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Droit Individuel à la Formation : Pourquoi a-t-il tant de mal à se déployer ?

Petit tour d’horizon des trucs et astuces utilisés par certaines entreprises pour ne pas organiser le Droit à la Formation (DIF) de leurs salariés.

 

  1. Le parcours du combattant : C’est la plus classique et le plus ancienne manœuvre, elle existait bien avant la réforme de la formation. Pour apprendre et évoluer il faut être (bien) accompagné et savoir que l’employeur accueillera avec bienveillance la demande individuelle de formation. Il en est rarement ainsi, la demande de DIF d’un salarié doit souvent suivre un parcours long, complexe et semé d’embuches. Ainsi de 30 à 80 % des velléités de se former seront perdues en route (mais l’Etat ne fait pas mieux avec la démarche VAE)
  2. La file d’attente : Même si l’employeur a un mois pour répondre à une demande de DIF il lui est tout à fait possible d’organiser des files d’attente ou un seule période annuelle de recueil  des demandes. Par exemple en novembre les demandes de DIF seront reçues pour l’année suivante. Si un salarié a envie de se former en mars ou avril il lui faudra prévoir attendre l’année suivante pour ce faire.
  3. Les DIF prioritaires : Un employeur décrète souvent  que seuls les DIF prioritaires dans la branche professionnelle seront acceptés. C’est illégal mais ce terme de prioritaire peut abuser certains salariés qui seront alors contraints de choisir quelques champs étroits de formation et ne pourront maintenir leur employabilité hors de ces limites étroites.
  4. Les limites budgétaires : Il est facile de faire croire aux salariés que la formation est strictement encadrée au niveau du budget et qu’une fois dépassé ce seuil  il sera impossible d’accéder à leurs demandes durant l’année en cours. Cette limite supérieure n’existe bien évidemment que dans la tête des directions et des services formation mais elle est bien commode pour refuser des DIF qui mettraient en péril l’entreprise.
  5. L’abandon face au marché de la formation  : une autre façon simple et efficace de ne pas développer le DIF est d’avoir une lecture stricte de la Loi : le DIF est à l’initiative du salarié, nous le laissons donc seul face à la complexité d’un marché illisible, opaque et inadapté à un salarié isolé. Il y a ainsi peu de chance qu’il revienne avec une convention de formation et s’il y parvient tout de même il aura fait preuve d’une vraie détermination (c’est la variante du parcours du combattant)
  6. Le salarié ingénieur de formation : certaines entreprises ne craignent pas de demander plusieurs devis à leurs salariés (jusqu’à 3), une étude de marché, ou, pour une grande société publique, une lettre de motivation pour expliciter leur demande. Pour compléter le tableau il ne manque plus que le montage d’un cahier des charges ou le lancement d’un appel  d’offre.
  7. L’information défaillante ou inexistante : L’employeur est tenu d’informer à minima du nombre d’heures dont dispose chacun des salariés. Certains employeurs le font sur la fiche de paie (fiche de paie qui est une des plus complexes au monde) en indiquant simplement : DIF : 94. Le salarié ne sait souvent pas de quoi il s’agit : des jours, des euros, des heures ? et personne dans son proche environnement professionnel n’est souvent capable de lui répondre. Cinq ans après le votre de la Loi un groupe français de 12 000 salariés n’a pas encore pris la peine d’informer ses salariés du nombre d’heures dont ils disposent (il n’y a pas de sanction en cas d’absence d’information)
  8. La variante de l’absence d’information  : Le salarié ne sait pas comment formuler sa demande de DIF, il n’a aucun formulaire, il ne sait pas à qui remettre sa demande, son chef n’est au courant de rien et le renvoie vers un bureau qui ne lui répond pas.
  9. L’insécurité : Admettons que le salarié ait enfin pu soumettre sa demande, en l’absence d’une charte DIF ou simplement d’explications de l’entreprise, il fait cette demande à l’aveuglette sans aucune idée de la façon dont elle sera reçue. L’anglais fait il parti des priorités de branches, de l’entreprise, y ai-je droit ? l’organisme que j’ai choisi est-il trop cher, pas assez cher, de mauvaise réputation ? C’est le flou total et cette insécurité lors de la demande permet d’éliminer beaucoup de demandes.
  10. Le refus DIF : Les entreprises ont cru lire dans la Loi qu’elles disposaient d’un pouvoir discrétionnaire de dire non si elles n’avaient pas les budgets, le temps, les moyens humains ou simplement pas envie de développer le DIF. Face à un refus d’accorder le DIF, refus qui n’a pas à être motivé, le candidat au DIF est renvoyé dans les cordes durant deux ans pour ensuite faire valoir sa très hypothétique demande devant les Fongecifs (qui n’auront pas les moyens de répondre et de financer tous les DIF contentieux)
Le Droit Individuel à la Formation (DIF) a donc toutes les peines du monde à être reconnu et surtout mis en oeuvre dans de nombreuses entreprises. La future Loi pour la formation professionnelle tout au long de la vie ne remédiera que très partiellement à ces difficultés et ambiguïtés qui minent la confiance des travailleurs de notre pays.
 
Didier Cozin
Ingénieur de formation professionnelle.
 

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8 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 13 octobre 2009 13:26

    cette année , c’est simple , avec la crise , toutes les formations digne de ce nom ont giclé du budget ! ne restent plus que les remises à niveau secouristes du travail et formations incendies ...............


    • titi titi 13 octobre 2009 13:33

      Vous avez oublié :

      11. Le refus du DIF
      L’entreprise propose un panel de formation.
      Et lorsqu’elle demande au salarié de choisir, en détaillant les modalités d’application du DIF celui-ci ne choisit rien, ne propose rien.


      • Didier Cozin Didier Cozin 13 octobre 2009 13:54

        Effectivement cette onzième raison existe, des salariés (minoritaires) ne souhaitent pas se former ou développer leurs compétences au travail.

        Dans ce cas, la perte d’employabilité serait de leur faute et de leur fait et l’entreprise ne pourrait être accusée de ne pas avoir maintenu leur employabilité.
         La Loi de mai 2004 évoquait d’un co-responsabilité sur le développement des compétences et les salariés doivent eux aussi faire une partie du chemin. La formation est un effort, surtout hors temps de travail mais sans cet effort il n’y aura pas beaucoup d’espoir de rebondir vers un autre emploi en cas de rupture professionnelle.


        • Kathy 13 octobre 2009 14:09

          Moi, je travaille dans l’informatique et je souhaiterai suivre une formation qui n’a strictement rien à voir avec l’informatique, un brevet de pilote d’ULM. J’ai contacté une personne des ressources humaines de mon entreprise (1000 personnes) qui me dit que j’ai peu de chance que ma demande aboutisse.
          Et pourtant il n’y a que cette formation qui m’intéresse, pour les autres formations, tel l’anglais ou l’informatique je dis non.Si le DIF c’est juste pour mon continuer à faire de l’informatique, alors je peux me former toute seule.


          • Didier Cozin Didier Cozin 13 octobre 2009 14:17

            Pour que la formation soit acceptée par le service formation, il faut qu’elle soit professionnalisante. si votre projet de brevet de pilote ULM est un projet à visée professionnelle votre société doit en discuter avec vous (le facteur prix entrera en ligne de compte car le DIF est là pour maintenir l’employabilité pas réellement pour engager une longue reconversion professionnelle)


            • NOVATEM NOVATEM 13 octobre 2009 15:27

              Bonjour,

              Il faut comprendre que les employeurs risquent de devoir gérer à court terme maintenant le DIF dans les pires conditions qui soient...Faute d’avoir su gérer le DIF de manière rationnelle lorsqu’il en était encore temps, en 2004.

              Maintenant le risque est maximal .

              Il faut savoir qu’il n’est pas possible de cumuler plus de 120 heures de DIF ce qui signifie qu’un nombre important de salariés verront leur crédit d’heures gelé dans quelque mois faute de l’avoir utilisé en tout ou partie.

              Par ailleurs, il faut également savoir qu’en cas de licenciement, il est quasiment pas possible d’obtenir une formation à hauteur du crédit d’heures acquis et la portabilité que l’on nous annonce ne changera rien à cette réalité.

              Jusqu’à présent, les employeurs ont spéculé sur l’ignorance (voire sur une certaine inappétence pour la formation) et on utilisé toutes les manœuvres dilatoires possibles et imaginables (et de manière le plus souvent illégale).

              Maintenant, ce n’est plus vraiment possible...

              Beaucoup de salariés ignorent ces petits « détails »...Et combien savent que non seulement leur employeur leur « offre » une formation tous frais payés (du moins les frais de transport et d’hébergement éventuels) mais que de surcroît, ils sont aussi payés pour se former (y compris en cas de formation hors temps de travail - situation où ils touchent une sorte de « prime » (allocation de formation égale au nombre d’heures utilisées hors temps de travail X 50% du taux horaire net moyen)

              On sait très bien que les budgets ne sont pas inépuisables...Mais tout de même, le DIF existe depuis 2004 et les crédits d’heures ont été acquis de manière progressive. Un gestionnaire avisé, face au problème organisationnel et financier induit devait faire en sorte d’étaler au maximum dans le temps les dépenses inhérentes au DIF...

              Un forum de discussion sur le DIF : http://www.le-dif-en-questions.fr


              • Yohan Yohan 13 octobre 2009 19:25

                Encore une de ces lois imposée sans reflexion, sans concertation.


                • Hamza Abid 20 octobre 2009 12:47

                  Dommage qu’il n’y ait pas de sources chiffrées pour mesurer la réticence de certains employeurs ^^

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