Décret et grève à l’ANPE... quel service public de l’emploi ?
Tous les syndicats de l’ANPE appellent à une grève le jeudi 29 mars prochain. L’objet du litige est un projet de décret qui conduira progressivement au démantèlement du service public de l’emploi et cela d’abord au détriment des chercheurs d’emplois. Après les déclarations de Jacques Chirac sur la nécessaire fusion ANPE / Unédic et alors que Nicolas Sarkozy ne cesse de s’exprimer sur les réductions d’effectifs au sein de la sphère publique, la mise en œuvre du précédent décret apparaîtrait malheureusement comme précurseur de ce qui attend nombre d’activités d’intérêt général dans la France de Sarkozy : moins de services (aux) publics pour encore plus d’inégalités !
Ce projet de décret visant à modifier l’organisation et le fonctionnement de l’ANPE est actuellement à l’étude au Conseil d’Etat. Ce décret donne la possibilité à l’ANPE de créer des filiales commerciales, introduit les collectivités territoriales dans le Conseil d’administration de l’ANPE et enfin déconcentre en renforçant les pouvoirs donnés aux directeurs régionaux de l’ANPE (au détriment de sa direction générale).
Ce décret est le résultat d’une longue réflexion sur l’organisation des structures, publiques et privées, amenée à agir auprès des privés d’emploi. En janvier 2005, le ministre François Fillon, aujourd’hui très proche de Nicolas Sarkozy, reçoit un rapport afin de préparer la future loi dite de mobilisation sur l’emploi. Le rapport rédigé par Jean Marimbert, ancien directeur de l’ANPE, passe en revue le fonctionnement du service public de l’emploi (ANPE, Assedic, Afpa) et invite le gouvernement à revoir son organisation dans le but d’en améliorer son efficacité. L’auteur du rapport constate que « la France a le dispositif d’intervention sur le marché du travail le plus éclaté d’Europe ». Tout en rejetant alors l’idée d’une fusion ANPE-Unedic, il suggère que ces deux organismes mettent au point, ensemble, une méthodologie de recours aux prestataires privés pour placer les chômeurs.
La précédente idée de libéralisation du marché de l’emploi est en œuvre, au niveau européen, depuis le début des années 1990. La plupart des pays européens ont désormais mis en application l’ouverture à la concurrence des fonctions de placement. La France a ratifié la convention numéro 181 de l’OIT (Organisation Internationale du Travail) sur la fin du monopole public de placement. Ce texte reconnaît « le rôle que les agences d’emploi privées peuvent jouer dans le bon fonctionnement du marché du travail ». La France n’a ratifié cette convention datant de 1997 qu’à travers la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005. Les évolutions liées à cette libéralisation conduisent partout aux mêmes constats. Le renforcement du lien entre gestion de l’indemnisation et fonction de placement, le désengagement de l’Etat et la diversification des sources de financements du service public de l’emploi, l’accroissement du rôle des opérateurs privés à but lucratif, l’introduction de la logique commerciale dans les services publics de l’emploi à travers la filialisation d’une partie de leurs activités ; telles sont les évolutions qui, à terme, risquent de réduire le service public de l’emploi à un opérateur parmi d’autres.
Développer un marché mixte public - privé dans le domaine de l’emploi ne se réalise malheureusement pas au profit des premiers intéressés que sont les chercheurs d’emplois. Fixer des objectifs de placement à des opérateurs privés rémunérés aux résultats, c’est instituer un espace contractuel privé inégalitaire face à la loi publique caractérisée par la gratuité d’accès et l’égalité de traitement. Le service public est ainsi fragilisé. La logique concurrentielle fait et fera le reste, c’est à dire réguler le plus possible le marché de l’emploi en fonction des seules possibilités de profits réalisables sur le dos des chômeurs. La réduction du nombre de chômeurs ne sera jamais la priorité d’un système vicié par l’argent qui ne se nourrirait financièrement que de l’existence même de ce chômage. L’argent destiné à lutter contre le chômage ne doit pas être le cœur et le moteur d’un juteux marché.
Quelles sont les positions des principaux présidentiables sur cette question ? En la matière, les propositions du candidat de la droite libérale sont connues. « La fusion de l’ANPE et de l’UNEDIC est une nécessité. Ne laissons pas les techniciens nous en dissuader pour des raisons statutaires » affirme Nicolas Sarkozy, en septembre 2005, lors d’une convention UMP. Moins de deux mois plus tard, le 30 novembre 2005 lors de la convention UMP sur les injustices, Nicolas Sarkozy est encore plus précis : « Ceux qui pensent que l’Etat est déterminant pour garantir la justice sociale doivent être jugés sur leur courage à proposer et réussir des réformes. Commençons par exemple par réformer le service public de l’emploi, fusionner l’ANPE et les Assedic, concevoir des politiques ciblées en fonction des différentes catégories de chômeurs, instaurer la culture du résultat, comme l’ont fait tous nos partenaires européens ». Sur son site internet, l’UMP formulait la proposition de réforme suivante : « Réformer le service public de l’emploi en unifiant les structures, en ayant recours à des organismes privés de placement et en évaluant les résultats ». Le candidat de l’UMP souhaite aussi réduire les moyens du service public de l’emploi. Ces derniers jours, sur RTL mercredi 21 février et dans « Le Parisien » ce même jour, le ministre candidat cite la fusion ANPE - Unédic comme exemple de réforme qui dégagera des économies.
Ségolène Royal à un tout autre positionnement sur cette question. La mise en œuvre de la sécurité sociale professionnelle serait confiée au service public de l’emploi. La candidate ne s’est pas exprimée sur la question de la fusion ANPE - Unédic mais des socialistes défendent aujourd’hui cette fusion. Plus généralement, la candidate de la gauche défend régulièrement les services publics : « Qu’est-ce que ça veut dire qu’une République qui recule sur son service public ? C’est un système qui s’écroule et c’est un système qui crée de la violence. Moi je ne veux pas une France violente, je veux une France apaisée où les gens vivent ensemble et l’État tient debout et assume ses responsabilités » affirme la candidate dans l’émission « J’ai une question à vous poser » sur TF1 le 19 février 2007.
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