I- UNE OPÉRATION DSK ?
1- Circonvenir l’électorat
Cette campagne poursuit deux objectifs. Le premier est de circonvenir l’électorat de deux manières.
- L’une vise à faire de sa faiblesse provisoire une force. Parler divise, se taire rassemble. On l’a vu dès qu’il a dit son opposition à la retraite à 60 ans. Son devoir de réserve imposé par sa fonction au FMI devient donc un avantage. Le silence et ses ambiguïtés ne fâchent personne et rassemblent les suffrages.
- L’autre manière est par vagues de sondages successives de faire apparaître DSK comme le candidat socialiste préféré des « Français ». Les travaux de Solomon Asch sur la pression du groupe dans les années 1950 ont montré que l’individu aspire de tout son être à adhérer au point de vue du groupe y compris en renonçant au témoignage fidèle de ses sens quand celui du groupe est totalement erroné, voire délirant : ainsi plus d’un tiers des sujets étudiés acceptent de penser comme le groupe qu’un segment de 10 cm est égal à un autre de 30. Quant à ceux qui persistent à le nier avec raison, ils sont ébranlés au plus profond d’eux-mêmes, pensant ne pas pouvoir avoir raison tout seuls face à une majorité de gens qui dans ce cas se tromperaient.
Donc à faire caracoler en tête des sondages M. Strauss-Kahn, ces petites mains espèrent avec raison que nombre d’électeurs se rallieront à lui.
Verrouiller les primaires du PS
Le second objectif est de verrouiller les primaires du PS qui doivent choisir son candidat. Les procédures ont été renvoyées au second semestre de 2011 afin de permettre à M. Strauss-Kahn de rester le plus longtemps possible à la tête du FMI avant d’en démissionner.
Cette déclaration de candidature aussi tardive présente un inconvénient, celui de laisser vacant le premier semestre de 2011 pendant lequel des concurrents socialistes risquent de mener une campagne de candidature, tandis que DSK restera muet par devoir de réserve. C’est ce qui vient de se produire : trois candidats se sont ouvertement déclarés, Manuel Valls, Arnaud Montebourg et Ségolène Royal. Un autre, François Hollande, n’a pas caché ses intentions.
On voit donc, depuis l’accélération des événements imprimée par l’annonce de S. Royal, elle-même inspirée par le gouvernement de combat que le président Sarkozy a installé, les petites mains s’agiter pour stigmatiser ces malotrus qui gênent la stratégie de leur poulain. Les Strauss-Kahniens sont furibonds ; ils ironisent sur la vanité de ces candidats pressés : « Il n’est pas anormal, siffle entre ses dents M. Cambadélis, vu un calendrier final fixé à l’été, que les candidats les moins bien placés dans les sondages et dans le Parti socialiste se lancent de loin ». D’autres exigent le strict respect des règles adoptées par le parti pour la désignation de son candidat, comme Jack Lang à qui ses révérences répétées au président Sarkozy en lisière de sa politique d’ouverture confèrent sans doute un indéniable crédit.
II- DSK COMME MEILLEUR CANDIDAT SOCIALISTE CONTRE SARKOZY ?
M. Strauss-Kahn est-il pourtant le mieux placé pour porter la contradiction à M. Sarkozy qui ne fait plus mystère de ses intentions de briguer un deuxième mandat ?
1- Un socialiste, directeur du FMI, euphémisé
Ne serait-ce pas une gageure pour le PS de faire de M. Strauss-Kahn sont candidat ? Peut-il soutenir sans se ridiculiser le directeur du Fonds Monétaire International, cet organisme mondial chargé d’appliquer les règles du modèle économique libéraliste le plus brutal avec ses politiques de rigueur si dévastatrices sur le plan social pour servir les intérêts des marchés ? Quelle crédibilité le Parti Socialiste croit-il pouvoir y gagner ? N’a-t-il pas « FMieux à faire » qu’à miser sur un candidat socialiste aussi euphémisé ?
2- Un socialiste fortuné
Monsieur Strauss-Kahn vit, d’autre part, sur un pied qui n’a rien de commun avec l’électorat auquel il est censé s’adresser, dans la mesure où M. Sarkozy reste en lice, à moins qu’il ne s’agisse d’une opération de la ploutocratie régnante pour écarter le président sortant qui, jugé usé, ne donnerait plus satisfaction malgré tant de louables efforts de sa part ?
- Des honoraires d’avocat élevés
Déjà, on avait pu avoir une idée de son niveau de vie lors de l’affaire de la MNEF qui l’a obligé à démissionner de son poste de ministre de l’Économie pour se défendre en 1999. Il a beau avoir été blanchi, il reste qu’il est apparu comme un ancien ministre redevenu avocat d’affaires faisant cher payer, en 1997, ses conseils à la Mutuelle Nationale des Étudiants de France au cours de tractations quand la CGE (devenue Vivendi) envisageait d’entrer au sein de sa holding en difficulté, Raspail Participations. Il aurait perçu 600.000 francs pour ses judicieux conseils : « La MNEF m’a utilisé comme conseil, a-t-il expliqué à l’époque (…).Mon rôle de conseil, c’est un rôle de conseil, c’est-à-dire que, comme tout avocat d’affaires, j’ai conseillé la MNEF sur la stratégie à suivre, j’ai relu les documents, j’ai fait en sorte qu’il y ait un accord. (…) J’ai eu des discussions avec les représentants de la CGE » (1).
On ne sache pas que la santé des étudiants ait tiré bénéfice de ces chers conseils donnés à leur mutuelle. Ne peut-on craindre alors pour la Sécurité sociale française toute entière ?
- Un salaire de directeur de FMI
Surtout, depuis qu’il est devenu directeur du FMI, M. Strauss-Kahn est entré, s’il n’y était déjà, dans le club de la minorité richissime. Il toucherait un salaire net annuel de 461 510 dollars, ou près de 325 000 euros par an, soit 27.000 euros par mois sans compter la prise en charge des frais divers de représentation (2). À ce niveau, on peut présider une République de nantis dans un paradis fiscal, mais non une République où la très grande majorité des salariés gagne moins de 3.000 euros par mois. À ce degré de revenus, on ne vit pas sur la même planète. On n’a pas les mêmes soucis. Comment un milliardaire peut-il prétendre représenter un peuple dont la majorité à des revenus si modestes et en défendre les intérêts ? Est-ce l’image d’un socialisme nouveau ?
Il n’y a que sa femme, Anne Sinclair, pour le croire. Envoyée récemment en éclaireuse sur Canal + pour préparer le terrain, elle s’est offusquée avec des accents d’une sincérité qui fend le coeur : « Faut vraiment être tordu, s’est-elle écrié, pour se dire que Dominique n’est pas de gauche ! » (3).
3- Un personnage dangereux pour la liberté d’expression et la sécurité de l’État ?
Aussi tordu sans doute que pour croire à sa fidélité conjugale ! Qui a oublié l’épisode de sa liaison en 2008 avec une employée du FMI, Piroska Nagy, une jeune économiste d’origine hongroise, qui lui a failli faire perdre son poste de directeur du FMI ? Bien qu’il ait été blanchi dans l’affaire de tout soupçon de favoritisme, il aurait poursuivi la jeune femme de ses assiduités, selon une lettre qu’elle a adressée, le 20 octobre 2008, aux enquêteurs chargés d’éclaircir l’affaire par le FMI : « M. Strauss-Kahn, écrit-elle, a abusé de sa position pour entrer en relation avec moi (…) Je n’étais pas préparée aux avances du directeur général du FMI. [...] J’avais le sentiment que j’étais perdante si j’acceptais, et perdante si je refusais. (…) Je crains que cet homme [DSK] n’ait un problème qui, peut-être, le rend peu apte à diriger une organisation où travailleraient des femmes. » (4) Stéphane Guillon en a tiré une de ses meilleures chroniques qui lui a valu les foudres de l’amant et un peu plus tard le licenciement de France Inter (5).
Les frasques sexuelles d’un tel individu sont, certes, du domaine privé et ne regardent que lui et sa femme sauf s’ils les mettent délibérément sur la place publique. Or, M. Strauss-Kahn et sa femme se sont pavanés en train de se marrer de façon indécente en couverture de VSD pour persuader les chaumières que l’incident était clos et qu’ils en riaient bien encore ? (6)
- La liberté d’expression entravée ?
Mais ce genre d’aventures peut avoir aussi de graves conséquences dans la vie publique. Le licenciement de Stéphane Guillon le montre : il trouve son origine dans la chronique évoquée plus haut qui lui avait valu à l’antenne un blâme de la part de l’intéressé blême de rage. La liberté d’expression est la première à en pâtir pour peu qu’on trouve à redire au comportement sexuel d’un responsable politique.
- Une cible facile pour les services de renseignement étrangers ?
La question s’est, d’autre part, posée de savoir si cette liaison n’avait pas été un leurre d’appel sexuel monté par des adversaires pour faire tomber DSK. Celui-ci, on le voit, ne se serait pas fait prier pour donner dans le panneau. Or, la sécurité de l’État ne peut-elle pas être menacée quand les services de renseignements étrangers connaissent le péché mignon d’un président dont « la connaissance » peut à tout moment se dérober par l’escalier de service ? On a vu plus d’une fois une amazone en mission dans le lit d’un homme politique pour lui soutirer des informations ou influencer une décision.
Si le PS a encore pour projet de mettre l’économie au service des hommes, on voit mal M. Strauss-Kahn en être l’artisan et devenir son candidat à l’élection présidentielle. Son parcours ne peut l’avoir préparé à répondre aux attentes d’un électorat qui ne connaîtra jamais le millième du luxe où il vit. Ses frasques le rendent, d’autre part, vulnérable au point de pouvoir menacer à la fois la liberté d’expression et la sécurité de l’État s’il en avait la charge. Le PS ferait « FMieux » de le laisser au FMI qui correspond si bien à ses idées comme à ses intérêts. Il s’y épanouit. Qu’il y reste ! Pourquoi ne briguerait-il pas un deuxième mandat puisqu’il paraît y être si apprécié ? Le PS et la Gauche réunie pourrait alors peut-être se présenter à l’élection présidentielle avec une chance de l’emporter. Paul Villach
(1) Armelle Thoraval, « Strauss-Kahn : questions sur une rémunération. Le parquet de Paris fait enquêter sur les 600 000 F versés à DSK par la MNEF quand il était avocat d’affaires. » Libération, 9 décembre 1998.
(2) Le Post, « Le salaire de Strauss-Kahn au FMI, ça fait combien en Euro Millions ? »
(3) Dominique de Montvalon, « Anne Sinclair intrigue le PS », France Soir, 12.11.2010.
(4) Marcelo Wesfreid, « Affaire DSK : la lettre qui accuse », L’Express, 17.02.2009.
(5) Paul Villach, « « DSK « dynamité » par Stéphane Guillon sur France Inter, « façon puzzle » : méchanceté ou critique légitime ? » AgoraVox, 23 février 2009
(6) Paul Villach, « Une couverture digne de VSD : le fou rire indigne des époux Strauss-Kahn-Sinclair », AgoraVox, 27 octobre 2008.