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Accueil du site > Tribune Libre > Du pluralisme politique à un « totalitarisme démocratique » (...)

Du pluralisme politique à un « totalitarisme démocratique » ?

« Tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser », écrivait Montesquieu en 1748 dans « De l’esprit des lois ». Pour éviter cet « abus », il faut que « le pouvoir arrête le pouvoir ». Les pouvoirs doivent donc être séparés. De ce point de vue, Montesquieu reste le penseur de la pluralité politique. Que reste-t-il aujourd’hui de ce pluralisme et plus particulièrement du multipartisme ? Les partis politiques sont censés réguler le jeu démocratique et constituent de ce fait un rempart contre d’éventuels « abus » de pouvoir dont parlait Montesquieu. Or, force est de constater que le bipartisme existe, sinon de droit, du moins de fait dans de nombreux pays.

Aux Etats-Unis, le jeu politique se focalise sur seulement deux partis. Qui se souvient du quatrième candidat aux élections présidentielles américaine de 2004 (David Cobb) et a fortiori du quatorzième (John Parker) ? Et il ne s’agit-là que des candidats présentés par des partis. D’autres, se sont présentés à titre individuel (trente-trois exactement). La vie politique américaine est donc dominée par le parti républicain et le parti démocrate.

La scène politique britannique produit, dans des conditions différentes, un spectacle similaire joué par deux acteurs principaux, les Travaillistes et les Conservateurs nonobstant l’existence de nombreux partis qui vont de l’extrême gauche (le Socialist Workers Party par exemple) à l’extrême droite (le British National Party). Là encore deux partis se partagent la réalité du pouvoir politique.

En Allemagne, les sociaux-démocrates du SPD et les chrétiens-démocrates de CDU/CSU se succèdent au pouvoir depuis la Seconde Guerre mondiale du moins dans sa partie occidentale. Il faut souligner, toutefois, le rôle important joué par le parti des Verts et depuis 2005 celui du Linkspartei (parti de gauche). L’avenir seul nous dira si ce dernier parti sera capable de briser cette alternance SPD/CDU-CSU obtenue avec l’aide des Verts et du Parti libéral.

L’Espagne, en dépit d’une configuration politique complexe marquée par l’opposition régionale/nationale, connaît, elle aussi, un bipartisme dominé par le Parti populaire (PP) et le Pari socialiste ouvrier espagnol (PSOE) qui se partagent le pouvoir depuis les élections générales de 1989. Le cas de la France est un peu particulier. Quelques tendances de fond se dégagent néanmoins si l’on considère uniquement les résultats des élections présidentielles et législatives de 2007.

Le scrutin du 17 juin montre nettement une bipolarisation de la vie politique au profit de l’UMP et du PS puisque ces deux partis, à eux seuls, totalisent plus de 90 % des sièges de la nouvelle Assemblée ! Ce bipartisme a été déjà consacré par les résultats du 22 avril et du 6 mai 2007. Avant, les majorités de gouvernement se construisaient par alliances à gauche comme à droite (Union de la gauche d’un côté, le centre et la droite de l’autre). Il faut peut-être compter maintenant avec deux partis l’UMP et le PS. Ce dernier est condamné à évoluer et à se transformer à l’instar du parti travailliste britannique (New Labour) ou du SPD allemand.

On est à mille lieux du pluralisme de Montesquieu. Il s’agit plutôt d’une concentration de pouvoirs économiques, politiques et médiatiques entre les mains non pas d’un individu ou même de deux partis, mais d’une classe sociale. Si l’on regarde de plus près, non pas leurs discours, mais leurs actes, on constate, malgré des nuances voire parfois des différences, que ces deux partis servent en dernière analyse les intérêts de la classe dominante. Prenez l’exemple de Martin Bouygues, président du groupe Bouygues (administrateur de TF1, notamment) et accessoirement parrain du fils du président. Il en est de même pour Arnaud Lagardère, grand magnat des médias, de Serge Dassault, de François Pinault et bien d’autres encore qu’on ne présente plus. Dès lors, on peut se demander s’il ne s’agit pas là d’une certaine forme de parti unique. La bourgeoisie a tout intérêt à stabiliser le jeu politique à l’aide de ce balancier.

Le bipartisme permet également une redistribution des richesses qui va, pour simplifier au maximum, des plus pauvres aux plus riches : baisse des dépenses sociales d’éducation, de santé, suppression progressive des services publics, atteinte au droit de grève, privatisation, baisse de l’impôt pour les classes aisées, etc. Il faut souligner que ces mesures sont prises indifféremment par l’un ou l’autre parti au pouvoir. Concernant la politique étrangère, il devient de plus en plus difficile de trouver des différences, non pas de degré mais d’essence, tellement leurs positions se ressemblent (les cas de B. Kouchner et d’H. Védrine sont significatifs à cet égard).

Mais l’alternance peut aussi entraîner une certaine lassitude des classes populaires qui constatent, ébahies, que leur situation matérielle ne s’améliore guère malgré la multiplication d’élections en tout genre. Lorsqu’elles sont tentées de ne pas jouer le jeu en rechignant à aller voter par exemple ou en descendant massivement dans la rue, on mobilise contre elles les médias, les instituts de sondage, les « experts » et certains intellectuels pour les culpabiliser et pour les ramener, de gré ou de force, à la « raison ».

Pas plus de deux ou trois élections ! Et les français retrouveront le spleen dû au malaise du libéralisme européen.


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10 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 12 juillet 2007 12:18

    Votre analyse commence bien,mais elle dérape vers la fin sur un procès :

    « ces deux partis servent en dernière analyse les intérêts de la classe dominante »

    La bipolarisation d’un parti dominant à droite comme à gauche à toujours existé en France,seulement c’est l’effet avril 2002,qui à atomisé les autres partis politiques.

    Ensuite,on avait promis avec le TSS,la fin du monde et un Etat fascite.

    Il n’en est rien,au lieu de cela,nous avons un gouvernement d’ouverture et un rassemblement de gens de bonnes volontés pour faire évoluer la France.

    Normal que les français votent pour la majorité ou le reliquat de PS

    Quand aux parti communiste,il est aujourd’hui le seule PC au monde à ne pas avoir entrepris de refondation et de modernisation de sa pensée politique et il est mort.

    Les verts restent à leur place

    Donc,rien de bien nouveau en France

    De plus vous écrivez

    « Mais l’alternance peut aussi entraîner une certaine lassitude des classes populaires qui constatent, ébahies, que leur situation matérielle ne s’améliore guère malgré la multiplication d’élections en tout genre. »

    C’est quand même assez inquiétant que vous considerez "les classes populaires" qui ont voté Sarkozy avec aussi peut de respect.

    De plus,« la multiplication d’élection » est gage de démocratie.


    • NPM 12 juillet 2007 12:25

      « Le bipartisme permet également une redistribution des richesses qui va, pour simplifier au maximum, des plus pauvres aux plus riches : baisse des dépenses sociales d’éducation, de santé, suppression progressive des services publics, atteinte au droit de grève, privatisation, baisse de l’impôt pour les classes aisées, etc »

      Vous êtes un malade mental ! Avec tous les impots qu’on paye, ce serait « les pauvres » qui seraient les victimes ?! N’importe quoi... Indéfendable.


      • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 12 juillet 2007 13:25

        1) Le terme de totalitarisme est manifestement excessif ; celui-ci ne signifie pas seulement la concentration du pouvoir dans les mains d’une classe politique qui, malgré ce que vous dites, restent divisée entre une gauche et une droite, mais surtout la fin de tout état de droit. Ce n’est manifestement pas le cas en France...Même si une certaine confusion des pouvoirs semble s’installer en France sous la forme d’une monarchie élective à prérogatives extensives, les libertés politiques et individuelles concrètes sont préservées : ni la justice, ni la presse ne sont totalement aux mains du pouvoir central..

        2) Quant au bipartisme il s’impose sous deux formes, pour des raisons de gouvernance ou mieux de gouvernabilité, dans toutes les démocraties représentatives : soit, lorsqu’on est dans un scrutin majoritaire (RU, France), sous la forme de partis dominants majorité/opposition ; soit, lorsqu’on est dans un système plus ou moins proportionnel, sous la forme d’alliances de gouvernement (Allemagne, Italie etc..) tout aussi contraignantes (quitte à ce qu’elles changent à la faveur de nouvelles élections)

        3) La séparation des pouvoirs ne signifie pas la multiplicité concurrente de pouvoirs aux attributions identiques, ce qui rendrait tout pouvoir politique impossible, mais leur autonomie relative (et non pas leur indépendance absolue ce qui est serait socialement destructeur de tout ordre politique).

        4) Enfin opposer le peuple aux électeurs ne veut rien dire (du reste la notion de pleuple me semble plus métaphydique, voire mythique, que descriptive et explicative) , sinon qu’il faudrait rapprocher les citoyens de leurs élus dans le cadre d’une démocratie représentative qui autoriserait leur intervention ou... leur participation !

        Nous y voilà

        Lire mon article sur AV : De la fiction démocratique


        • Dyck 12 juillet 2007 16:20

          Votre article est plein d’intérêt, même si, déformation professionnelle sans doute, on se sent, à vous lire, quelque peu revenus sur les bancs de l’école. La conclusion est cependant aporétique, donc décevante : une bonne démocratie est possible, mais les conditions de possibilité sont rarement réunies. Alors ? En l’occurence, la condition préalable semble, selon vous (adjoignez-vous Aristote si cela vous tente), une homogénéité sociale (peu de pauvres et de très riches). Est-ce la situation actuelle en France ? Le cas échéant, si la démocratie est inadaptée à ce type de situation, que faut-il en conclure ?


        • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 12 juillet 2007 17:39

          Vous avez tout à fait raison : L’idée démocratique ne peut en effet être opérante (légitimité du pouvoir dit de « représentation » élective et paix civile) qu’à la condition que disait Aristote : très peu de très pauvres et de très riches et une très grande majorité de ni trop pauvres, ni trop riches.

          L’égalité (ou la réduction des inégalités de moyens) est donc bien la condition des conditions de la démocratie. Aux trois sens de « passion égalitaire » (culturelle ou éthique), de condition de possibilité (économique et technique) et de finalité (politique)...


        • NPM 12 juillet 2007 18:21

          « L’égalité (ou la réduction des inégalités de moyens) est donc bien la condition des conditions de la démocratie. »

          Non, c’est l’inverse. L’Inégalité de condition est une condition de la liberté. Quel interet de vivre dans une tyrannie de la masse médiocre ? Votre rêve, c’est l’URSS avec plus de parti ? L’égalité n’est qu’un déguisement de la jalousie des médiocres qui veulent tout réduire à eux et espére se servir au passage. Ils n’en seront que plus à la botte de l’Etat, donc non libres, esclaves, protitués..

          D’ailleur, rappelez moi quelle est cette démocratie qui n’a jamais trébuché sur le facisme ou le socialisme, hum ?

          De toute façon, votre égalité « de conditions » est incompatible avec les Lois de l’économies, donc on peut la jeter par desssus bord sans états d’âme..

          Cela dit, l’égalité politique, ca, c’est la démocratie. Le reste, non.


        • Sylvain Reboul Sylvain Reboul 12 juillet 2007 20:10

          Nous sommes donc d’accord la démocratie va de pair avec l’égalité des droits fondamentaux et une certaine égalisation des conditions de les exercer (éducation, santé..) sauf que vous ne voulez, contrairement à moi, ni l’une, ni l’autre. Or dans le contexte d’une société non-religieuse, vous aurez à coup sûr la violence (que vous l’appeliez jalousie n’y changera rien) que vous ne pourrez prétendre maîtriser qu’en installant une système dictatorial politiquement anti-libéral policier et négateur des libertés politiques et individuelles.

          Vos ne pourrez jamais convaincre par des arguments de droit les gens que vous méprisez de ne pas se révolter contre votre mépris. Votre position se mord la queue...Vous prétendez convaincre alors que vous ne pouvez qu’employer la force pour soumettre ceux qui refusent la domination et que vous ne pouvez convaincre..


        • Reinette Reinette 12 juillet 2007 16:08

          Pour les cyniques au sens commun du terme, la démocratie consiste bien évidement à se graisser sur la bête en se goinfrant des avantages tirés, apparemment légalement, du système.

          Apparemment légalement, car ils sont les tenants et garants de la légalité qu’ils configurent et qu’ils adaptent.

          Ainsi au quotidien le Français Lambda se nourrit-il du plat de « La-Légalité-Démocratique-à la-Sauce-Elu-du-Peuple » ; plat qui n’est en fait que le relief du fastueux repas dont quotidiennement les élus se régalent.

          Là où le cynisme atteint son comble, est que, pour organiser le dépouillement soft de l’individu, afin qu’il se taise, les politiques ont instrumentalisé les administrations à leur profit, dans un intérêt bijectif élu/administrations bien compris par les deux parties, et bien rodé par des années d’exercice et d’amendements, amenés par le seul jeu démocratique et les errements de chacun - qu’il soit individu, citoyen, groupe, lobby (au rang desquels les syndicats, les grands corps, les entreprises, etc...)

          Alors, l’élu UTILISE les Administrations à la justification et à la pérennité de son existence dans le système actuel, dans la seule recherche démocratique, dit-il ou croit-il, ou encore fait-il semblant de croire.

          Les administrateurs serviles parce que servis, font en sorte de subvenir à toutes demandes émanant d’élus, aussi ineptes soient-elles.

          ET, en contrepartie, les élus font en sorte de satisfaire leurs administrateurss qui les servent si bien.

          Ceci aboutit bien évidement à SE voter toutes les augmentations, à S’octroyer tous les jetons de présence et émoluments les plus royaux, tout cela par la justification administrative fallacieuse, ayant toutes les apparences de légalité.

          Ainsi les élus ont-ils pris toute Liberté avec l’EGALITE pour asservir la FRATERNITE entre les français anesthésiés.

          ...Bref, nous voici revenus comme au temps des « ROIS FAINEANTS » qui prospéraient sur le dos d’un servage.

          SERVAGE - aujourd’hui - classe moyenne, muselée par le bâillon démocratique et par ce qu’elle a encore à perdre.

          Il faudrait bien, pour que les choses changent commencer par avoir le courage de dire : « Supprimons la dette Publique ! : Réduisons le train de vie de l’ETAT et des administrations ».

          Mais COMMENT un politique qui vit de sa fonction pourrait-il s’y résoudre ?

          Quand on pense que, en allant voter, NOUS leur donnons la légitimité démocratique, un blanc-seing pour leur agissements futurs, on se dit que la démocratie à la française est bien mal partie : elle tient de la médiocratie, et conséquemment de la merdocratie.

          Il est malheureusement à craindre que SARKOZY n’est les qualités d’un grand homme d’état, celui qui a une vision transcendante pour le pays. Trop occupé à se faire des niches, pour continuer de se servir en premier après avoir partagé le dessert.

          Pas étonnant que le coq gaulois continue de chanter les pieds dans la merde, il est dans son élément !


          • NPM 12 juillet 2007 18:26

            « Là où le cynisme atteint son comble, est que, pour organiser le dépouillement soft de l’individu, afin qu’il se taise »

            Trés bien vu.

            Je rappel que le salarié « perd » 76% du salaire que verse son employeur en taxe, impot, TVA, cotisations, et autres spoliations discrettes. Venir aprés chialer pour 1 ou 2 % d’augmentation, ca fait pitier....

            Bien sur, pour certains ce systéme est trés avantageux : les impots sont un investissement ! On verse 100, on récupére 120, 150, voir même pour certains plus de 300 ! Sans doute ceux qui traite les autres d’égoistes, parce qu’ils n’ont même pas conscience de vivre en exploitant leur concitiyens..


          • samedi 12 juillet 2007 20:24

            Et ? Non parce que là, c’est pas fini ôtez moi d’un doute, la suite de l’article avec le petit plus personnel qu’on attend d’un auteur, il va venir rassurez moi, c’était une ébauche ?

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