EDF et le filon des transitions énergétiques subventionnées
Jean-Bernard Lévy, PDG d’EDF, dans « Vivre EDF l’Hebdo » du 4 décembre 2015 : “Il faut reléguer aux oubliettes le vieux débat sur l’énergie, focalisé sur l’antagonisme supposé du nucléaire et des renouvelables. Ce vieux débat n’a déjà plus lieu d’être en Asie (1). Il faut partout changer de logiciel, passer de l’antagonisme à la complémentarité“. C’est pourquoi le projet CAP 2030 veut accélérer le déploiement des énergies renouvelables en doublant les capacités installées du Groupe dans le monde… …Quant à l’étude de l’ADEME qui imagine qu’en 2050, l’électricité pourrait être d’origine 100 % renouvelable, “Bien sûr, cela serait formidable si tous les pays pouvaient avoir 100 % d’énergies renouvelables. Aujourd’hui, il n’y a que quelques régions où c’est envisageable, où il y a beaucoup d’eau, beaucoup de vent (2) …
(1) En Chine, aux Vietnam, Cambodge et autre Laos, la place ne manque pas pour toutes les technologies susceptibles d’y apporter une production électrique cruellement déficitaire. Mais, dans ces pays comme ailleurs, c’est le marché et la subvention qui déterminent le succès commercial de chacune d’elles. En France, de place il n’y a plus dans son parc de production et la LTE demande au nucléaire d’en céder aux éoliennes.
(2) En taisant soigneusement une exigence de stock, sans laquelle aucun système électrique n’est stable, cette affirmation en dit long sur l’intention publicitaire. Venant d’un Jean-Bernard Lévy, l’imposture est impardonnable.
Depuis la promulgation de la loi Cochet, au début des années 2000, EDF se fait l’instrument servile d’une politique énergétique partisane, axée sur la promotion du renouvelable et sur un moratoire du nucléaire plus ou moins larvé, quel que soit le pouvoir en place.
Le changement de statut de l’opérateur historique, devenu S.A en 2005, n’a en rien entamé la souveraineté du Politburo qui en inspire encore aujourd’hui la gouvernance, par-delà les changements de majorité ; les investisseurs ne s’y sont pas trompés qui se défient en masse d’une action EDF sur le point de ne plus rien valoir.
De fait, le groupe s’est très vite vu poussé dans un piège diabolique, sournoisement tendu par la politique électro énergétique inique, menée avec constance depuis 15 ans par les gouvernements successifs : voir ses comptes inexorablement érodés par une obligation d’achat de Kwh hors de prix – obligation jamais totalement compensée par la ressource CSPE – ou s’inviter aux agapes du marché léonin créé de toute pièce par l’État, sur le compte de ses administrés et des usagers de l’électricité.
Pour le « préfet EDF » alors placé devant ce dilemme, le choix de céder à une tentation bien compréhensible s’est d’autant plus facilement imposé qu’il y a été chaudement encouragé par sa tutelle. Ainsi, EDF n’a-t-elle plus eu – ou si peu ! – à quémander le recouvrement des dettes d’État, que ce dernier lui permet désormais de dissoudre dans la manne « renouvelables ». De tarifs en impôt et paraît-il de bonne grâce, les Français gratifient de cette manne les vertueux agents industriels de la transition énergétique, leurs obligés publics et para publics et toute une roture foncière, de bute en blanc métamorphosée en notabilité.
Il ne faut pas chercher plus loin les motifs de la création artificielle d’une EDF ENR ne correspondant à aucun besoin économique, industriel ou technologique préalable. Non seulement cette entité administrée est perverse dans ses fondements socio économiques, mais le récent emballement de sa dynamique ne laisse d’inquiéter. Poussé par un alizé « rose-vert » que les ascendances du réchauffement climatique portent très haut dans les sphères de la démagogie, cet emballement prend aujourd’hui la forme d’une fuite en avant de la politique industrielle d’un acteur majeur de l’économie française, dont le moteur partisan n’a jamais été aussi vigoureux.
Or, si personne en haut lieu n’y prenait garde suffisamment tôt, certaines des implications de cette imprudente fuite en avant pourraient peu à peu la rendre irréversible et, demain, priver tout gouvernement d’une voie de repli exempte de dommages financiers, en cas de fourvoiement avéré.
C’est pourquoi il conviendrait que la représentation nationale, à laquelle la tutelle du très provisoire PDG d’EDF doit des comptes, pose d’urgence à ce dernier les questions ci-après, introduites par cette évidence : dans aucun pays au monde, où l’éolien et le photovoltaïque industriels sont en concurrence avec les moyens classiques de production d’électricité, la viabilité économique des premiers ne peut se passer d’un subventionnement massif des États :
- Quels arguments scientifiques, technologiques et économiques possédez-vous pour affirmer implicitement, à travers vos engagements, qu’il n’en sera pas toujours ainsi ?
- Trouvez-vous invraisemblable qu’il puisse en être définitivement ainsi ?
- Si oui, à quelle échéance estimez-vous que la compétitivité de l’éolien et du photovoltaïque, sans assistance d’État, sera une réalité ?
- Et, quand bien même, qu’est-ce qui vous fait penser que les peuples et leurs gouvernants ne finiront pas, tôt ou tard, par se lasser d’attendre cette réalité, par se lasser d’en payer indéfiniment le prix exorbitant, sans jamais en jouir ?
- Enfin, qu’adviendra-t-il à EDF ENR, au groupe industriel tout entier, au niveau de vie et au confort de vos compatriotes, le jour où la non-compétitivité de l’éolien et du photovoltaïque industriels sera définitivement avérée, rendue patente par les performances et les progrès des technologies éprouvées, auxquelles notre pays tend aujourd’hui à tourner le dos ?
Ce qu’il adviendra alors ne devrait pas être très difficile à imaginer par l’actuel syndic de liquidation d’Areva : bien que désemparée par un naufrage financier de plus et par la casse sociale en résultant, une gouvernance politico industrielle depuis longtemps disqualifiée et sclérosée ne posera même pas un regard sur ses errements structurels, n’obligera pas les responsables du nouveau désastre à en répondre sur leurs deniers, ni ne tirera un quelconque enseignement du mal qui ronge les finances publiques depuis le scandale du Lyonnais.
Ainsi continuera d’aller cette France où, une fois encore, des diplomates et des fonctionnaires statutaires ou élus remembreront une industrie sinistrée comme on remembre le cadastre et gèreront en notaires les transferts de patrimoines qui s’imposent dans l’urgence.
André Pellen
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