Di Caprio et Hollande. Le loup de Wall Street et le chacal de l’Elysée
Le dernier film de Martin Scorcese ne manque pas de qualités. Il dure trois heures, ce qui est un peu longuet, mais propose des scènes brillantes. Je dis bien des « scènes » car l’art de ce film, Scorcese s’étant donné du temps, est théâtral. Tempo lent qui permet de poser des caractères. Oubliés les montages à la mitraillette. D’où le plaisir des gros plans, des monologues, des longs dialogues. Le premier, un des plus marquants, est celui où le nouveau patron de Di Caprio lui explique ce qu’est le métier de trader. Résumons : « Fais du fric , c’est la grande et la seule jouissance et pour cela, sois un tueur, trompe, ruine, baise, branle-toi au moins deux fois par jour, paie-toi des putes et drogue-toi sans mesure. »
Sans mesure.
il y a en effet une surprise dans ce film. Nous savons, certes, que « trader » est un métier où il peut y avoir de l’embrouille, la réalité nous l’a appris, mais à ce point, on tombe des nues. Car pour le héros, Jordan Belfort, l’histoire étant inspirée d’un fait divers, il ne peut s’agir que de mentir. Pas une proposition n’est honnête. Chaque acte est criminel. L’escroquerie la plus totale se met en place. On se drogue toutes les dix minutes, on s’offre des putes tous les soirs. C’est le métier.
Je ne sais si c’est un film agréable à regarder. Car il glace. Ce n’est pas une histoire qui n’a rien à voir avec nos vies, un western des temps jadis, non c’est une histoire de bandits d’aujourd’hui et nous sommes leurs victimes.
Le constat est pétrifiant. Pas une seconde où l’on n’envie le héros qui est au demeurant assez lourdingue entouré d’une bande de nazes, marié à une beauté creuse. On voit partout des seins, des culs, (pas de bite, tiens…), des extravagances et en fond sonore ces salles de traders où la nouvelle religion, le culte d’une entreprise qui sombre dans le banditisme, est sans cesse porté aux nues. Je me souviens d’un documentaire sur Goldman Sachs où des traders de la boîte avouaient à quel point leur désir unique était de faire mieux tous les soirs que le voisin.
Premier constat. Ces gens, ce monde-là sont fous. Totalement. Absolument psychopathes.
Cette même folie qui émane de tous les organes d’Etat de notre temps.
Que le G20 se réunisse et ne parle pas une seconde de l’évolution de Fukushima : folie.
Que tous les peuples du monde soient dans la rue et que personne ne s’en soucie : folie.
Que la planète jour après jour soit détruite par les excès d’une exploitation sauvage, que Monsanto soit protégé par les plus hautes instances américaines : folie.
Que notre pays, la France, soit abandonnée à une dérive qui va détruire tous les progrès sociaux et le bien vivre : folie.
Que l’homme qui représente cette dérive puisse se présenter devant un parterre de complices, sous les ors d’une république qu’il désargente à chaque seconde, sans qu’une justice au nom du peuple ne vienne l’arrêter pour escroquerie et entente avec l’ennemi : folie.
Lors de sa conférence de presse, dévasté par une histoire personnelle, obligé de paraître quand il n’est préoccupé que de deux femmes dont il est le champ de bataille, ânonnant sa doxa, se souciant de son pays comme de sa dernière paire de chaussures, que pouvait-il dire sinon :« Je suis du côté de ceux qui jouent avec vous. Qu’attendez-vous de moi ? Laissez-vous faire. Nous sommes plus forts que vous. Tout ce que vous avez, ils le veulent et je le leur accorde. Vous le savez. Je le sais. Foutez-moi la paix. Je veux cette femme, je tuerai l’autre s’il le faut, laissez-moi vivre et vous, crevez si vous n’êtes pas assez forts pour vous battre . »
Ce nervi des banques, vient de signer, d’une plume légère trois lois liberticides :
-L’accord donné à l’armée d’espionner toute communication en France.
-La réforme des lois par ordonnance.
-La fantaisie de Valls pour montrer qu’il peut faire ce que personne n’a fait en convoquant le conseil d’Etat en quelques heures.
On a beau être calme et optimiste, il faut quand même dire que les mots « démocratie » et « république » sont les paillassons de ce gouvernement. Et tout le monde le sait en haut lieu. Tout le monde est complice.
Pensant en effet à ceux qui lui faisaient face dans une servilité dont se moque la presse étrangère, je me demandais, mais qui est dupe ? Qui pense vraiment que cette politique a pour but d’enrichir la France si ce n’est le CAC 40 ? Quel imbécile peut-il réellement croire que c’est autre chose que la vampirisation coloniale de tout un peuple qui est en cours ? Finissent-ils par s’abuser eux-mêmes à force de vivre dans un monde qui les gave ?
Non. Une des leçons que l’on retire du « loup de Wall street » est le mépris que ressentent ceux qui réussissent par des biais totalement illégaux. Quel mépris pour les pauvres, pour ceux qu’ils escroquent et dont ils rigolent. Les syndicalistes, les SDF, les chômeurs qu’est-ce qu’ils s’en foutent ! Ils puent pour eux, plus que des noirs ou des arabes : la dernière race la plus méprisée, celle des misérables. Il y a même, dans « Le loup de Wall street », un jeu qui consiste à baiser les moches. N’est-ce pas Nafissatou ?
Il est évident que c’est le même mépris qui est au cœur de cette « droite », voilà pourquoi je la hais, PS y compris qui est la droite la plus violente, la plus cynique, la plus dangereuse. Ces gens qui réussissent en politique ou en affaire veulent que rien ne change, si ce n’est en mieux pour leurs possessions. De ce monde de roman, ils ne veulent sortir pour rien au monde. Ils ont tellement peur de passer de l’autre côté de la barrière. Alors pour rester entre eux, tout est bon, tous les compromissions, tous les déshonneurs , tous les crimes .
Les crimes, oui. Une enquête sur la City de Londres révèle que presque tous les organes de ce paradis fiscal sont noyautés par des mafias. Elles ont peut-être les chocottes, aussi, ces belles personnes. Peut-être les tient-on par des dossiers, des vidéos, et comme l’argent ne leur coûte rien, comme ils s’en amusent. Ils ont perdu ce qui a construit l’Humain : la morale, la morale universelle qui est harmonie, équilibre, partage et assistance.
Oui, assistance. La vie assiste la vie. N’est-il pas assisté par mille forces utiles, le foetus qui se développe ? N’est-il pas assisté l’enfant qui va naître ? N’est-il pas assisté par des maîtres quand on l’éduque ? N’est-il pas assisté l’homme qui respire l’air et boit l’eau des ruisseaux et des sources ? N’est-il pas assisté des pensées les plus nobles ? N’est-il pas assisté dans le développement de son âme de toutes les beautés qu’invente l’Art des autres ? N’est-il pas assisté par celui qui l’aime ? N’est-on pas assisté par la fraternité ? Ceux qui vont bien n’assistent-ils pas ceux qui sont malades ?
Et ce monde-là qui est le résultat des brillantes civilisations qui se sont échappées des mains sanglantes des barbaries, on veut les étouffer en disant : pas d’assistanat !
Mais allez crever en enfer !
Je crois en cette espèce incroyable, l’Homme, déchiré entre son goût de jouissance et son empathie pour l’autre. Peu importe si certains jugent l’existence de l’homme absurde puisqu’il lui donne un sens.
Les Grecs dénonçaient dans leurs tragédies l’origine de toute chute qui est l’Hubris, cette démesure liée aux passions et à l’orgueil.
« Le loup de wall street » est un film sur cet hubris moderne, chancre dévastateur, qui ne donne aucun modèle moral, détruit l’Histoire, l’élégance, la frugalité, la conscience, la vertu, le courage et ne laisse les hommes que dans un bouillonnement d'excès mortels.
C’est cette démesure qui va signer notre fin si, la connaissant de mieux en mieux, nous n’agissons pas pour la vaincre. Qui peut encore imaginer une seconde que Hollande ou Sarkozy, pauvres sbires d’une Europe régie par Goldman Sachs, chacals de la nouvelle sauvagerie , vont arrêter de nous voler notre paix et nos vies ? Ils ne s’arrêteront pas plus que devant les Indiens, les noirs ou les Chinois.
Et la police ? Et la justice ?
Dans la vie elle est celle des mafias qui, petit à petit, font refaire toutes les lois à leur avantage .
Dans le film, étrange survivance, elle existe. Elle est représentée par un flic qui refuse de se faire acheter et se retrouve, à la fin du film, dans le métro qui le conduit chez lui, lui à qui on a proposé des millions. Quant à Jordan Belfort, après avoir ruiné des milliers de gogos , condamné à les rembourser ce qu’il ne fait pas , ayant pris 36 mois de prison et en ayant fait 22 car il a dénoncé des potes, il fait des conférences comme les hauts ruffians de la politique , Sarkozy et DSK.
La leçon du film, je l’avoue, est terrible. Elle consiste en une seule image. Jordan s’adresse à un public venu le voir. Un public de pauvres aux yeux de pauvres. Des moches. De ces pauvres qui entraînaient tout le mépris de Belmont. Et dans les yeux de tous ces malheureux, on lit de l’envie.
La morale est là : « Que venez-vous le critiquer puisque vous rêvez d’être lui. La racine de la pourriture, c’est vous ! »
Je ne crois pas à cette fin. Je ne crois pas à cette fatalité.
Un nouveau monde est en train de naître, non pas parce que le courage le porte ou la détermination, la nouveauté est toujours faible comme un enfant. Un nouveau monde est en train de naître parce que l’ancien est en train de mourir.
Comme les anciens empires se heurtant aux trop grands territoires , l’empire de l’hubris contemporain , éternellement insatisfait, engagé dans une course mortelle, fait naître lui-même des défenses qui lentement mais inéluctablement se mettent en place. La morale n’est pas une invention de l’homme mais de la nature.
Il y a une réelle prise de conscience.
On nous a bassinés cette semaine avec du racisme ou de l’antisémitisme. Regardez sur Arte le documentaire qui évoque le Mississipi de l’apartheid et vous saurez ce qu’est le racisme. L’humanité a progressé et le racisme aujourd’hui, en France, avec ses ombres de quenelles n’est qu’une douce rigolade à côté de l’apartheid du Mississipi.
La conscience de la cause animale elle aussi progresse ainsi que la conscience de la cause écologique.
Le monde se métisse. Voilà pourquoi la jeunesse est de moins en moins raciste, sauf sur les revues propagandistes. Cette télé dont nous relevons les tares fait entrer néanmoins chez nous, tous les jours, ces visages de réfugiés qui finissent par prendre nos cœurs .
La mondialisation qui nous concerne tous est la mondialisation de l’amour.
Ceci dit…Il va falloir se battre. Pas avec des armes. Nous n’appartenons pas à cet ancien monde.
Avec la lumière de cette humanité dont nous sommes les héritiers.
Vous ne passerez pas !
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