Et pas un pour le dire ou l’écrire, pour Boney M ?
De quoi être atterré : une dépêche tombe annonçant le décès d’un des membres de Boney M, on se dit , ça y est, il y en a bien un quand même qui va prendre sa plume pour dire que si c’est le gars du groupe, et bien il n’a jamais chanté de sa vie et fait toute sa carrière en playback, non ? Eh bien non, justement : tout le monde titre « mort du chanteur de Boney M ». Ce qui est du même ordre que le scandale Plastic Bertrand, révélé plus de 30 ans après les faits. Qu’est ce donc que cette presse qui n’ose plus dire les choses ? Car Boney M était tout simplement une belle escroquerie et rien d’autre ! Chez Libération, et sa branchitude, ça commence même par l’hagiographique « Bobby Farrell, le scintillant prince vaudou du groupe Boney M., a été retrouvé mort jeudi matin, dans sa chambre d’un hôtel de Saint-Pétersbourg » peut-on lire, ébahi et effaré. Prince Vaudou du play-back, oui ! On se demande ce que va écrire cette même presse à la disparition de Chantal Goya si ça continue ainsi ! Qu’une bonne fée est disparue ? Mais où-va-t-on là, franchement !
C'est pourtant de notoriété publique depuis des années ! Bobby Farrell n'a jamais chanté quoi que ce soit. Selon RTL, pourtant, c'est bien "un chanteur légendaire qui est mort". En fait de légende, c'est bien celle de Frank Farian qu'il faut écrire à la place. Car c'est lui le chanteur véritable, Farrell n'étant que danseur ! Farian, le chanteur et... le producteur du groupe, est en effet à la base de l'escroquerie de départ. Celle consistant à faire tourner un groupe... indéfiniment, puisque jamais sa voix ne s'abîme : noyée dans le polyester d'une bande magnétique, elle reste en effet intacte à vie... mort à 61 balais, il était donc toujours censé avoir sa voix de vingt ans. Enfin 27, l'âge qu'il avait quand commenceront à se vendre par millions les hits du groupe. Sur la fin de carrière il se hasardera bien à essayer de pousser la chansonnette, mais son public n'est jamais venu le voir pour autre chose que ces hits, enfin ceux concotés par Farian, qui en a fait d'autres... sur le même moule. A savoir avant tout un tiroir caisse : le pauvre Farrell, avec ses complices, a dû se contenter toute sa vie des 9% de contrat que lui avait octroyé dès le départ Farian. Sur les 80 millions de disques vendus (marchant au "hit" on ne peut parler d'albums !), le quatuor empochera moins d'1/10eme des revenus. A se partager à quatre !
On encense donc aujourd'hui une victime véritable du show-bizz, alors que sa disparition devrait être l'occasion de dénoncer les pratiques qui l'ont obligé à remonter sur les planches à plus de cinquante ans, pour nourrir sa famille ou payer ses impôts. Une vie dramatique, assez vite brisée : dès 1987, le succès n'est plus là, la vogue est passée et le groupe a déjà splitté. Il ont quand même tenu 10 ans, remarquez ! En 2002, la BBC se demande ce qu'ils sont devenus (eux et leurs pochettes de mauvais goût, comme celle qui illustre l'article !). Leur histoire est tragique à plus d'un titre : Farian étant le seul détenteur des bandes a pu faire tourner jusque cinq groupes de Boney M, parfois même en même temps pour deux groupes.... différents. Sans aucune arrière-pensée, ni pour les faux chanteurs engagés, ni pour le public. Ou plutôt avec une seule : tant que ça marchait...
Car ce n'est pas le respect du public qui étouffait Farian. Il sera aussi l'auteur d'une autre escroquerie du même titre. Encore plus pendable, et tout aussi juteuse pour lui, celui d'un duo de bellâtres appelé Milli Vanilli. De leur vrai nom Robert Pilatus et Frank Morvan, qui est français et est né à Paris en 1946. Le premier chante, pourtant, il a même chanté pour l'allemagne à l'Eurovision, année ou Boney M disparaît des charts. Or, comme pour Boney M, les deux recrutés ne vont jamais chanter, n'ayant pas été jugés assez bons par Farian : ce sont trois musiciens, Charles Shaw, Johnny Davis et Brad Howell, recrutés par le producteur qui vont enregistrer le premier album, album qui va connaître un franc succès à vrai dire. Deux ans après, le duo de faiseurs va même remporter son premier Grammy Awards, preuve que dans le milieu on ne sait pas reconnaître un chien d'un chat. Mais on est déjà en 1990, et le public a changé : le coup des garçons coiffeurs dansant et jouant en playback ça commence à bien faire. Et ce qui n'était jamais arrivé avec Boney M est arrivé quand même un jour sur scène : la bande miracle a cassé, laissant les deux duettistes avec leur maigre filet de voix et un public qui ce jour-là n'avait pas prévu les tomates avariées. On n'a jamais su si l'accident avait été voulu ou pas.
Mais désormais ça se savait, la rumeur a vite enflé et un journaliste plus malin que les autres a même dégotté l'un des trois véritables interprètes et l'a fait passer à table. Charles Shaw, qui est en fait un rappeur capable de belles vocalises ! Ce sera un des plus gros scandales du show-bizz : quand l'affaire éclate, elle est terrible et dévaste tout : les firmes de disque s'aperçoivent qu'elles sont allées trop loin elles aussi en autorisant ce genre de choses. Farian a bel et bien été "couvert". Pilatus aura au moins la décence de rendre ses Grammys. Courageusement, avec son compère, il ira même jusqu'à enregistrer un disque sous le nom de Rob & Fab pour montrer qu'ils savaient au moins chanter, car avec la chute de Milli Vanilli la maison Boney M était aussi en feu : tout le monde savait que c'était aussi du playback désormais. Ça n'empêchera en rien les firmes de disques de continuer : Madonna a alors déjà débuté sa carrière, et ce ne sont pas ces prouesses vocales qui l'étouffent. Malgré ses fans, toujours prompts à le dissimuler. On ne touche pas à l'idole sacrée !
La faillite du système Boney M n'empêchera aucunement Farian de continuer à escroquer. Il lancera "Eruption" avec cette fois une chanteuse véritable, Precious Wilson, (qui avait beaucoup de mal à mimer son playback à la télévision, à en être pitoyable !) qu'il finira par imposer dans Boney M à la place de celle qui ne chante pas, Maizie Williams. Precious Wilson sera ainis la chanteuse du groupe sur l'album de Boney M "Oceans of Fantasy" : la honte suprême pour ce pauvre Farrell. Même chose pour le chanteur de Milli Vanilli. Le 2 avril 1998, Pilatus, miné par l'image qu'on avait fait de lui, devenu drogué et ayant eu affaire à la police sera retrouvé mort dans une chambre d'un hôtel miteux de Francfort : d'une overdose de comprimés et d'absorption d'alcool, à 32 ans. Personne ne parlera de suicide pourtant : il était au bout du rouleau, celui créé par un système sans foi ni loi et un individu sans aucun scrupule. Farian était même allé après le scandale à faire un disque intitulé "The Real Milli Vanilli" avec les vraies voix ; mais sans Shaw, qui en avait eu sa claque de jouer les doublures de talent ! Sans aucun scrupule, je vous le disais !
Mais Farian avait inventé un procédé et les firmes de disques l'avaient soutenu : pensez-donc, avec lui, les tournées de groupes de chanteurs et de musiciens se résumaient à de faux chanteurs et pas de musiciens, mais une bande magnétique : c'est la grande époque des tournés de boîtes de nuit à la place de vieux théâtres, ça coûte dix fois moins cher (la bande magnétique ne mange rien et ne dort pas l'hôtel mais dans un coffre de voiture). Tout bénéf, on peut se concentrer sur... les chorégraphies. C'est dans quoi vont s'engouffrer les Britney Spears et consorts, qui vont transformer les scènes en galas de gymnastique rythmique, les cerceaux en moins. On table sur l'attirance historique du public pour ça, en fait. On aura de la sueur et des larmes, mais pas de sang, faut pas effrayer le jeune public. C'est plus tard que ls shows deviendront plus "sex", avec les hétaïres chantantes comme... Lady Gaga, qui est loin d'être la pire et est très certainement la plus maligne du lot. En 2008, la même Britney se paiera la même "incident" que Boney M, ou presque. Une panne de micro révélant sa voix de... casserole : ou plutôt, un technicien, écœuré de la duperie manifeste, mettant en ligne le son isolé de son micro. Catastrophique mais habituelle prestation...
Aujourd'hui, il y a même des sites pour vénérer pareille horreur : c'est à se demander ce qu'ont certains dans la tête. De la purée ? Milli Vanilli avait vendu 30 millions de "singles" et 11 millions d'albums entre temps, toujours avec les mêmes conditions que pour Boney M. Un seul individu s'en était à nouveau sorti : celui vers qui allaient les 90% de recettes. Frank Farian, l'un des plus grands escrocs que le show-bizz ait pu inventer. Un escroc inarrêtable : en 2006 il ressortira même un "medley" le "Daddy's Cool 12" Mix" et placera même en mai 2007 un album "Mad About The Boy" au top d' Euro Dance Hits et EuroNRG Top 40, interprété par un obscur australien, Peter Wilson, qui n'a pas bien dû lire son contrat, lu aussi. La bêtise du public étant insondable, et toute une vogue de musique soi-disant destinée aux trentenaires sur le retour avide de morceaux de leur enfance, ou au marché homosexuel, davantage attiré par l'apparence que les prouesses vocales étant apparue, cela s'explique. En France, on a les mêmes contingences économiques de renouvellement des ventes, qui vous fabriquent un Chantal Goya revival perpétuel (va falloir l'empailler de son vivant, bientôt ce sont les petits enfants qui seront amenés en spectacle par ses premiers fans- ah, c'est déjà le cas-) ou qui vous mène sur les planches une artiste comme Mylène Farmer, "une vraie show girl" (dixit sa presse toute dévolue à l'encenser), dont tout le monde sait que le mince filet de voix qui sort de sa bouche est disons "soutenu" par quelques artifices, restons polis.
Ce pauvre Bobby Farrell n'a donc jamais été "le chanteur de Boney M", mais son danseur seulement. Et il est mort après en avoir bavé, avec cette horreur et cette escroquerie, à devoir remonter sur les planches avec un costume à paillettes ou à plumes grotesque, à 60 balais passés. Il s'en serait bien passé. On s'était assez moqué de lui, pourtant. Alors quand je lis la presse, aujourd'hui, je suis assez effondré à vrai dire, car personne n'en parle, de sa vie gâchée : aujourd'hui, il est plus difficile de faire pire comme carrière, car c'est un peu plus réglementé à vrai dire, mais il convient quand même de rappeler à ceux qui seraient tentés de faire attention à ce qui surmonte l'endroit de la signature du contrat, car des vies ont été brisées dans cette machine à broyer, faite soi-disant pour votre seul plaisir musical... et Bobby Farrell en est, hélas, le pire exemple.
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