Face à Trump : après l’effroi, profs et collégiens français entrent en Résistance
Le 9 novembre, il y a tout juste une semaine, était élu Donald Trump à la présidence des Etats-Unis. Chacun a pu constater la consternation dans nos médias, ouvertement militants. Nombreux sont les journalistes et les experts qui avaient jugé l'élection d'Hillary Clinton absolument certaine, à l'instar de Didier Fassin, professeur à Princeton, qui affirmait dans Le Monde du 11 octobre 2016 : "L’issue de l’élection présidentielle américaine est déjà connue. Donald Trump sera battu", avant d'enfoncer le clou : "la victoire d’Hillary Clinton ne fait guère de doute et la défaite de Donald Trump promet même d’être sévère". Précieux oracle...
Passée plus inaperçue, la même gueule de bois semble avoir affecté de nombreuses écoles, autres lieux de formation (pour ne pas dire de formatage) des esprits. Divers articles sont parus ces derniers jours dans la presse, rendant compte d'un véritable sentiment de panique, presque de terreur, tant chez les enseignants que chez les élèves. Mais face ce désarroi, la résistance s'organise pour que la France ne connaisse pas le même destin funeste en mai 2017.
Le 15 novembre, sur le site de Télérama, une prof de lettres classiques au collège nous narre sa troublante expérience : "Se retrouver face à ses élèves le jour de l’élection de Donald Trump". Ce texte, bien involontairement sans doute, est furieusement comique et fera mourir de rire quiconque n'est pas prisonnier de la doxa médiatique...
Le rire est certes cruel car Lucie Martin (c'est le pseudo que s'est choisie notre professeur blogueuse) nous dépeint une tristesse générale et même abyssale ; en effet, tous les profs, comme beaucoup d'élèves, semblent avoir sincèrement envie de chialer : "En salle des professeurs, mercredi dernier, tôt le matin, la consternation. Une collègue d’histoire, les yeux dans le vide, au bord des larmes". On n'est pas encore en Corée du Nord, où la population pleure de façon ostentatoire à la mort de son tyran, mais, comme le note malicieusement Aldo Sterone dans sa dernière vidéo, on n'en est plus très loin...
Un autre collègue de Lucie Martin, dont le parti pris semble ne rien avoir à envier à celui de nos journalistes pro-UE (voir la vidéo ci-dessous), se demande "si, finalement, le métier que nous faisons a encore un sens, si c’est pour en arriver là." Le métier d'enseignant aurait manifestement gardé tout son sens, pour notre homme, si la belliciste et corrompue Hillary Clinton l'avait emporté...
Puis, Lucie Martin, se retrouvant face à ses élèves de troisième, dans la pesanteur maudite de ce matin de novembre, fait ce constat accablant : "le choc est là, faisant écho au mien". Fascinante unanimité, troublante osmose. On se croirait un lendemain d'attentat... D'ailleurs, la prof de lettres classiques fait elle-même ce parallèle pour le moins osé :
"J’ai revu mercredi dans les yeux de mes élèves la même sidération, la même incrédulité qu’il y a un an [pour les attentats du 13 novembre]. L’intensité du choc n’est évidemment pas comparable : ce ne sont plus 130 morts, ce n’est plus Paris. Mais c’est malgré tout la conscience évidente que le monde bascule dans un inconnu terrifiant. Et c’est inhumain de se le voir rappeler, plusieurs fois par an, quand on a à peine quinze ans."
Lucie Martin est-elle au courant que les financiers de Daech (les gouvernements du Qatar et d'Arabie saoudite) sont les mêmes que ceux de la Fondation Clinton, dixit Wikileaks ? N'est-ce pas plutôt cela qui est "terrifiant", comme le relèvent John Pilger et Julian Assange ?
Lucie nous narre les réactions apeurées, et même traumatisées, de ses élèves : Nathan, Sofia, Mathis, Ines, Enzo... Attention, séquence lacrymale :
"Nathan dit que ce n’est pas sûr, les résultats ne sont pas encore officiels. [...] Il ne veut pas m’écouter, pas me croire. Il est poignant. Je bascule sur Internet, la première page du Monde, je tourne l’écran vers Nathan et vers les autres. Silence consterné de toute la classe qui découvre en gros plan le définitif visage du nouveau président des Etats-Unis."
Véritable scène d'horreur, digne d'un 21 avril 2002... avec la tête de Jean-Marie Le Pen qui s'affiche dans le poste et les jospinistes en sanglots, au bord de la crise de nerfs... Nos collégiens et leur enseignante abasourdie auraient presque eu besoin, à leur tour, d'une cellule psychologique pour les aider à surmonter leur traumatisme.
Mais pourquoi se borner à une comparaison avec le 21 avril 2002 ? ou même avec le carnage du 13 novembre 2015 ? Allons-y pour le 11-Septembre ! La prof de lettres va elle-même mettre en parallèle les deux événements. Là encore, sortez vos mouchoirs :
"Ines demande la parole à son tour. « Mais alors s’il fait ce qu’il a dit, cela veut dire que je ne peux pas aller aux Etats-Unis, moi ? » Ines est musulmane. Je me mords la lèvre : « Non, Ines, s’il le fait vraiment, tu ne pourras pas. Mais tu sais, entre ce qu’on dit dans une campagne électorale et ce qui est fait une fois l’élection passée, il y a souvent un monde. » Elle n’est pas convaincue, aucun ne l’est, moi non plus.
L’espace d’un instant, je me suis retrouvée projetée quinze ans en arrière, face à une adorable petite élève de sixième, afghane, au lendemain du 11 Septembre : « Madame, je vais devoir aller en Afghanistan ? Ils vont nous envoyer là-bas à cause de ce qu’il s’est passé ? Mais je ne veux pas moi ! Je veux rester là ! » La panique, la détresse totale."
Ces réactions outrancières font penser à un sketch de Dieudonné (assurément l'un de ses meilleurs) : celui du journaliste, où il explique qu'après le 11-Septembre, ils sont tous descendus dans son immeuble casser la gueule à un Marocain qui habitait en bas, sous prétexte qu'il avait les clés du local à poubelles... et qu'il aurait pu s'y faire exploser.
Comment a-t-on pu laisser croire un seul instant à une petite Afghane vivant en France qu'il était seulement envisageable qu'on la renvoie en Afghanistan à cause de ce qui s'était passé aux Etats-Unis ? La peur aurait due être immédiatement calmée par un être de raison, car elle n'avait aucun fondement (d'autant que la France avait alors un gouvernement de Gauche plurielle, pas franchement d'extrême droite). De même, les promesses de Trump sur l'interdiction d'entrée des musulmans aux Etats-Unis sont si évidemment électoralistes (du moins sous leur forme la plus stricte) qu'elles ne seront évidemment pas tenues ; d'ailleurs, son équipe de campagne avait déjà adouci sa position en juin dernier, affirmant que l’interdiction d’entrée ne concernerait que les ressortissants des « Etats terroristes » (ce que la France n'est pas encore).
L'enseignante, consciente qu'elle n'a pas à faire de militantisme avec ses élèves, en fait tout de même un peu (la tentation est trop forte), mais discrètement :
"J’évoque les échéances électorales qui approchent en France également. « Cela n’arrivera jamais chez nous ! » s’exclame Enzo. J’envie sa confiance, je le lui dis. Je leur signale que le XXe siècle est au programme de troisième, je les supplie de bien écouter, d’entendre, de comprendre. Je ne suis pas censée faire de politique, évidemment. Evidemment…"
Que sont censés comprendre ces élèves de 14 ans ? Vraisemblablement que le FN du tandem Marine Le Pen-Florian Philippot est l'héritier des fascistes et des nazis, et qu'il faudra lui faire barrage en mai prochain, au cas où sa candidate accéderait au second tour. La Résistance se met doucement en place. Enzo entre dans les pas de Jean Moulin.
L'enseignante, entourée de ses maquisards en culottes courtes, craint cependant les traîtres qui pourraient se trouver parmi eux ; en effet, tous les élèves n'ont pas parlé durant cette séance cathartique, tous n'ont pas dit haut et fort leur rejet de Trump :
"Mercredi dernier tous mes élèves n’ont pas pris la parole, et je n’ai « interrogé » personne, bien sûr. Je les ai laissés réagir, j’ai accompagné les réflexions de ceux qui le souhaitaient, uniquement. Peut-être que, chez certains d’entre eux, ce matin-là, on s’est réjoui de l’élection de Donald Trump. Peut-être que certains espèrent qu’une élection similaire se déroulera chez nous dans quelques mois. Je l’ignore. Ceux-là n’ont en tout cas pas pris la parole, et tant mieux, car j’ignore totalement comment j’aurais été capable de réagir."
Incroyable propos, pour ne pas dire effrayant de la part d'une enseignante : Lucie Martin se réjouit qu'aucun élève n'ait osé dire sa satisfaction de voir Trump élu, car elle ne sait pas comment elle aurait pu réagir. Aurait-elle craint de fondre en larmes ? de se mettre en colère ? L'unanimisme escompté ici rappelle celui qui devait suivre l'attentat contre Charlie Hebdo ; tout le monde devait se sentir Charlie... et Nathalie Saint-Cricq avait même recommandé, on s'en souvient, sur la télévision d'Etat, de "repérer et traiter" ceux qui ne partageaient pas ce sentiment.
Concernant ce silence dans lequel se terrent ceux qui n'avaient pas envie de pleurer la défaite d'Hillary Clinton, Eric Guéguen a publié ce témoignage très parlant sur Facebook, que je me permets de partager ici :
"Imaginez : vous êtes passionné de politique, vous ne demandez qu’à en parler autour de vous dans la vie réelle, à faire vivre ce que l’on continue d’appeler pompeusement « démocratie », mais au quotidien, tout le monde s’en contrefout. Alors vous vous taisez.
Un beau matin, Trump est élu, vous vous pointez au boulot, tout le monde en parle en chialant… et vous comprenez que vous n’avez vraiment pas intérêt à donner votre point de vue. Alors vous vous taisez.
Voilà comment fonctionne la censure en France, par un conditionnement social qui navigue à vue entre désintérêt et moraline. Où est l’intelligence dans tout ça ?"
Et encore ceci :
"Pour rebondir sur le conditionnement social, j’ajouterais ceci : hier matin, dans le métro, j’entendais des personnes parler ouvertement du résultat de l’élection américaine. Je me suis rapproché pour écouter la teneur des mots échangés, avec une petite idée derrière la tête. Et ça n’a pas loupé : c’était deux jeunes filles qui rivalisaient de propos consternés pour dire combien elles s’inquiétaient du monde à venir à cause de Trump. C’était couru. Prends n’importe quel sujet politique – n’importe lequel – et tu verras que ceux qui parlent ouvertement, tout fort, sans le moindre scrupule pour offrir leur avis sont toujours du même bord. Pourquoi ? Parce qu'ils ont systématiquement raison ? Non. Parce qu’ils sont à leur aise, persuadés d’être du côté des Justes, des Gentils, des Preux. C’est ça Karine le confort de la bien-pensance..."
En cherchant sur le Net, on trouve d'autres témoignages de ce genre, comme dans un commentaire du site Riposte Laïque, émis par un enseignant mal-pensant :
"Moi aussi, lorsque je me suis retrouvée au milieu de mes collègues enseignants, j’ai eu droit au même concert de lamentations. Une de mes collègues a même affirmé d’un ton docte « Trump est fou, je l’ai lu dans les infos sur internet ». [...]
Et nous, les quelques uns qui se sont réjouis de cette élection, nous l’avons fait discrètement dans notre coin, parce que nous appartenons à la catégorie des fachos qui ont de toute façon tort et qui doivent donc se taire."
Tant que le Grand Basculement de l'opinion n'a pas encore eu lieu, les silencieux du monde "réel" se réfugient dans le monde "virtuel", qu'ils inondent de leur parole scandaleuse (hérétique). Demain, ou après-demain, qui sait si ce ne sont pas les tenants de la pensée correcte actuelle qui seront contraints de se terrer dans le cyberespace pour pouvoir continuer de s'exprimer ? Dans ce monde futuriste, les nouveaux dominants ne stigmatiseront plus la "fachosphère" ou la "complosphère" (puisqu'ils en seront), mais la "socialosphère" ou la "collabosphère"... Et la subversion ultime sera de soutenir (via des messages cryptés dans le Darknet) Emmanuel Macron ou Nathalie Kosciusko-Morizet.
France Soir nous a aussi fait part de la peur suscitée par l'élection de Trump chez les collégiens, les lycéens, et leurs enseignants :
"Donald Trump va-t-il "virer" les Mexicains et les musulmans des Etats-Unis ? Est-ce que ça va être "la Troisième Guerre mondiale" ? Après l'élection surprise du milliardaire à la présidence des Etats-Unis, des professeurs français répondent aux interrogations voire aux "peurs" de leurs élèves."
Il est étonnant de constater que, pour la plupart des gens, Trump constitue une menace de guerre mondiale... alors que, sur AgoraVox et tous les autres sites d'info citoyens ou alternatifs, par exemple Sputnik, c'est l'opinion contraire qui prévaut : c'est Clinton qui était une menace de guerre nucléaire avec la Russie, et Trump un gage de paix, d'apaisement.
De la 5e à la Terminale, tous les élèves rencontrés manifestent une vive anxiété. On nous raconte que, dans une classe de Secondes, où les deux tiers des élèves sont "issus de l'immigration", on a une "très mauvaise image" de Donald Trump. Les étudiants "ont fait le lien avec le Front national en France", estimant que "ça ressemble beaucoup au programme de Marine Le Pen". Ces élèves, dont beaucoup sont probablement musulmans, sont-ils au courant que Trump s'est opposé aux agressions contre l'Irak et la Libye, que Clinton a, de son côté, soutenues ? Agressions qui ont favorisé le terrorisme islamiste et, par voie de conséquence, considérablement détérioré l'image de l'islam...
Dans l'esprit des élèves, Trump se résume à ces qualificatifs : raciste, xénophobe, islamophobe, misogyne, fou dangereux... autant de marqueurs moraux entraînant des réflexes pavloviens de condamnation. Comme l'exprime un enseignant, opposé pour sa part à la doxa : "La propagande médiatique anti Trump que nous subissons depuis des mois semble avoir fonctionné : les petites têtes sont aussi malléables que du marshmallow."
En tout cas, ces "petites têtes" ne semblent pas être tombées sur ce discours de Trump contre l'oligarchie, qui aurait pu leur donner une autre vision du personnage :
Cette vidéo relève sans doute un peu de la propagande pro-Trump (et il n'est pas impossible que ce discours très offensif se révèle aussi faux que celui de François Hollande contre la finance), mais en tout cas cette jeune génération que l'on dit si prompte à surfer sur les réseaux sociaux et à s'abreuver de contenus pas toujours très recommandables, semble ici avoir succombé à la propagande des médias de masse.
Le site Investig'Action (dirigé par Michel Collon) avait récapitulé les options fondamentales que Trump défend, et que les grands médias passent systématiquement sous silence :
1) En premier lieu, les journalistes ne lui pardonnent pas ses attaques frontales contre le pouvoir médiatique. [...] Trump affirme souvent : « Je ne suis pas en compétition avec Hillary Clinton, mais avec les médias corrompus. » [...]
2) Une autre cause des attaques médiatiques contre Trump : sa dénonciation de la globalisation économique qu’il tient pour responsable de la destruction des classes moyennes. [...] Il rappelle que plus de 60 000 usines ont dû fermer ces quinze dernières années aux Etats-Unis et qu’environ cinq millions d’emplois industriels ont été détruits.
3) Trump est un fervent protectionniste. Il propose d’augmenter les taxes sur tous les produits importés. [...] Partisan du Brexit, il a déclaré que, s’il était élu, il ferait sortir les Etats-Unis de l’Accord de libre échange nord-américain (ALENA). Il s’est également attaqué au Traité Trans-Pacifique (TPP) et a confirmé que, une fois élu, il retirerait les Etats-Unis de l’accord [...]. Evidemment, s’il est élu, il stopperait aussi les négociations en cours avec l’Union européenne. [...] Dans des régions comme le rust belt, la « ceinture de rouille » du nord-est où les délocalisations et la fermeture d’usines ont fait exploser le chômage et généralisé la pauvreté, ces propos sont reçus avec enthousiasme et font renaître tous les espoirs.
4) Autre option dont les médias parlent peu : son refus des réductions budgétaires néolibérales en matière de sécurité sociale. De nombreux électeurs républicains victimes de la crise économique, et tous ceux qui ont plus de 65 ans, ont besoin de la Social Security (retraite) et du Medicare (assurance maladie) mis en place par le président Barack Obama que les autres dirigeants républicains veulent supprimer. Trump a promis ne pas revenir sur ces avancées sociales. Il a aussi promis de diminuer les prix des médicaments, d’aider à régler les problèmes des « SDF », de réformer la fiscalité des petits contribuables, et de supprimer un impôt fédéral qui touche 73 millions de foyers modestes.
5) Dénonçant l’arrogance de Wall Street, Trump propose également d’augmenter de manière significative les impôts des traders spécialisés dans les hedge funds (fonds spéculatifs) qui gagnent des fortunes. Il promet le rétablissement de la loi Glass-Steagall (votée en 1933 pendant la Dépression et abrogée en 1999 par William Clinton), qui séparait la banque traditionnelle de la banque d’affaires pour éviter que celle-ci puisse mettre en péril l’épargne populaire par des investissements à haut risque. [...]
6) En matière de politique internationale, Trump s’est fait fort de trouver des terrains d’entente à la fois avec la Russie et avec la Chine. Il veut notamment signer une alliance avec Vladimir Poutine et la Russie pour combattre efficacement l’organisation Etat islamique (Daesh) même si pour l’établir Washington doit accepter l’annexion de la Crimée par Moscou.
7) Enfin, Trump estime qu’avec son énorme dette souveraine, l’Amérique n’a plus les moyens d’une politique étrangère interventionniste tous azimuts. [...] Contrairement à plusieurs responsables de son parti, et tirant les leçons de la fin de la guerre froide, il veut changer l’OTAN : « Il n’y aura plus – affirme-t-il – de garantie d’une protection automatique des Etats-Unis envers les pays membres de l’OTAN. »
Les enseignants en pleurs sont-ils seulement au courant de tout cela ?
Parmi les qualificatifs infamants que l'on accole à Trump, n'oublions pas celui de conspirationniste. France Soir rapporte en effet l'avis de Sophie Mazet, professeur d'anglais connue pour ses cours "d'auto-défense intellectuelle", pour laquelle cette élection va être intéressante, car "Trump est très conspirationniste". Un beau sujet d'études en perspective...
Le nouveau président des Etats-Unis semble bien avoir placé la barre très haut en matière de théories du complot. En mai dernier, le site alternet.org en dénombrait pas moins de 58, que Donald Trump aurait repris à son compte. Et, en novembre, Right Wing Watch en recensait 101 ! De quoi donner des sueurs froides au gouvernement français, qui s'est résolument engagé dans la lutte contre ce fléau chez les jeunes, et à John Paul Lepers qui lui a récemment emboîté le pas.
Anecdote significative : le président élu Trump aurait appelé le fameux conspirationniste Alex Jones pour le remercier de son soutien déterminant, au grand dam de Tristan Mendès-France, intervenant au CELSA sur les nouvelles cultures numériques...
"Trump a placé le conspirationnisme au cœur des élections présidentielles américaines comme personne sans doute avant lui dans l’histoire récente des Etats-Unis. [...]
2016 marque un point de rupture : c’est la première fois qu’un individu jouant à un tel degré et de manière aussi décomplexée avec le conspirationnisme parvient à passer le seuil du Bureau ovale. Trump a-t-il remporté la victoire en dépit de ses tonitruantes sorties complotistes ou celles-ci ont-elles au contraire joué un rôle déterminant dans son élection ? Seule certitude : il n’est désormais plus possible d’affirmer que le conspirationnisme disqualifie pour toujours un entrepreneur politique. En ce sens, l’élection de mardi apporte un démenti cinglant à tous ceux qui estiment qu’être qualifié de « conspirationniste » – comme le fût, à raison, Trump tout au long de cette campagne – vous diaboliserait au point de vous faire perdre les suffrages populaires. Certains entrepreneurs de politisation comme, en France, le souverainiste François Asselineau, l’ont bien compris qui ont bâti toute leur stratégie sur la main tendue à ces « anti-Système » qui, s’abreuvant quotidiennement à la source des sites spécialisés dans la dénonciation de complots en tous genres, n’en sont pas moins des électeurs… et des activistes potentiels.
L’anticonformisme conspirationniste d’hier s’apprête-t-il à devenir, avec l’avènement de Trump, la nouvelle « pensée unique » si décriée par les « anti-Système » ? Il est encore trop tôt pour le dire."
Nous pourrions répondre à Reichstadt et consorts que, si un conspirationnisme grossier n'est plus disqualifiant pour attirer à soi des suffrages, voire pour accéder au pouvoir, c'est que les entrepreneurs de l'anti-complotisme primaire (dont il fait partie) ont traité un sujet majeur de notre temps (la suspicion légitime des citoyens face aux paroles d'autorité à l'ère numérique), qui réclamait une grande finesse d'analyse et un brin d'empathie, avec bien trop de grossièreté, de mépris et de moquerie. Et avec du mépris et de la moquerie, on radicalise les gens, qui finissent par rejeter fermement ceux qui les prennent de haut et les raillent, quitte à aller vers un leader qui dit parfois un peu n'importe quoi (101 théories quand même...), mais qui les défend face au "Système". Peu importe que Trump dise parfois faux, et d'ailleurs il n'est sans doute pas cru au pied de la lettre par ses supporters, d'où l'inutilité des debunkages (parfois justes) des grands médias.
Comme l'écrivait récemment TahitiBob74 sur AgoraVox :
"Cette élection porte [...] la marque d’une [...] évolution majeure qui est la perte de légitimité des mass-média traditionnels (encore appelés « médias mainstream ») désormais perçus comme inféodés au Système et à ses intérêts par une large partie de la population. Sur les 200 grands journaux US, 95% ont soutenu HC et seulement 5% DT ! En réaction ont émergé aux US des organes de « ré-information », en particulier Breitbart News, Rush Limbaugh Show, The Blaze, Sean Hannity Show ou Glenn Beck Program."
Les médias dits de "ré-information" ont évidemment tout intérêt à informer avec le plus de scrupules possibles, mais même leurs erreurs ou leurs outrances ne les disqualifient pas pour l'heure, tant le rejet est fort des donneurs de leçon et autres inquisiteurs médiatiques, sévissant sur tous les canaux de diffusion depuis plusieurs décennies.
Si les enseignants et leurs ouailles entrent en résistance pour qu'un Trump français n'accède pas à la présidence de la République l'an prochain, ils risquent de se heurter au mur du réel, à un sens de l'Histoire qui n'est certes pas une ligne droite (avec un idéal au bout), mais plutôt un mouvement de balancier, où moments de "libération" et de "conservation" se succèdent sans cesse, l'un et l'autre ayant tendance à aller au bout de leur logique, à l'excès. Le mouvement libéral, positif en sa naissance, finit par se montrer par trop destructeur pour les peuples, qui vont inexorablement en prendre le contre-pied. En France, le revirement n'aura pas forcément lieu en 2017, mais il est probable qu'il approche à grands pas.
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