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Accueil du site > Tribune Libre > Des armes chimiques ! Et alors ?

Des armes chimiques ! Et alors ?

Le titre ? Ça veut bien dire ce que ça veut dire ! Il n’y a pas de quoi fouetter un rebelle syrien. Beaucoup déjà a été écrit sur l’intervention militaire « programmée » (oui, je fais un procès d’intention aux puissances occidentales) en Syrie. Les gens de gauche la soutenant fermement, les gens de droite timidement (l’opposition fait son travail : elle s’oppose), les radicaux de gauche et ceux de l’ultra-droit (pour une fois, mais ce n’est pas la première, se rencontrant), s’y opposant. Tous, par principe. « Principe » quel fabuleux terme, qui vient tout expliquer. Tout justifier. En droit, on appellerait ça une « notion indéterminée », qui permet à chacun de trouver midi à sa porte. À chacun de dormir sur ses deux oreilles, du sommeil du juste. Si on fait une chose par principe, par principe, cette chose ne peut être que juste.

Et par principe donc, l’utilisation des armes chimiques devraient être interdites. Cela constituerait un crime contre l’humanité. Rappelons que nous avons ici affaire à une notion qui date de la Seconde Guerre mondiale. Ainsi, l’utilisation du gaz serait un crime contre l’humanité mais pas celle de la bombe atomique, puisque on n’a entendu de la bouche d’aucun chef d’État occidental le fait que Roosevelt était un criminel de guerre ou avait commis un crime contre l’humanité en lâchant deux bombes atomiques sur le Japon.

Ceux qui sont mordicus contre cette intervention le sont par anti-impérialisme primaire et sans l’ombre d’une preuve affirment que Bachar El Assad n’aurait pas fait usage d’armes chimiques. Ce n’est pas ce que j’affirme, je n’en sais rien. Ce que je dis par contre, c’est : et alors ?

Attention, je ne préconise nullement l’utilisation d’armes chimiques à tort et à travers. Je questionne juste la pertinence de sa prohibition absolue, comme toute prohibition absolue d’ailleurs. Plusieurs questions naissent en effet d’un tel précepte :

  1. L’arme chimique est-elle à proscrire pour tous et contre tous ?
  2. Si la réponse est négative à la première question : quelles sont les conditions qui doivent être réunies pour permettre son utilisation ?
  3. Si son utilisation est bannie (mais qui décrète une telle chose ? ah oui, autant que je me souvienne de mes cours de droit international humanitaire, c’est la Convention sur l'interdiction des armes chimiques), quelle doit être la sanction ?

La Syrie ne fait pas partie de la Convention prohibant l’utilisation des armes chimiques, alors comment se fait-il qu’on veuille qu’elle la respecte ? Nous avons là affaire à une logique de deux poids deux mesures. On a prétexté que parce que l’Iran avait signé le traité de non-prolifération nucléaire il n’avait pas le droit de se doter d’un arsenal nucléaire. Soit ! même si ce raisonnement est fallacieux étant donné qu’on peut justifier le contournement d’une telle force coercitive de la convention par le fait que certains droits seraient inaliénables et celui de « sanctuariser son territoire », comme aurait dit De Gaule, en fait partie. Mais partons du principe qu’une convention engage ceux qui l’ont ratifiée. Quid de ceux qui s’en sont abstenus ? La Convention obéit à des préceptes, dont l’un d’eux, le principal, veut que seules les parties à la convention doit la respecter. Sans quoi, nous ne serions plus dans une convention mais dans un ordre international public, qui s’impose à tous les États, indépendamment de l’existence d’une convention. Mais dans un tel cas de figure, pourquoi en premier demander à des pays de la ratifier puisqu’eux tous seront contraints par elle indépendamment de toute ratification ?

Donc, à en croire les Américains et les Français, une telle utilisation constitue une « ligne rouge » qui aurait été franchie ? Est-ce à dire que les opposants d’Assad n’auraient pas non plus droit à son utilisation, même si de telles armes ne sont utilisées que contre des militaires ? Et pourquoi pas alors une qualification rétroactive ? Apparemment c’est possible, comme en témoigne la Loi Taubira, qui érige l’esclavage en crime contre l’humanité ? Les Américains ont faut usage de l’agent Orange pendant la Guerre du Vietnam, pourquoi ne pas les poursuivre eux aussi, et les déclarer criminels de guerre ?

Posons-nous la question, si c’était vraiment une question d’arme chimique, et si tant est que la Chine utilisait des armes chimiques au Tibet ou si la Russie l’avait faite lors du conflit contre la Géorgie, qu’aurait fait la France ? Strictement rien, sinon d’émettre des vœux pieux ! « Realpolitik » répondrez-vous, oui, ce terme que l’on doit à Bismarck est le leitmotiv qui parcourt toute vie politique, et sans doute toute vie tout court, et pour ceux qui trouverait se terme trop barbare ou pédant, on peut lui en substituer un autre, plus terre à terre : hypocrisie. Le fait est que Hollande veut sa guerre, il ne doit pas rester en reste puisque Sarkozy a eu la sienne en Lybie. Pour cela, il sort le gros arsenal sémantique, plagiant la stratégie des néoconservateurs pour envahir l’Irak, à grand renfort de phrases chocs. Hollande parle de « punir Assad » comme Bush voulait la tête de Saddam Hussein mort ou vif. Harlem Désir, lui, dénonce « l’esprit munichois » de ceux qui sont réticents de s’engager dans une telle aventure, comme Condoleeza Rice qualifiait l’Irak de faire partie de « l’Axe du mal ». Ce vocabulaire sert un dessein précis, celui d’anesthésier l’esprit critique français, il faut en effet battre l’Arabe pendant qu’il est encore chaud, d’assommer le citoyen par des images de civils victimes, peut-être, d’armes chimiques, de lui enlever toute interrogation. Et nous devrions les croire ? Question candide : pourquoi vous croire ? Quelle raison auriez-vous de dire la vérité ? Le Docteur House martèle à chaque fois : « tout le monde ment », Foucault, lui, parlait de Parrhesia, du courage de dire la vérité, et ce en dépit que cela nuirait à nos intérêts. Un homme politique ferait-il preuve d’un tel courage et aller à l’encontre de ses intérêts ? Quel exemple avons-nous dans l’histoire d’un tel courage, d’un tel suicide politique ?

La vérité est que, sans aucune raison, l’utilisation des armes chimiques est tombée dans le domaine du tabou, quelque chose que l’on devrait condamner en toutes circonstances, oubliant le fait que le « droit de la guerre » est un oxymore, la guerre excluant par principe toutes règles. Soit nous menons une guerre « juste », et tous les moyens sont permis, je rejoins ici Clausewitz, soit elle ne l’est pas, et alors tout acte belliqueux doit être condamné, que ce soit l’utilisation d’une bombe atomique ou d’une machette. Ce manque de cohérence est caractéristique des valeurs que la bonne société érigent en tabous, comme ces stupides bébé phoques ou encore la corrida. Comme il est bon de s’offusquer du massacre d’ours polaires ou de baleines ? Mais pourquoi pas des poulets et des calamars ? Plus c’est gros ou mignon, plus ça a de prix. Seuls les végétariens devraient s’outrager que l’on massacre les phoques, car ils s’outragent que l’on massacre n’importe quel animal, les autres, oui, vous autres, vous êtes des hypocrites. Idem pour les armes chimiques, la cohérence voudrait que l’on intervienne en Syrie au premier massacre, même si celui-ci s’effectue par balles, et non qu’on attende le franchissement d’une « mythique » ligne rouge.

Mais on a fait avaler tant de choses aux Français, alors pourquoi pas celle-là. Aux armes citoyens ! Pour paraphraser Nietzsche et ses premières Considérations inactuelles, c’est la défaite de l’esprit français au profit de l’empire français.


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9 réactions à cet article    


  • Brice Bartneski bartneski 4 septembre 2013 22:57
    Faux. Le fdg est contre l’intervention également.
    Quant au « pourquoi les armes chimiques et pas les autres » , peut être parce qu’il est plus facile d’en fabriquer tout seul sans l’intermédiaire d’un marchand d’armes. « pas touche à mon business ».

  • Rensk Rensk 3 septembre 2013 13:36

    Quand on attaque quelqu’un où un État... c’est a l’accusation de prouver ce qu’elle avance et non pas a l’accusé de prouver sa non culpabilité... Vous inversez les rôle volontairement (ce n’est pas la première fois) smiley


    • egos 3 septembre 2013 15:15

      La formulation de la première question introduit avec justesse la philosophie qui sous tend le raisonnememnt de l’auteur, un amalgame de considérations spécieuses teinté de cynisme de pacotille.

      pourquoi ne pas formuler la probématique en ces termes : peut on prohiber la production et l’usage d’armes chimiques ou létales susceptibles de toucher de manière infifférenciée de vastes populations ?

      doit oeuvrer à contenir et dénoncer les atrocités inévitables, notamment envers les civils démunis de moyens de defénse, inhérentes à tout conflit militaire ?

      pour prolonger sa pensée (l’auteur) , faut il interdire la torture, les génocides, les camps de concentration ou cela fait il parti du champ immuable de l’histoire ?

      il n’y a de guerre juste que celle romancée par les bellicistes ou les vainqueurs

      inutile de convoquer les philosophes grecs ou allemands à votre prose tout autant fumeuse qu’un gaz de combat
       
      sarin ou botulique en ce qui concerne le théatre syrien, la question reste ouverte


      • egos 3 septembre 2013 17:24

        Salut Morvandiau,

        vous avez ércupéré votre avatar ?
        un point pour vous, non que le second ne vs rende pas hommage ,
        une référence aux sixties seventies ...


        ok sur votre analyse,

        il ne s’agit pas de refaire l’histoire, ni de sensiblerie, quoique cela pusise constituer une porte ouverte à l’expression de sentiments ou de s’apitoyer sur le sort (scellé) des victimes

        Des amiraux us se sont élevés, en son temps, de l’usage de Fat Boy & enola Gay le qualifiant de crime contre l’humanité (cf le doc de ¨Peter Walker), des officiers français contre l’usage ed la torture, un nazi présent lors des massacres de Nankin.

        Ajoutons, parlant de camps de concentration, ses synonymes Goulag, la campagne chinoise lors de la Révolution Culturelle, Pol Pot, ce qu’il vous plaira.

        Une idée passe et chasse l’autre, un article sur des voitures mythiques (TR3à 6, Jag) les prodiges propres génie français Archicteture , littérature, peinture, sa capitale et sa province,
        et aussi « girls in summmer clothes »

        je n’ai pas le temps de développer,

        cependant je reste persuadé il est inutie et nuisible de se fixer sur les malheurs de la condition humaine, tenter d’influer sur le cours de l’histoire du - s’en donner l’illusion

        je méprise le cynisme * au petit pied ou ce qui ce donne à voir comme tel, notre classe politico-médiatique actuelle.

        * nécessite une forme de talent inné et de concision que certain semble bien maitriser



      • egos 3 septembre 2013 18:48

        tentons d’influer ....


      • Lion Of Judah 4 septembre 2013 10:29

        laissons les syriens se gazer en paix

        jusqua la fin
        où est le probleme ?
        une syrien naine et alors
        ca va deranger qui ?

        • Bertrand Loubard 4 septembre 2013 11:03

          A voir, selon moi, un clip vidéo intéressant. Tapez : « Hitler Mercedes » dans « YouTube » et regarder bien attentivement : cela ne dure que quelques instants !

          ….Coup de pub ? Certainement pas ! Deuxième degré ? Fort probablement sinon troisième degré ! Ou alors véritablement à dimension complexe c’est-à-dire avec une partie réelle et une autre imaginaire….En tout cas, le moment est bien choisi pour « interpeller »….


          • Pouet 4 septembre 2013 11:42

            Avant de commencer je tiens à préciser que je suis totalement contre l’utilisation du gaz, de la bombe atomique ou toute autre forme d’arme de destruction massive. Je suis également contre une intervention en Syrie.

            Mais il est bon de préciser un certain point.

            Le gaz est loin d’être anodin. La différence fondamentale de ce type de moyen est qu’il n’est pas dirigé vers un objectif militaire. Il est conçu et donc utilisé pour tuer tout être vivant en laissant les installations civiles ou militaires intact. Une armée n’a pas pour ordre de tuer l’ennemi, on lui assigne des missions et des objectifs à atteindre qui sont pour la majeur partie des structures et moyens à détruire pour ainsi faire plier l’adversaire.

            On est tenté de dire que s’est pas pire qu’une bombe atomique ou bien l’agent orange c’est tout aussi horrible… oui mais non. La bombe atomique n’avait pas pour but de tuer les gens, la nuance est difficile à accepter mais il était bien question d’objectif militaire, Hiroshima était un centre d’approvisionnement important et une base logistique pour les militaires et Nagasaki était le plus grand port du sud du japon et réunissait énormément d’industries militaire. Sans parlé du choix de ces villes pour leurs passé historique qui a permis aux Etats Unis de toucher le japon là, ou ça fait mal…

            L’agent orange a été utilisé contre la jungle qui posait de gros problèmes aux américains.

            Je n’essaie pas de légitimer toutes ces atrocités, les états unis son le cancer de notre civilisation mais il faut bien comprendre la nuance qui permet à nos élites d’accepter certaines choses et pas d’autre.


            • HELIOS HELIOS 4 septembre 2013 12:12

              J’aimerai vous faire part d’une position que vous ne soutenez pas, sur un aspect de votre billet... auquel j’adhere en majorité quand même : vous dites...

              «  »« alors tout acte belliqueux doit être condamné, que ce soit l’utilisation d’une bombe atomique ou d’une machette »«  ».

              Pour moi, il y a une difference essentielle entre les differentes armes, qu’on ne peut pas occulter et qui classe quand même l’acte de guerre.

              La machette, c’est une relation d’un a un, un face a face...
              Le fusil aussi, même si la distance entre les belligerants est autre... mais l’acte de combat existe toujours

              Lorsqu’on utilise des bombes, il y a effectivement une « montée en charge » de l’acte de guerre, et si la relation devient de un a plusieurs, tout le monde sait a quoi s’en tenir. l’arme devient moins discriminante, mais reste localisée au combat.

              Lorsque vous utilisez une arme nucleaire ou une arme chimique, vous etes bien dans une relation de un a plusieurs, mais sans theatre de combat. Cela s’assimile alors a une relation endogene de 0 a plusieurs si on peut dire. il n’y a plus de referentiel et cela justifie de fait toute reaction du même type, sans aucune circonscription du conflit. Cela justifie egalement le terrorisme qui est « aveugle » c’est a dire qui ne selectionne pas ni les victimes ni le lieu, cela devient un acte de barbarie.

              l’evolution entre la machette, le fusil, la bombe et la barbarie d’un bombe a neutron ou de gaz ne s’analyse pas du tout de la même maniere. On ne peut donc pas NE PAS condamner l’usage de gaz (ou d’atome) alors qu’on peut parfaitement admettre le combat dans sa forme guerroyante.

              Mon commentaire ne justifie pas une attaque contre Assad ou la Syrie, je garde ma perception de ce type de « represailles internationales », il s’agit seulement d’une reaction a votre uniformisation de l’arme.

              Comme toujours, en bon français, bon vivant, vu l’heure, je vous souhaite a tous un bon appetit.

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