Education, ce que serait une vraie réforme
La page présentée ici se compose de deux parties. La première présente sommairement ce que pourrait être une organisation vraiment innovante de notre système éducatif et la deuxième montre les avantages qu’offrirait cette nouvelle organisation.
Présentation sommaire de ce que pourrait être
une organisation vraiment innovante
de notre système éducatif
Le constat
Il est à présent de notoriété publique que notre système éducatif n’est plus satisfaisant. Or les réformes qui depuis des décennies se sont régulièrement succédées n’ont jamais redressé la barre. La raison en est qu’à chaque fois elles ont été infondées, velléitères et timorées.
Elles ont été infondées c’est-à-dire sans fondations solides car elles ont toujours tablé sur une conscience professionnelle sans faille de la part des enseignants et sur une motivation attentive des élèves. Or les enseignants sont des hommes, et par conséquent ils sont faillibles comme les autres. Quant à la motivation et à l’attention des élèves on sait hélas ce qu’elle est devenue.
Elles ont été vélléitères car faute de la possibilité d’un suivi rigoureux et systématique, elles ont chaque fois dû en rester à des grandes orientations aussi générales qu’imprécises.
Elles ont été timorées car aucune n’a osé remettre en cause le schéma ancestral du maître à la fois dispensateur de l’enseignement et évaluateur de ce même enseignement, c’est-à-dire à la fois juge et partie.
Par suite depuis des années nous rétrogradons dans le classement de l’OCDE qui compare les niveaux scolaires des enfants de tous les pays. Nous y occupons dorénavant un rang qui est honteux pour le pays de Jules Ferry, celui qui sut introduire il y a un peu plus de cent ans le principe d’un enseignement gratuit, laïque et obligatoire.
La dégradation de notre enseignement ainsi mise en évidence, l’avènement d’un président qui semble plus réformateur que les précédents, et surtout l’introduction de plus en plus généralisée d’internet dans les établissements scolaires, créent les conditions d’une véritable refonte de notre système éducatif. Encore faudra-t-il à nouveau la présence d’un homme avisé et déterminé comme le fut justement Jules Ferry.
Une disjonction essentielle
Tout enseignement comporte deux composantes bien distinctes que pourtant la tradition ne nous a jamais amenés à séparer. La première consiste en l’acquisition des connaissances que cet enseignement nécessite. La seconde consiste en l’initiation à la maîtrise de ces connaissances.
Par exemple l’apprentissage de l’orthographe et du vocabulaire relève d’une acquisition de connaissances, et l’art de faire de belles rédactions relève de la maîtrise de ces connaissances. L’apprentissage de la table de multiplication ou des règles de l’algèbre relève d’une acquisition de connaissances, et l’art de les utiliser pour résoudre des problèmes relève de la maîtrise de ces connaissances. La découverte des écrits de grands philosophes relève d’une acquisition de connaissances, et l’art de faire des dissertations convaincantes relève de la maîtrise de ces connaissances.
La distinction entre ces deux composantes est très facile à faire. Peuvent être considérés comme relevant d’une acquisition de connaissances tous les savoirs sur lesquels on peut être interrogé par un questionnaire. Et par suite tous les autres savoirs peuvent être considérés comme relevant d’une maîtrise des connaissances, comme savoir rédiger, savoir découvrir, savoir convaincre, savoir dessiner...
Tant que nous n’aurons pas fait cette distinction, essentielle dans notre enseignement, une vraie réforme nous sera impossible. La raison en est que cet enseignement doit évidemment être évalué. Or les acquisitions de connaissances sont facilement évaluables puisqu’un élève sait ou ne sait pas. Par contre il est très difficile de pouvoir estimer avec impartialité la valeur d’un raisonnement, d’un exposé, d’une dissertation ou d’une rédaction. La preuve en est souvent donnée aux examens où il est fréquent qu’une même copie de philosophie par exemple, corrigée par deux correcteurs différents, reçoive des notes sans comparaison possible.
Il en résulte de nombreuses dérives sur lesquelles nous reviendrons tout à l’heure, dérives qui ne seraient pas possibles dans les secteurs où ces évaluations pourraient se faire par questionnaires. Or faute de faire la distinction entre acquisition des connaissances et apprentissage de leur maîtrise, nous tenons les questionnaires en mauvaise presse.
C’est dommage. D’autant plus qu’il existe un art de poser des questions dans un questionnaire. Cela va du QCM (Questionnaire à Choix Multiples) dans lesquels il faut choisir entre plusieurs réponses proposées, jusqu’au questionnaire où la réponse est à découvrir. Et même là on peut y introduire une gradation qui va de l’excessivement simple (Quelle est la date de la prise de la Bastille ?) jusqu’au casse-tête (Un réservoir a deux robinets de vidange, l’un qui le vide en 3h et l’autre en 5h. En combien de temps le réservoir sera-t-il vidé si on ouvre les deux robinets ?). Par conséquent l’opprobre dans lequel en France nous tenons les questionnaires est largement injustifié. Il vient seulement d’une mauvaise conception de leurs champs d’application.
Il faut d’ailleurs remarquer que le mode d’évaluation par questionnaire dans lequel une réponse ne peut être que juste ou fausse, est tout à fait dans le courant actuel de notre époque numérique où le moindre laxisme devient de plus en plus interdit : un programme marche ou plante, un logiciel fonctionne ou ne fonctionne pas, un simple oubli de virgule invalide une adresse quand on va sur internet et ainsi de suite. C’est donc un devoir pour nous de former nos enfants à cette rigueur.
Or tant que nous ne séparerons pas notre enseignement en deux entités distinctes, l’une concernant l’acquisition des connaissances et l’autre leur maîtrise, nous n’arriverons pas à sortir de l’impasse dans laquelle nous sommes. Car l’enseignement a besoin d’être évalué. Or sa globalisation actuelle rend cette évaluation pratiquement impossible.
Une évaluation actuellement impossible
En effet on ne peut pas trouver de critères impartiaux, objectifs et rigoureux pour permettre un système de notation cohérent dans l’évaluation actuelle des devoirs de nos élèves. Par suite il y règne la plus grande anarchie.
Un livre de Pierre Merle (Les Notes, secret de fabrication paru chez PUF), professeur d’université, cité par la journaliste Estelle Pech le décrit fort bien : « Une juste notation serait-elle impossible ?... C’est un fait : le professeur « négocie » ses notes en permanence. Une classe jugée très bonne ne peut pas avoir de mauvais résultats dans une seule discipline. L’enseignant concerné remonte donc ses notes. Il arrive aussi que l’élève négocie directement une « augmentation ». La contestation d’une mauvaise note prend divers chemins : désinvolture ostentatoire, bavardage et inattention lors du corrigé d’un devoir mal noté - une attitude plus spécifiquement masculine - larmes plus ou moins discrètes - une attitude plutôt féminine... »
Et même dans notre examen fétiche, le baccalauréat, malgré des barèmes très précis, des instructions à profusion et les fameuses commissions d’harmonisation, nous n’arrivons toujours pas à la cohérence. M. Jean-Robert Pitte, président de l’université Paris Sorbonne, l’explique très bien dans un article paru dans Le Figaro du 1er septembre 2007 où il décrit le dilemme des correcteurs du bac auxquels on demande « ...de boire la coupe jusqu’à la lie et de brader le bac à des élèves qui ne sont pas les leurs et auxquels, s’ils agissaient en leur âme et conscience, ils ne le donneraient pas. Lorsque d’aventure ils se risquent à exercer leur mission, leurs notes trop basses sont remontées par des présidents de jury soumis aux fameuses commissions d’harmonisation. »
Cet état de fait engendre une permissivité qui se généralise et qui fausse tout. Elle a pour seule conséquence de démotiver à chaque fois davantage les enseignants et les élèves. Et, de par son origine même, ce blocage persistera évidemment tant que nous chercherons à évaluer l’inévaluable. Il faut donc absolument disjoindre ce qui est rigoureusement évaluable de ce qui ne l’est pas.
Ce point une fois acquis, voyons ce que serait alors un système éducatif qui prendrait en compte cette disjonction.
Fonctionnement
Imaginons que le nouveau système éducatif soit mis en place dans quelques établissements pilotes un peu partout en France.
Ces établissements, forcément dirigés par des directeurs et des proviseurs novateurs, seront par conséquent complètement équipés en ordinateurs reliés à internet. Pour le moment ils sont peu nombreux. Leur précurseur est probablement le lycée de Plaisance du Touch dans la Haute-Garonne où depuis plusieurs années une majorité des élèves est branchée sur internet. En 2007 ce sont les établissement de l’Académie de Créteil qui ont été concernés. Mais l’évolution est rapide et inexorable. Il est clair que dans un avenir très proche chaque élève aura bientôt un terminal d’ordinateur à son pupitre. Le nouveau système éducatif envisagé ici en fait une nécessité.
Dans les établissements concernés par la nouvelle organisation, les cours pour les matières obligatoires ne se dérouleront que le matin, de 8h à 13h par exemple. Les après-midi les élèves s’inscriront aux ateliers de leur choix : atelier d’écriture, de dessin, de sport. Ces après-midi seront appelées des zones tampons. Elles pourront être utilisées pour les devoirs surveillés, pour rattraper des retards, pour compenser des absences, ou pour suivre des cours de soutien.
En fin de semaine une demi-journée sera réservée aux évaluations des connaissances acquises dans la semaine. Lors de cette évaluation l’élève s’assoit à son pupitre et allume son ordinateur. Le surveillant branche la connexion internet et donne dans chaque matière les références des parties des cours sur lesquelles doivent porter les contrôles. Chaque élève tape son mot de passe et alors, sur son écran, un questionnaire individualisé s’affiche sur toutes les matières qu’il a étudiées dans la semaine.
Ces questionnaires sont variés et progressifs. Les questions les plus simples sont sous forme de QCM, les autres demandent une réponse à découvrir. L’élève dispose d’un crayon et de papier pour préparer ses réponses. Quand il a trouvé il répond à la question et passe à la suivante. Chaque réponse ne peut être que juste ou fausse. Enfin le questionnaire porte non seulement sur les connaissances acquises dans la semaine mais aussi sur les connaissances antérieures. On sait en effet que la répétition permanente est le secret du bon enseignement.
Pour les jeunes enfants des écoles, les durées de ces évaluations seront très courtes, d’une heure environ. Pour les élèves des collèges elles seront plus longues. Et enfin pour les élèves du lycée elles pourront prendre la demi-journée tout entière.
Quand l’élève a fini dans une matière il tape « Terminé ». Immédiatement la correction et la note obtenue s’affichent accompagnées d’un commentaire. Ce commentaire sera par exemple le suivant : « Pour cette semaine vos connaissances sont convenables (ou bien excellentes, ou bien parfaites) et, en ce qui concerne cette matière, vous pourrez librement disposer de vos après-midi de la semaine prochaine ». Ou bien par exemple encore « Vos connaissances dans cette matière ne sont pas satisfaisantes. Vous devrez donc participer la semaine prochaine dans cette matière aux cours de rattrapage de l’après-midi ».
En fin d’épreuve un tableau de bord s’affiche où l’élève découvre chacune des notes qu’il a obtenues, puis plusieurs tableaux statistiques qui lui montrent son évolution sur le mois, sur l’année, par rapport aux autres élèves, par rapport à la moyenne nationale, etc. Des voyants l’alertent sur ses lacunes, ou le félicitent pour ses bonnes réponses.
De son côté le professeur reçoit un double de ces évaluations, ainsi que le positionnement de sa classe par rapport à l’ensemble des classes comparables en France. Il reçoit aussi la liste des élèves qu’il aura à prendre en cours de soutien la semaine suivante.
Inventaire des avantages de cette nouvelle organisation
A présent passons en revue quelques-uns des maux qui handicapent actuellement notre système éducatif et nous verrons pourquoi la nouvelle organisation y porte remède.
La motivation des élèves
C’est probablement le mal principal à la source de tous les autres. Les élèves ne sont plus motivés car depuis 1968 environ on a peu à peu supprimé tous les examens qui apportaient au moins un brin d’émulation : examen d’entrée en sixième, examen du BEPC nécessaire pour passer en seconde et enfin le premier Bac en classe de première.
Il reste aujourd’hui le baccalauréat en fin de terminale. Mais c’est bien mal connaître leur psychologie de penser que cet examen peut motiver des élèves qui entrent en sixième et qui auront à passer cet examen... dans sept ans ! Pour eux c’est l’immédiateté seule qui compte et ils ont besoin de récompenses et de sanctions décernées sur le champ. A cet égard même la menace d’un redoublement en fin d’année est une menace trop lointaine.
Dans la nouvelle organisation l’élève qui a bien travaillé dans la semaine est récompensé la semaine suivante puisqu’il est dispensé des cours de rattrapage qui ont lieu l’après-midi, et qui sont obligatoires pour les élèves n’ayant pas eu la moyenne. Tous ceux qui connaissent les enfants sauront que cette mesure suffira à elle seule à réinsuffler une motivation permanente et dynamique à tous les échelons de tous les établissements, jusque dans les banlieues les plus reculées.
Par conséquent cette nouvelle organisation de notre système éducatif introduirait la motivation chez les élèves.
La considération des élèves
La démotivation des élèves vient aussi de la trop grande relativité des notes qui les évaluent. Dans les citations que nous avons faites du livre de Pierre Merle nous avons vu que le marchandage des notes obtenues à un devoir devient monnaie courante.
Il en résulte une grave déconsidération du maître. Il n’est plus celui dont la parole ne peut pas être mise en doute mais au contraire celui qu’on peut convaincre, faire changer d’avis voire même abuser. Dans cette situation plus aucun enseignement n’est possible. Et il est significatif de cette perte de considération que désormais les élèves ne se souviennent plus des noms de leurs professeurs alors que ceux qui sont allés en classe avant 1968 se souviennent presque tous des leurs.
. Dans la nouvelle organisation l’état d’esprit général change du tout au tout. L’élève passe ses tests de contrôle toutes les semaines. Il est évalué par une autorité extérieure, équitable et impartiale. Les questions sont claires et précises puisqu’elles portent sur des acquisitions de connaissances et non sur la maîtrise de ces connaissances. Par conséquent les notes ne sont pas discutables. Et le maître redevient ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : le mentor qui a toute la confiance et la considération de l’élève.
Par conséquent cette nouvelle organisation de notre système éducatif rétablirait la considération des élèves envers les maîtres..
La fraude
La fraude est un mal endémique pour les évaluations. Elle fausse les résultats qu’on pense pouvoir en déduire. Elle entache la crédibilité de leur signification. Elle récompense ceux qui sont assez avisés pour ne pas se faire prendre. Elle décourage ceux qui travaillent honnêtement. Elle est aussi nocive que la corruption l’est pour un régime politique, ou que les vols le sont dans les supermarchés. Or la non plus on ne voit pas comment, avec l’organisation actuelle de nos devoirs en classe, on pourrait l’éradiquer. Pour avoir été professeur pendant plus de quarante ans je ne crois d’ailleurs pas qu’il soit possible d’empêcher un élève de copier sur un autre.
Or avec la nouvelle organisation proposée, tout change. Les sujets des tests ne dépendent plus du maître. Ils sont préparés en externe par un service spécialement affecté aux programmes et aux évaluations. Les programmes sont découpés en entités prévues pour se traiter en une semaine. Pour chacune de ces entités est préparé un questionnaire couvrant l’ensemble du programme concerné. Par conséquent connaître l’ensemble des réponses à ces questions, c’est tout simplement connaître ce qui doit être connu.
Les questions qui s’affichent sur l’écran de chaque élève sont prises au hasard dans le questionnaire. Par conséquent jamais deux élèves n’ont les mêmes questions et ils ne peuvent pas copier entre eux. De même il ne sert à rien pour l’un d’eux de connaître le test passé la veille ou la semaine passée par un autre élève dans un autre établissement puisque jamais deux sujets ne sont identiques.
Par conséquent cette nouvelle organisation de notre système éducatif rendrait la fraude impossible.
L’absentéisme
Une doléance permanente contre l’Education nationale est l’absentéisme des enseignants. Cet absentéisme est réel. Mais il est très largement explicable. Non pas pour la difficulté de leur mission. Il y a bien d’autres métiers plus pénibles. Mais à cause de la dévalorisation permanente qui est leur lot quotidien.
Les enfants peuvent être à la fois le plus charmant et le plus cruel des publics. Nous avons tous en mémoire le souvenir de professeurs que nous respections. Et nous avons tous aussi le souvenir de professeurs que nous ne respections pas. Pour ces derniers chaque heure de cours était un vrai calvaire. Non seulement il est épuisant de faire face à une classe réfractaire, mais l’impossibilité de se faire respecter par des enfants engendre une dévalorisation de soi qui est profondément déstabilisante.
Aussi il ne sert à rien, comme l’ont parfois entrepris certains ministres, de sévir contre cet absentéisme. En culpabilisant l’enseignant on ne fait que l’enfoncer davantage.
La nouvelle organisation de notre système éducatif inverse complètement la tendance. Puisque le maître n’est plus celui qui sanctionnera par de mauvaises notes ou même par un redoublement en fin d’année, il n’est plus un adversaire. Il est au contraire celui qui donnera, expliquera et fera comprendre les réponses à donner au test de fin de semaine. Il devient un allié qu’on écoute et qu’on respecte. Et, dans cette considération retrouvée, le maître reprend confiance et l’absentéisme disparaît.
D’autant plus que les cours en classes complètes ne se font que le matin. Les après-midi sont réservés aux cours de rattrapage pour les seuls élèves qui n’ont pas eu de bons résultats au test de la semaine précédente, c’est-à-dire à effectifs très réduits. Le maître travaille désormais avec la confiance de ses élèves. Tous les motifs qui poussaient à l’absentéisme ont disparu.
Pour ceux qui, plus pragmatiques, trouveraient cette argumentation un peu trop idyllique, une raison plus réaliste contribuera aussi dans la nouvelle organisation à réduire l’absentéisme des enseignants et des élèves : en début d’année le service des programmes et des évaluations donnera un échéancier hebdomadaire sur lequel seront basés les tests de fin de semaine. En cas d’absence, l’enseignant ou l’élève doivent rattraper leur retard en prenant sur les zones tampons de l’après-midi.
Par conséquent cette nouvelle organisation de notre système éducatif mettrait fin à l’absentéisme injustifié des maîtres et des élèves.
Le laxisme
Un autre fléau plus discret mais aussi nocif de l’enseignement actuel est le laxisme dans le traitement des programmes par les professeurs. J’ai connu pendant toute ma carrière un enseignant dont la plaisanterie en fin d’année était toujours la même. Il arrivait en riant dans la salle des professeurs et annonçait fièrement : « Cette année je suis presque arrivé à faire la moitié du programme. »
Evidemment lorsqu’une classe de Bac lui fut confiée ce fut une catastrophe. Au moment des révisions il dut faire des cours supplémentaires pour rattraper son retard, les élèves furent tenus de venir des samedis entiers au lycée, le mécontentement fut général. Inutile de dire que plus jamais aucune autre classe de baccalauréat ne lui fut confiée et il fit tout le reste de sa carrière avec des classes sans examen où il put reprendre son rythme.
Tout pousse en effet l’enseignant à ne pas traiter en entier le programme des classes qui lui sont confiées. L’argument est toujours le même. Il consiste à annoncer un niveau excessivement bas des élèves et le tour est joué. Impossible de pouvoir prouver le contraire. Il est seul juge.
Ensuite, comme il ne traite qu’une partie du programme, il peut l’approfondir davantage. Il en résulte que les élèves le comprennent mieux. Le professeur est valorisé. Il ne donne évidemment les devoirs que sur la partie qu’il a traitée puisqu’il est à la fois juge et partie. Il obtient ainsi de bons résultats. Les élèves sont satisfaits, et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Rien ni personne ne peut le mettre en flagrant délit.
Il est même généralement apprécié pour arriver à obtenir d’aussi bons résultats avec des élèves aussi faibles. D’ailleurs bien souvent il agit ainsi sans aucune préméditation. Et, en fin d’année, quand il pourrait devenir flagrant que de nombreuses parties du programme n’ont pas été traitées, personne n’a l’idée de venir lui chercher noise car c’est une période où on ne pense plus qu’aux grandes vacances.
Ces impasses se propagent évidemment de classes en classes et, en fin de parcours, on en arrive à des classes qui pour le coup ne sont véritablement plus au niveau. Mais il est impossible d’y remédier car, en sévissant aux examens, on s’en prendrait à des élèves qui n’y sont pour rien. Et c’est ainsi que s’établit ce laxisme dont faisait état le professeur Jean-Robert Petit.
Avec la nouvelle organisation ces pratiques ne seraient plus possibles car les tests en fin de semaine devraient respecter l’échéancier hebdomadaire et les zones tampons de l’après-midi serviraient à récupérer sur le champ tout retard dans les programmes.
Par conséquent cette nouvelle organisation de notre système éducatif mettrait fin au laxisme dans le traitement des programmes.
Réformes infondées, velléitères et timorées
En introduction de cette page j’ai écrit que les réformes réalisées jusqu’ici n’ont jamais redressé la barre parce qu’à chaque fois elles ont été infondées, velléitères et timorées. La nouvelle organisation proposée pour notre système éducatif n’aurait plus ces défauts.
Elle ne serait plus infondée car elle ne serait plus basée sur la motivation supposée des élèves ou la conscience professionnelle supposée des enseignants. Le rythme régulier imposé par les contrôles hebdomadaires ne permettrait plus aucun laxisme.
Elle ne serait plus velléitère car étroitement surveillée par les statistiques hebdomadaires qui donneraient en temps réel et à tous les niveaux l’état d’avancée de l’enseignement et ses pierres d’achoppement.
Elle ne serait plus timorée car elle s’affranchirait enfin de ce tabou ancestral qui fait que le professeur est à la fois juge et partie. Désormais la seule mission du maître serait d’enseigner.
La nouvelle organisation introduirait donc une stricte rigueur dans notre système éducatif, et cette rigueur restaurerait dans nos établissements scolaires le respect, la confiance, et l’émulation sans lesquels il ne peut pas y avoir de véritable enseignement.
Conclusion
Au début de cet exposé nous avons disjoint tout enseignement en deux composantes :
La première, appelée acquisition des connaissances, est donc celle qui peut être rigoureusement évaluée. Cette particularité va permettre de restaurer dans les établissements un esprit enfin propice à l’éducation. Par l’impartialité de ses évaluations elle rétablit une stricte égalité entre tous les élèves qu’ils soient dans des établissements favorisés ou non, et nous venons de voir pourquoi cette rigueur mettrait fin à la plupart des dérives actuelles de notre système éducatif.
La deuxième partie est la maîtrise de ces connaissances. C’est la partie la plus valorisante. Son enseignement ne serait pas modifié et, dans le climat de confiance ainsi rétabli, il devrait même être rendu plus facile, puisque les copies seraient dorénavant écrites en meilleur français, et plus argumentées. Mais il serait utile de mettre cette prépondérance en exergue.
A cet effet il semble nécessaire de conserver le baccalauréat comme examen ultime et sous sa forme actuelle. Il justifiera tout au long de la scolarité l’entrainement par les maîtres à écrire des rédactions en français, à rédiger des dissertations en philosophie, à développer des raisonnements en mathématiques et ainsi de suite. Mais pour montrer que l’évaluation de ces travaux n’obéit plus à la grande rigueur des questionnaires hebdomadaires, elle pourrait être notée comme aux Etats Unis par les lettres A, B, C, D, E.
Ainsi le baccalauréat, délicieusement désuet à la mode des traditions britanniques, conserverait son aura puisqu’il contribuerait à faire que nos enfants, désormais instruits grâce à la rigueur introduite dans leur scolarité, soient aussi cultivés grâce au maintien de notre bon vieil examen ancestral.
Or , plus que l’instruction, la culture n’est elle pas au fond le but ultime de toute éducation bien conduite ?
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