les années qui viennent. Ces impératifs peuvent sembler contradictoires ; il tient au politique de faire en sorte qu’ils deviennent complémentaires.

Les risques majeurs contre lesquels il faudra nous garantir sont multiples, qu’il s’agisse des épidémies, mais aussi des guerres de grande ampleur et des catastrophes naturelles. Il sera nécessaire de disposer à l’avenir de stocks sanitaires permettant d’approvisionner l’ensemble de la population pendant une durée raisonnable, mais aussi de disposer des divers produits utilisés par les secteurs économiques absolument indispensables à la vie de la nation en temps de paix et en temps de guerre (pétrole mais aussi pièces de rechange, matériels de sécurité, produits de base, dont notamment les métaux dits « terres rares », qui sont pour l’essentiel extraits du sol chinois). Au-delà de simples stocks de sécurité, il faudra également disposer de productions nationales permettant de faire fonctionner l’ensemble des industries indispensables à la défense, à la santé et au ravitaillement – bref, de fournir au pays tout ce qui lui est vital. Voilà qui rend encore plus pressant l’impératif de réindustrialisation, déjà nécessaire du seul point de vue économique ; et l’on peut pressentir que la part de la réindustrialisation qui aura des visées essentiellement sécuritaires devra faire appel à certains soutiens de la sphère publique, et qu’elle sera coûteuse. Il devrait en revanche en aller beaucoup moins ainsi pour la part purement économique de la réindustrialisation, qui sera à mettre en œuvre par les entreprises françaises en accord avec leurs intérêts propres, et avec pour soutien public une simple impulsion initiale (exemption de charges fiscales ou sociales pendant les premières années, par exemple) de l’Etat.

La réduction de la dette publique sans étouffer l’économie, via la monétisation par la banque centrale et la conversion en titres à très long terme, a été évoquée. Mais pour être crédible, elle ne devra pas servir de prétexte au maintien de la spirale des déficits et de l’endettement que nous avons connue. Il lui faudra s’accompagner de mesures de rigueur budgétaire destinées à éviter qu’une telle situation ne se reproduise à l’avenir : avoir des finances publiques saines et inspirer confiance aux marchés sont à long terme une seule et même chose. Le symbole de la politique ainsi préconisée pourrait être la création du franc Poincaré en 1928 (le retour à l’étalon-or en moins), qui consista en une dévaluation des 4/5e du franc en regard de sa valeur de 1914. Cette mesure, qui équivalait à une banqueroute de l’Etat à hauteur de 80 %, visait à remédier aux problèmes financiers issus de la Première Guerre mondiale[12]. Mais il s’agissait d’une mesure « pour solde de tout compte », destinée à servir de base à un nouveau départ, avec une politique budgétaire économe. C’est ainsi qu’elle fut conçue par Raymond Poincaré, et qu’elle fut comprise et bien accueillie par l’opinion publique et par les marchés financiers. Encore faudrait-il, en notre temps, que les nécessaires mesures de rigueur budgétaire s’appliquent à bon escient. En constitueraient des éléments essentiels le non-remplacement quasi-intégral des fonctionnaires partant à la retraite (hors armée, police, justice et fonction publique hospitalière, dont il faudra au contraire nettement accroître les effectifs) et la réduction massive des coûts de l’immigration et de la fraude sociale, souvent liée à cette dernière. Une telle politique de rigueur devrait également viser, à terme, à réduire le taux d’imposition. A cela contribuerait, outre les économies budgétaires, une croissance du PIB dont on peut espérer qu’elle serait stimulée par ce que j’ai qualifié de volet purement économique de la réindustrialisation. On peut espérer qu’une telle politique, alliée à la remise en cause du libre-échangisme à tout crin, contribuerait aussi au redressement du commerce extérieur et permettrait le retour de la France et de l’ensemble de l’Europe du sud à une bonne santé économique et financière. L’imposition de normes sanitaires et sociales extrêmement strictes à la Chine et à quelques autres pays serait déjà un pas décisif en ce sens, et serait vue comme une conséquence naturelle de la crise du coronavirus qui, notons-le, s’est diffusé initialement hors de Chine dans deux des pays promoteurs des « nouvelles routes de la soie », à savoir l’Italie et l’Iran.

 

Conclusion : prévenir les évolutions dangereuses qui risquent de se produire

A défaut d’un accord faisant intervenir le Mécanisme européen de solvabilité ou les coronabonds, le soutien de l’Union européenne aux Etats endettés passe en grande partie par le PEPP, mis en place à partir du 18 mars dernier. Cette formule ne règle rien de façon définitive, la situation n’étant gelée que jusqu'à la fin de l’année 2020, que l’on peut espérer voir coïncider avec la fin de la crise sanitaire. En tout cas, les achats massifs d’obligations par la BCE et les banques centrales de la zone euro ont vocation à se poursuivre sur toute la période, en vue d’écarter à moyen terme tout risque de krach obligataire en Europe.

Or, les tensions de ces derniers jours sur le spread de la dette italienne ont mis en cause cette construction implicite. Elles ont posé aux Etats de la zone euro une question qui ne s’était jamais posée à eux depuis la mise en œuvre en 2015 par la BCE de sa politique d’assouplissement quantitatif : jusqu’à quelle limite l’assouplissement quantitatif est-il crédible ? Si le marché, tout particulièrement au cas où il serait incité à le faire par la dégradation de la notation d’un Etat tel que l’Italie, en venait à considérer que cette limite est dépassée, nous risquerions une crise financière majeure non point début 2021, mais ici et maintenant. Une telle crise financière, qui viendrait s’ajouter au chaos de la crise sanitaire, serait la pire de toute l’histoire du capitalisme. Elle pourrait bouleverser l’ensemble de la planète d’un point de vue économique et financier, mais aussi géopolitique. Ce péril semble heureusement écarté pour l’instant par les décisions de la BCE quant aux titres high yield, puis de Standard & Poor’s quant à la notation italienne – en attendant celle de Moody’s. Mais pour en prévenir le retour à l’horizon de quelques mois, lorsque le PEPP arrivera à son terme, il convient de parler un langage de réalisme et de responsabilité : celui de la monétisation et du rééchelonnement de la dette publique des Etats européens les plus endettés, et celui de la réorientation par priorité des dépenses publiques vers les domaines qui conditionnent la sécurité et la vie même des citoyens. Seule une politique conjuguant ce double impératif permettra enfin de soulager les Etats, de protéger les nations et les personnes, et de rétablir la confiance et l’équilibre.

 

Jean-Paul Tisserand

 

 

[3] Cf. en particulier le graphique en 11 m 08 s sur : https://www.youtube.com/watch?v=KSVBVkzoDdo

[5] Cf. en particulier le graphique en 11 m 28 s sur : https://www.youtube.com/watch?v=KSVBVkzoDdo

[12] S’agissant de la situation actuelle, nous ne sortons pas d’une guerre mondiale et il ne saurait être question de léser les créanciers privés de l’Etat ; la Banque de France serait seule concernée par la conversion des titres publics.


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22 réactions à cet article    


  • Clark Kent Séraphin Lampion 25 avril 2020 17:41

    c’est dans l’autre sens que ça se passe, retoutnez-vous, vous verrez mieux !


    • rogal 25 avril 2020 19:07

      Les besoins (individuels et collectifs), base de la demande, ne vont pas s’éteindre au-delà du confinement. Il s’agit, pour les dirigeants économiques, d’y répondre par une offre sans doute renouvelée. La finance n’a qu’à suivre pour accompagner relance et restructuration..


      • V_Parlier V_Parlier 26 avril 2020 00:42

        Je lis : "Il devrait en revanche en aller beaucoup moins ainsi pour la part purement économique de la réindustrialisation, qui sera à mettre en œuvre par les entreprises françaises en accord avec leurs intérêts propres, et avec pour soutien public une simple impulsion initiale"

        => Et bien, qu’est-ce qu’on ne ferait pas pour éviter de toucher au libre échange !


        • Jean-Paul Tisserand Jean-Paul Tisserand 26 avril 2020 13:34

          @V_Parlier
          Il n’est pas question du libre-échange dans cette incidente, mais du simple fait que l’Etat ne pourra pas tout faire, d’autant plus qu’il lui faudra sans doute participer directement à la part « sécuritaire » de la réindustrialisation, ceci avec une dette qui est en train d’exploser. Mais la situation actuelle se prête particulièrement à la redéfinition de notre politique en matière de commerce international, à la fois parce que la mondialisation est allée trop loin, et parce qu’il faut sanctionner la Chine.


        • Julot_Fr 26 avril 2020 08:13

          article interessant.

          Le fait que la BCE puisse maintenant acquerir des junk bond lui evitera d’avoir a vendre les bonds italiens quand ceux-ci vont etre degrades, il ne s’agit pas de faire baisser l’interet sur la nouvelle dette italienne, mais plutot d’eviter sont explosion ulterieure et ainsi sauvegarder le systeme.

          L’austerite, oui et non, il faut une reorganisation des depenses ; par example les depenses de sante francaise sont relativement elevees en % de PIB, le probleme etant qu’elles sont dirigees vers des procedures couteuses qui benefecient a Big Pharma plutot que vers des procedures medicales utiles... Le probleme est donc la corruption de notre systeme, ceci est le resultat de l’ingerence du politique qui est controle par les lobbies... bon courrage pour solutionner ce probleme


          • Jean-Paul Tisserand Jean-Paul Tisserand 26 avril 2020 13:41

            @Julot_Fr
            Un exemple au sujet de ce qu’on pourrait appeler la « quantité » et la « qualité » de la dépense publique. L’Allemagne compte 8 lits d’hôpital pour mille habitants, la France 6. On peut toujours soutenir que ce n’est pas assez, mais le déséquilibre n’est pas flagrant, et la France compte le double de lits par habitant du Royaume-Uni, de l’Italie et des Etats-Unis. En revanche, le nombre de lits de réanimation était au début de la crise de 5000 en France, contre 20 000 en Allemagne et près de 2000 au Maroc, pays sous-développé deux fois moins peuplé que la France ! Voilà déjà une piste pour de futures dépenses publiques en faveur de l’hôpital.


          • BA 26 avril 2020 13:19

            Le scandale du siècle.


            Le Conseil scientifique avait recommandé à Emmanuel Macron de ne pas ré-ouvrir les écoles : il avait recommandé d’attendre la rentrée de septembre.


            Et pourtant, Emmanuel Macron n’a pas voulu écouter cette recommandation : il a préféré ré-ouvrir les écoles.


            Entre les recommandations du MEDEF et les recommandations du Conseil scientifique, Emmanuel Macron a choisi.


            C’est le scandale du siècle.


            Ecoles : le désaccord entre gouvernement et conseil scientifique « pas choquant » (membres du conseil).


            Ce n’est « pas choquant » que le gouvernement ne suive pas forcément les recommandations de son conseil scientifique, ont estimé dimanche deux membres de cette instance, qui n’était pas favorable à une réouverture des écoles dès mai.


            "Pour moi ce n’est pas choquant qu’on puisse être sur certains points en porte-à-faux. Je comprends tout à fait que le gouvernement ait des arbitrages à faire qui puissent être différents de nos positions qui elles sont strictement limitées au champ sanitaire, et c’est très important que les rôles restent séparés", a déclaré sur Europe 1 Arnaud Fontanet, directeur de l’unité d’épidémiologie des maladies émergentes de l’Institut Pasteur.


            Le conseil scientifique, instance destinée à éclairer le gouvernement dans ses mesures pour lutter contre l’épidémie de Covid-19, a publié samedi un avis dans lequel il « prend acte » de la décision de rouvrir progressivement les établissements scolaires à partir du 11 mai, tout en indiquant que pour sa part il préconisait d’attendre plutôt septembre.


            "Nous, on fait des recommandations d’un point de vue sanitaire, le gouvernement lui fait des arbitrages qui prennent en compte toutes les autres dimensions", a insisté Arnaud Fontanet, rappelant que le confinement, efficace pour limiter la circulation du nouveau coronavirus, avait aussi d’importantes conséquences négatives sociétales, économiques, ainsi que sur la prise en charge des autres maladies.


            "On donne des orientations, mais ce serait pas forcément très sain que dans une société ce soit les scientifiques qui gouvernent tout, ça n’a rien de choquant", a abondé auprès de l’AFP le Pr Pierre-Louis Druais, médecin généraliste également membre du conseil scientifique, dont les avis avaient jusqu’ici été globalement suivis par le gouvernement.


            "Cette première fois prouve bien, on passe notre temps à le dire depuis le début, qu’on n’est pas là pour prendre les décisions à la place du politique, mais qu’on est là pour apporter les orientations", a-t-il ajouté.


            Prenant acte de la "décision politique", annoncée le 13 avril par le chef de l’Etat de rouvrir progressivement les écoles à partir du 11 mai, le conseil scientifique propose dans sa note une liste de mesures strictes pour adapter les règles de distanciation sociale au milieu scolaire.


            Il recommande notamment le port du masque obligatoire dans les collèges et les lycées, pour les élèves comme pour le personnel.



            https://www.lepoint.fr/societe/ecoles-le-desaccord-entre-gouvernement-et-conseil-scientifique-pas-choquant-membres-du-conseil-26-04-2020-2372930_23.php



            • Trelawney 27 avril 2020 08:47

              @BA
              Il est certain que si les enfants restent à la maison et que l’on continue à payer les fonctionnaires de l’éducation nationale à 84% de leur salaire jusqu’à septembre, ça nous fera des économie budgétaire.
              car qu’est ce qu’on en a à foutre que l’école reprenne en mai !
              Le problème est que ces instituteurs sont payés car soit disant, il travaille chez eux.
              Proposition : on paie les instituteurs et professeurs à 84% de leur salaire jusqu’à septembre et après on étudie. 


            • Trelawney 27 avril 2020 08:42

              La politique budgétaire que l’on peut préconiser aujourd’hui dépend de trois grands impératifs simultanés : garantir la société contre les risques majeurs qui, comme la crise actuelle, peuvent l’attaquer de manière brutale et profonde ; réduire la dette publique sans étouffer l’économie ; présenter une politique budgétaire crédible pour les années qui viennent. 

              Ce paragraphe pourrait sortir du manuel de l’énarque, mais n’est pas du tout adapté à la crise qui nous arrive.

              Enoncé du problème :

              Une pandémie planétaire confine plus de la moitié des habitants de la planète

              En temps normal la France ne sait pas boucler son budget sans avoir recours à la dette publique

              Sur le premier mois la protection sociale a perdu 41 milliards d’euros en non rentrée de cotisation et paiement du chômage technique et des soins médicaux. L’estimation jusqu’à la fin du confinement est de 100 milliards.

              Sur le premier mois l’état a annoncé des aides immédiates s’élevant à 300 milliards. On peut en enlevé la moitié (parole de politique) il en restera quand même 150 milliards. Il faut ajouter 150 milliards d’aides de seconde urgence (Air France Renault etc) et enlever aussi 50 milliards de baisse de TVA et TIPP. Ca nous fait 350 milliards de perte. Il faut ajouter le déficit public de 80 milliards annoncé. Et ca nous fait une dette estimé au plus bas à 530 milliards d’euros pour l’année 2020. Soit une augmentation de 22% par rapport au PIB (on est très loin des 3% de la BCE).

              Comme vous le dites, la crise va perdurer au delà du confinement et le ralentissement économique sera brutal mais aussi (et ça personne n’en parle) mondiale. Cela veut dire que dans ce contexte c’est chacun pour soi et ce sera impossible de trouver ces 530 milliards (si tout va bien). 

              Solution unique :

              On peut donc s’attendre à une baisse « momentané » de 25% du montant des retraites, de 25% du montant des salaires des fonctionnaires. Et pour ne pas oublier le privé, une taxe de 25% sur le salaire du privé et le chômage.

              L’UE et la BCE ne pourront rien faire pour palier à cette crise économique qui va perdurer jusqu’à ce que l’on trouve un vaccin (si jamais on en trouve un).

              Cette économie basée sur le dette et la croissance arrive à sa limite. Le problème est qu’il n’y a pas de plan B


              • Jean-Paul Tisserand Jean-Paul Tisserand 27 avril 2020 10:13

                @Trelawney
                La situation est suffisamment grave pour ne pas verser dans le catastrophisme.
                Les 300 milliards que vous évoquez ne sont pas des aides, mais des garanties. Actuellement, 38 milliards de prêts ainsi garantis ont été accordés (dont 90 % à des TPE et 4 mds à Air France). La garantie de l’Etat ne jouera pas dans la plupart des cas, à moins que la France s’enfonce dans une crise de plus en plus terrible. Et alors, comme aujourd’hui, il y aurait bien d’autres soucis que le déficit budgétaire. On table actuellement sur une augmentation de 17 points de PIB (de 98 % à 115 % du PIB) de la dette publique, ce qui est déjà énorme. Les mesures que vous évoquez (baisses de 25 %) provoqueraient une catastrophe économique et des troubles graves pouvant aller jusqu’à des insurrections armées. De telles décisions ne sont donc pas concevables. Mais je suis d’accord avec vous sur le fait que la dette arrive à une limite. C’est bien pour cela qu’il faut la monétiser, comme je le préconise dans ma tribune, mais faire aussi en sorte que les causes qui ont provoqué cette situation (je ne parle pas de la pandémie, mais du fait que nous ayons été à 98 % de dette/PIB AVANT celle-ci) ne se reproduisent pas.


              • Trelawney 27 avril 2020 12:35

                @Jean-Paul Tisserand
                Mon avis est que la seule solution possible pour que la France se sorte de cette crise, n’est pas de ponctionner 25% des revenus des français (retraites, salaires, dividendes, loyers etc), mais de transformer ces 25% en obligation d’état.
                Pour le français ca reviendra au même puisqu’il perdra dans un premier temps ces 25%. Comme la pandémie limite les déplacement et surtout la consommation, ca ne se verra pas trop dans la situation économique (il y aura autant de faillite avec ou sans ponction)
                Mais si sur 5 ans la France se stabilise, le français retrouvera ses 25% au remboursement de cette obligation.
                La France l’a déjà fait lors de l’impôt sécheresse en 1976. Emprunt fiscal qui a été remboursé jusqu’en 1982


              • Spartacus Lequidam Spartacus 27 avril 2020 09:28

                « en titres à échéance de cent ans »

                Donc la solution, serait de refiler nos dépenses au présent aux générations que nos couilles ont même pas encore conçu les spermatozoïdes.

                Amusant !

                Donc en résumé, les états ne financent plus leurs dépenses sur l’impôt, mais sur l’émission d’obligations d’état à 100 ans qui ne rapporte rien, mais fait perdre de l’argent à ceux qui l’achètent. 

                Amusant !

                L’idée c’est bien que ces obligations à 100 ans soient vendue à des spéculateurs qui trouvent d’autre spéculateurs, qui en trouvent d’autres pendant 100 ans, a qui refiler le bébé en espérant ne jamais être le dernier à la posséder.

                Amusant !

                Donc en résumé, les états vont tous émettre en même temps au même moment en quantités pharaoniques des obligations d’état qui ne rapportent rien de rien, et ils vont trouver plein de gens pour en acheter sans être en concurrence les uns des autres pour les vendre.

                Amusant !

                Et donc si il y a une difficulté pour placer ses obligations, il serait impossible a un état de filer un p’tit plus aux rares acheteurs pour rendre plus attractif ses obligations, et que cela n’entraîne pas une hausse des rémunérations des obligations de tous les états, et donc une grosse baffe aux états surendettés.

                Amusant !

                Keynes est mort et enterré.

                Il reste plus que ses adeptes à pendre.


                • Trelawney 27 avril 2020 09:45

                  @Spartacus
                  La seule façon pour que des entités achètent des obligations d’état à 100 ans, c’est qu’on les obliger à en acheter.
                  Je verrais bien la transformation d’une partie de nos revenus en obligations. J’appelle cela monnaie de singe


                • Jean-Paul Tisserand Jean-Paul Tisserand 27 avril 2020 10:24

                  @Spartacus
                  @Trelawney
                  Les « spéculateurs » et les « gens » dont vous parlez ne seront pas lésés, parce qu’ils n’existeront tout simplement pas ! Je suis conscient de la longueur et de la technicité, parfois, de ma tribune, mais avant de critiquer un texte il est bon de le lire. Je préconise (et c’est ma position depuis de longues années) un rachat et une conversion de la dette en titres à cent ans par les Banques centrales, chaque Banque centrale nationale de la zone euro procédant ainsi avec les obligations publiques de son propre Etat qu’elle a rachetées dans le cadre du programme d’assouplissement quantitatif. Il ne s’agit pas de keynésianisme, mais de résorption de la dette avec la détermination de ne plus revenir à une telle situation : Raymond Poincaré, qui a mis en oeuvre une politique un peu différente mais d’esprit comparable, n’était pas keynésien, huit ans avant la publication de la « Théorie générale... » de Keynes. N’était pas keynésienne non plus la Banque d’Angleterre qui, en plein XVIIIe siècle, résorbait ainsi la dette issue de la guerre d’Indépendance américaine, pendant que l’administration française s’enferrait dans des discussions avec les fermiers généraux : telle fut une cause majeure de la crise financière de la fin de l’Ancien Régime.
                  Quant aux obligations à cent ans, elles permettraient à l’Etat de rembourser chaque année à sa Banque centrale 1 % du montant principal de sa dette au lieu de 14 % aujourd’hui, puisque la durée moyenne des obligations françaises est actuellement de sept ans.


                • Spartacus Lequidam Spartacus 27 avril 2020 11:31

                  @Jean-Paul Tisserant

                  Tout le monde n’a pas votre avis.

                  https://www.forbes.fr/finance/lescroquerie-des-dettes-a-100-ans/

                  OK, les titres a 100 ans sont donc vendus à la banque centrale. Acté.

                  Mais ne faut-il pas relier les 2 bouts de la corde du pendu.

                  La contrepartie des fonds pour acheter les obligations des états par la banque centrale, puisque celle ci ne peut avoir un capital négatif, ce sont des créances sur les banques centrales nationales, qui elles mêmes ont des créances sur les états qui émettent des obligations. Obligations qui se retrouvent in-finé sur les porteurs de livret A, épargnants et assureurs vie. La boucle est bouclée. Serrez !

                  Comme de nos jours les états ne se financent plus par l’impôt, mais par l’émission d’obligations, il n’en reste pas moins qu’il faut « vendre » des quantités pharaoniques d’obligations pour rembourser.

                  Maintenant que l’Allemagne et des pays solvables vont en émettre, c’est donc une concurrence pour les placer qui va arriver. 

                  Un krack obligataire est inévitable. Si l’Europe peut sauver la Grèce, qui pourra sauver le club des pays club med Italie, France, Espagne.

                  Des obligations a 1000 ans ?


                • Jean-Paul Tisserand Jean-Paul Tisserand 27 avril 2020 11:55

                  @Spartacus
                  Vos arguments sont intéressants et me donnent l’occasion de préciser ma pensée, en particulier en réaction à l’article que vous citez. Simone Wapler peut faire des observations intéressantes sur la situation économique, mais elle ne débouche jamais sur des propositions constructives :

                  son graphique des taux d’intérêt remontant jusqu’à l’Antiquité doit en lui-même inspirer des doutes sur le sérieux de son propos. Au demeurant, une époque comme le Moyen-Age, qui interdisait le prêt à intérêt et raisonnait à très long terme (les cathédrales...), aurait dû avoir des taux très faibles ;
                  les obligations à cent ans ne doivent pas être un placement pour les particuliers et les investisseurs, mais un produit réservé aux Banques centrales, pour amortir la dette. Elles ne doivent donc être en aucun cas un produit de placement pour les livrets A. La pratique observée aujourd’hui et évoquée dans cet article est en effet très contestable et je ne la préconise pas ;
                  en conclusion , Simone Wapler recommande pratiquement le retour à l’étalon-or, qui fut le facteur majeur d’aggravation de la crise de 1929. Que voilà une idée belle et novatrice pour finir de mettre par terre l’économie mondiale !
                  Quant à votre question, la Banque centrale crée de la monnaie pour racheter les obligations d’Etat. En sens inverse, elle reçoit les remboursements de l’Etat au titre de celles de ses obligations qu’elle détient, ce qui ponctionne de la monnaie. Si les remboursements sont réduits à presque rien par la conversion des titres en titres à cent ans, il y aura un risque de création monétaire sans mouvement inverse, et donc de trop forte inflation. Nous en sommes loin ! Mais cela justifie une réduction des dépenses publiques, pour ne pas reproduire le cycle de l’endettement public que nous connaissons depuis 1974.


                • Jonas 27 avril 2020 09:28

                  « Labourage et pâturage sont les mamelles de la France » disait Sully, les ministres des finances successifs ( mis a part Raymond Barre) ont une autre sentence , " Taxations et subventions sont les mères nourrices de la France. 

                  Un Etat digne de ce nom a plusieurs solutions pour baisser la dette. Faire des coupes budgétaires avec un régime sévère d’amaigrissement des rouages pléthorique de l’Etat. Augmenter les impôts , pour emmagasiner des recettes. Mais comme la France est au taquet , cela n’est pas possible.  S’endetter auprès des créanciers , qui font encore confiance à la France. 

                   Mais cette dette (sans parler du déficit) et le cadeau empoisonné que nous laisserons a nos descendants . << Les gouvernements peuvent emprunter aux générations futures sans difficultés ; ils sont là pour ça. Les gouvernements vivent très longtemps , ils auront le temps de rembourser >> Esther Duflo , Eric Nobel d’économie.

                  PS : Les dépenses pour la santé en France sont incomparablement supérieures a celles du Maroc, quant a l’Allemagne, elles sont presque identiques a la France ( 11,2%-11,3%) et aux Etats-Unis , a + de 17% . Ce ne sont pas les moyens qui manquent en France.


                  • Baptiste B. 27 avril 2020 10:37

                    Article intéressant.

                    Je partage notamment votre diagnostic sur l’Italie. François Écalle, ancien rapporteur général à la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques, parle d’elle d’ailleurs comme du « maillon faible » de la zone euro. La situation Italienne est très préoccupante et l’évolution sa situation financière sera déterminante pour l’avenir de l’Europe et la santé économique des autres pays de la zone.


                    Je pense qu’il reste une question fondamentale : Qu’est ce que les gouvernements ont fait de l’argent ? En effet la France,ce est le pays le plus taxé au monde (OCDE en 2017) et sa dette est passée de 21 % du PIB en 1981 à 120 % en 2020 (prédiction). De plus, ces dépenses très importantes n’ont pas permis de réduire les tensions sociales (gilets jaunes) ou d’éradiquer la pauvreté (8,8 millions de pauvres en France selon l’Insee en 2016).

                    Pour moi, une des raisons de ces déficits à répétition, c’est une utilisation intéressée des politiques économiques visant davantage à manipuler un électorat sur le court terme qu’à assurer la santé économique française sur le long terme.


                    lien vers mon article : https://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/reflexion-sur-l-endettement-de-l-223605 


                    • Jean-Paul Tisserand Jean-Paul Tisserand 27 avril 2020 12:04

                      @Baptiste B.
                      Où est passé l’argent ? Il y a quelques pistes : la suradministration, la gabegie des dépenses sociales et le coût ruineux à tous points de vue (pas seulement du point de vue financier, hélas !) de l’invasion migratoire, cause majeure (mais certainement pas unique) de la gabegie précitée. Il faudra bien réduire tout ceci dans l’ordre, ou l’hyperinflation et des troubles graves s’en chargeront dans le chaos.


                    • Aldo le néophyte 27 avril 2020 16:21

                      « Une telle crise financière, qui viendrait s’ajouter au chaos de la crise sanitaire, serait la pire de toute l’histoire du capitalisme. Elle pourrait bouleverser l’ensemble de la planète d’un point de vue économique et financier, mais aussi géopolitique. » Il me semble au contraire que l’actuelle « crise sanitaire » qui n’en n’est pas une, offre une opportunité extraordinaire pour un consensus ouvrant la voie à l’évitement du krach qui semblait, il y a seulement quelques semaines inévitable. La surmédiatisation, la surestimation du danger du Covid, et la surévaluation des victimes, permettent un état d’urgence sanitaire, donnant les coudées franches aux gouvernements pour régler, par des mesures impossibles à prendre en d’autres circonstances, tout l’héritage de 2008. Car enfin, c’est de ce dont il s’agit. Alors certes le schéma que vous présentez pour sa résolution est tout à fait cohérent, mais la question de la note de l’Italie est accessoire. La monstruosité économique que représente les taux négatifs met en lumière l’impuissance de la BCE et en dit bien plus long sur l’imminence d’un crack que des questions de notations. Cette pandémie arrive à point nommée, elle peut-être une solution et non le problème. On pourrait même imaginer qu’elle était attendue. Mais s’ils ratent leur coup la catastrophe sera encore bien pire, je vous l’accorde. Bien à vous.


                      • Jean-Paul Tisserand Jean-Paul Tisserand 27 avril 2020 17:29

                        @Aldo le néophyte Je trouve votre point de vue intéressant, même si je ne partage en aucune façon l’idée que la crise sanitaire ne soit pas une crise, et qu’elle était attendue. En tout cas, oui, la crise accélère une évolution qui se dessinait depuis des années, dont l’on n’arrivait pas à sortir, et qui aurait donné la situation actuelle en termes de dette publique - mais après des années. Cela fait des années que je préconise une telle conversion de la dette ; tout d’un coup, on se met à en parler aujourd’hui.


                      • Réago 28 avril 2020 15:48

                        La question se pose où la survenue d’une crise de la dette publique comme conséquence sanitaire du Coronavirus peut se produire. Parmi les pays développés ont voit toujours qu’il s’agit de pays de la zone euro où une telle crise peut survenir. Pas de risque de crise de la dette au Japon, aux USA, au Royaume-Uni. Ce dernier pays s’est engagé dans un système provisoire de financement direct de l’État par la banque centrale qui va permettre de limiter seulement les dégâts économiques et sociaux de la crise du Coronavirus, mais on peut être certain que l’État britannique n’aura pas à affronter une crise de la dette. Si l’Italie et la France persistent à vouloir demeurer dans la zone euro avec un endettement public accru il y a aura des contraintes budgétaires à prendre en compte tout simplement pour éviter le fameux spread sur la dette qui résulte, pour un pays qui a l’Euro comme monnaie, du fait que le soutien de la BCE, institution supra-nationale, ne saurait être garanti, ad æternam, à la hauteur des besoins dudit pays, c’est déjà le cas pour l’Italie malgré les annonces récentes de la BCE.

                        Ensuite cette crise du Coronavirus aura permis de faire ressortir la désindustrialisation dramatique de la France, c’est le prix payé pour les délocalisations et les fermetures d’usine. Le gouvernement français ne s’est jamais opposé aux délocalisations, tout simplement parce qu’il n’a pas le droit, c’est interdit par les traités européens, même pour des secteurs que l’on pourrait considérer comme vitaux, tels que la fabrication de masques. Donc vous aurez deux calamités qui vont s’additionner : Le gouvernement obligé de faire du matraquage fiscal ou social pour combler les déficits faute de certitude de pouvoir bénéficier autant que de besoin d’une stratégie adaptée de monétisation de la dette publique avec la crainte du spread sur la dette, puis des déficits de compétitivité en résultant qui ne vont faire qu’aggraver les problèmes de désindustrialisation de la France dans un cadre institutionnel européen qui ne permet aucun échappatoire aux règles de la concurrence totale non faussée.

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