Dieudonné, le monstre ignoble dont les détracteurs zélés sont objectivement les Frankenstein !
Après une série de provocations de Dieudonné, la dernière étant l’invitation du négationniste Faurisson sur scène, je m’étonne que les voix autorisées, promptes à dénoncer son antisémitisme et à le condamner ne se posent pas les questions essentielles : pourquoi la provocation est-elle devenue le mode privilégié d’expression de Dieudonné ? Lui laisse-t-on d’autres choix ? Si on lui permettait de s’exprimer autrement, est-il envisageable qu’il abandonne ce mode d’expression ?
C’est l’examen de ces questions qui constitue la trame et l’objet de cet article que je vous soumets.

N’ayons pas la mémoire courte. Dieudonné n’est pas le mauvais humoriste sans talent qu’on nous vend aujourd’hui. Mille fois non ! Il a été, avec Elie Sémoun, mais aussi en solo, un talent humoristique certain du Paysage Audio-visuel français (PAF) des années 90-2000. Pendant cette époque faste, lui et son alter ego juif avaient des sketchs sur les Noirs et les Juifs, que Dieudonné ne pourrait pas refaire aujourd’hui sans être traité d’antisémite, surtout depuis son Heil Israël chez Fogiel, le 03/12/2003.
Cependant, ses ennuis ont bien sûr commencé avant cet épisode de mauvais humour, sans plus. Paradoxalement, les personnes présentes sur le plateau, cette nuit-là, ont ri de bon cœur, tout comme, le public a réservé un standing ovation à Dieudonné. C’est le lendemain que la mayonnaise est montée et les associations très écoutées de la communauté juive (seule communauté reconnue en France jusqu’à récemment) ont actionné la justice et la machine médiatique contre Dieudonné, ce Nègre (même si c’est un métis) qui a oublié de rester à sa place. En effet, tant qu’il était avec Elie Sémoun, jouant dans certains Sketchs, le Nègre gentil et rigolard, il n’y avait aucun couac ni de nuages à l’horizon. Les choses, disais-je, ont commencé à se gâter, plutôt, lorsqu’il a voulu se faire porte-parole de la communauté noire, communauté non reconnue en France à l’époque. Il aggravait son cas, en tentant de mettre le doigt sur les différences de traitement entre les Noirs et les Arabes d’un côté et la communauté juive de l’autre, mettant le doigt sur une pratique du « deux poids deux mesures ». Pire encore, mal lui en a pris d’avoir voulu établir un parallèle entre deux crimes contre l’humanité, dans le contexte français : d’un côté, l’horrible extermination des Juifs de 39-45 par les Nazis et celui statué, a posteriori, par le parlement français, en 2001, à l’encontre des non moins horribles déportation, traite et esclavage des nègres, perpétrés contre les Africains entre le 15e et le 20e siècle. Ajouter à cela sa sensibilité à l’égard de la cause palestinienne, la mort médiatique de Dieudonné était scellée. Il avait ainsi signé son arrêt de mort. L’heure fatidique sonna, pour lui, vers minuit, dans l’émission de Fogiel en 2003. Les SMS qui circulaient ce soir-là, en bas de l’écran d’une chaîne pourtant du service publique, traitant Dieudonné de singe et de sale noir, donnaient, déjà, une idée de ce qu’allait être son calvaire. Pour lui, il n’y eut même pas de purgatoire. Tout ce que la France comportait de leaders d’opinion, d’élite politique et intellectuelle, associative, lui tombèrent dessus à bras raccourcis. Une unanimité telle qu’on n’en a rarement vue dans de telles affaires. Il y a sans doute des raisons objectives qui expliquent cette union sacrée contre un homme qui, plus est, ne représentait pas grand-chose en France. Mais il faut aller, sans doute, voir du côté de la communauté d’appartenance de l’importun.
Le cas Dieudonné est en effet à replacer dans un contexte plus général de l’apparition-disparition des Noirs dans l’univers médiatique français. Qui se souvient d’Eric Blanc ? De son vrai nom Eric Degbegni, ce comique commençait à percer dans les années 80 par ses imitations ainsi qu’au cinéma. Comme son nom ne l’indique pas, il était noir et se lançait dans l’imitation, avec talent. Il était surtout seul sur scène, sans protecteur blanc. Ce qui était presque inconcevable, dans ces années-là, voire même aujourd’hui. Son malheur est arrivé un soir de mars 1988, lorsqu’il tenta une imitation d’Henry Chapier dans un calembour homosexuel, lors de la soirée de remise des Césars. Pris dans un embroglio juridique, il a disparu des écrans pour ne plus y réapparaître en tant que comique. On sait pourtant comment les humoristes ont traité parfois sévèrement des personnalités comme Giscard, Mitterrand, Barre, etc. C’est le cas, par exemple, de Desproges, pour ne citer qu’un des plus osés. Mais Eric Blanc a sans doute oublié sa condition de Noir en France et dans son système médiatique. Il n’y suffit pas, en effet, d’avoir du talent. Même l’excellent Pascal Légitimus a eu sa part de basses attaques. Lorsque les inconnus se sont séparés, il en est trouvé pour insinuer qu’il n’avait pas de talent, sous-entendu, il profitait de l’aura de ses deux compères blancs. Son défaut n’était pas son manque de talent mais d’être un Noir, dans un monde qui pense blanc, qui est fait par et pour les Blancs, dans ces années 80-90 notamment. Aujourd’hui, des menus changements sont intervenus, sans modifier les choses fondamentalement toutefois.
Effectivement, aujourd’hui encore, lorsque vous voyez des artistes ou personnages médiatiques noirs dans le PAF, soit ils ne prennent aucune position politique ou militante, soit ils tiennent un discours consensuel, soit ce sont des « bouffons » noirs ou des Noirs de service. Ces derniers sont souvent beaucoup plus sévères d’ailleurs à l’encontre des autres Noirs, dans leur prise de position. Gaston Kelman est un de ceux-là. Dans son livre : Je suis Noir et je n’aime pas le manioc, il donnait déjà le ton en déniant toute spécificité culturelle, historique ou autre aux Français d’origine antillaise ou africaine. Il veut tellement être objectif aux yeux des élites médiatique et politique qu’il en vient à nier même des évidences. Il fait parti de ceux qui n’ont trouvé ni mauvais ni blessant le discours de Sarkozy, à Dakar, en juillet 2007. Lorsque Dieudonné a été traité, fin novembre 2008, par un journaliste suisse, de « pas intelligent parce que nègre », Gaston Kelman avait, dans les GG de RMC, qualifié les protestations de Dieudonné de ridicules. Pour lui ce n’était pas une réflexion raciste du tout. C’est à ce genre de prises de position qu’il doit ses fréquentes invitations dans les médias.
Le « deux poids deux mesures » est particulièrement remarquable dans le conflit opposant la Tribu Ka du radical Noir Kémi Séba et la non moins radicale Ligue de Défense Juive (LDJ). Voici deux organisations communautaires, extrémistes et bellicistes - la LDJ étant d’ailleurs connues des services de Police et de la Justice pour des faits de violence sur des personnes -qui se fixent un rendez-vous pour une confrontation, et parce que la Tribu Ka est allée dans la rue des Rosiers, à Paris, à la recherche de sa rivale, elle est dissoute par un décret du Ministre de l’intérieur de l’époque (N. Sarkozy) et son leader traîné devant les tribunaux. Condamné même avant tout jugement. De peur qu’il ne se présente aux élections municipales à Sarcelles, en 2007, Kémi Séba est même condamné à deux années d’inéligibilité, préventivement. Suivant toujours la loi du « deux poids deux mesures », la deuxième organisation, la LDJ donc, pourtant classée organisation terroriste d’extrême droite par les services secrets étasuniens, a été juste considérée comme victime. On a en effet, ici, du mal à se croire dans une République où la loi est la même pour tous.
Pour parer à l’accusation d’antisémitisme habituelle et facile, je précise que Kémi Seba n’est pas ma tasse de thé ; il est aux antipodes de ma perception de la lutte des Noirs. Il pense qu’il faut lutter contre des ennemis, je pense qu’il faut juste s’affirmer. Pour lui, l’extrême droite est une alliée objective, me concernant les fachos, détestables, ne peuvent être des alliés, même de circonstance. Contrairement à Dieudonné et à Kémi Séba, je ne suis même pas antisioniste. Pour moi, le sionisme est du nationalisme, donc une vision forcément irrationnelle et aveugle, mais, en tant que tel, une étape obligée dans la construction de l’état-nation. A ce titre, il doit être dépassé par l’élaboration, in fine, de valeurs de coexistence plus universelles, humanistes, républicaines. Ce que l’on peut reprocher à Israël, c’est de refuser de dépasser cette étape infantile et de se vouloir exclusivement une théocratie juive. Hormis cela, la lutte des Juifs est plutôt admirable pour tout peuple qui lutte pour son émancipation.
Revenons à Dieudonné. Pourquoi, je considère que ceux qui exècrent, aujourd’hui, Dieudonné sont ceux-là mêmes qui l’ont contraint à se radicaliser ? Si après ce calembour de mauvais goût, chez Fogiel, on s’était limité à condamner son dérapage et continuer à l’inviter, dans les médias, pour le combattre par des arguments plutôt que d’avoir voulu le vaincre, je suis sûr que Dieudonné se serait rangé. N’avait-il d’ailleurs pas présenté ses excuses à tous ceux qui ont pu être choqués par ses propos ? Au lieu de cela, on a choisi de donner une leçon définitive à ce Nègre récalcitrant. Différentes associations juives ont voulu interdire l’accès à ses spectacles en allant manifester devant les salles où il se produisait. Il a été banni des médias français du jour au lendemain. Ne pouvant plus exercer son métier ni vivre de son art, il lui a fallu trouver les moyens de s’en sortir. Une des solutions ça a été d’aller se produire en Outre-mer et à l’étranger : Algérie, Canada, Suisse... Se faisant ainsi l’allié des ennemis d’Israël, des antisionistes et parfois d’antisémites. C’est là l’explication de son alliance avec l’extrême droite. Ces extrémistes étaient devenus son public et son gagne-pain. Le piège s’est ainsi donc refermé sur lui.
Patrick Logès, un autre Noir convenable du PAF, actuellement, a vu très juste, après l’épisode Faurisson, en disant que Dieudonné, par ce geste, on peut ajouter, tout comme par le fait d’avoir sollicité Le Pen pour parrainer sa fille, entendait faire parler de lui. Dieudonné le confirme d’ailleurs. Mais ceux qui veulent sa mort ne prêtent aucune attention à cette explication possible. C’est plus commode d’en faire un Nazi. Par tous ces actes désespérés, Dieudonné combat sa mort médiatique. Cette peine capitale forcément disproportionnée par rapport à son crime, au regard, par exemple, d’autres dérapages comparables. Prenons des exemples : Le Pen, multi condamné pour calembours douteux, antisémitisme et négationnisme, reste pourtant la coqueluche des médias français. Il a été même reçu par Nicolas Sarkozy, à l’Elysée, en juin 2007, sans que les bonnes âmes s’en émeuvent. On reproche pourtant à Dieudonné le fait de le fréquenter. A la fête annuelle du CRIF, par exemple, j’ai été étonné de ne voir personne quitter la salle pour protester et rappeler au nouveau Président qu’il avait souillé ses mains et l’Elysée en recevant ce multi condamné pour propos antisémites et racistes. Il est vrai que N. Sarkozy n’est pas le Nègre Dieudonné et Le Pen n’est pas l’horrible Faurisson. Le Pen n’écrit pas son négationnisme, il se limite à le proclamer. Oui, il y a là deux poids deux mesures. Des négationnistes, il en existe pourtant une flopée en France : des négationnistes qui s’ignorent, des négationnistes involontaires, des négationnistes sûrs de leur impunité, des négationnistes sous le manteau confortable de la science... Lorsque le Président Sarkozy dit que l’esclavage et la traite « c’était des Noirs qui vendaient des Noirs », citant en cela le pseudo-historien Olivier Pétré-Grenouilleau ; quand Eric Zemmour pérore sur les médias, disant, sur la foi des écrits du même histrion, que : « L’esclavage des Noirs a été inventé par les Noirs, en Afrique », quand O. Pétré-Grenouilleau, lui-même, affirme, dans le JDD du 12 juin 2005, que la traite et l’esclavage des Nègres n’étaient qu’un commerce rentable pour les Européens et les Africains et de ce fait ne constituaient pas un génocide ni un crime contre l’humanité, qu’est-ce que c’est ? Du révisionnisme et du négationnisme, n’est-ce pas ? En effet, tous ces propos, au regard de la Loi française, qui statue bien que la Traite et l’esclavage des Noirs sont un crime contre l’humanité, tombent sous le coup de la loi et relèvent bien du négationnisme. Mais a-t-on entendu quelqu’un s’en offusquer ? Non ! On semble accepter qu’il existerait une hiérarchie entre les crimes contre l’humanité mais aussi des catégories supérieures et inférieures dans l’humanité et au sein du peuple français. C’est cela qui crée de la haine et peut transformer quelqu’un de foncièrement bon, humaniste et joyeux en un monstre haineux. Soyons sérieux. Qui peut croire, une seconde, que Dieudonné est idéologiquement proche de Le Pen et de Faurisson ? Il est aux antipodes de leurs idées et de ce qu’ils sont. Dieudonné est métis, a été pendant longtemps l’ami de Juifs et d’Arabes ; il a combattu le FN pendant des années, a participé aux actions caritatives du showbiz ; il a lutté pour la mémoire de l’esclavage... C’est tout sauf un extrémiste et un homme d’extrême droite. Ceux qui le désignent comme tel refusent juste de reconnaître leurs propres erreurs et responsabilités dans sa radicalisation. Les uns sont coupables d’avoir tout monté en épingle pour le lyncher médiatiquement et juridiquement, à partir d’un simple calembour malheureux et les autres pour n’avoir pas défendu pour lui la liberté d’expression et le droit à l’humour, même douteux.
Nous avons vu l’élan de solidarité qui a été mis en branle pour défendre Charly Hebdo dans la publication des caricatures de Mahomet et pour défendre Robert Redeker suite à son article jugé haineux et injurieux à l’encontre de l’Islam par les musulmans. Tout le monde a manifesté : les intellectuels tels que Alain Finkielraut, BHL, Pascal Bruckner, la classe politique presque dans son ensemble, des organisations telles que le MRAP, la LICRA, le CRIF, RSF, SOS Racisme... On était en droit d’attendre la même attitude quand il s’est agi non plus de critiquer ou de condamner les propos inacceptables de Dieudonné mais de lui interdire toute possibilité de s’exprimer ou de se produire dans des salles de spectacle. Au lieu de cette unanimité dans la défense de la liberté d’expression, on a assisté plutôt à un traitement des plus injustes et inéquitables d’une situation pourtant assez proche des deux ci-dessus évoquées. Les mêmes, défenseurs de la liberté d’expression pour Charlie Hebdo et Robert Redeker, ont préféré enfoncer Dieudonné et demander son excommunication, sinon sa tête au bout d’un piquet ; de la même manière d’ailleurs qu’ils ont tous participé au lynchage médiatique de Siné, auparavant pourtant défendu en tant que dessinateur de Charlie Hebdo. Il y a là forcément un cas inacceptable de deux poids deux mesures. Il y a par conséquent injustice. Faut-il rappeler qu’au départ, c’est la dénonciation de ces agissements injustes et non républicains qui a conduit Dieudonné dans la situation de paria où il se trouve actuellement ? Il tire littéralement le diable par la queue.
Mais il n’est jamais trop tard de bien faire, de corriger cette façon partisane et partiale de juger de situations semblables. Il faudrait le faire pour Dieudonné mais aussi pour tous les autres qui, aujourd’hui, pour un oui ou pour un non sont traînés devant les tribunaux pour antisémitisme ou racisme, tandis que d’autres jouissent d’une impunité absolue et totale devant les mêmes faits et interdits. Si cette égalité de traitement n’est pas exigée par tous et pour tous, alors nous cesserons de vivre en République et sombrerons dans des temps incertains et dangereux, pas seulement pour tous les Dieudonné de notre pays mais dangereux pour nous tous.
Sans alarmisme aucun, à ce train-là, la guerre civile en France n’est pas qu’une vue de l’esprit.
A bon entendeur salut !
Par Tao David
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