En Catalogne, les vrais gagnants sont les partis de droite
Les partis indépendantistes ont remporté les élections régionales organisées par le gouvernement espagnol en Catalogne : l'addition du nombre de sièges obtenus par « Junts par Catalunya » (JxC), « Esquerra Republicana de Catalunya » (ERC) et « Candidatura de Unitat Popular » (CUP) permet de constituer une majorité au Parlement régional et de former un gouvernement indépendantiste.
La réciproque, c’est la déconvenue de Mariano Rajoy qui comptait résoudre la crise catalane par l’élection de membres des partis unionistes. Mais, au-delà des apparences, ce sont bien les deux partis de droite nationalistes espagnols et catalans qui ont bénéficié des élections, car c’est bien le parti unioniste centre-droit « Ciudadanos » qui a obtenu le plus grand nombre de voix, ce qui représente en réalité une défaite symbolique mais peu visible pour le mouvement indépendantiste.
Le chiffre sans précédent de 83 % de participation caractérise ce scrutin hors du commun pour deux raisons :
- La consultation a été décrétée par le gouvernement central après qu'il a suspendu l'autonomie de la Catalogne en appliquant l'article 155 de la Constitution, ce qui constitue une contradiction que d’aucuns jugent illégale.
- les deux principaux candidats indépendantistes n’ont pas pu mener leurs campagnes à égalité avec les autres candidats. L'ancien président du gouvernement régional Carles Puigdemont (JxC) s’est « réfugié » à Bruxelles, et l'ancien vice-président Oriol Junqueras (ERC) est toujours en prison d’où il a adressé de simples lettres à ses partisans.
Quoi qu’il en soit, le résultat met Puigdemont en bonne position pour reprendre la présidence de la région, dans la mesure où Inés Arrimadas de « Ciudadanos » ne peut pas obtenir la majorité au parlement même si son parti obtient plus de voix et de sièges que les autres. Mais l’avènement de Puigdemont n’a rien d’inéluctable car il sera certainement arrêté par la police espagnole s'il revient en Catalogne.
En fait, si ces élections sont un camouflet pour Rajoy, elles sonnent comme de mauvaises nouvelles pour la gauche, les votes se concentrant sur les partis de droite nationalistes. « Ciudadanos » est un parti farouchement unioniste, qui a oblitéré son image conservatrice pour concentrer les voix des Catalans qui sont opposés à l'indépendance et souhaitent la fin du blocage de la situation politique dans la région depuis la première victoire électorale du pro-Partis d'indépendance en 2015. Arrimadas a obtenu le soutien des électeurs de l'ancien Parti populaire, mais aussi de grands groupes d'électeurs ouvriers qui soutenaient le Parti socialiste et, plus récemment, « Podemos ».
De son côté, « Junts per Catalunya » de Puigdemont est la réincarnation la plus récente de la « Convergència Democrática de Catalunya » (CDC), le parti néolibéral et conservateur qui a gouverné la Catalogne pendant trois décennies. Convergència a été impliqué dans des affaires de corruption et a mis en œuvre des politiques d'austérité sévères quand il a été au pouvoir, mais la montée du mouvement indépendantiste a permis au vieux parti de se repositionner avec succès et l’amnésie collective a été favorisée par une nouvelle appellation. Les partis pro-austérité constituent désormais la majorité au Parlement catalan, malgré l'opposition populaire à de nouvelles réductions sociales et à la déréglementation.
En revanche, « Esquerra Republicana » (centre-gauche), « Parti socialiste », « Catalunya en Comú-Podem » (coalition formée par Podemos, le principal parti d'Ada Colau à Barcelone et d'autres organisations de gauche) et le parti anticapitaliste et indépendantiste « CUP » ont été les grands perdants de l'élection de jeudi.
Dans le camp indépendantiste, la concentration des voix sur Puigdemont a pompé celles d’« Esquerra » et « CUP ». Du côté des unionistes, le Parti socialiste a perdu beaucoup d'électeurs en faveur de « Ciudadanos », qui a un discours anti-indépendantiste plus radical.
Pour ce qui concerne « Podemos » et ses alliés, il est clair qu’ils n'ont pas réussi à imposer l’idée d’un nouveau référendum sur l'indépendance de la Catalogne à laquelle il se serait opposé, position difficile à comprendre quelle que soit l’habileté de l’orateur.
Tout se passe comme si le clivage unionistes/indépendantistes constituait un masque illusoire dont la principale fonction est de canaliser les mécontentements sur des voies hasardeuses dans le but de les détourner des vrais enjeux, ceux des projets portés par les bureaucrates de l’Union Européenne pour faire fructifier les intérêts des multinationales et des grands groupes financiers.
24 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON