Didier Raoult s’est sans doute trompé sur la chloroquine et c’est une excellente nouvelle !
1) Les premiers résultats. Didier Raoult fut bien inspiré en essayant la chloroquine sur le Covid-19, renseigné par quelques résultats sommaires en Chine, un sens intuitif développé, un sens pratique évident. Tant qu’à essayer une molécule, autant prendre dans la pharmacopée plutôt qu’attendre des mois le traitement miracle. Les premiers résultats sont tombés en mars. L’équipe dirigée par Raoult a étudié quelque 20 patients présentant des affections respiratoires supérieures ou inférieures. Son étude a consisté à mesurer la charge virale chez ces patients en utilisant un prélèvement naso-pharyngé. Trois options ont été utilisées, le témoin comme dans toute étude de ce type, puis un traitement à la chloroquine et un autre traitement avec de l’azithromycine en complément.
Le diagramme ci-dessus présente le pourcentage de patients positifs au test PCR selon le traitement qu’il a reçu. On remarque que la chloroquine a une incidence certaine mais surtout que l’azithromycine semble avoir bien plus d’effet. Ce qui aurait dû attirer l’attention du professeur Raoult. Mais comme le virus était au centre des radars, la conclusion sommaire fut que la chloroquine a un effet antiviral, renforcé par l’azithromycine. L’hypothèse d’un effet antibactérien n’a pas été soulignée, a-t-elle été envisagée, je n’en sais rien. Serait-ce donc un effet antibactérien qui causerait cette diminution de charge virale ? Mieux encore, l’effet de la chloroquine s’expliquerait par des propriétés antibactériennes ? C'est plausible
2) Procédons par indices. Dans mes deux derniers articles, j’ai évoqué une hypothèse de la double affection, les bactéries pouvant interférer avec le SARS-CoV-2. Plus précisément, une interférence avec le microbiote des voies digestives et de l’appareil buccal. En ligne de mire, une bactérie commensale, Prevotella, pouvant devenir agressive, notamment avec son pan-génome causant une variabilité. Cette bactérie et d’autres peuvent interférer avec le virus ainsi que les processus immunitaires ou inflammatoires. Dans certains cas, la bactérie produit l’emballement des cytokines et dans d’autres, elle protège. Cette hypothèse est marquée par une ambivalence et mérite d’être expérimentée. L’effet antibactérien au niveau des voies naso-pharyngées est assez classique pour un antibiotique. La protection causée par les deux substances serait due à un effet antibactérien ayant par ricochet un effet sur la charge virale. Ce qui nécessite également des études poussées sur d’éventuelles interférences entre bactéries et coronavirus, ces interférences étant du reste assez connues. (Eva Böttcher-Friebertshäuser, 2018)
3) Polyarthrite rhumatoïde, bactéries et chloroquine.
Cette maladie complexe est modulée par le microbiote comme l’indique cette notice de l’Institut Pasteur
« En cherchant à expliquer ces résultats, les chercheurs ont montré que le gène Lmo2776 code pour une bactériocine : il produit une protéine capable d’inhiber ou tuer d’autres bactéries. Cette bactériocine cible la bactérie Prevotella dans le microbiote animal et humain. Prevotella est généralement considérée comme commensale, c’est-à-dire présente naturellement sans provoquer d’impact sur la santé. Mais plusieurs études récentes ont montré une abondance accrue de Prevotella copri dans le microbiote intestinal de patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, de syndrome métabolique, d’inflammation à bas niveau, suggérant que certaines souches de Prevotella pourraient favoriser et/ou aggraver certaines maladies inflammatoires. » (Institut Pasteur)
Cette étude suisse détaille le lien entre microbiote et Polyarthrite rhumatoïde
« Le microbiote et son dysfonctionnement sont impliqués dans de nombreuses maladies. Beaucoup d’études chez la souris et l’homme tendent à démontrer leur rôle dans les rhumatismes inflammatoires. Dans la polyarthrite rhumatoïde (PR), Prevotella copri, une bactérie Gram négatif de la flore intestinale, se retrouve de façon prépondérante aux stades précoces de la maladie. Des anticorps spécifiques contre ce germe ont pu être mis en évidence chez les patients avec une PR, suggérant une implication dans l’initiation de la maladie. Les micro-organismes oraux impliqués dans la parodontite ont également été associés au développement et à l’activité de la PR. Ces découvertes permettent d’envisager de nouvelles pistes thérapeutiques. » (M. Jarlborg, 2018)
La chloroquine est connue pour ses effets antibactériens comme l’indique cette notice du Vidal
« Certains antipaludiques (chloroquine et hydrochloroquine) destinés à prévenir et à traiter les crises de paludisme (malaria) ont également des propriétés anti-inflammatoires qui ont longtemps été mises à profit dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde. Ils réduisent les symptômes mais ne préviennent pas la destruction articulaire. Aujourd’hui, leur emploi est plus limité, essentiellement dans le traitement des formes débutantes et peu actives de polyarthrite rhumatoïde, en association avec le méthotrexate ou la sulfasalazine. »
Enfin, l’effet antibactérien de la chloroquine dans le traitement de la Polyarthrite rhumatoïde est un fait apparemment connu des cliniciens :
« Some drugs used to treat rheumatoid arthritis have antimicrobial effects (chloroquine, sulfasalazine, minocycline, and roxithromycin) [20–23]. (5) Altered microbiome was partially restored to normality in patients showing clinical improvement after prescribing disease-modifying antirheumatic drugs [5, 18]. So, differences in composition of intestinal microbiota and in the immune system function could determine which patients develop the disease. » (G. Horta-Baas, 2017)
L’interprétation de l’effet de la chloroquine changerait et ce serait l’inverse de ce qui fut annoncé au début. C’est l’azithromycine qui exerce le principal effet dans la diminution de la charge virale et la chloroquine ne ferait que renforcer l’effet anti-bactérien de l’azithromycine.
4) Conclusion. S’il se confirme que le Covid-19 est bien une maladie d’abord virale, puis évoluant dans un second stade comme pathologie liée à deux agents, virus, bactéries, alors l’usage d’un antibiotique est utile pour neutraliser les bactéries. Il ne reste que deux parties, l’une scientifique, nécessitant nombres d’études, et l’autre, thérapeutique. Il est facile de tester l’azithromycine en réalisant une étude immédiate consistant à mobiliser le réseau Sentinelles et les médecins de ville. Pas besoin de témoin. Il suffit de prescrire l’azythromycine, ensuite chaque médecin fait remonter les résultats. Qui peuvent alors être comparés à ceux fournis par cette étude chinoise qui donne une idée du devenir de patients positifs mais peu symptomatiques suivis à l’hôpital. « Overall, of the 55 patients admitted with asymptomatic SARS-CoV-2 infection in this study group, 14 had mild, 39 had ordinary, and 2 had severe COVID-19 during hospitalization. » (Y. Wang, 2020) Le mild représente le stade bénin, banal rhume, le stade ordinaire correspond aux témoignages publiés dans la presse ou les réseaux sociaux, ça secoue beaucoup et c’est le signe d’une interférence probable avec les bactéries qui peut conduire jusqu’au stade 3, sévère.
Si Raoult s’est trompé dans son interprétation, c’est une bonne nouvelle car l’azithromycine est une spécialité générique dont l’emploi est connu et qui nécessite trois jours de traitement car l’effet est durable grâce à une pharmacocinétique favorable. Il se dit d’ailleurs que certains médecins de ville n’hésitent pas à prescrire cet antibiotique. Si cela a de l’effet, la prescription devrait être généralisée et qui, bientôt, le nombre de patients admis pourrait s’infléchir. Wait and see.
Une dernière conclusion. Il se peut que la chloroquine ne soit pas nécessaire mais rien ne permet de le penser en l’état actuel des choses. Le traitement préférentiel reste au choix entre azythromycine en premier choix et association avec chloroquine en seconde option. Mais en tant qu’antibactérien et non pas antiviral. Une alternative assez facile à tester.
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Sources bibliographiques
Mes deux précédents papiers
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-these-de-la-double-affection-se-223038
https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/si-le-covid-19-est-cause-par-une-223012
Résultats Raoult
Gautret et al. (2020) Hydroxychloroquine and azithromycin as a treatment of COVID‐19 : results of an open‐label non‐randomized clinical trial. International Journal of Antimicrobial Agents – In Press 17 March 2020 – DOI : 10.1016/j.ijantimicag.2020.105949
Interférences virus bactéries
Eva Böttcher-Friebertshäuser, Wolfgang Garten, Hans Dieter Klenk, Activation of Viruses by Host Proteases, Spinger, 2018
https://books.google.fr/books?id=8rVcDwAAQBAJ&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
Institut Pasteur, polyarthrite rhumatoïde et bactéries
Microbiote et PAA
M. Jarlborg , Microbiotes et rhumatismes inflammatoires Rev Med Suisse 2018 ; volume 14. 538-541
https://www.revmed.ch/RMS/2018/RMS-N-597/Microbiotes-et-rhumatismes-inflammatoires
Effet antibactérien de la chloroquine
G. Horta-Baas, Intestinal Dysbiosis and Rheumatoid Arthritis : A Link between Gut Microbiota and the Pathogenesis of Rheumatoid Arthritis J Immunol Res. 2017 ; 2017 : 4835189.
https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5602494/
Suivi des patients Covid-19
Y Wang et al. Clinical Outcomes in 55 Patients With Severe Acute Respiratory Syndrome Coronavirus 2 Who Were Asymptomatic at Hospital Admission in Shenzhen, China. The Journal of Infectious Diseases,
https://doi.org/10.1093/infdis/jiaa119
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