Droit Individuel à la Formation : Pourquoi a-t-il tant de mal à se déployer ?
Petit tour d’horizon des trucs et astuces utilisés par certaines entreprises pour ne pas organiser le Droit à la Formation (DIF) de leurs salariés.
- Le parcours du combattant : C’est la plus classique et le plus ancienne manœuvre, elle existait bien avant la réforme de la formation. Pour apprendre et évoluer il faut être (bien) accompagné et savoir que l’employeur accueillera avec bienveillance la demande individuelle de formation. Il en est rarement ainsi, la demande de DIF d’un salarié doit souvent suivre un parcours long, complexe et semé d’embuches. Ainsi de 30 à 80 % des velléités de se former seront perdues en route (mais l’Etat ne fait pas mieux avec la démarche VAE)
- La file d’attente : Même si l’employeur a un mois pour répondre à une demande de DIF il lui est tout à fait possible d’organiser des files d’attente ou un seule période annuelle de recueil des demandes. Par exemple en novembre les demandes de DIF seront reçues pour l’année suivante. Si un salarié a envie de se former en mars ou avril il lui faudra prévoir attendre l’année suivante pour ce faire.
- Les DIF prioritaires : Un employeur décrète souvent que seuls les DIF prioritaires dans la branche professionnelle seront acceptés. C’est illégal mais ce terme de prioritaire peut abuser certains salariés qui seront alors contraints de choisir quelques champs étroits de formation et ne pourront maintenir leur employabilité hors de ces limites étroites.
- Les limites budgétaires : Il est facile de faire croire aux salariés que la formation est strictement encadrée au niveau du budget et qu’une fois dépassé ce seuil il sera impossible d’accéder à leurs demandes durant l’année en cours. Cette limite supérieure n’existe bien évidemment que dans la tête des directions et des services formation mais elle est bien commode pour refuser des DIF qui mettraient en péril l’entreprise.
- L’abandon face au marché de la formation : une autre façon simple et efficace de ne pas développer le DIF est d’avoir une lecture stricte de la Loi : le DIF est à l’initiative du salarié, nous le laissons donc seul face à la complexité d’un marché illisible, opaque et inadapté à un salarié isolé. Il y a ainsi peu de chance qu’il revienne avec une convention de formation et s’il y parvient tout de même il aura fait preuve d’une vraie détermination (c’est la variante du parcours du combattant)
- Le salarié ingénieur de formation : certaines entreprises ne craignent pas de demander plusieurs devis à leurs salariés (jusqu’à 3), une étude de marché, ou, pour une grande société publique, une lettre de motivation pour expliciter leur demande. Pour compléter le tableau il ne manque plus que le montage d’un cahier des charges ou le lancement d’un appel d’offre.
- L’information défaillante ou inexistante : L’employeur est tenu d’informer à minima du nombre d’heures dont dispose chacun des salariés. Certains employeurs le font sur la fiche de paie (fiche de paie qui est une des plus complexes au monde) en indiquant simplement : DIF : 94. Le salarié ne sait souvent pas de quoi il s’agit : des jours, des euros, des heures ? et personne dans son proche environnement professionnel n’est souvent capable de lui répondre. Cinq ans après le votre de la Loi un groupe français de 12 000 salariés n’a pas encore pris la peine d’informer ses salariés du nombre d’heures dont ils disposent (il n’y a pas de sanction en cas d’absence d’information)
- La variante de l’absence d’information : Le salarié ne sait pas comment formuler sa demande de DIF, il n’a aucun formulaire, il ne sait pas à qui remettre sa demande, son chef n’est au courant de rien et le renvoie vers un bureau qui ne lui répond pas.
- L’insécurité : Admettons que le salarié ait enfin pu soumettre sa demande, en l’absence d’une charte DIF ou simplement d’explications de l’entreprise, il fait cette demande à l’aveuglette sans aucune idée de la façon dont elle sera reçue. L’anglais fait il parti des priorités de branches, de l’entreprise, y ai-je droit ? l’organisme que j’ai choisi est-il trop cher, pas assez cher, de mauvaise réputation ? C’est le flou total et cette insécurité lors de la demande permet d’éliminer beaucoup de demandes.
- Le refus DIF : Les entreprises ont cru lire dans la Loi qu’elles disposaient d’un pouvoir discrétionnaire de dire non si elles n’avaient pas les budgets, le temps, les moyens humains ou simplement pas envie de développer le DIF. Face à un refus d’accorder le DIF, refus qui n’a pas à être motivé, le candidat au DIF est renvoyé dans les cordes durant deux ans pour ensuite faire valoir sa très hypothétique demande devant les Fongecifs (qui n’auront pas les moyens de répondre et de financer tous les DIF contentieux)
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