Discrimination linguistique à Bruxelles, ou l’oligolinguisme de la Commission européenne
Un concours de recrutement a récemment dû être reporté, car la Commission s’était tranquillement contentée de passer l’annonce en 3 langues : anglais, allemand et français, méprisant au passage toutes les autres langues de l’UE.
Ainsi, au lieu de recruter un fonctionnaire européen pour ses compétences dans un domaine particulier (juridique, scientifique, économique, etc.), on le recrute avant tout sur sa connaissance obligatoire d’une des trois langues choisies par la Commission.
"Le dilettantisme linguistique de la Commission"
(Le compte rendu et l’avis de Mme Anna Maria Campogrande sur le site de l’AFRAV)
Un article à ce sujet sur le site d’infos Café Babel
Suite à une question de députés italiens, la Commission a répondu qu’il s’agissait d’une erreur...
Ils vont effectivement corriger le tir, et ce concours a été reporté en vue de modifications. Mais il ne faut pas se faire d’illusions, il ne s’agit pas du tout d’une erreur. C’est la persistance du problème de fond de la communication linguistique au sein des institutions européennes, problème majeur qu’on refuse d’aborder - tellement le lobby qui soutient l’anglais est puissant.
Pour preuve : il suffit de consulter le site de l’EPSO (Office européen de sélection du personnel), qui est seulement en 3 langues sur 27, alors qu’il recrute des fonctionnaires de toute l’Europe !
Ainsi, à cause de cette discrimination entre grandes langues et langues de seconde zone, langues de culture et langues d’inculture... un citoyen portugais qui connaîtrait assez bien l’espagnol et l’italien, outre la spécialité technique dans laquelle il postule (un candidat déjà assez doué) ne pourrait même pas lire les annonces de concours (!), car ce site ne les publie que dans trois " langues de travail " arbitrairement choisies ! Il en serait de même pour un Grec qui connaîtrait le slovène et l’espagnol, ou pour un Espagnol qui connaîtrait le catalan, l’italien et le suédois !
Sous couvert de langues de travail, c’est donc en fait vers l’anglais lingua franca qu’on nous mène comme des moutons, car sur les trois langues de travail, le français et l’allemand se sont réduits à une peau de chagrin depuis l’arrivée de la GB dans l’UE, et l’anglais est devenu omniprésent : la quasi totalité des sites internet et des administrations de l’UE fonctionnent dans cette langue, et les subventions européennes pleuvent sur Erasmus mundus qui est presque exclusivement anglophone, y compris en France !
Nous devrions pourtant nous rappeler que les forts méprisent les faibles, et que les pays qui cèdent à la tentation de l’anglais obligatoire à l’école sont justement ceux dont la langue est méprisée ! Or, la France en prend le chemin... Il est déjà quasiment obligatoire à l’école primaire et cette année, 400 apprentis professeurs des écoles (instits) sont partis en stage en GB... Tous ceux-là valideront l’anglais, enseigneront l’anglais au primaire sans demander leur "choix" aux parents, et le ministère de l’Education nationale commence à dire de façon alambiquée dans ses rapports qu’il est préférable au secondaire de poursuivre la langue commencée au primaire... CQFD, le tour est joué : sans débat et sans loi, nous suivons le chemin de l’Italie où l’anglais est devenu obligatoire.
Comment penser que nous allons construire une Europe respectueuse de la diversité linguistique si déjà chez nous, seul l’anglais est disponible au primaire ? (exceptions ici ou là en Alsace). Diversité ou hégémonie, il faut choisir. L’attitude de l’UE et la nôtre sont schizoïdes et hypocrites.
Nous devrions toujours rappeler à la Commission européenne 3 points essentiels :
1. tout citoyen doit pouvoir communiquer dans sa propre langue avec les administrations européennes, et pouvoir lire TOUS les documents et rapports ;
2. l’UE doit respecter toutes les langues sans favoriser une langue nationale plutôt qu’une autre, éviter la discrimination à l’embauche sur des critères linguistiques et recruter ses fonctionnaires sur leurs compétences et non pour leur niveau en anglais ;
3. les Européens doivent pouvoir communiquer facilement entre eux.
Diverses solutions existent, avec chacune leurs avantages et leurs inconvénients en termes de complexité, de coût, d’équité, de faisabilité, d’acceptabilité. Encore faut-il avoir la volonté d’ouvrir le débat et de résister aux groupes de pression pro-anglais, aussi riches que puissants...
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