Estimation de la valeur vénale et locative d’un bien en ligne : imposture et démagogie
Nombre de particuliers déjà propriétaires ou désireux de réaliser un investissement locatif s’aventurent dans l’estimation de la valeur vénale ou locative de leur bien, encouragés par des sites internet arguant d’une estimation cohérente ou présumant que le particulier est compétent dans l’évaluation d’une valeur ou d’un loyer.
Démagogie que cela !
Un article lu récemment sur le Figaro.fr (Comment estimer son logement à sa juste valeur ? - Frédéric Durand_Bazin – publié le 08/03/2014) synthétise les points sur lesquels l’estimation de la valeur vénale sera réalisée, évoquant le site Patrim Usagers instauré par l’Administration Fiscale, afin de déterminer un prix sous-entendu de référence. Cet article intéressant relate en effet un mode d’emploi de l’estimation et révèle la part belle de l’Administration Fiscale conjuguée à l’ignorance du public.
Si ces points sont bien à prendre en considération, notre bonne administration oublie l’élément essentiel de la démarche : l’information. Ou plus précisément, le fait de reconnaître qu’une estimation sérieuse est un travail de documentation, une obligation de moyens à remplir en vue de satisfaire le propriétaire, une collaboration essentielle entre lui et le professionnel.
Si des estimations sont nécessaires en cas de donations, de successions (…), on s’appuiera d’abord sur les statistiques publiées régulièrement par les Notaires et les professionnels de l’immobilier indiquant sur une période donnée, la moyenne du prix au mètre carré dans tel quartier de telle commune. Ces chiffres sont le reflet de la réalité mais constitue une moyenne à laquelle, raisonnablement, tout bien est susceptible de déroger au titre de sa spécificité.
Bien qu’il s’agisse d’un outil attirant, la consultation de ces statistiques, le recours à ces sites prêts à l’emploi sont à manier avec prudence, l’identité propre du bien étant passablement évacuée.
Pour qui veut connaître la valeur vénale de son bien via un outil informatique, on comprendra qu’il s’agit d’inscrire des chiffres dans des cases, de donner tel renseignement mais qu’au-delà, la déclaration s’avère subjective. Un particulier négligera, sans doute par inadvertance, de déclarer un circuit électrique ne répondant pas aux normes de sécurité, une faible isolation thermique, une surface exacte… On veut un chiffre, si possible élevé et tout de suite !
L’Administration Fiscale privilégie la méthode dite « par comparaison » rappelée également par la jurisprudence de la Chambre Commerciale de la Cour de Cassation, ainsi que le souligne l’article précité. Encore une fois, ces estimations se basent sur une moyenne qui n’est pas incohérente pour peu que le bien réponde aux critères de bon état général, de salubrité, de logement paisible dans une habitation bourgeoise, c’est-à-dire destinée à l’habitation principale gérée en bon père de famille.
Mais voilà, on induit le particulier dans l’erreur en ce sens que chaque logement présente des atouts, des inconvénients, une spécificité propre, des caractéristiques particulières dont il convient de tenir compte afin de fixer de manière juste et efficace un prix de vente en cohérence avec le marché. On nie, sans doute par mégarde, toute l’importance et la valeur qu’apporte un avis de professionnel, d’agent immobilier, de Notaire et autres experts de ce domaine, en cantonnant leurs interventions à des chiffres, à une moyenne nébuleuse, taisant ainsi leur rôle d’information et de leurs qualités de professionnel.
Une valeur vénale tient compte des trois derniers procès-verbaux annuels d’assemblée générale où des travaux d’un coût important ont pu être votés et seront à la charge de l’acquéreur au prorata de la date de son acquisition devant Notaire ; du dossier de diagnostics techniques (constat des risques à l’exposition du plomb, rapport sur l’électricité, amiante…), de l’attestation de superficie, document primordial dans la fixation d’un prix, de l’attestation de propriété relatant d’éventuelles servitudes… Ces informations constituent le terreau et la variable pour estimer, pour connaître les points susceptibles d’être soulevés par l’acquéreur potentiel, susceptibles d’amener un questionnement entrainant une proposition d’achat inattendue ….
Seuls des professionnels expérimentés apportent des réponses adéquates et une argumentation en réponse ; ce que le particulier ne saura faire lui –même par ignorance et sans s’égarer.
L’estimation de la valeur vénale constitue un rapport causal entre les caractéristiques du bien et sa dynamique sur le marché.
Ce qui vaut pour l’estimation de la valeur vénale d’un bien résonne également pour l’estimation de la valeur locative.
Quotidiennement, des propriétaires potentiellement bailleurs m’interrogent sur la valeur locative de leur bien. Je refuse systématiquement de leur répondre avant d’avoir visité le bien, même de leur indiquer une fourchette car je sais par expérience qu’ils ne retiendront que la moyenne haute, qu’ils n’entendront pas le compte rendu argumenté que je leur remettrai quelques jours plus tard, exigeant une valeur élevée.
Comme pour la vente, la valeur locative s’envisage dans ses moindres détails, depuis l’état du logement, ses commodités, son étage, son exposition, l’aménagement des parties communes, l’état de l’immeuble, le quartier, sa situation géographique entre autres éléments.
De plus, les candidats locataires sont devenus difficiles et ils ont raison ! Ils n’hésitent plus à négocier le loyer, ils font part tout haut de leurs desiderata, des obstacles rencontrés dans la visite telle l’absence d’une machine à laver le linge, un appartement sombre, ils interrogent sur l’installation éventuelle d’un ascenseur telle une condition essentielle de leur choix.
Fixer un loyer au vu des annonces de location sur des sites internet tels le PAP, Seloger.com revient à partir à la chasse avec un pistolet à eau !
Là encore, le rôle de l’agent immobilier est primordial pour orienter le bailleur sur un loyer cohérent. Sa valeur ajoutée sera de tisser un lien de proximité avec son client, de gagner sa confiance au vu de ses conseils et de se mettre à son entière disposition. C’est sur ses qualités de professionnel, sur la qualité de la relation que le lien deviendra pérenne et productif.
La loi ALUR (Accès au Logement et Urbanisme Rénové) récemment votée crucifie de manière voilée le professionnel de l’immobilier le rendant d’une manière générale, responsable d’abus répétés envers les locataires. Cette loi s’attache donc à encadrer, outre les loyers et l’accès au logement, les pratiques professionnelles.
Et bien soit ! Embrassons bien volontiers cette réforme au prétexte que seuls les meilleurs subsisteront, que certains agents immobiliers disparaîtront du fait de leurs turpitudes commerciales. Accueillons bras ouverts une collaboration saine entre le bailleur et le locataire et gageons, sans doute aucun, que ce locataire se comportera tel le vertueux que l’on s’est attaché à défendre…
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