Du bon usage du Droit d’Auteur
Les spécialistes du Droit d’Auteur appliqué à la création industrielle ne sont pas si nombreux. Voici la position de Didier FERET, expert reconnu par la profession juridique, auteur d’une abondante bibliographie, qui nous explique clairement, exemples à l’appui, le bon usage du Droit d’Auteur, qui peut être invoqué en complément, ou en alternative à la Propriété Industrielle.
Le principal pensum du créateur industriel réside dans son obsession de voir sa création purement et simplement volée par les tiers.
Cette attitude peut paraître puérile, et ne concerner que le "petit inventeur individuel", mais il faut savoir qu’il n’en est rien :
Même les grands groupes industriels sont à l’affût de l’espionnage du même nom, et n’hésitent pas, au moindre doute, à employer les grands moyens, comme on vient de la voir récemment à propos des automobiles Renault.
Que l’on soit un simple particulier, sourcilleux sur le droit de paternité que l’on entend exercer sur une trouvaille, ou grand chef d’entreprise, le problème est le même :
Haro sur les contrefacteurs de tout poil !
Et, en cette matière, les choses ne sont pas simples. Non seulement il faut être capable de "rapporter la preuve", comme on dit dans le langage juridique, que l’on a été victime de contrefaçon, mais il faut également, et surtout, prouver que l’on disposait réellement d’un Droit reconnu par la législation, sur la "chose contrefaite".
Quelle peut être la nature de ce Droit ?
De prime abord, chacun pensera au brevet d’invention. Certes, c’est le moyen le plus connu, et largement, censé procurer au créateur une "protection juridique", mais c’est également un moyen fort onéreux, où les entreprises engloutissent des fortunes, et où plus d’un particulier s’est ruiné.
En fait, le brevet n’est pas à la portée de tous, car il implique le recours à des professionnels aux honoraires élevés, et, de nos jours, emmène les "déposants" dans d’interminables formalités internationales, le tout sans garantie d’aucune sorte.
Ce que le public ignore, en grande partie, c’est que le brevet d’invention est un outil qui, pour être efficace, se doit d’avoir une portée mondiale, et, dans le même temps, le "brevet mondial" n’existe pas !
Même l’arrangement qui existe en Europe, dit "brevet européen" ne donne pas un titre unitaire à ceux qui parviennent à le financer (plus ou moins 50.000 €), mais seulement un chapelet de "parties nationales" qui ne sont, en réalité, qu’autant de brevets nationaux, laissés à l’appréciation souveraine des tribunaux de chaque pays. C’est un "brevet gruyère".
Le "grand brevet", mondial, dit "PCT", ou même le "moyen brevet", dit "européen" (34 États) ne sont qu’un leurre, pour ne pas dire une fumisterie, lorsqu’il s’agit de les considérer comme des titres supra nationaux.
On a vu ce qu’il est advenu d’un brevet européen, délivré en bonne et due forme à une firme américaine, qui a été invalidé dans certains pays, et confirmé dans d’autres, à la suite d’un litige. Cf. Document Security Systems, Inc. (DSS) contre Banque Centrale Européenne (BCE).
Dans un tel décor, faut-il encore croire dans la vertu du brevet ?
C’est une vaste question à laquelle je ne saurais apporter une réponse tranchée, sous peine de me voir qualifier d’extrémiste.
Par contre, ce que je puis affirmer, preuves à l’appui, c’est qu’il existe plusieurs autres moyens de faire valoir des Droits juridiques de paternité, sur une création, fût-elle de caractère industriel, sans entrer dans le labyrinthe du brevet.
L’un de ces moyens, qui a ma préférence, est tout simplement le Droit d’Auteur.
Vous pouvez être sceptique, d’entendre parler de Droit d’Auteur, alors que j’évoque le brevet, et l’industrie automobile, mais lisez bien, et vous serez peut-être surpris de constater que je ne m’égare en rien.
Exemple : la firme Volvo a gagné un procès sur base exclusive de Droit d’Auteur, à propos de nouveaux modèles de voitures.
D’autres branches de l’industrie, comme par exemple la chimie, à propos de parfums, ont obtenu la condamnation de contrefacteurs sur base de Droit d’Auteur. D’autres encore dans l’électronique se sont fait respecter judiciairement et internationalement, sans dépôt de brevet.
Devant ces constats, il y a matière à réfléchir, à se renseigner, et, dis-je, à comprendre que la Propriété Intellectuelle, qui institue le Droit d’Auteur, constitue une force défensive avérée pour le créateur industriel.
Je sais qu’en affirmant ceci, je parais m’inscrire en faux contre nombre d’usages établis, et contre les intérêts de nombreux lobbies, mais l’examen minutieux des textes de loi, et de la jurisprudence, démontre à l’envi que ma façon de voir repose sur le réalisme le plus évident.
Jamais un tribunal n’a débouté l’inventeur d’une création typiquement industrielle, produisant un résultat certain, et dotée de fonctionnalités inventives, au simple motif que le Droit d’Auteur ne protègerait pas une création de caractère industriel, puisque la loi dit qu’elle protège toute création, "quel qu’en soit le genre". (Code de la Propriété Intellectuelle, Article L-112.1).
Ce serait la négation du principe de l’unité de l’Art, et de la notion d’Arts Appliqués, un sujet qui a fait couler beaucoup d’encre depuis 1909, mais qui a été tranché depuis.
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jurisprudence |
La protection de la Propriété Intellectuelle est bel et bien accordée à toute création, même utilitaire et dénuée de tout caractère d’art.
Les grands prêtres du brevet, l’INPI français et ses homologues étrangers, les Conseils, et certains juristes, notamment, ont beau crier au scandale, lorsqu’un inventeur évoque son Droit d’Auteur, il n’en demeure pas moins vrai que ce Droit existe, et que le pouvoir judiciaire le fait respecter, lorsqu’il est invoqué dans les règles.
Le problème d’accès au Droit d’Auteur, face à l’inventeur, vient de sa notoriété, fortement connotée "littéraire & artistique", qui le montre comme bien plus restreint qu’il n’est, en réalité.
Ceci s’explique très bien : Le créateur non industriel n’a pas d’autre recours, alors que l’inventeur technicien, lui, dispose du privilège de pouvoir à la fois invoquer la Propriété Intellectuelle, et déposer en plus une demande de brevet.
De là à ce que d’aucuns, en toute ignorance des dispositions de la loi, placent entre cloison étanche entre les deux univers que sont le monde artistique, et le milieu industriel, il n’y a qu’un pas, fréquemment franchi, à la fois par les ignorants, et par ceux que cela arrange.
"Le brevet pour l’inventeur, et le Droit d’Auteur pour l’écrivain", c’est simpliste, mais c’est complètement faux.
Toute création originale peut être protégeable par le Droit d’Auteur (dans le respect des exigences de la loi, bien entendu, et, à ce niveau, voyez l’article de Sivodnie sur les conditions à remplir pour acquérir la qualité juridique d’Auteur).
Vous verrez alors que le monopole du brevet n’est pas inscrit dans le texte de la législation, bien au contraire. La loi dit bien que "toute invention peut faire l’objet d’une demande de brevet". Nulle obligation n’est édictée, à ce niveau.
En conclusion, et n’en déplaise à certains contradicteurs, plus ou moins forcenés, mais sans arguments juridiques fondés, je m’attache nettement moins à la critique du brevet qu’à la promotion du Droit d’Auteur, et je ne m’appuie que sur la loi et la jurisprudence, en aucune manière dans une optique corporatiste.
Si le sujet vous concerne, vous pouvez trouver une importante masse d’informations sur le site de l’ONG IFRACO, qui se dédie à offrir toutes ressources documentaires aux créateurs, particulièrement de facture industrielle. Vous pourrez même être mis bénévolement en contact avec des spécialistes titrés et reconnus, qui sauront vous guider sur le difficile chemin qui consiste à faire valoir vos droits, dont, le plus souvent, vous ignorez l’existence, et qui vous sont même soigneusement occultés par diverses puissances.
Bien entendu, je ne saurais oublier de faire référence à l’Acte Déclaratif de Qualité d’Auteur, une formule professionnelle de Dépôt probatoire, à l’élaboration de laquelle j’ai pu participer, qui est cautionnée par des avocats de la spécialité, et qui constitue l’un des instruments majeurs à la disposition de l’inventeur instruit de l’existence de son Droit d’Auteur.
L’inventeur individuel, tout comme son homologue, au sein de l’entreprise, sont maintenus, de facto, dans une culture qui leur propulse toujours la Propriété Industrielle au premier plan.
Cette attitude, traditionnelle, ne tient pas compte des évolutions mondiales issues des toutes récentes décennies, de l’abolition de nombreuses frontières en Europe, et de l’introduction d’Internet, particulièrement.
De nos jours, cela n’est ni un luxe ni un snobisme d’envisager toute exploitation d’innovation sur le plan mondial. C’est à ce niveau qu’il convient de jeter un regard neuf sur la Propriété Intellectuelle, et sur ce Droit d’Auteur, qui fait couler tant d’encre au niveau de la "société de l’information".
Il s’agit là d’un allié précieux qu’il serait suicidaire de méconnaître.
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