Du Wahhabisme à l’athéisme
Non seulement il a renié et rejeté tout le patrimoine religieux islamique, mais Abdallah Al Quassimi voulait le détruire entièrement. Il a prôné, sa vie durant, une déconnection totale avec tout ce qui est islamique. Et il ne parle pas de l’extérieur de ce patrimoine, Al Quassimi savait de quoi parler. Savant religieux dans une première vie, il a écrit plusieurs ouvrages où il a défendu férocement la religion islamique, voire le wahhabisme. Mais le cheikh n’a pu résister à sa raison, il a annoncé son athéisme acerbe dans des livres devenus aujourd’hui, en dépit de la violente riposte obscurantiste, des classiques de l’athéisme arabe contemporain. Et en dépit de l’environnement conformiste et toute l’hostilité manifestée à son encontre, il n’a jamais renoncé à sa thèse principale : dieu n’existe pas et l’islam est l’obstacle majeur devant l’évolution des sociétés arabes. Les pouvoirs culturels officiels ont tout fait pour envoyer l’athée saoudien aux calendes grecques. Même après sa mort, Ils ont essayé de profaner sa pensée en achetant quelques tristes témoignages évoquant son virtuel retour à la foi islamique avant sa disparition ! Un vrai attentat spirituel. Mais l’internet ne cesse de le ressusciter et le présenter aux jeunes générations arabes islamisées par l’école dans tous les pays arabes hormis la Tunisie. Dorénavant la lecture de ses livres est possible gratuitement sur le net. Al Quassimi nous a gratifié de quelques succulents titres :
- Les arabes : comment ils se sont égarés ? (1940)
- Telles sont vos chaînes ! (1946)
- Un désert sans dimensions (1967)
- Esprit, qui t’a vu ? (1967)
- Ce monde, où est sa conscience ?
- Les arabes, un phénomène sonore ! (1977)
- l’Univers juge Allah
Dans son livre ’les arabes, un phénomène sonore’, le saoudien avance que les anciens arabes ne faisaient pas de distinction entre parler et émettre des sons. En conséquence, le lecteur de ce patrimoine ne pourrait apprendre que des sons, un lecteur qui vit dans la tombe de ses ancêtres. Mort au Caire en 1996, il est donc le contemporain de Mohamed Arkoun, Malek Chebel, Abdelwahab Meddeb, pour ne citer que les plus connus en France, ceux qui prétendent être des spécialistes de la pensée de l’islam, voire ses dépositaires. Mais comme par hasard, ils ne citent jamais Abdullah ! Lui, qui a publié certains de ses livres en arabe à Paris, pour fuir la censure islamique ! Inconnu pour ces éminents spécialistes, chantants un islam des Lumières en France. Ils ont caché un penseur libre qui pourrait remettre en cause leur fonds de commerce, en l’occurrence, l’apologie de cet islam virtuel, religion d’amour, de tolérance et de paix. Négligé, censuré, et pourtant s’il y a quelqu’un qui mérite le statut de philosophe au XXème siècle arabe c’est bien lui. Car c’est le seul qui a osé bousculer l’écosystème islamique, et avec un grand talent, esthétique et philosophique !
Nous traduisons de l’arabe quelques aphorismes de ce Jean Meslier du monde arabe, pour remédier à cet oubli volontaire, et reprendre contact avec la pensée Al Quassimi*, cette pensée libre hostile à la religion en général et à l’islam en particulier :
« Les Hommes trouvent leurs religions comme ils trouvent leurs patries, leurs terres, leurs maisons et leurs pères. Ils les trouvent c’est tout, ils ne les cherchent pas, ne les comprennent pas, ne les choisissent pas, non plus. » *** « Les religions ne triomphent que dans les combats qu’elles évitent, elles ne se battent ni contre la raison ni par le biais de la raison. Elles ne rentrent jamais dans des bagarres libres contre la raison. Et c’est pour cela qu’elles restent triomphantes. » *** « L’Homme ne désire pas la connaissance qui ferait souffrir sa volonté. Il préfère être idiot mais heureux qu’intelligent et miséreux. » ***
« On apprend de l’homme de religion quand nous sommes plus petits que lui, mais dés que nous serons plus grands que lui, nous le dégageons, voire le pendre. » *** « Le péché est, dans toutes ses formes, une résistance contre la vie. » « Les fortes croyances sont toujours de fidèles soldats aux despotes et aux exploiteurs. Comme elles se gouvernent par l’armée forte, Les masses se gouvernent aussi par la forte illusion. » *** « Celui qui se suicide pour ou sans aucune idée, est plus noble et plus courageux que n’importe quel martyr dans n’importe quelle guerre. » *** « On a voulu, imaginé ensuite, on a cru et à la fin, on est convaincu. » *** « La raison change parce qu’elle est forte, la chose forte ne stagne pas, elle se transforme, le plus fort est toujours plus changeant que le faible et l’inexistant. Est immobile en permanence, ce qui n’existe pas. » *** « C’est l’énergie psychique qui se mue en dieux et démons, en temples et bordels, en chants et prières. » ***
« Croire en dieu pollue le dieu et fait tomber l’univers et l’Homme. Quant à la croyance en ces deux derniers, elle fait chuter Dieu. Mais croire à dieu, l’univers, et l’Homme, Cela ridiculise la foi et l’intelligence. » ***
« La vertu n’est pas autre que le désir. Vouloir des vertus en affaiblissant les désirs, c’est vouloir une chose en l’éliminant. C’est comme vouloir fortifier la vue en crevant l’œil. » *** « Ceux qui ne savent pas bien sourire finissent par institutionnaliser les larmes et appeler à considérer cela comme adoration. » ***
« Quelle la nature de ce créateur qui oblige sa créature à avoir besoin de malheur, de pollution, de tristesse…Pour être en fin une créature heureuse. » ***
« La vertu est pour l’homme une symbiose avec la nature, non à l’éviter, la craindre, l’interdire ou l’adorer. »
***
« Le vice, c’est toujours une collision entre l’homme et la nature. »
*** « Ceux qui ont tendance à emprisonner leur vie par des interdits, soit par obéissance à une religion ou à des vertus, ils dévoilent ce qu’il y a en eux comme dispositions pour fuir la vie. » *** « S’ils ne veulent plus s’éterniser dans le sous-développement et l’ignorance, et pour sortir de leur torpeur, les musulmans doivent bénéficier du patrimoine scientifique de l’humanité, et comprendre qu’il n’y a pas de savoir nocif ni ignorance utile. Et que la connaissance est l’origine du bien et le mal vient de l’ignorance. » *** « L’’occupation d’Allah de notre esprit est la pire des colonisations. » *** « Emprisonner la femme entre quatre murs, c’est une forme de castration. Il est juste et mieux de ne pas faire de différence entre la femme et l’homme, ni dans le travail ni dans le vêtement. »
*Je présente le penseur et son œuvre aux lecteurs francophones dans mon prochain essai : L’athéisme arabe contemporain.
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